On était à
Liquid Dub Festival, Biga*Ranx nous transporte dans son univers

Sur un coup de tête et dans une volonté de dynamiser la campagne de la Haute-Vienne, Biga*Ranx entouré du label Brigante Records et de l’association Mïse Records ont choisi de créer un festival de dub / hip-hop à partir de rien. Le week-end du 27 et 28 juillet, la petite ville de Saint-Jouvent près de Limoges a donc accueilli en son cœur 2000 festivaliers dans un cadre bucolique et champêtre. Entre programmation ambitieuse, ambiance de fête de village, imperfections d’une première édition... On vous raconte tout en détails.

Jour 1. 14h12, "bah’ alors, on n’attend pas Pierrot et Léo ?!"

La première fois qu’on eût entendu parler du Liquid Dub Festival, ça devait être début avril via les réseaux sociaux de Biga*Ranx. On nous annonçait une jolie programmation avec entre autres DJ Pone. Début juin, on découvrait finalement que celui-ci avait disparu de l’affiche sans aucune annonce : première désillusion. On ne s’est pas laissé abattre ayant déjà motivé une bande de potes pour se joindre à nous. Fin juillet, le soleil est rendez-vous, on saute dans l’auto et on engloutit les 265 km à 80 k/h afin de rejoindre le paradis au plus vite. On arrive sur place un peu dubitatifs : aucun bénévole n’est présent pour nous guider, il n’y a pas de parking camions défini, le camping est en train d’être clôturé et le festival commence dans deux heures... Quelques camps sont déjà présents sur le camping mais globalement c’est d’un calme plat. Le terrain étant totalement en pente, difficile de trouver son bonheur, on finit par se caler sous quelques arbres afin de prolonger nos nuits de sommeil.

18h24, inTellygible Biga*Ranx

Après un apéro bien mérité, on suit une petite route de village qui nous amène dans le bourg de Saint-Jouvent. En arrivant devant le contrôle des billets, on découvre que la ruelle qu’on a prise nous a évité la première fouille corporelle à quelques dizaines de mètres en amont. Le bon plan va vite circuler chez les festivaliers. Nous y voilà, on est dans le cœur du festival, on ressent déjà une âme s’échapper du lieu. À l’instar de Musicalarue, une bonne partie de la petite commune est dédiée au festival. La scène Dub Corner (en mode sound system) est sur une place de village entourée de coins chill-out. Il y joue déjà l’instigateur de ce festival : Biga*Ranx sous le nom Telly (beatmaker) & Lil Slow. On choppe des tickets pour la boisson / nourriture, on prend une lager à 5€ la pinte, on se pose tranquillement pour profiter des premières basses de ce beau week-end qui nous attend.

19h01, coup de chaud sur les basses

Pendant ce temps, sur la grande scène des Palmiers se prépare le duo Chill Bump. Pour y accéder, c’est simple, il suffit de passer à côté des stands d’Hydrozone (matériel pour la culture d’intérieur), de Canna (engrais et terreaux pour plantes) et de longer l’école maternelle avant d’accéder à un escalier. Le mélange des genres est total et ça donne un vrai cachet à l’évènement. Au bout des marches, on découvre alors un grand champ avec une belle scène en son centre. Ça y est, on se sent comme à la maison, le lieu nous inspire et on sait qu’on va passer un bon festival. Sur scène c’est bien Chill Bump (déjà croisés aux Nuits Courtes), même si la programmation annonçait L’Entourloop et que beaucoup de campeurs avaient fait le déplacement pour eux. Il faudra attendre plus de trois heures pour écouter ces derniers, mais ce n’est pas grave, la sortie n’est pas définitive alors autant en profiter. De leur côté, les tourangeaux déroulent leur hip hop façon East Coast avec une pincée de basses, et se soucient guère des 29° qu’il fait sous les palmiers.

21h18, ça roule des mégas bozes, mégas longs et mégas purs

Les deux scènes ne s’arrêtent jamais et on aimerait toujours avoir une oreille sur l’une d’elle. Au Dub Corner s’enchaînent les artistes dont Blundetto, un reggae man / soul très réputé qui se fait quasi-invisible en concert. On y reste quelques dizaines de minutes avant de rejoindre Biffty & DJ Weedim sur la grande scène. Autant dire que ça souye sévère les oreilles et que le jeune public semble ravi de "rouler un boze" devant leur chanteur favori. À la manière de Lorenzo à MégaScène, on se demande un peu ce qu’on fait là et l’intérêt d’être toujours plus sale. On a sûrement passé l’âge. On remonte donc chercher une bière artisanale Mousta’h à 8 € la pinte, tout de même, et on se pose devant KZA sur la petite scène.

22h37, avec High Tone et Ondubground, il n’y a pas d’entourloupe

Cette soirée se profile comme étant tout aussi hip-hop que dub, en tout cas pour ce qui est de la grande scène. L’Entourloop feat. Troy Berkley & N'Zeng et leur reggae / hip-hop inimitable viennent foutre le feu au public. Même si on est loin d’avoir atteint la jauge maximale, les centaines de personnes présentes sont enchantées de découvrir le Savoir Faire Tour et de reprendre à l’unisson Dreader than dread. S’en suit un cas de conscience : la tête d’affiche immanquable avec High-Tone ou le cri du cœur avec Ondubground. Vous allez hurler à l’hérésie mais on se séparera pour ne décevoir personne... Chacun de nous pensera avoir vu l’un des meilleurs concerts du week-end, ce qui est sûr c’est qu’on n’a pas été déçu. High-Tone et son urban dub aura retourné l’esprit des joyeux drilles de la grande scène, quand Onduground aura fatigué les furieux du Dub Corner par son énergie débordante, accompagné de Biga*Ranx sur la fin. À 2h00, tout est terminé, on peut aller s’enjailler sur le camping et clore cette belle journée.

Jour 2. 14h44, "ravis de vous revoir ODG, bien dormi ?!"

Réveillés aux aurores par le doux chant des "APÉROS", une espèce invasive en voie de prolifération, nous profitons d’une petite brise matinale pour nous rafraîchir l’esprit. Sur le camping, un grave problème se trame : les deux toilettes sèches prévues pour les centaines de festivaliers ont sensiblement débordé... Aucun bénévole n’avait été dédié à la tâche et personne ne souhaite se farcir le sale boulot. Elles resteront condamnées plusieurs heures, laissant les bosquets aux alentours comme seul repli. Une douche improvisée par un tuyau d’arrosage permet aux plus courageux de se rincer. Sur le reste du camping, les camps commencent à se former sous quelques gouttes, et il y a bien plus de monde qu’hier. Les concerts commencent à 14 h avec ODG Prod. (Onduground en format DJ Set) que l’on a laissé la veille à 2 h au même endroit.

15h35, ça skate grave à Saint-Jouvent

Pour ce début d’après-midi et à quelques pas du Dub Corner, Biga*Ranx, Don Camilo et leurs potes organisent un petit contest de skateboard au beau milieu de la rue principale. Quelques skateurs de la région se sont donné rendez-vous pour faire des tricks devant un public épaté. Ce n’est pas très impressionnant mais ça divertit et ça renforce notre impression de fête de village. On a la sensation de participer à un anniversaire géant, c’est un peu comme si Biga*Ranx avait invité ses meilleurs potes qui font de la ‘zik et 2000 connaissances. Il n’est d’ailleurs pas rare de croiser les artistes au milieu du festival, au bar ou devant la scène. À 17 h 30, on va faire la connaissance d’Ackboo sur la grande scène qui joue notamment son dernier album Pharaoh, produit grâce au financement participatif. Son Ramsès dub (comme il dit) est électrisant et enchanteur.

20h13, une pause s’impose pour mieux repartir

Si notre récit peut paraître un peu décousu dans sa chronologie, il reflète parfaitement l’organisation de cet évènement. Pour tout avouer, on était plus attelés à découvrir, échanger, manger un bout, profiter, s’amuser et trinquer qu’avec la mine de notre crayon à relever toutes les imperfections. Le fait que ça soit organisé rapidement par une bande de potes peut excuser certaines choses et l’ambiance était tellement bon-enfant qu’on s’y sentait bien. On peut quand même relever que même si le festival n’était pas complet, la circulation dans le petit escalier avant la grande scène était très compliquée ; que les bénévoles avenants et souriants étaient soit mal-gérés, soit pas assez nombreux ; qu’aucune poubelle n’était prévue ; que la sécurité était un peu trop à la cool et pas en phase avec l’évènement ; qu’aucune communication n’avait lieu sur Facebook pour prévenir de changements d’horaires... Bref, on passera l’éponge sur ces problèmes pour mieux profiter de la suite.

21h28, on l’appelle l’ovni

On ne peut vous détailler tous les concerts, mais on est obligés de s’arrêter sur Chaton. Si vous n’avez jamais entendu, allez jeter une oreille, vous comprendrez. C’est une sorte de rap chantonné sous vocoder avec un rythme dub... Entre deux titres aux paroles futiles, celui-ci nous fait l’horreur de reprendre Pour que tu m’aimes encore de Céline Dion, sans que personne ne l’insulte. Il dira également "on est au festival de Biga*Ranx, on est obligés de l’inviter sur scène, c’est dans le contrat" et effectivement celui-ci viendra apporter son Liquid dub à la fin du set. On en ressort interloqués et intrigués, on ne saurait vous dire si on a aimé. On a juste vécu un concert dans un monde parallèle. Sur la petite scène Don Camilo & Crudo Bilbao change le dub en or pour qu’on l’aime encore ! Par la suite, tout le public fond vers la grande scène pour Caballero & JeanJass mais ça ne nous intéresse pas plus que ça. On reste au Dub Corner pour...

00h56, le show final tant attendu

O.B.F feat. Shanti D, Charlie P & Sir Wilson... Autant dire qu’ils sont attendus comme les dieux du reggae-dub par certains. Alors qu’on en profite à fond devant les sound systems, on sent qu’il y a quelque chose qui cloche, la voix grésille quand les basses claquent. Le son commence à couper par intermittence pour s’arrêter définitivement et ne plus revenir. Le groupe continue de jouer grâce aux enceintes de retours de scène. Les techniciens s’affairent à retourner les enceintes vers le public et le set se poursuit avec un son relativement mauvais. Tout le monde est déçu. On ira ensuite voir Atili & Prendy sur la grande scène, un set vraiment bien et qui met en jambe pour le dernier et tant attendu concert de Biga*Ranx qui enchaîne les titres devant un public conquis. Sur scène, des dizaines de personnes dansent et l’accompagnent dès le début. Liquid sunshine résonne déjà comme l’hymne de ce week-end. Au bout d’une heure et quart, le show se termine et tout le monde s’attend à des rappels mais il n’en est rien. Le concert est bien terminé et il n’aura fait que peu de titres... Dommage. On restera jusqu’à la fin de Supa Mana & le Brigante Crew sur la petite scène, malgré le son pourri, et on ira terminer ce week-end au camping, où Biffty joue déjà les maîtres de cérémonie auprès de son public.

Le bilan

Côté Scène

L’incontournable, l’inévitable, l’instigateur
Biga*Ranx, il a su être à la hauteur sur différents concerts bien que le sien fut trop court

Du dub et des basses
Ondubground, un set explosif pour un public déchaîné

La Terre appelle Mars
Chaton, la musique n’a aucune limite et on en a la preuve

Les sonorités toujours plus hautes
High Tone, une tête d’affiche qui a su respecter son statut et délivrer sa magie

Côté festival 

On a aimé 

- La gratuité du festival pour les habitants de Saint-Jouvent, une bien belle initiative pour faire connaître le dub et ouvrir la culture à tous
- Les diverses animations : contest de skateboard, exposition de photos, le bus Nova et son blind test, pêche à la ligne avec des cadeaux sur un stand partenaire, salon de tatouage et piercing
- Le prix raisonnable du festival par rapport à la programmation, 35€ c’est presque donné
- La programmation et l’ambiance générale, on ressentait l’esprit de famille qui régnait avec des artistes heureux d’être là devant un public bienveillant, joyeux et respectueux
- La volonté d’inscrire un évènement festif dédié au dub au sein d’une petite commune perdue au milieu des vaches ; le site étant totalement adapté à l’évènement
- Une décoration sympa pour une première édition, les palmiers nous transportaient au cœur des vacances et les coins chill-out permettaient de nous poser tranquillement entre les concerts

On n’a moins aimé 

- Des problèmes techniques qui n’ont pas été réglés : plus de quatre heures sans sound system sur le Dub Corner ça fait beaucoup, surtout quand O.B.F déroule un set parfait
- L’absence de conscience écologique : aucun tri du verre ou des produits recyclables, pas de poubelles, des verres en plastique pour les demis (alors qu’on avait des gobelets réutilisables)
- La difficulté à se déplacer entre les scènes au niveau de l’escalier, il ne valait mieux pas qu’il y ait un mouvement de foule
- Le manque de préparation générale : pas de bouchons d’oreille, pas de carte bancaire hors sans-contact le premier soir, pas de communication sur place, pas de parking camions, peu de bénévoles...
- Un écran géant sur le Dub Corner qui n’a quasiment jamais servi, on n’a pas bien compris son utilité
- Une gestion hasardeuse du camping : aucun sac poubelle distribué, des accès sans contrôle, des toilettes bouchées pendant des heures, un terrain en pente...

Infos pratiques 

Prix des boissons
Le demi entre 3 et 4 €, la pinte entre 5 et 8 € ; le vin à 3 € ; les softs à 2 € (+ 1 € de consigne remboursable en tickets)

Prix de la nourriture
Sandwich merguez / saucisse à 4€ ; barquette de frites maison (s’il vous plaît) à 3€

Prix du festival
Pass 2 jours à 35 € ; la soirée à 18,80€

Transports
En voiture, à 25 minutes de Limoges. En bus via des navettes à partir de Limoges, pour 1€/trajet.

Conclusion

Cette première édition aura rempli son pari un peu fou : offrir un festival de dub / hip-hop à la sauce Biga*Ranx et Brigante Records au cœur de la campagne Haute-Viennoise. Avec une programmation enchanteresse et un cadre bucolique, le Liquid Dub Festival a su transmettre de belles émotions à son public. Cependant la volonté de tout organisateur d’offrir un festival sans problème n’aura pas été atteinte, mais n’est-ce pas ces erreurs qui feront la réussite des prochaines éditions ?! On vous tient au courant l’année prochaine.