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Flavien Berger: « Comme d'autres auraient fait du boomerang, moi j'allais faire du son dans ma chambre »

Souvenez-vous de ce nom, vous allez en entendre parler. Flavien Berger, qui a sorti son premier album en début d'année, sera en tournée en festival cet été, de la Route du Rock à Calvi on the Rocks en passant par Baleapop. On a profité de sa venue à We Love Green pour échanger avec lui.

Tous les Festivals : Alors, comme ça, tu es musicien mais aussi prof d'art ?

Flavien Berger : Ouais ! Je fais des cours préparatoires pour les écoles françaises d'arts style les Beaux Arts, Art Déco et tout ce qui s'apparente à la création.

Du coup, tu te dis plus artiste que musicien ou c'est lié ? Tu as commencé par quoi ?

L'art en règle générale. La musique c'est une manière de s'exprimer. Je peux pas vraiment me dire musicien parce que je sais pas vraiment jouer des instruments même si j’apprends et que je saurai bientôt jouer du piano. Mais en vrai, le vecteur principal c'est la musique, c'est une manière de raconter ce que j'ai toujours voulu raconter. C'est le medium que j'ai toujours le plus utilisé, je me suis rendu compte que j'avais fais ça toute ma vie. Comme d'autres auraient fait du boomerang ou un sport, moi j'allais faire du son dans ma chambre. Et du coup, j'avais acquis quelques outils et j'en suis arrivé au plus proche de ce que je voulais raconter. C'est un vecteur, c'est le vaisseau qui me va le mieux pour faire partager les univers, les mondes dont je veux parler. Après je suis sensible à la création en général et je prend un projet musical comme je prendrai un projet filmique ou un projet d'installation. Se poser et réfléchir à ce qu'on veut faire, essayer de gratter pour avoir un peu d'originalité dans les choses qu'on propose et se surprendre soi-même pour surprendre les autres. Donc voilà j'ai pas purement une démarche musicale parce que mes morceaux sont pas enregistrés par des musiciens, c'est assez simple, on les enregistre on les mix et on fait des disques.

Est-ce que par conséquent, c'est très important pour toi d'avoir un côté visuel sur scène ?

Non, d 'ailleurs c'est la première fois que j'en ai (ndlr : à We Love Green). Et en faite on a fait le choix d'avoir des visuels ici parce que sinon il y aurait eu écrit We Love Green ou mon nom. Comme il y avait le clip Rue de la Victoire, réalisé par Maya de Mondragon, où elle a été tourner dans les ruines numériques de Second Life, il lui restait plein d'archives de trucs qu'elle avait filmé et qu'on n'avait pas utilisé pour le clip,  on a décidé de les utiliser. C'était 50 minutes un peu "random", ça tombait ou pas avec les morceaux mais c'était cool. Je suis pas forcément pour l'image avec la musique, je trouve pas ça nécessaire même si c'est un peu un archétype de notre époque, je ne pense pas que ce sera toujours le cas. Je pense que dans l'avenir, je ferai des projets qui ne seront peut-être pas illustrés, qui parleront d'eux-mêmes. Mais là c'était juste « Ok, maintenant ça devient public la musique, je veux faire de collabs avec tous les potes que j'ai depuis longtemps». Donc en fait, il y a un petit peu de collaboratif.

Il y a des gens qui te qualifient comme « un prince sombre », quelqu'un de très mystique. T'en penses quoi ?

Moi ça me va. Ce qui est génial avec les différentes appellations c'est tout simplement qu'il y en a des différentes. A partir du moment où des gens ne voient pas la même chose, t'es face à plein de visions différentes et c'est cool. Je ne cherche pas à faire une musique lisible, hyper claire. Si tu me demandes le genre de ma "zik" je ne saurais pas te répondre. Je ne suis pas sensible au genre, c'est un terme commercial qui a été inventé au moment où il fallait faire les bacs à disques, c'est pas la meilleure manière de communiquer la musique et ça a empêché les gens d'en parler personnellement. Je pense que fondamentalement ce que je raconte est un peu triste, toujours un peu comme dans le blues, des histoires d'amour frustrées, pas consommées intégralement. Si tu dis des choses heureuses en histoire d'amour, il y a moins de profondeur, on peut moins s'y retrouver.

Ton dernier disque, Le Léviathan est principalement axé sur des chansons d'amour, est-ce tu es un grand romantique ?

Romantique mais pas dans le sens littéraire du terme. Je vis pas dans la mélancolie de choses que je n'ai pas vécu même si je prête à la nature pas mal de pouvoir, tout ce qui est océan, le coté aquatique est très important dans ma musique. Il y a une notion de nostalgie dans le romantisme dans laquelle je ne me retrouve pas, au contraire, j’essaye d’être à fond dans l’époque, à fond dans les outils du présent, de tout ce qu'il se passe autour de nous.

Qu'est-ce qui est important dans le public quand tu fais un live ?

J'ai pas d'attentes, donc je suis surpris et les surprises que j'ai me font plaisir. Je cherche que les gens dansent un minimum. Je cherche à ce que les gens ferment les yeux de temps en temps pour pouvoir partir. Je regarde beaucoup le public car je veux voir s'il capte les systèmes stimulants pour le cerveau que je lance. Pour moi le live est basé sur une transe collective, il faut que ça bouge un peu à l’unisson. Après je peux avoir beaucoup d'émotions dans un D'Angelo ou un Nick Cave mais ce sera pas la même motion que quand je bouge.

J'ai eu une énorme surprise dans un bar à Bruxelles, l'année dernière, au Tigre, où les gens gueulaient plus que moi, c'était ouf ! Au bout d'un moment c'était comme si on faisait le concert tous ensemble. A We Love Green, c'était chan-mé, il y avait des bananes, un peu de hippies qui dansaient au loin et tout. J'aime bien quand les gens crient quand tu coupes le son : un gros silence et là « ouah !», t'as une masse énergétique qui arrive.

Quelle est la différence entre un public de festival et un public de concert ?

Les festivals, c'est un univers que je connais assez peu au final. En festival, tu sens les flux de gens qui viennent. A Saint-Brieuc, au milieu de mon concert, les gens sont partis sur la grande scène. Et toi tu dois jouer et essayer de les garder. Parfois tu te dis «ah, il y en a qui appellent d'autre potes pour venir !», ou l'inverse « non, non viens pas, c'est de la merde ». Les gens ont plus d'espace pour danser et en plein air il y a un autre son qui est très piqué. Le son de plein air il est génial car il n'y a pas de résonance, ça va direct. Souvent le son en plein air est meilleur qu'en petite salle.

Tu as déjà fait des festivals en tant que festivalier ?

Pas beaucoup, je suis un peu parisien moi donc j'allais dans des salles de concert. Je suis pas un gros chaud de rendez-vous avec mes potes en mode camping tout les ans au même endroit. C'est un peu une frustration, d'ailleurs. J'aurais adoré faire du skateboard et j’en ai pas fait, c'est pareil pour les festivals. Je découvre ce que c'est qu'un festival depuis que je fais de la musique professionnellement. Je vois tout en fait, les mecs qui kiffent, les mecs qui bossent et tout le monde est assez content d’être là. C'est beau un backstage en festival. Tu te rends pas compte en faite, il y a plein de gens, plein de mecs qui bossent.

Si tu pouvais toi-même organiser un festival, ce serait où et avec qui ?

Un festival dans un vaisseau spatial, en apesanteur, gravité zéro. J'inviterais Sun Ra, Black Leotard Front et j'inviterais Dj Castro. C'est un mec des favelas qui fait de la musique avec des bouteilles d'eau mais il le fait comme si c'était une Boiler Room ! Pour le set-up, Dj Castro ouvrirait, ensuite Black Leotard Front feraient monter la sauce et on finirait sur Sun Ra qui reviendrai à la vie pour un concert dans l'espace. 

Et ton projet de lancer un album gratuit cet été ?

Ce sera à Noël finalement parce qu'il faut laisser le temps à Léviathan, faut pas que je lui casse les pattes à ce monstre. Qu'il ait le temps de s'émanciper, d'aller un peu dans les foyers, il a une jolie vie et j'ai envie de laisser vivre un peu cet été. Pour Noël on fera un album gratuit, parce qu'aujourd'hui tout le monde écoute la musique gratuitement. L’album m'a coûté 0 francs à faire, il va coûter 0 francs aus gens à écouter. Je pense qu'on va faire un espèce de système où si t'as envie de filer une balle, tu files une balle. En plus cet album parle d'argent. C'est le thème du disque fantôme, qui s'appellera Disque Fantôme 01, parce que c'est un disque qui n'existe pas physiquement.

Et du coup tu te sers déjà de la musique du futur album en live ?

A Poitiers j'ai fais une espèce d'impro sur un des morceaux mais sinon personne ne les connaît. Ça reste secret, ça va être dans le format long, ce sera très simple. Il y aura des trucs qu'on aimera, d'autres qu'on aimera un peu moins, des trucs réussis, des trucs foirés. Il faut arrêter de faire semblant, j'ai envie de montrer mes carnets.

En festival cet été : le 7 juillet à Calvi on the Rock, le 15 août à la Route du Rock, les 13, 14, 15 et 17 novembre au festival Les Inrocks

Propos recueillis par Kilian Roy et Anja Dimitrijevic