On était à
MegaScene, gros concerts et giga-ambiance

Alors que la canicule frappait toute la France, près de 9500 festivaliers ont bravé la fournaise pour apprécier la programmation éclectique et plus qu'alléchante  du festival MegaScene. À quelques encablures du lac de Grand-Lieu près de Nantes, la 28ème édition de l'évènement affichait complet et certaines têtes d’affiche étaient attendues de pied ferme. 

Jour 1. 19h44, nous sommes des hommes pressés

À peine la semaine de travail terminée, on prend notre tente, notre crème solaire et on se jette dans la voiture. On aimerait déjà y être et le temps estival ne fait que nous impatienter. L’accès à la petite commune de Saint-Colomban (3271 habitants) se fait facilement malgré les appréhensions. Après s’être garé, avoir balancé notre tente sur le camping nous entrons sans difficulté à cette heure (photo) et après avoir tourné à gauche au boulevard, nous voici devant La Route des Airs. La révélation nantaise du tremplin de mars dernier chante la vie, l’amour sous des airs festifs et entame très bien cette soirée. La chanson Pierrot ne manque pas de toucher un de nos reporters homonyme. 

22h28, « chaque sourire un souvenir magique »

Avec cette chaleur, on mérite bien une petite mousse rafraîchissante. Accoudés au comptoir, on écoute d’un air distrait les discussions d’à côté et Le Trottoir d’En Face, qui distille des chansons françaises, un peu reggae, un peu rock, un peu déjà-entendues en radio mais agréables. Le public familial est largement présent, les sourires sont partagés et l’ambiance commence à monter doucement avec l’arrivée de la tête d’affiche de cette édition. Nous avons nommé Dub inc. (photo) ! Les stars stéphanoises du reggae français sont toujours aussi enthousiasmantes. On n’arrive pas à s’en lasser. Tels de vieux addicts, on jumpe, on balance à droite, à gauche, à droite, en bas… et on chante les titres du dernier album So What en choeur avec le public. À la fin, on crie “une autre” avec un élan de sincérité et on en ressort lessivés, mais heureux.

00h12, Sniper vise juste !

Pour les enfants des années 90, c’est le moment de sortir la malle aux souvenirs et de se remémorer ces années collège-lycée lorsque sur le baladeur MP3 tournaient en boucle La Tribu de Dana et Gravé dans la Roche. Comme nous, vous pensiez sûrement que Tunisiano et Blacko avaient définitivement quitté le groupe de légende Sniper (photo) pour faire une carrière solo. Et bien non, ils sont de retour sur scène, toujours accompagnés d’Aketo et ils reprennent les titres qui ont fait leur succès (Brûle, Sans (re)père, J’te parle…). On a un peu de mal à rentrer dans cette atmosphère mystique et nostalgique, qui est pourtant plébiscitée par une foule immense, mais ce concert restera en tout cas gravé dans nos mémoires pour sa rareté !

01h37, allez viens, on est bien

On profite de l'accalmie et de la baisse de la température pour faire un petit tour du site. On sent la volonté qu’ont mis les organisateurs à proposer un environnement dédié à l’esprit du festival qui règne ici depuis 28 éditions, en proposant un tout de cohérent et de complet - notamment avec un coin chill - même si les lieux paraissent un peu vide et mal-éclairé (photo). Pourtant, le site arrive quasiment à saturation avec des difficultés pour circuler,  quand certains se plaindront d’avoir attendu jusqu’à 1 h 30 à l'entrée, tout comme pour accéder aux toilettes, aux stands de nourritures ou se déplacer. D’un autre côté, on n’a pas le temps de s’ennuyer, lors des transitions scéniques : ce sont les collectifs Detrateck et S.O.S. qui entretiennent les ardeurs du public. Certains DJs et groupes sont plus entraînants que d’autres, en tout cas le line-up a l’air de ravir les initiés des sounds-systems.

02h09, Verlatour et au-delà

C’est loin d’être une pointure de la scène electro qui s’avance sur scène pour ce dernier set de la soirée. Il faut dire qu’avec Dub inc. et Sniper, on a déjà été gâtés. Verlatour (photo) ça vous parle ? Nous non, et pourtant c’est un producteur insatiable ; c’est lui qui a signé la B.O. de la série Bref, par exemple. Sur les planches, il ne se laisse pas démonter. Avec ses electro drum-pads et son synthé, il vient énergiser le public qui commence à se décimer. Il faut dire que le son de club electronica ne plaît pas forcément à tout le public et est généralement mal-venu en festival. Il est maintenant temps de rejoindre le camping pour un nuit à l’ombre des arbres.

Jour 2. 10h11, si la Musique ne te réveille pas, le Soleil le fera

Le soleil a décidé : il est grand temps de se lever (photo). C’est donc de "bon matin" que l’on rencontre nos voisins éphémères avec qui on échange sur les concerts de la veille et avec qui on partage des parties endiablées de caps. Sur les coups de midi, la fanfare des Carreleurs Américains vient accompagner une initiative originale : un barbecue collectif. Les festivaliers peuvent aller acheter de la viande au marché d’acteurs locaux présents à côté du camping et faire griller leur viande grâce aux braises entretenues par des bénévoles. Barbecue, bonne ambiance, bières, concerts, voilà l’équation d’un beau week-end. Dans l’après-midi, des animations et un concert festif de Babakar viennent agrémenter la panoplie d’activités !

19h45, la température grimpe et on est mieux au sec

Si vous n’avez pas grandi en Vendée, il est peu probable que vous connaissiez ce groupe régional qui fut incontournable en son temps : Strollad, du ska celtique avec des textes en français et du biniou. Pour nous qui connaissons et pour tous les amateurs présents, c'est un grand moment de redécouverte. Ca chante et ca bouge au rythme des pogos. Les paroles de la La Fête du Slip pourtant enfouies avec le temps reviennent d’elles-mêmes. La poussière qui se lève au rythme des mouvements effrénés nous irrite la gorge et les yeux. Pour dire vrai, nous sommes un peu mitigés sur l’intérêt de leur retour, à moins que nous ayons loupé leur volonté de faire de nouvelles choses. On quitte ensuite Saint-Malo pour rejoindre Brest où Miossec (photo) en mode acoustique et sa triste amertume du temps qui se perd, des séparations, de l’alcool excessif, vient nous rappeler qu’on est pas grand chose sur cette Terre mais que la vie vaut le coup. On écoute religieusement ses textes travaillés et on trinque à sa santé.

21h18, Georgio mystifie MegaScene

Les jeunes pourront dire qu’on est "hasbeen" - à moins que ça non plus ça ne se dise plus - mais nous ne connaissions pas Georgio (photo) avant de venir au festival. Georgio, c’est du rap français à la Orelsan en plus voluptueux et plus formaté. On entend des mélodies soignées et parfois un peu de spoken word, pour ne pas dire slam, c’est sympa à entendre et ça se marie bien avec l’atmosphère qui règne après Miossec. Sous la petite brise, on voyage avec lui et son guitariste Waxx. On a envie de découvrir son album Héra. À la fin du set, on part se ressourcer en écoutant les conversations des parents qui échangent avec leurs enfants : “tu vois papa, c’est lui dont j’te parlais !" "Oui enfin ça ne vaut pas le concert de Miossec...". Millenials, on vous a compris. 

23h02, vous prendrez bien un p’tit vers d’Yaniss ?

On voit flotter dans les airs de la fumée d’herbe qui fait rire, de la poussière et des drapeaux rouge-jaune-vert : c’est bien Yaniss Odua (photo) et sa bande qui arrivent sur scène. La jeunesse débridée qui était venue hier pour Dub inc. fait enfin son apparition sur le site et vient profiter des hits reggae du chanteur martiniquais pour se défouler. Après avoir écumé les scènes nationales pendant de longues années, l’artiste est aujourd’hui une référence et son répertoire est bien fourni. Dans une ambiance bon enfant, celui-ci est également venu présenter son tout-nouvel album Nouvelle Donne qui suit la lignée des précédents. Pour clôre ce concert, nos têtes résonnent du titre Chalawa, repris en chœur tel un hymne par tous les consommateurs d'origan à rouler.

00h46, keupon’ un jour, keupon’ toujours

Au tour de la tête d’affiche de cette soirée. Ce sont les keupons de Ludwig Von 88 (photo) qui viennent retourner la scène. Reformés en 2016 (décidément après Sniper et Strollad...), ils chantent leurs Derniers Concerts Avant l'Apocalypse et reprennent les titres qui les ont rendu incontournables. Certains titres de leur second album de 87 sont encore chantés par un public hétéroclyte. Ce n’est pas trop notre tasse de thé, on ira prendre un café au bar. Enfin Vandal vient terminer ce festival, non-commercial comme il l'a promis . Véritable découverte pour nous, il vient faire cracher les dernières watts de la sono du festival avec de la hardtek sous pression. Le sol vibre de basses lourdes, les oreilles aussi... On lâche notre dernière énergie dans ce son qu’on n’a pas l'habitude d’écouter. Harassés, il est temps pour nous de rentrer et de garder un merveilleux souvenir de cette édition.

Le Bilan

Côté scène

La révélation qui envoie du lourd
Vandal, forte sensation qui pourrait dérégler des sonotones

Le groupe dont on ne se lassera jamais
Dub Inc., déjà vu 100 fois mais on y retourne demain si c’est possible

Non, le reggae n’est pas mort
Yaniss Odua, figure incontournable avec un nouvel album à découvrir

Côté festival

On a aimé :

- L’esprit convivial et festif qui règne tant chez le public que les bénévoles, même après 28 éditions
- La programmation originale et introuvable ailleurs pour un festival de cette taille
- Le prix accessible des consommations (2,5 € la bière blonde, par exemple) et du billet (37 € les deux jours)
- Les activités proposées dans la journée pour animer le camping en attendant la soirée de concerts, comme le barbecue collectif
- Les différentes actions éthiques : amélioration de l'accessibilité des personnes handicapées, don au profit de l’association Syria Charity...

On a moins aimé :

- Des actes isolés mais intolérables (dégradations, mépris des bénévoles, vols sur le camping…) qui noircissent cette édition et même la motivation des organisateurs : lire plus d'infos de la part du festival.
- Des agents de sécurité invisibles en-dehors du site des concerts (aucun contrôle du camping et peu de présence sur les parkings) et débordés au niveau des fouilles.
- Des groupes qui ressortent des placards en surfant sur leurs succès d’il y a trop longtemps
- La poussière qu’on a bue, inhalée, mangée tout le week-end… La méthode eau + paille devant les concerts aurait été la bienvenue.
- On aurait aimé trouver plus de poubelles sur le site

Conclusion

Avec une édition aboutie et chargée en émotions, il est difficile de reprocher des choses à ce festival qui fait son maximum pour proposer une offre culturelle intéressante et intelligente. La formule idéale, avec une programmation singulière, semble avoir été trouvée, il ne reste plus qu’à garder l’énergie pour continuer cette belle aventure et régler quelques détails. On se dit à l’année prochaine ?

Un récit de Pierrot Navarrete