On était à
Les Eurockéennes 2019, euphorique effervescence

Les Eurockéennes  c’est un peu le festival qui a bercé notre enfance, ayant grandi tout près, on en entend parler depuis toujours. Longtemps on en a rêvé entre potes en voyant les aînés y aller chaque année jusqu’à l'arrivée de la sainte édition de notre première fois. Edition après édition, on apprend à connaître par cœur ses moindres recoins et le festival devient le top départ officieux de nos étés. S’il y a bien une chose qu’on réalise maintenant c’est qu’on a bel et bien vieilli depuis cette fameuse première édition, contrairement à l’esprit des Eurocks qui lui est immuable. On vous livre nos 4 jours de festival sans limite, à la 31e édition d’un pilier des festivals français ! 

Jour 1. Jeudi 4 juillet. 23h36, comme on s’retrouve

C’est accompagné des grondements de Suprême NTM que l’on entamera ce festival, un peu tardivement arrivés sur le site après un trajet compliqué. Ils rameutent et rassemblent toujours une foule aussi intergénérationnelle et passionnée. On entend crier et scander les paroles, de quoi nous donner un bon avant-goût de ce qui nous attend en foulant cette terre. 

Ce jour supplémentaire n’était définitivement pas de trop, le public est déjà présent en masse et semble surexcité. Après une circulation longue et difficile entre les scènes dans cette foule énergique, on retrouve le rappeur belge, Roméo Elvis et son public enflammé sous le chapiteau de la GREENROOM. 1h de show déjanté, de balancements de bras cadencés, de paroles déclamées, on a même vu une bouée croco surfer sur cette marée. 

01h01, round 1

C’est à nouveau après un parcours jonché de festivaliers assoiffés de bringue que nous faisons enfin pleinement face à la grande scène. Et quelle scène ! L’explosif duo américain The Chainsmokers nous en aura mis plein les mirettes !  Alors sors tes sunglasses parce que t’étais pas prêt pour ça : lightning furieux, stroboscopes et écrans glitchés sur techno et EDM empreinte de touches de dubstep le tout surmonté d’une pyrotechnie de folie. Ils ont enflammé la foule, enfumé les cieux, on oubliera vite la balance des aiguës un peu bancale au début pour profiter à fond des basses et du show. C’est dans un tonnerre d’applaudissement et sous une pluie de longs confettis que s’achèvera pour nous le concert, nous offrant une vue des plus grandiose.

01h33, shooté saturé extasié

Un flow saccadé, rythmé, maîtrisé. Des basses saturées soulignées de motifs bien sombres. Mélange de headbangs, bras en l’air et pogos vénèrs, c’est avec une évidence profonde que les $UICIDEBOY$ ont emmené leur public en pleine montée sur la Plage, notre scène préférée. Encore embrassés par les vibes sombres de ce rap underground, nous nous mettons en quête de satisfaire notre fonce-dalle. On quitte donc le bayou de la Nouvelle Orléans des deux rappeurs pour atterrir directement à Manhattan : hot-dog au cheddar et barquette de frites, ketchup-mayo-moutarde, un chouille de pickles et oignons frits sans modération : succeed in the quest.

La quête du retour sera cependant moins évidente, il est 2h et le site clôt son premier jour. Avec des navettes TER toutes les 40 à 50 minutes, l’euphorie est bien vite retombée pour laisser place à la patience forcée et la compétitivité pour gagner sa place sur le prochain retour. Essayez donc de parker une marre de personnes fatiguées, debout, pendant aussi longtemps... À la vue de l’arrivée de la navette, grosse tension : la sécurité ouvre les barrières qui nous retiennentt et toute la masse agglomérée de personnes se précipite et cours vers les quelques portes du TER ouvertes. L’entrée dans la navette nous vaudra bien quelques bleus.

Jour 2. Vendredi 5 juilllet. 20H16, les lueurs sablées

Arrivés avec la bonne humeur partagée des navettes,  car l'allée se fait plus en douceur, en ayant prévu une marge de temps supplémentaire, nous entamons cette deuxième soirée dans les soulèvements de poussière et la lumière de la golden hour. Nous en profitons pour faire un tour de grande roue qui nous offrira une superbe vue sur tout le festival et son effervescence dans les derniers rayons du soleil.

20h47, sons d'ailleurs

Nous repérons ensuite pour la première fois, la scène Loggia sous les notes de la 6ème Superfolia Armaada. C’est le projet fou du guitariste Olivier Mellano de faire se rencontrer des univers radicalement différents sur une même scène. Cette année, pour les Eurockéennes, nous découvrons Jambinaï, un quintette de post-rock coréen qui a la particularité d’utiliser des instruments du folklore, Kazu Makino, bassiste chanteuse du groupe Blonde Redhead ainsi qu’Erwan Keravec à la cornemuse et Yann Gourdon à la vielle à roue. Entre frappe rythmique et notes folkloriques de patrimoines divers, la surprenante évasion fut au rendez-vous.

21h16, rock’tatoes & punks à pinte

Cette aventure nous ouvre bien l’appétit et sous les conseils avisés de joyeux festivaliers, nous finissons chez Mémé Patates, un foodstruck bien badass. Nous voilà prêts à appréhender le monde des Eurocks avec notre petite box patates-lardons-mozza servie très généreusement. Alors d’accord, les 28 degrés questionnent un peu notre envie de saveurs du ski mais ça nous donnera toute l’énergie qu’il nous faut ! Nous déambulons sous les riffs de guitare endiablés et rythmes rock-bluesy de Rival Sons. Un live massif et énergique qui fera danser toute la plage en ce bon début de soirée.

22h12, que de good vibes

C’est dans la foulée et pinte de Ciney brune en main que nous rencontrons le groupe de post-punk du soleil Idles. Brutale batterie et guitares acérées pour des paroles viscérales et cathartiques, ils exacerbent la foule qui s’oublie en une entité dansante. On finira les dernière gouttes de notre bière accompagné de Clozee, jeune djette toulousaine qui sut déchaîner les foules aux USA. Son set électro est teinté d’inspiration de musiques du monde.

22h34, petit mais puissant

Repus, bien bu, on se dirige progressivement vers la plage, fins prêts à en découdre avec la scène techno. On se met en jambe sur le sable qui borde le corner Radar, petit truck toujours plein de surprises et de succession de sets. Là c’était tropical beat, afrobeats et music bass, un cocktail justement maîtrisé par l’audacieuse DJ Kampire. Originaire d’Ouganda, elle porte à travers sa musique, un message engagé, défendant les minorités face au régime conservateur du pays. Elle partagea le set avec Catu Diosis, au mix afro-house et hip-hop des plus entraînant. Le sable vole, les gens dansent, boivent et rient joyeusement.

23h49, « Je veux ce que vous avez de plus rapide, de plus sale. »

Sable encore chaud, reflets lumineux dans l’eau sombre, ciel étoilé et 9 lettres qui percent la nuit : KOMPROMAT. 9 lettres, une déferlante de basses et d’kicks qui t’shoot en plein être. 9 lettres et une scéno stroboscopique, épileptique qui fout la trique. 9 lettres, un duo sauvage né de la chanteuse du groupe punk-électro Sexy Sushi et de Vitalic. 9 lettres qui tapent, te trap, t’attrape et t’met des coups d’savate. 9 lettres et une tachycardie. 9 lettres qui te dilatent les pupilles.

0h47, toujours plus d'émotions

À peine sorti d’une session de tapage de pied intensive, on se retrouve sous le chapiteau de la Greenroom, dans un étonnant silence. Quelques applaudissements se font entendre, sifflements ; premiers coups de batterie, les musiciens apparaissent et des cris retentissent ; la terre tremble et c’est avec la poussière rouge que s’élève la voix unique de Jeanne Added. Elle se dévoilera ensuite dans un tonnerre d’applaudissement et d’acclamations. Jeanne Added, c’est une double lauréate aux Victoires de la Musique et une véritable performeuse. C’est un bout d’être à la présence implacable et aux regards soutenus. Et c’est surtout et avant tout, une sincérité et une justesse qui teinte sa musique d’une profondeur dépassant les basses les plus puissantes. Du rock à l’électro synthétique en passant par un post-punk grondant, Jeanne Added sait faire monter sa foule, transie, toujours plus haut et loin. 

01h46, atterrissage en douceur

Encore un peu dans l’émotion du précédent concert, nous nous rendons, pour la dernière fois ce soir, sur la grande scène où est attendu Petit Biscuit. Ce jeune talent de la scène électro française est prometteur ! Il mêle synthés et instruments acoustiques, la foule exprima d’ailleurs sa joie et surprise quand il attrapa sa guitare et joua en live par-dessus ses séquences électro. Il crée ainsi une ambiance presque cosmique, atmosphérique, soulignée par sa scéno aux cinématiques 3D envoûtantes et la marée lumineuses des téléphones du public. Un véritable moment de béatitude générale.

Ce sera le flow de Rich The Kid qui accompagnera nos derniers pas sur le fest’ ce soir. Le chemin qui borde l’eau est plutôt agréable et le temps doux mais nous nous préparons mentalement à surmonter le calvaire des navettes et son arène sans pitié.

Jour 3. Samedi 6 juillet. 19h30, le lac de Malsaucy, épicentre de l'euphorie

Nous revoilà bien frais comme des gardons pour cette 3ème soirée ! Pas le temps de s’enfoncer dans le festival que nous sommes happés, hypnotisés par de profondes basses venues tout droit de la plage. On se rapproche inlassablement de la source, qui vibre de plus en plus fort, résonne tout autours de nous. Doucement, nous découvrons une voix, un flow qui claque, des mots qui mitraillent et surtout, un accent reconnaissable entre tous... Soudain, un nom : Kate Tempest, cette jeune londonienne manie la poésie et les notes avec une dextérité épatante. Difficile de se détacher de cette pépite pluridisciplinaire à peine découverte.

20h25, à la reherche de notre dose de pois chiches

Nous sommes partis à la recherche de falafels, étant persuadés d’en avoir croisé la veille. Notre eldorado sera l’Atelier Mezze avec ses galettes houmous-falafel-crudités. Tenture déployée, on se pose sur le terre plein qui surplombe la grande scène, offrant le site du festival en spectacle. Autours de nous, une foule mi-assise, mi-dansante sur les rythmes pop et indie punk de Weezer. Elle nous fait de l’oeil depuis notre arrivée, je parle bien sûr de la grande roue des Eurocks. Nus décidons qu’avec le coucher du soleil et notre paquet de 10 churros il était grand temps d’aller lui dire coucou. Vue inimitable. 

21h03, « Aphone à force d’être à fond »

Une douceur qui se transformera très vite en passion enflammée, partagée par toute une foule unifiée. Cette passion s’appelle Aloïse Sauvage et elle nous pénétra en plein cœur. On se retrouve face à une artiste qui dévoile son flow sur du beat trap comme sur des rythmes plus langoureux. Elle nous percute de ses punchlines ultra léchées et se donne à toute une chorégraphie dansée, seule sur scène. Elle échange avec son public et la connexion est palpable, tous les corps et les bras de la foule se balancent en rythme. Elle fait monter cette émotion brute, de plus en profonde, nous fait nous abandonner dans ses basses avant de nous récupérer, suspendue à son micro, 3 mètres au-dessus du sol. Tournoyante, magnétique, Aloïse Sauvage, un nom dont on se souviendra.

22h27, profusion d'énergies 

C’est encore touchés par notre dernier live que nous débarquons en plein show pyrotechnique musclé, headbangs furieux et metalcore en fusion.  Le groupe australien  Parkway Drive déchaîne son public à coup de lance-flammes et riffs endiablés sous le chapiteau brûlant de la Greenroom.

On s’échappe rapidement de la fournaise, un arrière-goût de terre en bouche, pour atteindre la grande scène. Encore une fois, c’est une foule extasiée qui clame l’arrivée de Jain. En quelques mots, tous les bras se levèrent et tous les corps se mirent à danser. Sa musique est un mélange d’électro, d’influences africaines, soul et urbaines nourrie d’un multiculturalisme plein de vie. Véritable moment de joie et de partage, elle descendra même derrière les crash pour faire chanter le public sur Come. On a vu la poussière s’élever jusqu’au dessus de la scène.

01h22, les bien-fêteurs

Si on a pu montrer un signe de faiblesse avec l’heure qui avance, tout fut balayé avec les basses bondissantes de l’exceptionnel duo Tchami & Malaa. Ils nous arracheront bien encore 1h15 de jumps et tapage de pieds continus en face de leur scéno explosive. 3e jour aux Eurocks bouclé, la marche nocturne se fait entre les énormes éclairs au loin, mais pas de quoi friser,  les premières gouttes se sont tombés qu’à notre arrivée à la navette.

Jour 4. Dimanche 7 juillet. 18H50, chill d'un dimanche ensoileillé 

Nous arrivons sur le festival après avoir partagé la navette avec deux habitués des Eurockéennes : « Moi, depuis 88, je n’ai raté que deux éditions ! Je déplore un peu le changement de programmation, ce n’est plus aussi rock. Mais je continue de venir, ce sont les Eurockéennes tout de même ! » 

Aujourd’hui, notre entrée en matière se fera avec la mélancolique et envoûtante voix de Julia Jacklin. Cette australienne se livre à nous à travers un songwriting sensible et intime dans un style qu’elle décrit comme « dreamy indie pop et alt country ». Malgré nos peurs suites aux orages de la veille, le temps est sublime et la pluie d’hier aura permis à la poussière de se tasser sans faire de boue ! Un perfect pour ce dimanche !

19h20, pastèques et bananes

Nous quittons cette ambiance nostalgique afin de rejoindre la Plage encore vide, tranche de pastèque à la main, pour faire une mini séance de sieste du dimanche. On continue ensuite notre après-midi aux abords de la grande scène et des Stray Cats. 40 ans de carrière, 10 albums et toujours arborant la banane ! Ce rock’n’roll enjoué, parfois mêlé à des sonorités plus punk, touche une foule intergénérationnelle. De quoi nous mettre dans le bain et la bonne humeur en ce bon début de soirée.

20h45, une centaines de milliers d'yeux rivés vers le ciel

La patrouille de France est venue survoler les cieux des Eurockéennes, traçant le drapeau tricolore au-dessus de nos têtes. Nous décidons ensuite de prendre le temps de faire un peu plus profondément le tour des boutiques et autres spots qu’offre ce festival. Tentures, bijoux, sacs, vêtement, les petits stands nous donnent tout de même une furieuse envie de repartir avec un souvenir autre que nos bracelets d’entrée (on aura d’ailleurs craqué). On se pose dans un petit coin chill aménagé face à la Greenroom pour kiffer nos emplettes. Avec ses bancs en palettes, petites tables et arbres éclairés aux douces lumières bleue, rose et verte, beaucoup viennent se détendre ici entre deux concerts, burger ou wrap végé à la main.

21h47, team Chris et ses Queens

« J’installe ici et maintenant un espace de science-fiction total, un espace de liberté. » tels furent les mots de Chris à son public. L’artiste plonge la foule dans son univers mêlant chanson, funk, performance, danse et une émotion à fleur de peau. Chris se déhanche, dépense, danse sur scène avec une frénésie qui contamine la foule, acclamant toujours plus passionnément. Une profonde sensibilité était palpable des deux côtés de la scène, alimentée des mélodies puissantes et paroles façonnées par l’expérience de vie, la construction de l’être et du genre. 

00h12, papa fait tanguer les enfants

Nous sommes aux premiers rangs pour appréhender l'une des illustres figures de la scène électro française : Arnaud Rebotini. Plus de 20 ans carrière, 2 Bandes Originales de film dont une particulièrement saluée par la critique et primée aux Césars Meilleure musique originale, il nous propose ce soir une version live et réorchestrée de son mix, de quoi nous plonger ailleurs, le temps d’un set, qu’on ai vu le film ou non.

1h27, que quelqu'un retarde demain

À peine le concert achevé, nous filons sur la grande scène pour profiter des dernières minutes de The Smashing Pumpkins, et d’ailleurs des dernières minutes du festival… On se retrouve face à une scéno gonflable démentielle. La foule danse sur un rock déjanté, mélange de pop rêveuse et grunge heavy, de quoi épuiser nos corps jusqu’à l’effondrement total.

Bilan

Côté concerts

La pépite dynamite
Aloïse Sauvage et ses mots acérés 

Le tapage nocturne
Kompromat, véritable fusée en direction d'un autre cosmos

Le grand saut
Jain et sa joie de vivre contagieuse

L'impossible
Angèle sur la Greenroom sur-sur-blindée

Côté festival 

On a aimé

- L'accessibilité aux personnes à mobilité réduite au top et esplanades très bien placées
- Les engagements : citoyenneté avec chantiers jeunes et insertions professionnelle, environnement avec sensibilisation sur utilisation du plastique à usage unique, culture pour tous avec l’asso Espace All Access sur l’innovation autours du handicap, prévention et sensibilisation à alcool au volant, distribution de préservatifs et bouchons d’oreille
- Le cashless et sa sérénnité d'esprit et la facilité de rechargement.
- Les navettes gratuites TER reliant le site à la ville.

On a moins aimé 

- Fréquence des navettes : un seul train en circulation, passage toutes les heures pour un trajet ne durant que 10 minutes.
- Circulation entre les scènes difficile
- La propreté générale du site.
- Sécurité très armée, présence des gendarmes et chiens sur le site et le camping, arrestations en masse et fouilles musclées
- Manque de ressources pour supporter les nuages de poussière, comme des masques.

Prix du festival : 

Billet à la journée à 51 euros
Le pass week-end 4 jours à 158 euros

Prix des boissons

Blonde basique 25cl/50cl : 3€/6€
Bières autres 25cl : 3,50€ à 5,20€
Bières autres 50cl : 7,50€ à 9,80€
Softs : 2€

Nourriture 

Entre 3€ et 15€ selon les plats, les stands et les formules

Conclusion

Malgré une sécurité parfois pesante, touchant à l’écosystème indépendant et éphémère du site, à l’esprit même du festival, on retiendra la dynamique positive d’un public uni et passionné. L’ambiance générale des Eurockéennes est très effervescente et agitée mais qui, une fois apprivoisée, stimule les esprits comme aucune autre. On a retrouvé des amis, des connaissances du festivals mais on aura aussi fait de brèves et belles rencontres festivalières. Le line-up éclectique et international a de quoi en satisfaire plus d’un et les nouvelles découvertes sont toujours appréciables ! Cette édition des Eurockéennes fut donc pleinement vécue, dans une saine frénésie.

Récit et photos : Sanam Aleboyeh & San Zagari