Véritable pilier de comptoir du rap dit « alternatif », ex-membre des Svinkels et même animateur de télé… Gérard Baste a eu plusieurs casquettes et une longue carrière sur les routes de France. Nous avons pu échanger avec lui juste avant son concert au Jardin du Michel et autant dire que niveau festoche, Gégé a de la bouteille.
Tous les festivals : Salut Gérard ! Peux-tu nous dire quel rapport tu entretiens avec les festivals et si tu es un festivalier dans l’âme ?
Gérard Baste : Je suis festivalier dans le job surtout. Les festivals auxquels je suis allé de moi-même en tant que visiteur je peux les compter sur les doigts d’une main. J’ai dû aller à 3 trucs dans ma vie. Depuis que j’ai 20-21 ans j’ai surtout fait les festivals en tant qu’artiste avec les Svinkels et puis en solo. Une fois, on a été avec ma femme à Marmande au Garorock en amoureux. Il y a eu aussi le festival en Bretagne, le truc techno… Ah oui ! Astropolis… Bon on avait des places ! (Rires) Après c’est sûr que les festivals c’est des rendez-vous annuels que t’as envie de faire.
Il y en a qui pourrait préférer tourner en salle non ?
Chaque date est particulière il y a des fois où tu ne vas pas être en forme, où tu ne vas pas avoir envie de jouer et où tu auras un peu peur. Que ça soit en salle ou en festival c’est la même torture. Et d’autres fois c’est l’inverse tu vas être super content et tu vas avoir envie de tout donner. Du coup, que ce soit dans une petite salle ou dans un énorme festival, t’es content de le faire et de partager avec les gens.
Quel est ton meilleur souvenir de scène ?
J’ai été très surpris quand j’ai fait les Eurockéennes avec les Svinkels, on nous avait donné la chance inouïe de jouer sur la grande scène avec Korn et Slipknot, c’était assez démesuré il y avait 25 000 personnes à peu près et j’avais très peur que les gens n’aiment pas et qu’on se fasse un peu jeter ! C’était déjà arrivé quand on tournait avec Matmatah ou quand on faisait d’autres premières parties… Mais on a compris ce jour là, quand on est arrivés sur scène et que les gens se sont mis à hurler avec enthousiasme que finalement les gens étaient là pour s’amuser et pas du tout pour dénigrer ce qu’on faisait. Je me suis dit : « merde c’est dément ça ! » ça reste mon plus gros souvenir, d’avoir entendu cette foule dès le début qui m’a rassuré et qui m’a donné une énergie de dingue.
Le Jardin du Michel tu connaissais avant ?
Alors le JDM je l’avais fait avec les Svinkels il y a 7 ou 8 ans…
Et tu le connais ce fameux Michel ?
Justement au JDM on avait eu la chance de le croiser le Michel, parce qu’il aime bien voir les groupes, ça l’intéresse ! Je me rappelle qu’on avait fait une sacrée java dans les coulisses, les gens de la Croix Rouge à la fin ils étaient bourrés, les pompiers aussi, ils avaient même vidé les extincteurs, pour te dire l’ambiance générale (Rires). Ca reste un très bon souvenir ! Je fais beaucoup de festivals et quand je vois le Michel, qui voit passer beaucoup d’artistes, qui se souvient de moi et qui vient me faire un bisou, je me dis qu’il y a un côté humain appréciable. D’une manière générale, c’est vrai qu’on essaye de tisser des liens avec les organisateurs, on se recroise, on fait des afters, on croise des groupes aussi… C’est pas dans tous les festivals comme ça !
Tu en penses quoi toi de la représentation du rap en festival ?
Tu me demandes ça pourquoi ? Parce que le rap peut parfois être sous représenté ?
En fait il y a quelques semaines on en parlait avec Youssoupha, ce n’est pas exactement le même style que toi mais ça reste du hip-hop ; lui n’a pas de soucis pour trouver des dates mais il parlait de la sous représentation de gros vendeur comme Booba par exemple…
Ouais mais les programmateurs n’y pensent pas forcément c’est pas exactement le même créneau, il y a des festivals un peu plus hip-hop…
Il disait justement qu’il n’y en avait pas tant que ça…
Le public festivalier est particulier aussi. Je me rappelle d’une date hyper cool à Dour où on avait joué avec Sniper et Diam’s. Sniper c’était passé mais Diam’s s’est fait tèj. Elle s’était pris des bouteilles et tout, on avait d’ailleurs trouvé ça assez honteux et pas très cool de la part du public de Dour. C’est une façon aussi de dire que ce n’est pas notre culture tu vois. Mais on a fait des trucs. Psy4 de la Rime à un moment ils ont pas mal tourné en festival. Après est-ce la musique proposée est adaptée… J’aurais bien voulu voir ce que ça donne Nekfeu sur un festival parce qu’il va en faire beaucoup cette année (ndlr : Nekfeu était programmé au JDM le lendemain de l’interview). Et quand tu vois les groupes programmés sur les grandes scènes comme Bigflo et Oli ou Nekfeu, ça reste du rap alternatif pas du rap classique.
C’est vrai que c’est pas vraiment du rap de rue…
Il y a un truc hallucinant d’ailleurs c’est PNL à We Love Green le festival écolo ! C’est plutôt drôle ! C’est presque un pied de nez quand on voit tout ce qu’il s’envoie comme verte ! (Rires) Enfin peut-être que ça va venir… Le rap était passé un peu de mode à un moment puis c’est revenu assez fort avec des groupes comme 1995. Après je pense que c’est une volonté des groupes et des programmateurs. Faut avouer aussi qu’il n’y a pas beaucoup de rappeurs qui sont habitués à la scène, les mecs rappent plus en boite ou dans les showcases. Mais bon Iam, NTM ou Joeystarr ça tourne plutôt bien.
Pour rebondir sur le rap alternatif, il y a ce fameux documentaire un jour peut-être*, dans lequel tu apparais. Qu’en as-tu pensé ?
Ce documentaire, avec le petit buzz qu’il a fait, il a remis un peu sur le devant de la scène le terme de « rap alternatif » et c’est pas une mauvaise chose. On a participé à ce documentaire avec beaucoup de plaisir mais c’est vrai qu’au début quand on a vu le résultat on a tous été un peu choqué, parce qu’il est très scénarisé et très orienté. Mais en fin de compte le propos n’est pas faux, il est intéressant et il retrace bien l’aventure que ça a été. La rencontre entre nous et le grand public ne s’est jamais vraiment fait. Peut-être que justement c’est ceux qui sont le plus étrangers à ce mouvement qui ont le plus de recul dessus et qui disent que ce n’était juste pas terrible ou trop spécial. J’ai beaucoup de tendresse pour ce documentaire au final car il est très représentatif de ce qu’on a fait et malgré ça tu vois qu’on est toujours là. Chacun fait son truc, TTC n’existe plus mais Tekilatex continue à être bien présent sur la scène club, Grems que tu vois dans le doc il n’a jamais arrêté et il sort un clip toutes les semaines. Moi je prépare mon album, j’ai sorti deux mixtapes, je n’arrête pas de tourner, on est complet partout donc finalement ce petit scénario il raconte bien l’histoire mais l’épilogue continue de durer.
C’est quoi le festival de tes rêves ?
Je n'y ai jamais trop pensé mais il y a un nom qu’on trouvait bien con comme nom de festival c’était le Cubirock (Rires) on a bien déjà vu des Festicouilles, des… euh… comment ça s’appelle le truc avec le sauciflard ? … Festiflard ! C’est mal hein ? Après moi j’aimerais juste organiser un festival avec mes potes tu vois ? Avec les groupes avec qui je suis allé, j’ai des potes qui font du hardcore qui s’appellent Ratamahatta, des amis qui font du rap… Ouais j’aimerai bien faire ça ! Après moi y a des groupes que j’ai aimé voir en festival aussi par exemple j’ai beaucoup aimé voir Method Man et Redman, des mecs simples qui envoient, je trouve qu’à chaque fois ils assurent. Sinon je mettrais pas mal de découvertes parce que je trouve que les prog’ des festivals sont un peu trop similaires, tout le monde fait tourner les mêmes artistes, faudrait prendre un peu plus de risques.
C’est vrai Louise Attaque ils font au moins 20 dates…
Alors que Daniel Guichard on ne le voit jamais ! (rires)
Propos recueillis par Josselin Thomas
*(Il s’agit d’un documentaire qui revient sur la naissance d’un mouvement de rap alternatif du début des années 2000 – avec des groupes comme TTC, La Caution, James Delleck, Le Klub des Loosers, les Svinkels et bien d’autres – et la mort annoncée de celui-ci)