On était à
Download Festival, une première rugissante

Pour son premier acte en France, le Download Festival s’est installé à l’Hippodrome de Longchamp du 10 au 12 juin, proposant enfin une scène métal qui manquait cruellement à la capitale. L’affiche faisait saliver, et nous y sommes allées avec la ferme intention de nous en souvenir. On vous raconte.

Jour 1. 14h00, tous les chemins mènent aux romains

Débarquées à Porte d’Auteuil, on ne sait où se diriger. Sous un soleil radieux, on croise des metalleux arborant leurs plus beaux t-shirts, ce qui contraste avec la population très chic du quartier. Naturellement, on rejoint le flux mouvant. Sur place, tout le monde est à l’heure, des milliers de personnes s’ameutent déjà devant les deux guichets d’entrée et le camping (photo). L’heure tourne et les portes ne s’ouvrent toujours pas, tandis que les guitares de We Came As Romans commencent à résonner dans l’hippodrome encore vide. Les premiers arrivés détalent vers la Main Stage dans un mouvement monumental. Mais un bon concert de metal n’est rien sans une bonne bière.

15h25, cashless tomber

Tout le monde a eu la même idée. Les bars ne prenant ni CB, ni espèces, on n’a pas d’autres choix que de faire l’énorme queue du cashless (photo). Aux guichets, trop peu de bénévoles pour servir l’énorme meute d'assoiffés, agglutinés sous la chaleur écrasante. La file stagne si longtemps qu’on s’impatiente. On ne veut pas rater notre premier rendez-vous de la journée : Gojira ! Une fois au guichet, 1 euro nous est déduit pour débloquer la puce cashless attachée au bracelet autour de notre avant-bras.

16h36, baie de Gojira

Pinte d’Heineken d’une valeur de 7 euros à la main, on court se caler devant Gojira qui a déjà commencé son set depuis cinq bonnes minutes. Moment émotion lorsque le chanteur, Joseph Duplantier, annonce les vingt ans du groupe:On a décidé que ce concert sera celui de notre anniversaire !”, et des milliers de personnes entonnent un Joyeux anniversaire à l’unisson (photo). La batterie et la basse font vibrer notre cage thoracique et le public, sans échauffement, part au quart de tour. Pogos, circle pit, wall of death, tous les bons ingrédients métal sont là. On a beau être au milieu de l’après-midi, la journée s’annonce déjà épique.

18h30, adrénaline

Deftones (photo) est peut-être un groupe mythique de notre adolescence, il pâtit d’une mauvaise critique en live. La cause : la voix de Chino qui serait fausse, ou pas assez puissante. On reste sur la Main Stage avec un peu d’appréhension. Puis finalement, ils nous balancent des gros titres comme Change, Be Quiet And Drive, ou Diamond Eyes qui marchent bien. Leur style, plus posé, empêche le public de s’enflammer mais il reste très réceptif. Chino donne toute son énergie, jusqu’à aller slamer et chanter dans le public au bout des bras.

21h10, croisons le fer

Il y a des chansons qu’on va jouer, certains n’étaient pas encore nés !” s’essaie dans un français très british Bruce Dickinson. Le chanteur d’Iron Maiden (photo) est loin d’avoir perdu l’usage de sa langue. Il envoie même du pâté sous son masque de catch, et malgré une petite voix chevrotante, aucune fausse note, la machine est bien huilée. Cependant, on doit écourter notre séance pour anticiper un nouveau rencard de l’autre côté du site. Après le fer, le bronze : direction les toilettes, propres, où le service de nettoyage est au taquet. On fait une bataille d’eau pour calmer nos ardeurs et on se dirige vers la Stage 2.

22h30, Satan bouche un coin

Est-ce qu’on doit vraiment vous présenter Ghost ? Papa Emeritus et ses Goules Sans Nom viennent tout droit de Suède, et on a vite remarqué qu’ils ne s’étaient pas pointés pour monter des meubles (photo). Ils ont même plutôt tout démonté malgré la voix enrouée du chanteur qui nous vaudra un set raccourci. Ils annuleront d’ailleurs leur date le lendemain chez le grand frère du Download au Royaume-Uni. Mais à Paris, le public est totalement possédé. “J’aimerais rendre hommage à l’orgasme féminin”, nous annonce ce drôle de Pape sans toque avant de finir sur Monstrance Clock. Et comme un orgasme, cette journée se termine en apothéose.

Jour 2. 14h30, il pleut des cordes

Mais où est passée la foule ? A notre arrivée, le site a l’air presque vide, alors qu’on attend Apocalyptica. On est comme des dingues à l’idée de pogoter sur des violoncelles badass et ce ne sont pas trois gouttes de pluie qui vont nous décourager. Quand même, ce sont les seuls à headbanger en jouant du violoncelle. Et puis un chanteur débarque comme une fleur au bout de trois chansons et casse complètement le concert. Son style, marcel et casquette, voix à la limite de Jamiroquai écrase les violoncelles. Ça ne prend pas et on part comme sans une once de regret au bout d’une demi-heure.

15h03, masse hystérique

Décidément, le métal français frappe à nouveau sur l’hippodrome de Longchamp grâce à Mass Hysteria (photo). On a le droit à un pogo, puis deux, puis trois, puis des bravehearts qui réunissent une foule spectaculaire. Mouss nous surnomme “les furieux et les furieuses”. En effet, le public devient littéralement fou. Chaque refrain était une occasion de plus pour relancer une vague humaine. La fosse vole la vedette à la scène, mais l’énergie dégagée provient bien de cette dernière.

16h00, le repos du guerrier

Celui qui est ressorti du public de Mass Hysteria sans clopiner vous ment. Le soleil est revenu, c’est le moment idéal pour récupérer avec une petite sieste. Rien d’alléchant niveau programme, c’est l’occasion pour nous de faire le tour du propriétaire, sans courir entre deux set. Malheureusement, l’offre est assez restreinte au niveau des animations, mais reste originale : deux barbiers proposent de rafraîchir la crinière et autre pilosité de ces messieurs (photo). Derrière bourdonnent les aiguilles électriques de deux tatoueurs qui, pour les prix du marché, offrent des flashs de tous les logos des groupes présents, dont le celui du festival. Enfin, deux photomatons permettent aux festivaliers de repartir avec un petit souvenir de leur passage.

20h12, en quête d’action

Certains autour de nous ont chopé des coups de soleil et sortent la crème solaire indice cinquante pour s’en tartiner le visage et les épaules. C’est sous ce beau temps que Biffy “fucking” Clyro débarque. Le groupe nous fait l’effet d’un bain brûlant : difficile de rentrer dedans mais une fois qu’on y est, on a un peu de mal à en sortir. A la fin du set, certains festivaliers restent devant la scène principale et cherchent le meilleur endroit possible pour profiter de la dernière tête d’affiche de la journée : Korn. On va découvrir The Inspector Cluzo qui joue sur la Stage 3, la petite scène qui se trouve juste à droite de la Main Stage. Le duo français improbable balance du stoner puissant, discute avec un public conquis qui se sent proche des musiciens et l’ambiance intimiste ajoute à la performance, dont on sort ravis.

22h12, Korn amuse

On fait partie de ceux qui attendaient vraiment Korn, un monstre incontournable du néo metal qui a fait notre adolescence (photo). Niveau titres, on est largement servis avec Right Now, Here To Stay, Twist, Got The Life, et autres classiques. Ce qui donne l’un des publics les plus violents du week-end. Une fureur inouïe qui laissera sur nos bras des hématomes. Pourtant, Jonathan Davis et ses acolytes n’ont pas la grande forme. Le leader s’interrompt entre plusieurs chansons, sûrement dû à son asthme. Il n’est pas vraiment avec nous, mais la puissance de leurs morceaux mythiques fait tout le travail.

00h00, navettes spacieuses

C’est donc bien suantes et totalement vidées qu’on quitte le site en traînant des pieds. La sortie se fait calmement et les indications une fois dehors sont claires : un endroit est réservé pour les taxis et autres VTC, tandis qu’un autre regroupe un flot de navettes. Certaines d’entre elles amènent à Porte Maillot et d’autres à Porte Dauphine, et il en part toutes les cinq minutes environ. Une sortie fluide, facile, entourée par une équipe aux aguets et une bonne sécurité. Rien à redire.

Jour 3. 15h03, Reuno en roue libre

On commence ce dernier jour sur les rotules, les chevilles souffrantes, les bras bleus, la tête en vrac. Ce dernier jour s’annonce encore lourd, il faut tenir jusqu’au bout. Pile à l’heure, un troisième groupe français arrive sur la Stage 2. Lofofora commence sous la pluie et les k-ways.Putain, si un jour on m’avait dit que je ferais un concert en face de la Défense… C’est pas vous qui me motivez, c’est le ramassis d’enculés là-bas !, balance le chanteur. En grande forme, il échange avec le public, demande à se faire insulter et se moque gentiment des Solidays dont la scène est montée juste derrière. On apprécie la franchise de Reuno.

16h00, love me Fender, love me true

Il pleut, il pleut pas, finalement ça nous importe peu. Trivium s’empare de la Main Stage et entre chaque chanson nous assène de phrases possédant toutes les variations possibles du mot “Fuck”. On avoue, on préfère Matt Heafy quand il chante. Ce sera toutefois une réussite pour le groupe qui fera une prestation presque sage, puisant dans de vieux morceaux bien gueulards comme on aime. On part ensuite sur le stand Fender pour gratouiller quelques cordes et pour jeter un coup d’oeil aux différentes guitares présentées. (photo)

19h05, il vient de loin, il vient du blues

Au milieu de cet univers très centré metal, Rival Sons est une petite bouffée de blues. Deux jours après la sortie de leur nouvel album, ils nous ont emmené faire une virée du côté des années 70. Fortement influencés par Led Zeppelin dont on entend les nombreux hommages à travers leurs chansons, le groupe conquit un public qui patauge dans la boue. Le chanteur, Jay Buchanan, nous réchauffe par des poussées vocales qui n’ont rien à envier au chant guttural auquel on avait pris l’habitude et son charisme ne nous laisse pas indifférents.

20h, bim, bam, boue

Sur la pléthore de stands proposant de la nourriture, les choix sont relativement variés : barbecue, falafels, pizzas, sandwichs raclette, burgers, etc. Malheureusement, on compte en tout et pour tout seulement deux choix végé et vegan sur la vingtaine d’échoppes. Si les bars n’acceptent ni CB ni espèces, les stands de restauration sont un peu plus ouverts sur le sujet et indiquent sur leur devanture les règlements qu’ils acceptent. Dans la queue pour un wrap au poulet et des frites de patates douces, d’une valeur de 10 euros, on commence à s’enliser dans la boue. Mais on s’en fiche royalement, déjà parce qu’on se concentre sur notre estomac, mais aussi parce qu’on s’amuse à voir des festivaliers profiter en craquant littéralement leur slip. (photo)

21h10, et j’entends siffler le train

Les mains pleines de victuailles et les chaussures définitivement engluées, on glisse vers la petite scène pour aller voir un autre groupe plus rock qui s’annonce en même temps que Megadeth : Last Train (photo). Les quatre garçons, la vingtaine, le cuir noir au vent, dénotent de la programmation. Ils sont encore peu connus, et sont là pour convaincre un public pratiquement vierge. Avec leur petit EP en poche, ils commencent leur set avec aisance. Les morceaux avancent, le public se demande où il a atterri: plutôt au bon endroit. Les petits français finissent avec leur titre phare, Fire, qui séduit définitivement, lequel les applaudira chaleureusement.

22h02, bouquet final

Un gigantesque rideau noir cache la scène. Le public s’étend à perte de vue comme une véritable marée humaine. Les 50 000 festivaliers du jour ont répondu présent. Un décompte s’affiche sur ce dernier et la foule hurle “Dix ! Neuf ! Huit !...”. Arrivé à zéro, des feux d’artifice lancent le coup d’envoi du set (photo). Rammstein reste fidèle à sa réputation : ce n’est pas un concert qu’ils nous livrent, mais un véritable spectacle sons, lumières, et lance-flammes. On y assiste complètement stupéfaits, on a les yeux qui brillent et on saute comme si la fatigue des trois derniers jours n’existait pas. Ich Will, Du Hast, Feuer Frei, tant de morceaux que des milliers de personnes reprennent en coeur. Ce soir-là, tout le monde avait fait allemand LV2.

Le Bilan

Côté concerts

La découverte
The Inspector Cluzo, un duo diablement efficace dont on écoute toute la discographie depuis que le festival est terminé.

Les plus gros circle pits
Gojira & Mass Hysteria, des made in France qui vous font sortir de leur concert aussi épuisé qu’après une bonne séance de sport.

Les futurs vieux
Korn, ça nous arrache de le dire, mais la belle époque du groupe semble bien derrière nous.

Les bébés 
Last Train, ces français de 20 ans ont l’air d’avoir tout compris au rock. On a hâte de leur premier album.

La blague
BabyMetal, une demi-heure de retard dû à des problèmes techniques, sans parler du concept du groupe...

Les maîtres 
Rammstein, jah-vol ! C’est tout ce qu’on sait dire en allemand, mais on trouve que ça résume pas mal.

La déception 
Apocalyptica, sérieusement virez le chanteur.

Côté festival

On a aimé :
- L’ambiance générale. On a bien retrouvé la chaleur et la fougue sauvage des metalleux, fidèles à leur image.
- Les stands de prévention. Ethylotests, bouchons d’oreille, service de prise de clés, petites brochures informatives et bonbons, le tout tenu par des bénévoles adorables.
- La ponctualité de tous les set. À part un seul souci technique, tout était réglé au poil près.
- L’organisation de l’espace et la fluidité de circulation.

On a moins aimé :
- Le cashless. On peut comprendre son intérêt pour le festival mais pour nous, ça a juste été beaucoup de temps perdu.
- Un manque d’animation du côté des stands. Boire et manger c’est bien sympa, mais on aurait aimé faire autre chose entre deux concerts.
- Le manque d’infrastructures pour se poser. Les deux grands bars couverts étaient superbes, mais trop peu de chaises pour poser son bouli.
- L’absence de déco. À part l’énorme tête de chien rouge au milieu du site, emblème du festival, l’univers reste à faire.

Conclusion

Disons-le franchement : cette première édition du Download Festival à Paris est une réussite. L’afflux considérable à l’entrée et les longues attentes des toutes premières heures ont fini par se diluer pour au final devenir anecdotiques. L’organisation a su rapidement réagir et le reste du week-end s’est déroulé sans un seul accroc, accueillant les 100 000 festivaliers comme des rois. Les prestations live resteront de sacrés beaux souvenirs, même si le son sur certaines scènes aurait pu parfois être bien meilleur. Alors certes, ce n’est peut-être que le petit frère du Hellfest en France, de 10 ans son aîné. Mais cette première édition nous a servi sur un plateau d’argent une programmation prestigieuse en mettant tous les moyens sur place pour nous donner l’envie de revenir l’année prochaine.

Un récit de Juliette Ortiz et Antonia Louveau
Crédits photos: Nicko Guihal (Photo Couv, Lofofora, Biffy Clyro, Iron Maiden) Juliette Ortiz et Antonia Louveau