Le marathon des Transmusicales est de retour. Pendant cinq jours, la ville de Rennes devient le coeur vivant et vibrant de la musique live. Des groupes venus du monde entier pour des découvertes déroutantes, un public chaud comme la breizh, on vous raconte nos trois jours en Bretagne.
Jour 1. Jeudi 3- 15h23, une 37eme édition sans cash
Nous avons établi nos quartiers chez un ami, à deux pas de la gare de Rennes. Sacs de couchage déposés en début d’après-midi, direction le Liberté pour prendre nos marques avec la 37ème édition des Transmusicales. L’après-midi, c’est ici que ça passe, même si des concerts se déroulent ailleurs à Rennes, à l’Ubu, à l’Aire Libre, et des conférences ont lieu aux Champs Libres. La nouveauté 2015 est l’arrivée du cashless (photo), système de paiement dématérialisé. Comme aux Charrues, notre carte est directement intégrée à notre bracelet, et l’on peut la charger avec une carte bleue et de l’argent liquide, et même via internet ou l’application mobile. Une appli d’ailleurs très riche, qui nous sera bien utile pour nos trois jours de festival. Les premiers concerts commencent doucement à l’Etage, salle à l’intérieur du Liberté, vers 16h.
20h12, palpation avant la fête
Rennes est the place to be pour le premier weekend de décembre. Si vous êtes plus ambiance intimiste et bières accoudé au comptoir, les Bars en Trans sont pour vous. Pain-Noir, We are Match, Joycut ou Alice on the Roof faisaient partie de la prog de plus d’une dizaine de bars. De notre côté on se dirige vers le Parc Expo avec les navettes mises en place depuis le Liberté pour le prix d’un billet de bus. La fouille est minutieuse, les mesures de sécurité ont été renforcées, actualité oblige. Les canettes de l’apéro ne feront pas le trajet avec nous. Après une quinzaine de minutes de bus, et une nouvelle session fouille, le Parc nous ouvre enfin ses portes pour la première nuit de l’édition.
22h03, premiers concerts, premières pintes
Les premières prestations auxquelles il nous est donné d’assister sont celles des écossais d’Hector Bizerk et de Clarence Clarity. Une bonne manière de se mettre en jambe avec les premiers, une molle déception avec les seconds, pleins d’idées mais dont on ne comprend pas bien où ils veulent aller. Pas grave, la découverte en elle-même est le moteur des Trans, elle nourrit la soirée. L’attente aux multiples guichets cashless est modérée, le prix de la bière aussi (5,40 la pinte) avec possibilité de boire pour un peu plus cher des bières meilleures, ou bien d’opter pour du vin, du champagne… ou du thé. Quand à la nourriture, l’offre est assez variée et pour tous types de budgets. En tout cas pour ce premier soir on ne manquera pas de coins sympas où se poser.
22h36, le public s’enflamme pour Her
Portés par un début de renommée dont ils viennent prouver la légitimité sur scène, les gars de Her (photo) ne déçoivent pas. Bien plus, ils transmettent une belle envie et une sincère joie d’être là à un public qui adhère à cette soul un brin pop, cette élégance juvénile qui se joue des codes et des époques. Il y a encore de la maturité à trouver, un lacher prise à s’autoriser de façon plus sauvage mais il y a là un bon concert dansant et enjoué, généreux, qui laisse entendre qu’on reverra probablement ce nom sur pas mal d’affiches de festivals dans les mois et les années qui viennent.
23h53, envoutement insolite avec les 3Somesisters
On avait découvert 3Somesisters (photo), ce combo hors normes aux côtés de Yael Naïm à Mythos au printemps, aux Escales cet été, et la perspective de voir ce qu’il avait dans le ventre au coeur du dispositif scénique, loin du simple rôle de choristes, était stimulante. On a avait un peu peur, malgré tout, que ce soit beau mais mou, un brin lassant aussi. Eh bien pas du tout, c’était percussif, chamarré, gentiment dingue, très rythmé et plein d’une identité très forte. Manifestement, en tout cas, ça a beaucoup plu.
01h30, déferlement sonique et noirceur rèche
Baguenaudant entre les 3 halls ouverts aux concerts ce soir-là, nous avons retrouvé une Greenroom dévolue à la musique technoïde conforme à sa disposition de l’an dernier, avec évidemment nettement moins de monde que les soirs à venir. Hall 8, Georgia se révèle une jeune femme à l’univers musical très personnel, hybride, porté par une voix puissante et inspirée. La fin de soirée s’est déroulée avec Queen Kwong, une artiste attendue et qui a donc un peu déçu. Sur le papier, ça promettait un concert électrisant. Line-up du groupe, ombre tutélaire Trent Reznor, personnalité de la demoiselle qu'on nous disait explosive et radicale. Finalement, au-delà d'un son approximatif et tassé au début, on retiendra des choses intéressantes, un groupe convaincant avec de belles rythmiques lourdes et cradingues à la Porno for Pyros, par exemple, mais une petite déception en ce qui concerne la chanteuse, dont la présence et la voix ne sont pas parvenues à enflammer le reste. Si on voulait être caricatural et s’en référer à de précédentes venues aux Trans, on dirait que n’est pas L7 ou Queen Adreena qui veut.
Jour 2. Vendredi 4 - 16h21, l’Ubu aux couleurs des Pays-Bas
La veille, c’était la Suisse qui prenait ses quartiers à l’Ubu. Aujourd’hui, ce sont les Pays-Bas qui prennent place dans cette petite salle bizarrement agencée. Et ce n’est pas pour nous présenter le dernier album de Dave que Jean-Louis Brossart himself vient présenter l’après-midi sur scène, commençant par un groupe entendu alors qu’il se faisait un billard à Eurosonic. Het Universumpje (photo) ouvre la journée avec un rock de stoner presque grunge style Queen of The Stone Age, la machine fonctionne bien, notamment dans les envolés musicales du groupe. La langue n’est pas une barrière pour apprécier leur énergie. On sera moins convaincu par la douce pop de Klangstof, contrairement à l’électro justement distillé par Applescal pour petit à petit nous amener vers la deuxième nuit des Trans.
22h43, l’ambiance monte d’un cran
Contrairement à la soirée de la veille, on se sent dans l’ambiance festival dès l’entrée dans la navette. Ca chante et les esprits sont en forme pour aller jusqu’au bout de la nuit. Après des passages remarqués de The Dizzy Brains, Totorro, et Binkbeats, c’est le DJ Worakls (photo) qui prend les commandes dans la hall 9. Un endroit immense, avec des gradins dressés au fond de la salle. Ca démarre doucement mais la version live du français nous entraîne dans son élan, grâce notamment aux violons et violoncelles. Celui qui nous avait déjà séduit sous cette forme à Solidays sera sans doute l’une des attractions de l’année.
Dans le hall 3, c’est Vintage Trouble qui fait salle comble. Ceux qui étaient venus au Stade de France en première partie d’ACDC doivent maintenant faire leurs preuves : c’est chose faite avec cette prestation de haut rang, entre un groupe résolument rock et un chanteur soul aux racines des années 60. Il se permet une traversée du public, le guitariste des solos bien placé.
00h45, de la galette saucisse au chef étoilé
Lorsque l’appel du ventre se fait entendre, c’est au Hall 4 qu’il faut aller. Si ce n’est la disparition du stand japonais, tout est à peut près pareil cette année. On testera la classique crêpe galette saucisse, des samossas aux légumes du stand créole, et quelques huîtres locales aux tarifs très abordables. Un bistrot géant (photo) a également pris place dans la grande halle, avec un chef étoilé aux commandes, Julien Lemarié. Des menus à 12 et 15 euros sont proposés, avec poitrine de porc au curry un soir, ou risotto un autre... Une pause gastronomique bienvenue. Le ventre plein, on peut aller profiter de la fin du live de Mawimbi. Pour l’occasion, le collectif est au complet pour présenter, pour la première fois, son live, mélange de techno et de world music. Le moment est dansant est nous ambiance avec un Hall 9 bien rempli, de quoi continuer sur de bonnes bases notre longue soirée de vendredi.
02h54, Le Hall 8 pour terminer la nuit
Sur fond de beat funk, Leopard Da Vinci enchaînent les titres qui font déhancher le Hall 8. En avant scène, il a l’air de s’éclater, a le sourire, et insuffle le mouvement à toute la salle. Depuis le début de la soirée, il s’occupait des interludes musicales pendants les changements de plateaux. Ici, et dans chaque hall, la musique ne s’arrête jamais. Vu qu’un nouveau bar a pris place au fond de la salle, pas la peine de bouger pour profiter de la suite de la soirée.
Dans la foulée on enchaîne avec Playground Zéro (photo) dans le même Hall. On avait repéré le groupe en survolant les différentes playlist dédiées au festival. Efficace, le groupe joue électro, breakbeat, hip-hop, drum et dubstep avec des pointes de scratch bien placé. Rien de révolutionnaire, mais un set qui donne furieusement envie de danser à une heure tardive ! Nul doute qu’on entendra parler d’eux dans les mois à venir. On partira un peu avant la fin, vers les 5h tout de même, ce qui nous permettra d’avoir une navette sans attendre une seconde. D’autres finiront leur soirée avec les irlandais de The Galaxie.
Jour 3. Samedi 5 - 17h32, Le Liberté entre rencontres, showcase et concerts
Le Liberté - salle au centre de la ville de Rennes - est en ébullition pendant cinq jours. C’est là que les professionnels du métier, dont nombreux organisateurs de festivals, se rencontrent pour penser et préparer l’année 2016. Un salon est installé avec différents stands de partenaires, tout comme de nombreux canapés et espaces de rencontres. Le public peut lui venir gratuitement apprécier les quelques concerts de l’après-midi à l’Etage,
Peu remplie le jeudi pour les expérimentations musicales d’Holy Strays, elle est ce samedi pleine à craquer pour accueilir Chamberlain (photo) , qui propose un superbe live qui passe d’une techno minimale bien rythmée à une ballade en piano, dans une ambiance sobre à la lumière minutieusement disposée. La voix androgyne de Lenparrot aura du mal à nous séduire. Au rez-de-chausée, aux côtés de la billeterie, d’un stand de merchandising et d’un espace livre, un petite scène est installée devant des transats pour un avant-goût de ce qu’il se passera cette nuit, avec des morceaux de Khun Narin’s Electric Phin Band et Steve’N Seagulls. Des transats qui sont un bon moyen de piquer une petite sieste pour reprendre des forces pour la suite de la journée.
22h33, Monika happe le hall 3
Elle ne paie pas de mine, la gamine. Silhouette frêle, frimousse mimi et tenue idoine, mais il s’avère rapidement qu’un tempérament de feu bouillonne là dedans. Entre sensibilité simple et énergie débridée, voix sur le bord de la fêlure ou bien enthousiaste, compositions toutes en retenue qui basculent sur un gros groove disco bien gras, Monika (photo) emporte le morceau haut la main de ce début de soirée, allant autant que possible à la rencontre d’un public qui la découvre avec un bel enthousiasme. Sans en faire de trop mais en donnant beaucoup, Monika enfièvre ce début de samedi soir avec un joli sourire en prime.
23h16, la magie Imarhan
Ca aurait pu n’être qu’un groupe touareg de plus. Mais une programmation aux Trans laissait espérer bien davantage. Et, de fait, Imarhan (photo) fait valoir une belle identité. Originaires de Tamanrasset, les musiciens offrent ce soir un set envoûtant, électrisant. Groove impeccable, riffs entêtants, polyrythmies et voix qui emmènent hors du temps, la formule fonctionne, avec classe. Imarhan est indéniablement un groupe qui va se faire un nom et on attend leur premier album avec impatience.
00h39, vrais/faux rednecks et hard-rock country
C’était un peu la surprise de voir les joyeux drilles de Steve’n Seagulls (photo) à l’affiche des Transmusicales. Déjà assez connus par leurs vidéos et leur reprises de hard rock en mode redneck, pas forcément dans l’esthétique pointue du festival, il faisaient office de curiosité ce soir. En l’occurrence, nous étions pressés de savoir si, comme on pouvait s’y attendre, la formule séduisait de prime abord mais lassait au bout de quelques morceaux. Or, il n’en est rien. Pleins d’idées, d’énergie, porteurs d’une collection de reprises décalées bien troussée, décomplexés et généreux, les Finlandais envoient du lourd et ça marche du feu de Dieu. Peu importe si les ficelles sont grosses, l’exécution parfois un peu plate, le reste du temps on se laisse emmener par ce concert festif et débridé, à fond la caisse. Banjo ruuuules!
02h40, Idiotape !
Après quelques concerts moins enthousiasmants, notamment les Thaïlandais de Khun Narin’s Electric Phin Band, on se prend la claque de fin de soirée avec Idiotape dans l’immense Hall 9. Là, ça bastonne sévère. Dans tous les sens, sans temps mort et sans états d’âme. Un déchaînement sonore jouissif, une vraie machine de guerre. A partir de là notre soirée s'accelère au rythme des nombreux DJs présent. Vandal dans la Greenroom pour un set raggatek puissant, puis le génialissime Alex Stein, DJ Brésilien qui balance une techno house épurée à la façon de Boris Brejcha l'an dernier au même endroit. Transporté jusqu'à Berlin pendant son set, on redescend doucement avec le set de Ghost Dane avant de quitter pour la dernière fois le Parc Expo.
Le Bilan
Côté concert :
Les découvertes pleines de fraîcheur
Dizzy Brains, Monika et Her, pour leur élan à partager avec le public leur joie d’être là
La techno made in Brasil
Alex Stein, le brésilien aurait pu naître à Berlin
La claque brutale et jouissive
Idiotape, grosse machine diablement efficace
La sensation envoutante
Imarhan, d’emblée dans la cour des grands
Le groupe festif qui met tout le monde d’accord
Steve’n’Seagulls, surprenant et complétement fou !
On va en entendre parler
Vintage Trouble, ils seront sur nos routes
Côté festival
On a aimé :
- Une application mobile riche en contenus, même si tout ne marchait pas au poil
- Le système Cashless, finalement pratique, cohérent et fluide
- Un public rennais jeune et motivé
- Un choix de nourriture multiple, du casse-croûte au repas de chef
- Une programmation qui réserve toujours de belles surprises et ne se laisse enfermer dans aucune complaisance
On a moins aimé :
- L’insuffisance relative de sanitaires à l'égard au nombre de festivaliers
Conclusion
Pas besoin de tubes multi-diffusés sur les bandes FM pour vibrer ici. C’est le goût de la musique qui fait sauter et danser le public venu en nombre, en faisant confiance les oreilles ouvertes au programmateur du festival. 60 000 festivaliers étaient présents à Rennes, et ce n’est pas prêt de s’arrêter.
Récit: Matthieu Lebreton, Morgan Canda et Quentin Thomé
Photos: Matthieu Lebreton et Morgan Canda