On était à
Lollapalooza Paris, heureusement qu’il y avait la musique

Le Lollapalooza débarque à Paris bourré de bonnes intentions et de groupes mythiques. La grosse machine américaine n’a pas hurlé cocorico en proposant des artistes majoritairement étrangers et en accueillant un public qui ne l’est pas moins. Public qui aura, lui, bien hurlé, mais pas vraiment pour les mêmes raisons. On vous raconte nos deux jours à l’Hippodrome de Longchamp, entre claques scéniques et organisation bâclée.

Jour 1. 13h34, chaud patate

C’est sous un soleil timide et entourés d’une centaine de jeunes filles en fleurs (littéralement, on trouve une couronne florale au mètre carré) que nous découvrons le site du Lollapalooza Paris. Accueillis par un appareil à bulles ma foi bienvenu et une devanture qui en jette pas mal, on court se sustenter car il est après tout l’heure de déjeuner et la nourriture, nous ne le répéterons jamais assez, c’est sacré. On trouve au détour d’une fausse Tour Eiffel posée en plein milieu du site un petit stand qui ne paye pas de mine. On nous sert des pommes de terre fourrées au fromage, à la crème, aux lardons, bref, fourrées au bonheur, et on peut même les payer en espèces sans passer par le cashless.

14h28, cidre is the new bière

Bon, il a bien évidemment fallu charger son bracelet car la plupart des autres stands ne proposaient pas de payer autrement. On a donc dû prendre notre mal en patience et aller faire la queue à l’immense stand cashless. Une fois blindés de flouze, on court se rafraîchir à coup de grandes lampées de cidre doux à un prix qui lui donnera un goût amer, et on se cale le fessier sur un sol déjà bien abîmé devant Tiggs Da Author sur l’Alternative Stage. On en profite pour apprécier la qualité sonore et les bonnes vibes de l’artiste qui gesticule comme une puce sous acide. À regarder autour de nous, on le suspecte de ne pas être le seul.

15h23, on s’ennuie un peu, non ?

On se décide à aller voir Lemaitre sur la Main Stage 1. Le groupe aura un quart d’heure de retard à cause des transports (bienvenue à Paris les gars), et ayant été dans l’incapacité de faire ses balances, il tente tant bien que mal de faire fonctionner un show édulcoro-électro un peu bancal. Ça ne prend pas sur nous et on va plutôt retourner sur nos pas pour aller voir Crystal Fighters. Pour tout vous avouer, ça n’a pas pris non plus. On a bien aimé le décor et les costumes, mais leur pop bienveillante nous a rapidement ennuyés, d’autant que nous étions trop loin de la scène pour en ressentir la ferveur. On décide d’explorer le reste du festival, mais on se retrouve vite happés par un gros “OUNSE-OUNSE” provenant de la Perry’s Stage.

16h08, on prend de l’amplitude

Et là les amis, là on découvre un monde totalement à part : une scène composée uniquement de néons et de lumières violentes devant laquelle hurle un public turbo-déchaîné grâce à un Joyryde qui bourrine les amplis. Nos pieds se décollent instantanément du sol et on se retrouve à improviser une danse qui fait valser la poussière dans les yeux de son voisin. Tout autour de la Perry’s Stage il règne comme une ambiance de fête foraine, entre camion à gaufres, stand de slushies - granité version US - et animations diverses. La fête terminée on part à la recherche de l’hydromel du festival : la bière. Parce que le cidre c’est bien mignon mais ça ne tient pas au corps. Eh bien à 8,50€ la Grimbergen (hors consigne sinon c’est pas drôle), dites-vous bien que l’hydromel nous fait hyper mal au cul. Un barman nous sert copieusement un verre en nous glissant “au prix que ça coûte...” et il devient instantanément le héros de notre soirée.

17h34, rien ne va plus

C’est à partir de ce moment-là que la désillusion a pris peu à peu forme. Par où devons-nous commencer l’effeuillage de la misère ? Par la file d’attente des toilettes, tellement longue qu’il faudra attendre jusqu’à UNE HEURE ET DEMIE pour pouvoir se soulager (notamment les filles qui n’ont pas le privilège de sortir leur bistouquette où bon leur semble) ? Par l’absence aberrante d’un point d’eau potable en plein été qui oblige les festivaliers à payer une bouteille d’eau 3€ au bar ? Et quid de la sous-capacité du site à accueillir autant de monde ? Car l’heure de pointe arrivée, on se marche dessus comme pas permis et il est tout bonnement impossible de ne pas se sentir oppressé, même dans les espaces ouverts.

18h25, The Hives sauvent les meubles

Heureusement on peut compter sur la puissance des concerts. Et ça tombe bien parce que The Hives (photo) sont sur le point de se produire sur la Main Stage 2, qui se trouve d’ailleurs juste à côté de la Main Stage 1. Le groupe offre un live d’une énergie dingo, on (re)découvre un Howlin' Pelle Almqvist complètement pété du bulbe qui nous rappelle un certain Iggy Pop, mais version Ikea. Il passe son temps à jouer avec le public qui de son côté possède une réactivité à toute épreuve. Tout cela nous fait (un peu) oublier les tracas de l’organisation, et nous redonne sourire et bonne humeur le temps d’une petite heure.

19h40, tant d’activités

On a toujours autant de mal à se déplacer sur le site, certains passages sont même carrément bouchés. On flâne tant bien que mal du côté de la Cidrerie et de la Beer Factory, on va voir les stands des marques partenaires où Levi’s propose de customiser vos pantalons et vestes en jean, où Huawei vous fait un relooking complet et vous tire le portrait par un professionnel, et où Get 27 vous envoie en l’air en vous invitant à tester une simulation de saut en parachute. Après en avoir fait un peu le tour, on se chope un bon gros burger dont le prix vaudra amplement la quantité. On se voit obligé de le terminer à la va-vite alors que London Grammar commence à enchanter toute l’Alternative Stage. On aurait bien aimé être transportés jusqu’au bout de la nuit par la voix d’Hannah Reid si on n’entendait pas les énormes basses de Martin Solveig qui nous parvenaient de la Perry’s Stage et qui ont totalement gâché le début du set.

22h03, les bons comptes font les bons Tchami

On décide de terminer la soirée avec Tchami (photo), de la future house pas vraiment fifolle mais qui semble ravir les quelques rebelles qui ne sont pas allés voir The Weeknd. Le jeu de lumières de la scène est bien plus agréable à regarder à cette heure-là, dans la nuit. Faisceaux aveuglants multicolores suivant parfaitement le rythme, DJ set surplombant la foule, on est très clients de la disposition de la Perry’s Stage. Lorsque se termine le set, on court choper des navettes avant tout le monde. Nous en aurons une in extremis et ferons partie des plus chanceux. A en croire les différents témoignages recueillis le lendemain, le retour fut absolument catastrophique pour bon nombre de festivaliers : pas assez de navettes, des mouvements de foule dangereux et des masses humaines errant à la recherche d’un taxi ou d’un métro encore ouvert. Dommage que le festival n’ait pas pris exemple sur Solidays, qui un mois plus tôt assurait ce service avec brio.

Jour 2. 14h04, arrivée à reculons

Après s’être fait hurlés dessus à la montée des navettes par un mec de l’orga qui pensait qu’on était à la colo : “Aloooors vous êtes chauuuuuds”, on débarque sur le site sans vraiment avoir hâte. On mise tout sur les concerts de la journée et gardons peu d’espoir pour le reste. Mais à coeur vaillant rien d’impossible, on se chope donc une focaccia à la mozza qui n’aurait pas étouffé une mouche pour la modique somme de 8€. Avec Charli XCX en fond sonore, on profite qu’il n’y ait pas encore grand monde pour se poser sur l’herbe inexistante. On observe alors un peu autour de nous : une population majoritairement jeune, des paillettes sur toutes les pommettes, des fleurs dans tous les cheveux et surtout un sacré paquet d’anglophones. On a envie de leur dire que le Lolla serait mieux au pays.

14h45, tout n’est pas à jeter

Après être restés quelque temps devant les manos d’Oscar & The Wolf, un groupe belge d’électro pop qui a su garder notre intérêt assez longtemps pour que ce soit souligné, on décide d’aller du côté du Lolla Planet, un espace entier dédié à la sensibilisation notamment à la biodiversité et aux océans. On y découvre un atelier DIY de couronnes de fleurs, une vente de sérigraphies, une jolie terrasse et des minis stands de jus de fruit et de café artisanal. Mais nous ce qu’on veut, c’est manger. Oui encore. On aime vraiment bien ça. On trouve un petit coin constitué uniquement de stands végés, vegans et bio, et notre choix se porte sur un wrap bo bun qui, malgré un mélange culturel au premier abord inquiétant, se révèle très bon.

16h22, nostalgie des jours heureux

On se rend devant la Main Stage 2 pour accueillir Rival Sons qui exécuteront un concert bien ficelé mais qui nous fera regretter d’être à Paris. Lorsque l’on peut parler normalement à son voisin alors que la scène est à moins de 50m de nous, c’est qu’il y a un sacré problème. Calez-moi ces amplis sur 11 nom de Dieu ! Passé le puissant garage blues du groupe, on court rejoindre l’Alternative Stage pour se délecter du show d’IAM (photo). Certes, la scène est bien trop petite pour un crew pareil, le public déborde de toute part et on joue des coudes pour essayer d’apercevoir un détail de la scène. Mais lorsque petits et grands, jeunes et moins jeunes reprennent ensemble le refrain de Petit Frère, on oublie tout le reste et on sourit bêtement.

18h34, un peu de poésie voulez-vous

Après IAM on remarque que les queues des toilettes sont moins longues que la veille et on se demande alors si le mot a été passé d’éviter au mieux de les utiliser ou si un réel effort a été déployé par le festival pour faire quelque chose de ce capharnaüm. On espère très fort qu’il s’agisse de la deuxième option. On écoute Liam Gallagher d’un peu loin qui, entre deux chansons perraves de son répertoire personnel, reprend de l’Oasis comme on aime et conclut son set avec Wonderwall. Alors oui, on l’a entendue mille fois, oui, elle nous sort par les trous de nez, mais l’entendre de la bouche de Liam Gallagher c’est quand même autre chose que les reprises de tous les blaireaux qui tentent de pécho en soirée.

19h29, ça sent bon les nineties

Tous les groupes des années 90 se sont donnés le mot ce soir. On avait d’abord Liam et on retrouve maintenant les Pixies (photo) sur la Main Stage 1 qui tiennent quand même une sacrée couche malgré leur âge avancé. Ils ne feront pas le concert de la soirée, mais ce sera juste assez pour qu’on ait envie d’enfiler un bon vieux walkman et appeler ses BFF avec un téléphone fixe. Profitons de ce concert pour vous faire part de notre agréable surprise en ce qui concerne la qualité des écrans des deux grandes scène et de la réalisation. Et puis ce qui est bien avec les écrans c’est que, les deux scènes principales étant côte à côte, on a pu regarder Lana Del Rey de loin sans avoir à se bouger. On a très fortement pensé qu’elle devrait s’en tenir aux salles de concert, sa musique n’étant tout bonnement pas faite pour le plein air, mais ses fans étant farouches on a préféré se taire.

21h45, Lollaparapluie

C’est évidemment juste avant le plus gros concert de la journée, celui qui va durer presque deux heures, qu’il se met à tomber une violente drache. K-ways et parapluies sont de sortie pour accueillir la clôture du festival : Red Hot Chili Peppers (photo). Un live taré durant lequel Anthony Kiedis n’a peut-être pas enlevé son t-shirt mais a chanté juste. Entre classiques comme Californication, By The Way ou Give It Away et reprises de Chris Isaak, des Stooges ou de Stevie Wonder, les Red Hot ont prouvé une fois de plus que leur présence scénique était toujours aussi incontournable. La pluie ne nous fait plus rien et on est presque heureux d’être là, on saute, on danse, on hurle les paroles jusqu’à perdre sa voix. Le concert terminé, on est sur un petit nuage. On déchantera très rapidement lorsqu’on se rendra compte que l’organisation des navettes est exactement la même que la veille et qu’on arrivera chez soi trois heures après la fin du festival.

Le Bilan

Côté concerts

Le roller coaster
Joyryde, un condensé d’adrénaline

Le raté
Lemaitre, même si c’était à cause de la technique, c’était pas bon

La bonne humeur
The Hives, on veut boire des bières avec eux

Les vieux cools
Red Hot Chili Peppers, à la hauteur de leur réputation

Côté festival

On a aimé :
- Les espaces dédiés : le Lolla Planet et le Lolla Gourmet, on y a trouvé une vraie bonne surprise et beaucoup d’efforts.
- La diversité des stands de nourriture. Tout le monde pouvait manger ce qu’il voulait.
- La qualité des concerts. La musique était toujours nickel, les écrans étaient jolis à regarder, aucune fausse note. Relevez juste un peu le son et éloignez la Perry’s Stage de l’Alternative et on sera bon.

On a moins aimé :
- L’organisation globale. Que ce soit pour les navettes, les toilettes ou le monde sur place (vendez moins de billets ou trouvez un endroit plus grand, vous ferez plus d’heureux).
- Le prix des billets. À 149€ les deux jours, on a eu la légère sensation de se faire enfler.
- Les prix des consommations, on devrait pouvoir se nourrir et boire sans raquer 100 boules en un week-end.
- La déconsigne qui ferme avant la fin du dernier concert, on n’a pas trop compris le projet.

Conclusion

Une première édition musicalement incroyable composée de concerts pour tous les âges et tous les goûts, une pureté sonore comme rarement entendue en festival et des groupes qu’on est heureux d’avoir enfin vu sur scène. Tout cela assombri par une organisation qui n’a pas été à la hauteur malgré tous les moyens déployés pour en faire quelque chose de bien. On adorerait ne pas être trop punitif, mais quand on s’appelle le Lollapalooza on essaye de faire quelque chose à la hauteur de son nom, même pour une première édition. Quant à l’année prochaine, on attendra de voir le line up avant de se décider à y retourner.

Un récit d'Antonia Louveau
Photos de Jaufret Havez