On était à
Festival Mythos, la parole dans tous ses états

24ème édition pour ce festival qui s’inscrit chaque année dans la programmation étoffée de Rennes. Urbain par les sites qui l’accueillent, il sait aussi s’aventurer ailleurs dans le département pour célébrer la parole sous toutes ses formes. Nous y avons passé 5 jours entre découvertes, riffs et voix envoûtantes. 

 

Jour 1. 18h45, que la fête batte son plein !

La richesse du programme nous a contraint à un choix bien cruel – travail oblige, et les possibilités ont été un peu restreintes par le service d’accréditations de Mythos peu réactif cette année. Ainsi Bertrand Belin, Peter Doherty et la très attendue Aloïse Sauvage, n’ont pas eu l’énorme chance de nous voir (ou l’inverse). On s’est rendu au Thabor en voiture cette fois bien que se stationner dans Rennes relève du défi. Le festival commence sous des impressions printanières : à notre arrivée, le public est déjà bien nombreux sur le site ouvert à tous et ce vendredi c’est « Rendez-vous au Thabor ! ». On vient à Mythos pas seulement pour les pièces de théâtre ou les concerts mais aussi pour y partager avec des amis un moment de détente dans un décor très agréable. On commence les festivités par un spectacle bien surprenant intitulé « Eloquence à l’Assemblée » Pour clamer les textes de l’Assemblée Nationale écrits par des personnages célèbres tels que Robespierre, Hugo, Lamartine ou encore Aimé Césaire, il fallait une voix, à la hauteur du sujet. JoeyStarr a su relever ce défi en tribun percutant. Les textes traitant des sujets d’importance tels que la liberté, la misère, la paix ou l’éducation frappent les consciences. Sa voix dans un décor épuré (un bidon métallique en guise de tribune et une lampe) interprète superbement ces discours les ponctuant d’anecdotes assez désopilantes. 

 

21h05, ressourcement de fin de semaine

La soirée est loin d’être enterrée aussi une bonne « mise en bière » nous fait rejoindre les festivaliers campés à la buvette entre le Cabaret Botanique et le Cannibale Cabaret, avec qui on fête nos retrouvailles festivalières. Les bénévoles s’activent dans ce barnum hexagonal proposant des bières basiques (Kro) à 3€ et une quasi-locale : la Bonnets Rouges, morbihannaise à 3,50€. Les amateurs de vin ne sont pas en reste pour les mêmes tarifs. 

Ouverture musicale du festival, on découvre Flèche Love (photo) en live. Accompagnée de 3 musiciens masqués elle délivre une voix profonde ou cristalline chantant tout à tour en anglais, arabe ou espagnol. Le regard est profond pour appuyer davantage son message mi-chanté, mi-parlé. Les sonorités hip-hop ou soul entrecoupées de poses chorégraphiques laissant apercevoir des tatouages nombreux sur les bras et épaules. Le show est captivant et laisse une impression enveloppante.

 

22h55, les plaisirs partagés

Le public a rempli le Cabaret Botanique mais attend avec impatience Gaëtan Roussel (photo) qui semble prendre son temps. La musique commence mais étonnamment par le début de Madame Rêve extrait de Bleu Pétrole d’Alain Bashung dont Gaëtan Roussel a été le producteur et musicien. Un riff de guitare met fin aux bruits d’orages pluvieux qui annoncent une arrivée imminente. Le ton est donné par des applaudissements massifs accueillant l’artiste et ses musiciens. Son dernier album "Le jour et la nuit" est à l’honneur dans ce show mais des tubes comme Help Myself ou Inside Outside plus pêchus en live provoquent une chorale massive et des bras levés en l’air frénétiquement. 

Avec tout ce retard on se félicite d’avoir pris notre auto car pour atteindre le dernier métro il nous aurait fallu courir ! On s’approche près du Dj Set de la Nuit Vous Appartient qui ponctue, chaque soir, le final de soirée au Thabor mais notre présence est courte car demain est un autre jour…

 

Jour 2. 17h30, « Enderv-noz brezhoneg » (fin d’après-midi bretonnant)

Le public est déjà nombreux en ce fin d'après-midi. Certains flânent allongés sur les pelouses ou dans des transats, d’autres se désaltèrent. Le soleil darde ses rayons bienfaiteurs avant le jet lag du changement d’horaire de cette nuit. Au fait on avance ou on recule d’une heure entend on encore dans les files d’attente ? L’éternelle question depuis 1976…

On inaugure la nouvelle Scène 17 dans le Cannibale Cabaret qui jusqu’alors n’était pas utilisée comme lieu de concert mais pour les festivités culinaires des Toqués De Mythos. Le breton prend ses droits en terre rennaise qui ne pratique cette langue que très minoritairement : Krissmen revient au sein de la capitale bretonne après un passage remarqué aux Transmusicales 2017. La scène est plus intimiste, et l’artiste inaugure en solo, un peu timidement cet espace accompagné seulement par un loop station. Le rap en breton ne délivre certes pas le sens des mots mais emporte par son rythme, son énergie d’autant que Krissmen maîtrise bien le beatbox. On se sent tout de même un peu déçus car il manque la guitare de Antoine Lahaie et la batterie qui donnaient un ton plus percutant lors des Trans.

 

19h00, le breton chanté à l’honneur



On avait découvert en 1992 lors d’un passage ultra ovationné aux Transmusicales Denez Prigent (photo), maître du gwerz (chant breton) et du kan ha diskan (chant et contre-chant). Toujours aussi charismatique, le finistérien assure à Mythos une nouvelle prestation chantée magistrale. La langue bretonne reste inconnue pour le public présent et fort nombreux mais l’homme sait capter un auditoire très attentif. Ce concert mixant les racines bretonnes et une electro parfois endiablée, entrecoupée du son cristallin d’un cymbalum, d’un violon et de la guitare d’Antoine Lahaie.

Une heure plus tard, passage par la buvette centrale où l’on retrouve des connaissances. Certaines déjà présentes aux deux concerts bretonnants, d’autres prêtes à en découdre avec la soirée qui s’annonce alléchante mais à laquelle nous n’assisterons pas. Les places ont été épuisées. Nous aurions bien aimé voir Aloise Sauvage, la révélation 2018 des Transmusicales, Canine, Fakear, et Sara Zinger. On se console avec un dernier verre profitant de cette soirée quasi estivale et on regagne le métro peu distant en traversant les rues rennaises.

 

Jour 4. 21h12, un lundi pluvieux que la scène réchauffe.

Après leur passage en 2015 et une consécration aux Victoires de la Musique 2017 dans la catégorie Album Révélation, Radio Elvis étaient attendus. Le groupe revient sur Mythos accompagné d'un quatrième musicien au clavier. C'est pop, encore plus rock, les textes ciselés sont portés par une voix claire qui leur confèrent encore plus de crédibilité. Le dandysme du chanteur Pierre ajoute à ce côté esthète. La batterie de Colin est nerveuse, la basse de Manu est sauvage. Martin au clavier donne une profondeur à toute cette belle créativité sonore et somme toute romantique. Le public du Cabaret Botanique est rapidement contaminé par leur fièvre rockeuse. Et notre température corporelle ayant passablement monté, on remonte tels des saumons un fleuve de festivaliers pour rejoindre la buvette, elle aussi bondée.

 

22h35, l’ensorcellement vocal

Total respect pour madame Lou Doillon ! Elle balade sa voix rauque, voilée, si singulière sur un rock assez épuré, nous surprend dans un vibrato éraillé et descend nous susurrer une douceur à l'oreille comme une confidence. L'instrumentation s'est électrifiée et ce changement d'univers musical lui va bien. Entre deux morceaux, elle prend soin de son public avec beaucoup d'humilité. Lou Doillon transpire de bienveillance, de simplicité. On aimerait bien être son ami-ie. Le morceau It's You qu'elle interprète seule à la guitare sur scène est particulièrement harmonieux. Un beau final de soirée avant la quotidienne « La Nuit Vous Appartient » très fréquentée.

 

Jour 5. 21h05, une américaine à Rennes

En ce mardi, moins printanier, l’occasion nous était donnée de voir sur scène l’américaine Shannon Wright. C’est avec une guitare qu’elle s’exprime le plus, la délaissant pour un morceau en s’installant derrière un clavier. Peu de rapport avec le public, son visage caché par une abondante coiffure, l’artiste semble préférer mettre en avant ses textes et sa musique. De belles mélodies calmes qui s’envolent laissant la place à un jeu de guitare légèrement saturée et une batterie rythmant l’ensemble ne nous faisant pas regretter le port de bouchons d’oreilles. On se prend une bonne claque sur certains morceaux où s’entremêlent des calmes écorchés et des rythmes psychédéliques acérés.

Après le rappel, elle quitte la scène comme elle est arrivée – discrète… On reprend notre calme en observant le changement de plateau et en discutant avec les personnes placées à nos côtés. Les avis divergent un peu mais c’est la batterie à un mètre du devant de scène qui semble avoir marqué les esprits faisant souffrir quelques-uns. Sortez couverts !

 

23h04, le Brestois courtise la Rennes

Déjà venu par le passé sur la scène du Cabaret Botanique de Mythos, Miossec (photo) nous revient dans l’univers de son dernier album qu’il qualifie d’organique. La voix est posée, les textes instillant une réflexion sur le temps qui passe, l’infidélité, la mer et les migrants. Le concert mélange les extraits de son dernier album "Les Rescapés" mais pioche dans les morceaux plus anciens et au bout de deux titres. Il donne le ton « Comme Shannon Wright a commencé à mettre le b…on va continuer ! ». Le rock est puissant, les éclairages nucléaires et les échanges avec le public chaleureux. La salle vibre des applaudissements fournis. L’épisode saumon remontant le fleuve humain sera le dernier car le festival s’achève pour nous. On quitte le Thabor, lieu bucolique, enchantés par ce dernier concert et la sensation que cette 24ème édition nous a une fois de plus permis de toucher au plaisir musical.

Le bilan

Côté concert

La découverte

Flèche Love : une voix particulière dans univers surprenant.

Les forces de frappe

Gaëtan Roussel : l’artiste enjoué qui communique son plaisir et Miossec le serein organique.

Le plaisir vocal

Lou Doillon : et sa voix légèrement éraillée.

Côté festival

On a aimé

- La programmation variée et de qualité qui mélange les styles.
- Le Thabor ouvert à tous permettant l’accès aux buvettes et soirées intitulées « La nuit nous appartient » drivées par des Dj de qualité.
- Le son très correct, des éclairages assez magiques enflammant le Cabaret Botanique
- L’ambiance qui permet les rencontres
- La multiplicité des lieux permettant d’atteindre différents publics.

On a moins aimé :

- Le prix des places en soirée qui ne permet pas l’accès à tous.
- L’impossibilité de voir certains concerts (problème des réservations)

Infos pratiques :

Prix de la bière

3 € la Kro 3,50 € pour la Bonnets Rouges et la Grimbergen Blanche

Prix des repas des « Toquets de Mythos »

De 9 à 18 € le midi / de 13,50 à 30 € le soir.

Prix des concerts

Individuel : de 15 à 35 €,  pass Mytomaniac à 169 €, pass quatre jours à 119 €

Transports

Métro tout proche – Bus et Vélo Star (libre service) avec une station à l’entrée du festival. Voitures : parking souterrain payant à 250 mètres.

Conclusion

Mythos, le festival des arts et de la parole, a encore tenu son pari : celui de faire se mélanger les genres (théâtre et concerts) dans des lieux différents, le point de convergence restant le Thabor, magnifique parc de centre-ville où chaque année sont implantés le Cabaret Botanique et le Cabaret Cannibale. Ce parc ouvert à tous, permet à Mythos d’atteindre un plus grand public par la chaleur du lieu. A Mythos, festivaliers ou non s’y côtoient et se séparent pour mieux se retrouver à l’issue des représentations dont les salles pleines prouvent que les choix artistiques sont judicieux.

Récit : Bruno Bamdé et Pascale Rolland
Photos : Bruno Bamdé