On était à
Solidays, grande party de jambes en l’air

C’est beau l’amour : on s’attire, on s’attrape, on s'étripe. Le festival, lui, ça fait 17 ans qu’il parvient à chopper, et cette année ce ne sont pas moins de 200 000 festivalier(e)s qui lui sont tombés dans les bras. Mais attention, Solidarité Sida veille sur le summer of love : que des rapports sages et protégés, sinon rien ! Trois jours à parcourir les formes de ses collines, à chatouiller ses pelouses au son d’une programmation digne de la meilleure sextape de l’été. On y était, on vous raconte.

Jour 1. 18h50, opération séduction

Les Solidays et nous, c’est un peu une histoire longue-durée et longue-distance : on se retrouve chaque année depuis quatre ans en terrain conquis, et il faut raviver la flamme. Fraîchement déposés sur le flanc de l’Hippodrome par l’efficace navette, on attrape un programme en échange d’un don à prix libre. L’occasion de constater que le festival a d’autres fréquentations régulières : Salut c’est cool, Deluxe, Faada Freddy, The Avener, Bloc Party, Naïve New Beaters sont de retours eux aussi cette année. Mais quelques nouveautés viennent pimenter l’édition, avec l’annonce de trois nouvelles scènes (L’Arena Club, Le Kiosque et Le Tipi), des nouveautés dans la prog’ camping et - must du must - une offre de restauration plus importante, plus savoureuse et plus responsable.

20h20, se mettre la fièvre pendant des heures

Début de soirée vendredi, le mercure est déjà haut parmi la foule : le soleil brûlant, le set de feu de Faada Freddy et ses vocalises a capella ont mis les festivaliers en ébullition. Dans la foule, quelques jeunes têtes ont pris au mot le “Solidays of love”, clin d’oeil au californien et hippie “Summer of love”, en adoptant un complet bandanas-lunettes-rondes-fringues-sixties. On les retrouve suaves et transpirants devant Naâman qui achève de faire monter leur fièvre.

21h30, vivre d’amour et de bière fraîche

Pendant que Patrice et Rover prolongent la phase séduction, on s’échappe étancher notre soif de fraîcheur. On est finalement totalement refroidis après deux tours du festival à la recherche d’une alternative au couple Heineken-Desperados. Heureusement, les portes du Bar Métal (photo) s’ouvrent à nous et on se jette sur leur choix de pressions. C’est l’occasion de retrouver l’habituel tue-l’amour du festival : que des bières au demi, et à partir de 3,5 euros s’il-vous-plait. On part se consoler dans les basses des dandys déjantés de Feu! Chatterton qui avaient su faire monter l’attente en commençant leur set avec 2h15 de retard.

22h30, profiter de préliminaires longuets

C’est à M83 (photo) que revient la dure mission de faire durer le plaisir. Venu défendre son dernier album, le groupe ne part pas gagnant d’avance, et il faut attendre quelques longues minutes avant que des frissons ne parcourent à nouveau le public. Mais le petit gars d’Antibes, rejoint à mi-parcours par Mai Lan et porté par le succès de Midnight City, réussit finalement à (nous) emballer. Ce n’est pas le cas de Flume, dont deux-trois de ses pistes suffisent à nous refroidir : (bien) trop de distance, (beaucoup) trop de boucles pré-enregistrées et (carrément) trop d’assurance.

00h50, se réconcilier sur l’oreiller

Les 12 coups de minuit sonnent l’arrivée des gars de Bloc Party (photo), venus présenter leur dernier album. Les anglais sortent à peine d’une dure rupture et c’est le coeur lourd qu’ils évoquent le Brexit. Ils chassent leur chagrin par un set survolté : Kele Okereke se contorsionne sans claquage entre leurs nouveaux sons électros et leurs tubes indie rock.

02h20, rentrer couvert

Passé 1h, le pouls des festivaliers s’accélère : désinhibée, la nuit revêt ses beats de lumière. Teintées de hip-hop chez DJ Snake, hybrides pour Gener8ion, techno-house du côté de Boys Noize, ou “toujours pareilles” chez Salut c’est cool !, les sonorités électro enflamment les festivaliers. Quelques heures plus tard, l’ultime navette emporte les derniers coups de soleils sur la route du sommeil.

Jour 2. 16h30, passer l’épreuve du premier rencard

Le soleil est encore haut quand on arrive samedi après-midi. Quelques déguisements à peine suggestifs laissent deviner l’enjeu derrière l’événement et rappellent l’identité de son organisateur : depuis 1999, Solidarité Sida reverse les bénéfices aux associations de lutte contre la maladie. Alors que ça discute humanité avec Christiane Taubira du côté du Forum Café, on se faufile jusqu’au Village Associatif, finalement un peu planqué, pour parcourir la centaine d’assos présentes : handicap, discrimination, santé, droits humains, environnement, … rien n’est oublié. À noter que l’expo Happy Sex de Zep et celle, ludique et coquine, de Sex in the city, viennent compléter le discours par l’expérience.

18h30, vivre un amour précoce

S’il avait fallut deviner qui mettrait le public à genoux, aurait-on trouvé ? Un jeu de scène à tomber, un humour à vasciller, une humilité à s’incliner : Bigflo et Oli (photo) ont déclenché un sérieux coup de foudre dans le ciel bleu des Solidays. Un set mené d’une main de maître par les deux frères avec une fraîcheur et une classe à mettre des papillons dans tous les ventres. Très différent du show d’Oxmo Puccino et son flow lourd très teinté 90s.

21h20, expérimenter les (autres) plaisirs de la bouche

Après un long moment passé à savourer “AllttA”, nouveau projet sonore et visuel de 20syl et Mr. J Meideros, nos corps ont besoin de reprendre des forces. Il faut dire que le duo sait affoler les foules : le public, frustré d’avoir été privé du bon hip-hop de Flatbush Zombies annulé la veille, fait le plein d’émotions. Un passage éclair devant le show millimétré et sage de Keziah Jones, et nous voilà attablés devant l’un des très nombreux foodtrucks et stands du festival.

22h03, s’envoyer en l’air dès le premier soir

Pour tout ceux qui n’auraient pas pris leur dose de kiff dans les vibrations des concerts ou sous couvert des protections distribuées ça-et-là aux stands de prévention, les Solidays offrent aussi du shoot d’adrénaline en accès libre, version saut dans le vide. De quoi accéder directement au septième ciel à deux (ou à trois d’ailleurs) avec un plaisir assuré, surtout quand on a eu plusieurs heures de file d’attente pour rêver du grand saut.

23h40, faire l’amour à la belle étoile

Bien dans notre tête, bien dans nos shoes, on échappe à Selah Sue pour prendre la direction du Dôme avec la conviction qu’on ne sera pas surpris. Le set de The Shoes (photo), on le connaît bien pour l’avoir déjà vécu à Scopitone, au Cabaret Vert… et pourtant : le duo débite ses riffs et ses GIFs à tour de bras et nous transporte toujours autant. Pendant ce temps, du haut de ses 76 ans, Calypso Rose fait rêver jusqu’aux plus jeunes sous le chapiteau de la scène César Circus, dans un cadre à la fois fourmillant et intimiste. Le temps d’écouter le discours d’hommage aux bénévoles, et c’est Deluxe qui prend le relais : en quelques minutes, tous les yeux s’accrochent sur l’habituelle jupe-moustache de Liliboy.

01h50, aller jusqu’au bout

Parce qu’Heineken sait se placer dans tous les bons coups, le festival se devait d’accueillir la scène musiques actuelles “Green Room” de la marque. Au programme, un line-up pointu qui a su trouver son public en continu pendant les trois jours. Ce soir, on avait la chance d’y retrouver Scratch Massive (photo) ainsi que le projet Molécule : un album enregistré sur un chalutier au coeur de l’Atlantique Nord. Un voyage sensoriel fort avant de rejoindre le monde réel via la navette du festival.

Jour 3. 16h05, tenir dans la durée

Un seul nuage dans le ciel du troisième jour des Solidays : arrivés un peu tard, on a loupé Bagarre. Une erreur de parcours vite oubliée grâce à General Electriks (photo) : dans son lycra noir-argent, le bassiste-clavieriste Jessie Chaton nous emporte dans une folle partie de jambes en l’air : déhanché, coup de pied, sauts, mouvements de bassins, les fauves sont lâchés. Une heure plus tard, on en ressort décoiffés et transpirants, un sourire béat collé sur le visage.

17h40, le faire en silence

Être sur la même longueur d’onde n’a jamais été aussi pertinent que du côté de la Silent Party (photo). Dans les casques, le choix entre deux channels rythmés par les DJs installés dans l’arène font vrombir les corps des festivaliers de façon synchrone, ou pas. Quand la musique de chambre rivalise contre un hip-hop un peu lourd, chacun choisit son camp de manière visible et des affinités se forment.

18h30, pi(g)menter sa journée

Comme chaque année, la Holi, traditionnelle fête des couleurs indiennes, fait son comeback grâce à l’armée de bénévoles d’attaque pour distribuer les sachets de pigments de la Color Party (photo). Le compte à rebours s'égraine et le top départ est lancé : les coups de soleil ont disparu, le public a repris des couleurs. Une soif soudaine nous invite à traverser la scène Bagatelle : c’était sans compter le succès de Jain, dont le public a visiblement décidé d’exprimer sa passion dans le plus d’espace possible.

20h01, se dorer la pilule au soleil

Quand on ne s’y attend pas, ça peut surprendre un peu : dimanche, 20h, c’est le moment qu’a choisi Bill Gates pour débarquer sur scène. Il introduit Cypress Hill et réaffirme au passage son soutien à la lutte contre le sida. Le groupe (nous) enchaîne à coups de medleys, hits et valeurs sûres : une performance sans risque, bien protégée et à forte dose de plaisir qui serait certainement approuvée par Solidarité Sida.

21h40, profiter en toute naïveté

C’est le tour des têtes brûlées de Naïve New Beaters (photo) de s’occuper de nous. Une tâche prise avec beaucoup de soin et de décontraction par le groupe, bientôt rejoint par Izia qui signe avec eux un featuring sur Heal Tomorrow. De l’autre côté du festival, pendant que Tiken Jah Fakoly harangue la foule sur des valeurs d’humanité, Petit Biscuit fait chapiteau-comble : impossible d’en approcher, dommage car on aurait bien aimé y goûter.

22h30, savoir partir

Sur le chemin de Louise Attaque, programmé en clôture du festival, l’entre de la Guinguette (photo) s’offre à nous, ouverte et accueillante. Impossible de résister à l’appel de cet espace hors du temps du festival. À l’extérieur, sous les arbres, autour d’un pichet de rosé, les festivaliers prennent une dernière fois leur pied avant la fermeture.

Le bilan

Côté scène

Les tombeurs
Bigflo et Oli, à faire tomber les rimes et les jeunes filles

Les sex bombs
General Electriks, le courant n’est jamais aussi bien passé

Le mauvais coup
Flume, un échec pour allumer notre flamme

Les beaux gosses
Les DJs de la Silent Party, pour leur talent à titiller nos oreilles

Le coeur coulant
Petit Biscuit, vu son succès il est à croquer

Côté festival

On a aimé :
- j
ouir des grands espaces de l’Hippodrome
- S
e laisser transporter par le service de navettes irréprochable
- Ê
tre entouré des bénévoles très présents et efficaces
Se soulager dans les toilettes aux files impressionnantes mais rapides

On a moins aimé :
Cette petite frustration de ne pas connaître les horaires des concerts en avance
Le coup dur du combo demi-Heineken-cher
La plage entre 00h et 02h qui manque parfois d’alternatives entre deux scènes électro

Conclusion 

Les Solidays, c’est comme un rapport protégé : un lieu de plaisir en toute sécurité avec la certitude qu’aucun imprévu malencontreux ne va arriver, un univers sage pour prendre soin de la jeunesse. De quoi faire de  la place à tout le reste : au bonheur de se retrouver, de vibrer ensemble, de s’extasier… et plus si affinités.

Récit et photos de Millie Servant