On était à
Trois éléphants qui ne se trompent pas énormément

Quand d'autres festivals déjà bien rodés se cherchent un second souffle, celui des 3 Eléphants du côté de Laval affiche une santé radieuse, affichant complet tout le week­end. Juste retour des choses pour une 17ème édition enthousiasmante et maîtrisée, qui a offert une grande brassée de beaux moments scéniques et festifs.

Jour 1. 20h34, entrée dans l'arène

Quand on n'a pas la chance d'être Lavallois, le premier contact avec Les 3 Éléphants passe par un regret : on va rater des trucs. En dehors du site circonscrit des « gros » concerts du soir entre les deux scènes du patio et de l'Arène, se déploie dans tout le centre de Laval une programmation qui n'en est pas moins alléchante et dont nous avons du nous passer : arts de rue, fanfares et concerts en tout genre, il y avait de quoi se régaler à peu de frais tout au long du week­end. Ce sera pour une autre fois. Débarqués en début de soirée, nous découvrons un site accueillant et fonctionnel, bien balisé et pour autant pas du tout impersonnel. Élégante, amusante, discrète, avec une multitude d'approches qui n'enlèvent rien à la cohérence d'ensemble, la déco et la mise en ambiance du site sont d'emblée une vraie réussite et un réel plaisir à parcourir.

21h30 Dakhabrakha, le groove made in Ukraine

Arrivés tard pour le concert des Ukrainiens de Dakhabrakha, nous ne pouvons que happer les derniers morceaux d'un set qui a tout l'air d'être très convaincant. Influences brassées et multiples, belle présence et un mélange de retenue et de sourire sans complexes qui fait plaisir à voir. Dans la grande salle de l'Arène, le public est déjà nombreux et l’ambiance joviale.

22h15, Son Lux dans les nuages

Sous le grand chapiteau du Patio, l'Américain Son Lux révèle une personnalité forte et une voix très impliquée, dans des compositions à la fois planantes et écorchées, matinées de pop, d'électro et de rock sophistiqué. Le premier constat récurrent du festival est la patte eighties très marquée et assumée d'un certain nombre d'artistes programmés.

22h35, plébiscite sauvage pour le retour de Cantat

Indéniablement un des moments forts du festival, la possibilité de réentendre Bertrand Cantat (photo) sur scène via son projet Détroit - partagé avec l'ex­16 Horsepower Pascal Humbert - ne  pouvait  guère  être  appréhendée  objectivement.  Au délà de certaines paroles ou attittudes, où le recours au répertoire de Noir Désir,  notre  profond  plaisir  est de  réentendre  cette  voix,  et l'imparable présence du bonhomme. Un moment puissant et troublant. L'accueil du public est  tonitruant, tout à la joie des retrouvailles, pour un concert furieux et efficace de bout en bout, voire envoûtant par moments.

23h57, direction les 90's

Difficile  d'émerger  de  tout  ça  pour se rendre  à  nouveau  disponible  pour  d'autres  musiques. Le choix des programmateurs d'opter pour le contraste doux est le bon. Les Australiens de Jagwar Ma (photo) ont su convaincre, avec leur pop électro qui n'est pas sans rappeler les grandes heures de la scène britpop des années 90, Stone Roses et Charlatans en tête. Une bonne énergie portée par la voix du chanteur, pour une confirmation en 2014 de ce talent découvert sur scène l’année passée.

01h04, Breton devient grand

Déjà vu l'an passé au festival Au Pont du Rock, les Breton (photo) montrent ce soir un show encore plus maîtrisé, oscillant avec aisance entre énergie rock et nuances d'une pop sombre très personnelle. Les visuels affûtés accompagnent le propos et la démarche avec élégance et  force, bref rien à redire sur la cohérence et l'originalité de l'ensemble, ces gars là ont encore  grandi depuis la dernière fois.

02h12, Acid Arab et fin de chantier

C'est au son débridé du duo Acid Arab (photo) que se termine cette première soirée de concerts. Une house sans beaucoup de pH mélangée à des tonnes d'influences orientales, la musique des Parisiens accompagne la fin des hostilités d'une nuit bien remplie, avec une prog’ dont la qualité ne va pas se démentir le lendemain.

Jour 2. 21h20, les Fauve se lâchent

La seconde soirée débute par le concert de Fauve (photo), puissant et rêche. Ce groupe ne ressemble décidément à aucun autre. Très rentre dedans, dans le son comme dans les mots, il livre une musique que n'intéressent pas les complaisances et les accommodements. Un final énorme devant un public conquis, et tout est dit. Quelle idée de les avoir programmés si tôt !

21h50, les fantastiques petits cons de Vundabar

La foule, compacte et plus jeune que la veille, circule et fait sa vie, dans un esprit assez bon enfant, profitant des espaces de repli qui rendent plus appréciables les moments ensuite consacrés aux concerts. Celui des Vundabar (photo) est de ceux dont on retiendra le côté foutraque, déconnant et  convaincant. « Garage pop » disait le programme, et c'est bien de ça dont il s'agit. Les  trois  petits  cons  du  Massachusetts s'en  donnent  à  cœur  joie, sûrs  d'eux  et  joueurs. Un peu branleurs, mais toujours dans leur musique, ils offrent un set nonchalant et énergique à la fois.

22h17, déambulation festive

Les festivités sont au rendez-vous. Dans un petit bar à l'abri de la foule, on y trouve des sets de DJ festifs, mais aussi ce qui semble bien être un concert des Solids, ce duo canadien au son grunge massif et jouissif qui jouait dans un bar plus tôt dans la journée. Quel pied !

22h44, Girls in Hawaii chauffe les esprits

Pris  dans l'ambiance, nous ratons le début du concert des Girls in Hawaii (photo), qui s'avère être une bonne claque. Originaux, très frontaux et tout en nuances à la fois, les Belges dispensent tout du long un répertoire ambitieux, cohérent, qui emmène. Super découverte et un public enthousiaste qui attendait les Wallons au tournant et en redemande.

23h32, welcome to the Jungle

Beaucoup moins convaincant, le show des Jungle sert la soupe à danser avec un son massif mais une présence par trop convenue à notre goût. Reste que ça semble avoir bien fonctionné  auprès d'une foule baignant dans un esprit simplement festif et léger.

23h51, les saveurs aux marches du palais

Dans l'antre très classe qui borde le cœur des hostilités, on trouve à manger de toute sorte, de la soupe bio à la fouée aux rillettes. Cuisine du monde ou sandwich ­frites­ mayo, il y en a pour tous les appétits. Là encore, l'aménagement des lieux n'est pas fait à moitié. Inventif, massif, décalé, il fait de l'espace du festival un petit univers temporaire à part entière. Et en plus, on peut boire, aussi.

01h02, les perfectionnistes sur scène

Après une intro bien vue sur un morceau de Tool, Rodrigo y Gabriella (photo) déboulent devant un public ravi. Ils dispensent un show très pro, une musique acoustique empruntant à énormément d'influences et portée par une énergie très rock. Très technique notamment dans le jeu rythmique des percussions,  le duo explore les métissages attendus ou improbables tout en gardant  toujours son identité hispanique et, parfois, un brin convenue. Succès garanti en tout cas, pour un blockbuster qui a manifestement répondu aux attentes des fans.

01h38, le rap survitaminé des D­Bangerz

Annoncés comme héritiers des Svinkels et de Stupeflip, les D­Bangerz empruntent sans doute aux premiers une approche très déconne et lyrics potaches, mais le lien avec les seconds  apparaît moins évident.  En tout cas, les gars occupent la place avec vigueur et un show bien  rôdé. Dommage qu'il nous ait fallu rentrer vers nos pénates lointains, la fête semblait bien partie pour durer encore un moment.

Côté scène

La claque
Détroit, retrouver Bertrand Cantat sur scène ça ne laisse pas indifférent.

Le show qui assure
Girls in Hawaii, dense et cohérent, .

La découverte
Vundabar, groupe frais et dansant.

La confirmation
Breton, dans une démarche qui a mûri et affirme désormais toute son identité.

La déception
Rodrigo & Gabriela, trop dans le spectaculaire et trop professionnel, bref pas assez d'âme.

Côté festival

On a aimé :

­- L'organisation rodée du festival, avec de vrais espaces pour souffler un peu.
- Les installations et autres décors qui font qu'on se sent dans un univers à part
- La diversité et la cohérence de la programmation, équilibrée entre découvertes et poids lourds
- Une ambiance sympa et décontractée partout.

On a moins aimé :

- les concerts démarrent parfois avant que d'autres se terminent, alors  qu'il y avait moyen d'attendre un peu…

Conclusion

Édition équilibrée et variée, cette 17ème sortie en ville des 3 pachydermes les plus connus du Maine est une vraie réussite. La richesse des propositions, surtout si l'on inclut tout ce que le festival offre en journée dans les rues de Laval, est assez rare pour être notée. On voit là un festival en plein essor, solide et pertinent, qui ne demande qu'à continuer à offrir au grand ouest un des beaux moments du printemps finissant...


Photos des artistes fournies par le festival Les 3 Elephants