On était à
MégaScène 2022 : fréquentation et programmation, une édition complète

Après trois ans d’attente, l’heure est enfin aux retrouvailles ! Le virus n’aura pas eu raison de la motivation des bénévoles de Saint-Colomban, à quelques encablures du lac de Grand-Lieu au sud de Nantes. 33 ans que l’association se démène pour créer un évènement sur son territoire et proposer une programmation éclectique au cœur de l’été. Et il y a du répondant puisque le festival affiche complet avant son ouverture, avec 15 000 personnes attendues sur le week-end. Annulation, attente, bières locales, concerts endiablés, jeunesse débridée, soleil caniculaire… Voyons ensemble la recette de cette 31ème édition.

Jour 1. Vendredi 8 juillet. 18h14, à l’aventure compagnons !

C’est loin d’être la première fois qu’on foule la pelouse desséchée de MégaScène, on sait où on met les pieds et on sait quelles chasubles porter. On enfile donc notre meilleur déguisement, on prend contact avec la bande de potes qu’on retrouvera sur place et on file sur la route du grand ouest. Passons sur les nombreux contrôles de gendarmerie, qui n’auront pas réussi à tout le monde (si vous voyez ce qu’on veut dire), on se dirige vers le parking voitures en se fiant aux képis bleus. Cette année, il n’est plus possible de dormir dans sa voiture sur le parking camions, c’est dommage car celui-ci est idéalement placé entre les concerts et le camping. Il faut dire qu’on a la chance d’avoir prévu le coup d’arriver assez tôt et d’éviter les futurs énormes bouchons, qui vont voir des festivaliers attendre jusqu’à deux heures dans les rues submergées de la petite commune. De notre côté, pas le temps de mettre le frein à main, on dégoupille la première bière et on attaque la descente du col de chemise. Au loin, on entend déjà la Freaky Family - gagnants du tremplin MégaScène - s’amuser sur la petite scène. On se rend vite sur le site du festival (photo), la programmation est dense et enivrante ce soir !

21h45, « c'est de la bonne zic’, well dem »

Une nouvelle fois, on arrive avant le déluge et malgré une fouille digne d’un contrôle douanier avec des agents un peu trop zélés, on rentre plutôt facilement sur le site. Derrière nous, il faudra plus d’une heure pour certains avant d’accéder aux concerts. S’ajoute à ça : le chargement du bracelet / de la carte cashless avec un réseau aux abois dès le début de soirée ; impossible de charger par mobile et compliqué pour les bénévoles d’utiliser les terminaux bancaires. Autant dire que la soirée s’annonce plutôt mémorable pour les impatients. Oublions ces soucis le temps d’une bière et allons faire un tour du côté des Ogres de Barback (photo) avec leur chanson française alternative aux allures tziganes. Ça faisait longtemps qu’on n’avait pas entendu leur "Accordéon pour les cons" qui motive une foule conquise et motivée. La soirée s’annonce aussi bouillante que la température. Et ce n’est pas Dub inc. qui va faire redescendre la pression. Comme à leur habitude, le groupe déroule un set calibré à la seconde près. Pas de surprise mais une énergie communicatrice débordante qui ruisselle sur un public conquis, reprenant en cœur tous les classiques des vingt années passées à les écouter. Ils glissent d’ailleurs un petit mot sur le documentaire qu’ils viennent de réaliser sur la construction de leur prochain album "Futur". Concert redoutable pour les chevilles, on en tremble encore de joie et de jumps.

23h06, on aimerait kicker comme lui

Vous vous dites sûrement qu’il est maintenant venu le temps de la bière réparatrice et du repos mérité… Que nenni ! C’est Biga*Ranx (photo) sur scène. Même avec deux points de vie, pour rien au monde, on ne louperait ça. Son set débute avec le mythique "Solid" qui casse déjà quelques reins aux premières basses. S'ensuit un mix entre ses nouveaux sons, quelques featurings marquants et son flow percutant sur ses anciens titres. Ambiance vaporeuse, qualité sonore tabassante, setlist énervée, visuels envoûtants : concert parfait. Il nous reste un point de vie qu’on n’utilisera pas pour la tête d’affiche du festival : Vald, on se pose à côté de la micro-scène sous chapiteau, Le Kabanon, à l’entrée du site qui oscille entre plein de styles, et ce non-stop, du funk à la tek en passant par le dub ou la techno. C’est Stava Wonda et son jacking funk qui tente de convaincre actuellement.

02h39, La’Ptite Fumée fout le feu !

La musique, vous avez compris : top. Parlons des sujets qui fâchent. 7500 personnes annoncées, un site totalement saturé dans tous les sens. Que ça soit pour se déplacer, au cashless, au bar, à la nourriture (il n’y avait même plus rien en fin de soirée), parfois aux toilettes… L’attente est longue, longue, longue. Ça se ressent également sur les bénévoles qui pour certains saturent, sont désagréables ou se vengent sur la boisson. On croise certains festivaliers qui préfèrent abandonner en partant plus tôt. Si vous arriviez sur site en plein rush, comptez bien deux heures entre le cashless et la bière. C’est dommage car la proposition de bières est géniale : La Dahu en pinte à 5,4 €, La Musse blanche ou La Musse Bocage Pale-Ale de la brasserie locale La Muette à 6,8 €. Il y a également du vin local ou un apéro maison, le Mégagito à base de muscadet.

On prend notre patience en mal et on va profiter de MC Circulaire pour ressourcer nos origines vendéennes. Leur rap à l’ancienne n’a pas vieilli, et c’est peut-être le problème. Pas conquis par les paroles mais respect pour la prestance, ils en imposent lourdement. Pour terminer la journée, c’est La P’tite Fumée (photo) qui vient casser les derniers neurones, épuiser nos corps fragiles et nous faire manger de la poussière. Toujours aussi échauffés, ils n’ont plus à prouver que leur natural trance / tribal peut vous réveiller d’un coma éthylique. Les didgeridoos apportent une vraie chaleur à leur puissance scénique. Il n’en faut pas moins pour partir joyeux, sauver quelques bières qui commencent à refroidir sur le camping et dormir en paix quand le soleil pointe son nez. 

Jour 2. Samedi 9 juillet. 15h18, amis + bières + soleil = la bonne pioche

Réveil matin, neuf heures, on s’réveille comme des fleurs… enfin surtout comme des brindilles cramées au soleil. La chaleur nous fait déjà rôtir dans notre tente en guise de four-vapeur. On se cale à l’ombre pour prolonger la sieste et on essaye de gagner quelques heures de repos. On comprend vite que ça ne sera pas le plan de la journée en écoutant le festivalier chanter, la brigade verte rôder en quad, le voisin picoler et les enceintes gronder.

Divaguant depuis trop longtemps, on se lance le défi d’aller faire un tour au Off, sur un parking à côté du camping, en passant devant un canon à eau qui rafraîchit nos humeurs. L’espace est composé d’un marché alimentaire et artisanal, une friperie, une buvette tenue par l’Amicale Laïque du coin, un barbecue collectif, et quelques douches. En 2019, on se souvient des spectacles sur le camping, des jeux foraines, de la fanfare… Cette année, l’animation est moins ambitieuse. Il y a tout de même des activités tenues par Pioche (photo) - un bar avec des salles de jeux collaboratifs. Ils proposent le Corpore Sano, qui est une structure gonflable dans laquelle il faut désactiver un maximum de lumières qui s’allument aléatoirement autour de nous pendant un temps imparti. On a fait 142, et on en ressort bien crevés. À côté de ça, il y a un PhotoBunker, un jeu où il faut reproduire des scènes à l’identique, déguisés, comme sur des photos. Et puis des quiz, des blind-tests… L’après-midi passe vite finalement.

17h50, la Guinguette des Loupiots ouvre le bal

La rumeur commence à circuler, Pongo annulerait son concert sans raison évidente et impossible pour le festival de la remplacer avec ce timing. On se rend quand même sur le site des concerts pour découvrir La Guinguette des Loupiots au pied des bars et du coin chill-out. On dirait un cabaret populaire où tout le monde est invité à danser, et ça guinche joyeusement sur le sol brûlant ! L’ambiance est bon enfant et toutes les générations échangent un moment de complicité autour d’histoires, de chansons et de quelques déhanchés. Si le groupe a commencé à l’heure, à leur fin il s’en suit une longue attente. On ne capte pas Internet pour vérifier et on ne trouve pas d’informations. Il faudra bien attendre 40 minutes avant qu’arrive sur scène Bianca Costa (photo). On découvre la jeune artiste de 21 ans, habillée aux couleurs du Brésil, qui délivre un son mêlant la bossa nova, la trap et l’electro, qu'elle aime appeler la bossa trap. On ne s’attendait pas vraiment à un tel set à 19h10. On se croirait en fin de soirée où le DJ crie déjà trop fort « vous en voulez encore ? » mais la fougue de la jeunesse prouve qu’elle arrive à faire bouger la foule à souhait.

20h27, « dansons comme de la fumée, dansons »

On sort de boîte et on se dirige doucement sur le chemin de la nostalgie avec le quintette Tryo (photo) qui joue sur la grande scène. S’entremêlent les nouveaux sons comme "Danser ce soir" en ouverture, ceux d’il y a quelques années comme "La demoiselle" et les classiques comme "Désolé pour hier soir" ou "L'hymne de nos campagnes"… Bref, il y en a pour tout le monde, toutes les générations, et on sent la sympathie sincère qu’éprouve le groupe pour son public. Ils promettent même un apéro sur le camping après le concert, puisqu’ils sont en pause et sans tour-bus. L’histoire ne raconte pas la suite.

Devait suivre Pongo, mais c’est Plage Arrière qui prend la relève, alors qu’ils devaient faire l’ouverture à 18h devant un public clairsemé. Belle promotion pour ce groupe de chanson française festive qui se retrouve devant un public bouillant. Le set est propre, le percussionniste démontre son talent, malheureusement ça sent un peu le déjà-vu avec des groupes de ce style. On les encourage comme on peut et on commence à entendre nos ventres gronder.

00h42, stand high for your rights

On n’a plus vraiment le choix que de se rendre au stand bouffe débordé. On optera pour un sandwich américain steak avec du pain et de la viande locaux, le tout pour 6 €. Il est à observer trois choix végétariens, ce qui est notable pour un festival de cette taille.

Pour les concerts qui suivent, on préfère rester près de la scène du Kabanon avec Hiroshiman et Melting Pote en mode techno / électro, mais s'il y a bien un groupe qu’on veut voir, c’est Stand High Patrol (photo) et oh surprise… au complet, avec Pupajim au chant et Merry à la trompette. Le festival ne s’en était pas vanté mais ils sont tous là, contrairement aux DJ sets souvent programmés. Et quelle tuerie. Profiter des nouveaux sons "Purple sky" et "Sur la plage", des originaux "The big tree" ou "Brest bay" sous la douceur d’un début de nuit, portés par la voix de Pupajim, accompagnés des embardées d’une trompette et des visuels incroyables de Kazy Usclef. On en rêvait, MégaScène l’a fait.

Pour terminer cette édition, Billx vient tout casser avec ses sons frenchcore / psytrance. C’est… C’est compliqué. On reste un peu mais on est assez hermétiques au délire. Tant mieux si le public arrive à se défouler dessus, de notre côté, on va privilégier le camping et ses irréductibles fêtards...

Le bilan

Côté scène :

Toujours vivant

Tryo, touchant par leur authenticité et leur proximité avec leur public

Toujours la banane

Biga*Ranx, après 1000 concerts on arrive encore à être envoûtés et surpris

Toujours debout

Stand High Patrol, quel bonheur de les voir au complet dans leur pur style dub originel

Côté festival :

On a aimé :

- Le panel de choix en bières / vins et nourriture issus de producteurs locaux

- La qualité sonore : rien à reprocher, les aigus et les basses étaient là pour le plus grand plaisir de nos oreilles

- La possibilité de ressortir du site jusqu’à 21h30, ça se fait de plus en plus rare en festivals

- La sensibilisation à différentes causes : le consentement sexuel avec Consentis, les discriminations avec Ici c’est Cool, les piqûres avec Fêtons Plus Risquons Moins (il y en a eu malheureusement)

- En vrac : la brigade verte, la scène du Kabanon, le chapiteau pour se caler près du bar, le recyclage des mégots, les activités de Pioche, les douches sur le camping, les toilettes en nombre…

On a moins aimé :

- L’absence de décoration : en dehors d’une petite tête de vache en fer forgé, il n’y avait rien

- L’attente, l’attente, l’attente : que ce soient les parkings, l’entrée, le cashless, le bar, la nourriture, tout était trop long pour profiter pleinement du festival

- L’irritabilité de certains bénévoles et vigiles : ils étaient peut-être tendus par le flux de personnes mais on vient en paix, on vient s’amuser

- Le manque d’animations et de vie autour du site : il est vraiment dommage de ne pas utiliser le champ devant l’entrée et d’avoir perdu les spectacles de l’après-midi

- Une programmation un poil déséquilibrée avec beaucoup de rap (quatre groupes) et aucun de rock par exemple. Sans compter les nombreuses têtes d’affiche présentes le vendredi soir.

Infos pratiques :

Prix des boissons : Le demi entre 2,7 et 3,4 € ; le cidre à 2,7 € ; le Mégagito à 2,3 € ; le vin à 1,5 € ; les softs à 1,8 € (+ 1 à 3 € de consigne remboursable)

Prix de la nourriture : Pâtes bolognaise / végétarienne ou sandwich merguez / saucisse / steak / végétarien à 3,8 ou 4 € ; Américain à 5,8 ou 6 € ; croque-monsieur à 3 € ; barquette de frites à 3 €

Prix du festival : Pass 2 jours à 50,26 € ; la soirée à 28,99 € (+ possibilité de reverser 3 € à l’association Féminité Sans Abri)

Transports : En voiture, à 30 minutes de Nantes. En bus via des navettes Lila à partir de Pirmil (Nantes), pour 2,4 € / trajet

Conclusion :

Après tant de complications, MégaScène a su se relever pour proposer sa 31ème édition et une programmation alléchante qui aura convaincu les plus jeunes avec Vald jusqu’aux familles avec Tryo. L’ambition était grande, peut-être trop au vu de la saturation des parkings, de l’entrée, du bar et même du site. Heureusement, l'ambiance et les concerts nous laisseront un bon souvenir. En limitant la jauge et en agrémentant de quelques décorations / animations, le festival pourrait trouver sa formule parfaite et perdurer encore 30 ans. On le souhaite pour la région, son public, et on se donne rendez-vous l’année prochaine pour vérifier tout ça.

Récit et photos : Pierrot Navarrete