On était à
Ouaille’Note ? 2019, à la découverte d’un petit festival champêtre

L’été courant jusqu’au 23 septembre, la saison des festivals n’est pas tout à fait terminée et il est encore temps d’en profiter. Pour titiller nos esgourdes, nous avions décidé de découvrir un petit festival les 6 et 7 septembre derniers. Fort de six éditions précédentes, le Ouaille’Note ? proposait une programmation festive et variée, à Vasles, au cœur de la campagne poitevine. Avec 2600 personnes accueillies sur le week-end, l’évènement a réussi l’exploit d’être complet pour la quatrième année consécutive. Venez découvrir de quel bois se chauffent ces irréductibles festivaliers dans notre report !

Jour 1. 19h46, la Gâtine nous voilà !

C’est parti pour la routine festivalière du vendredi : fin du travail, baluchon + tente + vivres jetés dans le coffre, 1h40 de route et en avant l’aventure ! Après avoir traversés des champs de blés et quelques bourgades, nous voici à la frontière de l’inconnu, où plutôt à Vasles, commune de 1700 habitants. Tels des Christophe Colomb découvrant un nouveau continent, nous sommes mi-excités, mi-impatients, mi-ravis, d’arriver en terre promise et de planter notre première sardine au beau milieu d’un énorme champ presque vide. Les règles sont sommaires et les bénévoles peu nombreux mais c’est tout le charme de ces petits festivals, on y retrouve l’insouciance oubliée des gros évènements : allées de voitures à l’arrache, bières échangées dès notre arrivée, camps énormes de potes d’enfance qui se connaissent sur plusieurs générations, pas de contrôle des places sur le camping, tentes tolérées sur le parking… On se sent déjà bien dans cet élément. En revanche il n’y a que cinq groupes par soir, il ne faut donc pas trop traîner et rejoindre rapidement la salle omnisports qui sert de dancefloor pour le festival.

22h18, des cuivres sous une taule

On arrive pendant un groupe qui ne nous dit rien, inconscients, on tapote sur l’épaule d’une jeune fille : "salut, c’est qui sur scène ? " Réponse cinglante avec un petit air hautain et surpris : "bah Spider ZED, hein…" Soit, on accepte donc notre vieillesse et on va aller demander au bar s’ils servent du Picon-bière. Par curiosité, on reste quand même découvrir la poésie de ce néo-rappeur que tout le monde connaît a priori : "sous la douche, j'ai retrouvé un de tes cheveux dans mon cul. J'ai pleuré, tu me manques, c’est tout ce que j'en ai conclu." Bon. On peut dire que ce n’est pas du Baudelaire mais ça offre un bol d’air à ces jeunes lycéens dans une atmosphère déjà bouillante. À l’extérieur de la salle, un énorme préau sert à protéger le bar et permet d’y produire un interlude, en l’occurrence la Scratch’fanfare (photo) qui anime les changements de plateau. On n’est pas très réceptifs aux sonorités cuivrées mais ça permet de garder l’ambiance à bonne température. On en profite pour échanger notre argent contre des tickets à 1,25 € aux banques, c’est un petit festival mais bien organisé.

23h32, le rouge leur va si bien

La suite de la soirée nous intéresse bien plus avec en guise de meeting politique la Soviet Suprem party (photo) qui réunit Sylvester Staline (ex-Java) et John Lénine (La Caravane Passe). Ayant eu l’occasion de les voir plusieurs fois, on se lasse parfois de leurs blagues calibrées mais le nouvel album Marx Attack vient raviver notre intérêt pour leur délire. Faut dire qu’ils sont doués pour la scène et qu’ils mettent un sacré bordel dans le goulag. Autour de nous, ça saute au pas, ça boit de la vodka, ça mange des cigarettes russes et ça glorifie la démocrature de Vladimir. Pour être francs, on s’amuse vraiment ! Après eux, O.B.F. & The A1 Crew, composé de Charlie P, Shanti D et Sr. Wilson, se charge de mettre le feu. Grands admirateurs de leur dub avec des sonorités bass music / hip-hop / reggae et déjà croisés en mode sound system, notamment au mémorable Liquid Dub, on est agréablement surpris par leur capacité à s’adapter au format salle de concerts. Ils jonglent entre les trois MCs, ils jouent avec le public, ils vivent leur musique généreusement pour délivrer un show convaincant. Rien à redire !

02h01, un gros pétard pour La P’tite Fumée ?!

La salle est chauffée à blanc, il y fait une température étouffante digne d’une Renault 5 noire en plein soleil au mois d’août et au milieu d’un bouchon. Beaucoup fument à l’intérieur malgré une petite patrouille de bénévoles qui rappelle qu’il est interdit d’allumer un calumet de la paix devant la scène. Mais les mesures sont peu convaincantes pour les fumeurs qui passent d’un concert de dub à de la tribal trance, et préfèrent les effluves de basilic grillé à l’air frais des Deux-Sèvres. Dehors quelques coupures de courant n’aident pas les bénévoles à servir les bières mais les sourires et la bonne humeur restent de rigueur. Sur scène, La P’tite Fumée (photo) découvre un public torride prêt à en découdre avec la psytrance et à jumper dans tous les sens. Souvent comparée à Hilight Tribe par leur musique, c’est encore plus énergique. D’ailleurs Chand LPF, le leader du groupe, donne tout ce qu’il a et joue aussi bien du didgeridoo, de la flûte, que des percussions. Ça monte crescendo au fil du concert et l’énergie déborde nos émotions jusqu’à nous épuiser pour cette fin de soirée. Au vu du nombre de tee-shirts croisés dans le week-end, on est sûrs qu’ils ont conquis le public. 3 h 30 du mat’, il est l’heure pour nous d’aller nous coucher, il fait presque froid et on en profitera mieux demain.

Jour 2. 17h24, revenons à nos moutons

Après avoir été réveillés au petit matin par la douce rosée venant glacer les pieds et étriper le visage de froid, on se lève finalement en milieu de matinée. Histoire de ne pas avoir fait le voyage pour rien, on entame la journée par un petit déjeuner sain : bières / céréales. La journée se poursuit sur des parties de caps ou de palets, des rencontres, des rires et des verres en tout genre. Au fil des échanges, on apprend dans la journée que le terme "ouaille" dans le nom du festival signifie en fait "brebis" et qu’il y a une bonne raison à ce jeu-de-mots. À l’orée du camping et près de la salle des concerts se trouve un parc touristique animalier appelé Parc Mouton Village et celui-ci est accessible gratuitement aux festivaliers le temps du week-end (au lieu de 10 € l’entrée). Pour ne pas mourir bêtes, et accompagnés d’un groupe de festivaliers rencontrés dans l’après-midi, on se rend à cette attraction originale (photo). Un peu hébétés par nos découvertes, on erre dans 6 hectares de paysages arborés où une vingtaine de races de moutons, en plus de chèvres, cochons, lapins, alpaga, âne… se côtoie. On y croise des personnes âgées visitant le parc en groupe alors que tout un pan donne directement sur le camping du festival. Le spectacle est saisissant et assez amusant. Sur le chemin du camping, on s’arrête au coin Off où se trouve un petit espace chill sous chapiteau avec des canapés, des food trucks, des planches de cornhole, un sound system et même un laser game (c’est véridique) ! On n’a pas le temps de s’ennuyer.

21h50, prochain arrêt : Zion Paradise

Bien que ça soit complet, le camping est très clairsemé et on pourrait y caser facilemet le double de festivaliers. Au moins on ne se marche pas dessus, c’est peut-être moins chaleureux mais chacun a la place d’y développer son petit camp comme bon lui semble. En début de soirée, on rejoint avec joie et allégresse la petite salle des concerts pour Maxime Manot’. On entend le chanteur courir après ses rêves en chantant ses mélodies du bonheur. Sa pop française nous accueille calmement et on en profite pour faire un tour du site. Avec surprise, on découvre que le bus de ville qui sert de fond de scène sous le préau derrière la Scratch’fanfare est accessible à tous. À l’intérieur, on y retrouve une sympathique bénévole proposant du café, du chai ou du thé pour 1,25 €. Le verre se déguste au comptoir donnant directement sur la petite scène derrière la fanfare et donc face au public. On peut également se poser dans le fond du bus au tour de tables et banquettes aménagées sous des lumières tamisées (photo). Il y règne une ambiance de fin d’année scolaire, tout le monde rigole, joue et échange en pensant partir à l’aventure le long des routes. Chauffeur, on prendra le prochain arrêt direction le concert !

22h33, hey now, Barry, more music !

C’est au tour de Barry Moore de faire chauffer les planches. Encore inconnu de nom, le jeune auteur-compositeur irlandais a signé en début d’année sur le label de Yodelice où a débuté Jain par exemple et s’apprête sans aucun doute à faire parler de lui. Avec seulement un EP à son actif, il y a pourtant de fortes chances pour que vous ayez déjà entendu Hey now qui passe partout. Son style pop-folk enchante le public mais ne nous convainc pas totalement, peut-être un peu trop mainstream pour nous. On en profite pour manger : au choix quelques sandwichs classiques avec merguez / saucisse ou jambon de pays, un plat végétarien à base de tzatzíki, carottes, tomates et même un burger végétarien avec bûche de chèvre. Mention honorable à l’assiette de 2 crêpes pour 1,25 €, certainement le meilleur choix du week-end à renouveler plusieurs fois ! On en profite pour discuter et on est ravis de voir un public varié aussi bien en localité, qu’en métier ou en âge. Beaucoup viennent ici depuis plusieurs années et profitent de la programmation éclectique sans trop connaître. Il faut avouer que dans la région, il ne se passe pas grand-chose d’autre, cet évènement est donc une valeur sûre pour les locaux.

00h17, câlisse, quel concert de Patrice

Continuons petits patapons avec la star incontestée du festival : Patrice (photo) ! Celui qui n’a plus sorti d’album depuis trois ans vient sur scène pour proposer un joyeux medley de ses titres, passant par Boxes, Burning Bridges et bien sûr Soulstorm pendant une grosse dizaine de minutes. Sa sweggae music envoûte tout le monde et chacun profite de cet instant hors-du-temps pour rêvasser au son de sa voix enchanteresse. Même si on l’a souvent croisé sur la route des festivals, on ne se lasse pas de ses concerts. On aura entendu qu’une seule critique d’un festivalier trouvant le set trop calme. Après avoir dissipé la fumée de la salle, on termine ce petit festival par Ondubground X Misc (Chill Bump). Créé à l’occasion du Télérama Dub Festival puis concrétisé par un album éponyme fin 2018, ce groupe reconstitué sort des sentiers battus par son originalité et son mélange dub / hip-hop. Déjà fans absolus d’Ondubground depuis quelques années, ce projet nous convainc par sa fraîcheur et la diversité des sonorités. L’énergie développée pendant tout le set est folle et on en prend plein les oreilles, c’est exactement ce qu’on pouvait rêver pour clore cet évènement. Motivés par notre exaltation, on passe rapidement par le sound-system du coin Off qui joue jusqu’à 5 h pour les plus irréductibles. On va ensuite saluer nos nouveaux copains, puis on va se coucher des étoiles plein les yeux, des musiques plein la tête, et on s’endort en comptant les moutons du parc.

Le bilan

Côté concerts

Original sound from Tours
Ondubground X Misc, une rencontre parfaite entre le dub et le hip-hop

T’as le look coco
Soviet Suprem, une ambiance détonante pour un concert décalé

Tempête de soul dans nos esprits
Patrice, toujours aussi réjouissant de le croiser sur scène avec sa voix si singulière

Côté festival

On a aimé : 

 

- L’ambiance générale qui règle sur le festival entre bienveillance et sympathie, que ce soit du côté des bénévoles ou du public
- La programmation équilibrée et variée avec des découvertes, des groupes festifs et du dub
- La proposition d’animations diverses via le sound system en soirée, le coin Chill, le cornhole, le laser game, l’accès gratuit à Mouton Village…
- La propreté des sanitaires bien entretenus sur le site des concerts et le camping, en plus de la présence de douches solaires
- La taille restreinte du festival qui avec 1300 personnes par soir a une jauge idéale pour pouvoir profiter des concerts et se crée un microcosme festif pendant le week-end

On a moins aimé :

- L’incapacité à connaître la qualité des produits servis, on a demandé plusieurs fois pour la bière, personne n’a su nous dire la marque ; pareil pour les aliments et leurs origines
- La gestion des déchets : pas de sacs jaunes, un mini sac-poubelle pour le verre, pas de points de collecte sur le parking, pas de sensibilisation…
- La taille énorme du camping qui gagnerait en animation, en échanges, en éclairage et en sécurité à être plus petit, et ainsi pouvoir agrandir le parking camions
- Le prix des softs : 2,5 € le jus d’orange / de pomme ou le Perrier, autant prendre une bière
- Le son parfois un peu brouillon lors des concerts "calmes" (folk, pop ou reggae) mais rien d’alarmant

Infos pratiques

Prix des boissons
- Le demi à 2,5 € ;
- l’apéro Ouaille Drink à 2,5 €
- le vin à 1,25 €
- les softs à 2,5 € (+ 1,25 € de consigne remboursable)

Prix de la nourriture

- Cheese Veg’ / Veg’Ouaille ou sandwich merguez / saucisse / jambon de pays + chèvre à 3,75 € ;
- Américain à 5 € ;
- Barquette de frites à 2,5 € ;
- 2 crêpes à 1,25 €

Prix du festival

Pass 2 jours à 39,9 € ; le vendredi à 19,9€ ; le samedi à 25,9 €

Transports

En voiture : à 40 minutes de Poitiers, 50 min. de Niort, 1h20 de Cholet, 1h30 d’Angoulême ou La Rochelle et 2 heures d’Angers ou Nantes

Conclusion

Notre enthousiasme et notre curiosité ont été totalement comblés par la découverte de ce festival à taille humaine entre les champs et les moutons. Avec une septième édition complète pour la quatrième année consécutive, un ancrage local pouvant compter sur 200 bénévoles, un site parfaitement adapté à un festival et à diverses activités, une communication et une identité remarquables, une date originale en fin d’été et un public fidèle, cet évènement a tout pour plaire et devenir un rendez-vous régulier entre potes. Espérons que ce petit festival garde son identité musicale et sa taille restreinte pour rester dans un esprit festif, un peu roots, qu’on a adoré. Rendez-vous l’année prochaine sans problème, les ouailles !

Récit et photos : Pierrot Navarrette et Léo Mérand