On était à
Climax festival 2019, énergie 100% renouvelée

Qui boucle sa prog’ sauve le climat. Tel pourrait être le crédo du Climax festival, créé en 2015 à l’occasion des 25 ans de l’ONG gardienne des océans Surfrider Foundation. Pour sa 5ème édition, le festival remet le couvert à Bordeaux avec la même recette : mobiliser les esprits en faisant tanguer les bassins. 

Jour 1. Vendredi, 18h, Thank God It’s Climax 

On ne vient pas n'importe comment à un festival militant : il faut adopter des mobilités aussi douces que le climat bordelais. Tram, bus, deux-roues partagés, covoiturage, vélo ou skate : qu’importe la monture, pourvu qu’on ait l’adresse. Direction le Hangar Darwin, 22 000 mètres carrés de friche militante et culturelle nichés sur la rive droite de Bordeaux. 
Même si les concerts s’apprêtent à débuter, le rendez-vous a déjà rassemblé des centaines de festivaliers la veille et le matin-même, autour de projections et conférences sur un thème tristement d’actualité : « L’Amazonie ou le déracinement du monde ». Pour l’occasion, les organisateurs ont déployé une programmation de qualité, incarnée par de belles têtes d’affiches comme l’ex-ministre de la transition écologique Nicolas Hulot, le chef du peuple Kayapo et figure de la protection de la forêt amazonienne Raoni Metuktire, le théoricien de la collapsologie Pablo Servigne, ou encore le chef papou Mundiya Kepanga. 

19h15, musique grand cru bordelais

Sur le festival côté concerts, même la musique est locale, du moins en ce début de soirée où deux groupes bordelais sont là pour ouvrir le bal. Sur la grande scène, Chien Noir ondule dans les derniers rayons de soleil pendant que la foule arrive. On l’avait déjà croisé sur les Nouvelle(s) Scène(s) niortaises mais le charme opère à nouveau : textes clairs, mélodies entêtantes, il sonne en beauté le début... de la fin de semaine. Dans la foulée, sur la scène Singe, ce sont les six gaillards de Poudre Noire (photo) qui allument le public avec leurs chansons rock à textes et leurs injonctions provoc’ : “On va vous faire une chanson, ça vous dérange pas ?". Le groupe, formé par deux copains du Cap-Ferret, semble très bien connu du public qui danse, chante, et tape frénétiquement ses sneakers sur le sol du hangar à ciel ouvert. L’atmosphère est douce sous le microclimat du Climax. 

21h20, Hervé fait monter les degrés

Alors que l’on s’apprête à s’envoler vers les food trucks, la voix suave et rauque de la sauvage Lou Doillon nous arrête en plein élan et nous propulse vers de lointains horizons. Un voyage prolongé par Hervé (photo), homme chantant non-identifié, à mi-chemin entre chanson française, dance et breakbeat. Sur fond d’un Vj-ing géométrico-futuriste, il bouscule tout ce qu’on pensait savoir des genres musicaux et - la nuit tombée aidant - emmène le public dans un monde à mi-chemin entre la torpeur des clubs au petit matin et la douceur âcre des fumoirs mondains. On n’a toujours pas mangé mais nos ventres sont remplis de papillons. 

22h05, activation du Plan Veggie Pirate 

Les coups de foudre, ça creuse. Heureusement, le Climax a mis son Plan Veggie Pirate en état d’alerte maximal avec un seul mot d’ordre : “ici, c'est vous qui dégustez, pas la planète”. Il faut plusieurs minutes pour faire son choix parmi la douzaine de stands qui nous tendent les bras : tajines, pizza rolls, grilled cheese sandwichs, burgers, thaï, etc. Le festival, qui a pris le parti du tout végé, rappelle que notre alimentation est responsable de 27% des émissions de gaz à effet de serre des français, et que 50% de ces émissions sont à imputer aux viandes, poissons et plats préparés carnés. On finit par craquer pour le Green Garage, son burger et son sandwich veggie-roll. Un vrai régal, et pas que pour la planète. 

23h, tremblement de terroir

Malgré le public chaud-bouillant, un drôle de froid commence à tomber sur Bordeaux. Pendant que certains se réchauffent grâce au DJ set brûlant de la brésilienne Joyce Muniz, nous partons nous échouer quelques minutes dans les canapés moelleux dans l’antre de Darwin, observant - à gauche - les joueurs qui s’échinent sur les Flippers et - à droite - les skateurs qui voltigent sur les rampes. Tout à coup, la tôle du hangar se met à frémir de manière intense, et la curiosité nous tire à l’extérieur : que se passe-t-il ? Un peu abasourdis, nous localisons rapidement l’épicentre du tremblement de terre : une jeune blonde platine montée sur ressorts en train de rugir dans un micro. En duo avec Groupgris qui mixe à l’arrière de la scène, Khima France forme le groupe électro-punk-noise Kap Bambino (photo), aux airs de Die Antwoord. Encore un groupe made in Bordeaux qui confirme la qualité du terroir local. 

00h40, la nuit à plein tubes

Au Climax, un autre ressource locale vaut le détour. Brassée par les équipes de Darwin aux Chantiers de la Garonne, la bière artisanale “Lune” régale les festivaliers pour 6 € la pinte. À ce prix là, on multiplie les allers-retours aux toilettes sèches mixtes où la circulation est on ne peut plus fluide. L’occasion de tester les urinoirs féminins ultra-pratiques de Madame Pee : un bon point pour l’égalité homme-femme en festival ! La soirée finit ensuite en beauté avec 2ManyDJs (photo) qui s’installe aux platines de la scène “Vortex”, du nom de l’installation artistique en bois et néons reliant les deux bâtiments de l’ancienne caserne. Les tubes lumineux - qui indiquent en journée la consommation énergétique du bâtiment - sont détournés pour l’occasion en une scénographie interactive habillée d’un mapping vidéo calé sur le bpm. Dans leurs costards vintage, les deux belges font instantanément remonter la température avec leurs tubes historiques avant de plonger dans un intense tunnel électro. Le concert fini, on retraverse la ville à vélo le coeur palpitant de pulsations, d’émotions, et sans doute d’un peu de “Lune” qui coule dans notre sang.

Jour 2. Samedi, 18h, sous le soleil des tropix

Après une deuxième journée de conférences à carton plein, Darwin se vide de ses curieux pour laisser place aux hiboux de nuit venus danser jusqu’au petit matin. Si les concerts sont payants - contrairement aux 12 conférences, aux projections et au Village ONG - ce n’est pourtant pas pour une question de rentabilité économique. D’ailleurs, si bénéfices il y a, on croit comprendre que ceux-ci sont réinvestis dans l’ONG Surfrider, qui oeuvre pour la préservation des océans. Bref, au Climax festival, on s’attache surtout à sensibiliser les publics et à rassembler autour des grands principes de l’éco-mobilisation. 

19h30, public rafraîchi, public réchauffé

Le soleil étant encore haut, on commence notre soirée en flânant autour au bar à glaces de Fernand et Paulette - et de leurs douceurs givrées saveur Mojito ou Ricard - pour finalement se laisser convaincre par un thé froid au stand des Théiers Solidaires. Pendant ce temps-là, Malik Djoudi (photo) défie avec brio la tentation de l’apéro en attirant progressivement la foule vers la scène Singe où il présente ses dernières créations alliant chanson française et musique électro pointue. Le public est un chouïa plus clairsemé que la veille mais l’équipe du festival a tout prévu en réagençant les espaces pour préserver l’ambiance intimiste de l’événement. 

21h05, musique (et) du monde

Quand le soleil se couche, c’est David Walters (photo) qui se lève. On découvre rapidement que bien qu’il soit seul sur scène, ils sont plusieurs dans sa musique. Entouré de son clavier, ses sampleurs et ses percussions aussi variées qu’atypiques, il jongle d’instrument en instrument et de style musical en style musical. Petit fils de caribéens, il passe de la world music au folk puis de l’électro au swing, pour finir sur des notes reggae. On est vite convaincus, et on n’est pas les seuls : dans la foule à côté de nous danse le conférencier Pablo Servigne, que l’on connaissait davantage pour ses théories sur la collapsologie que pour son (joli) jeu de jambes. L’ambiance est particulièrement bon enfant, le public est alerte et les festivaliers étonnamment peu accrochés à leurs smartphones. Un peu comme si les économies d’énergies du festival avaient été directement réinjectées dans les festivaliers. De notre côté, le concert recharge nos batteries à bloc. 

22h, merchi qui ? 

À force de faire des allers-retours entre les scènes, on finit par s’arrêter devant le merch du festival. En plus de proposer de belles planches de skate aux couleurs du Climax, il offre la possibilité de s’imprimer un t-shirt à la demande. On jette notre dévolu sur le visuel “Plan Veggie Pirate” et on lance l’opération pour la somme de 20€ grâce aux machines de Forevents (photo). La tenue de bal se révèle sous nos yeux ébahis et nous repartons baptiser notre t-shirt souvenir sur la scène Nova où la jeunesse bordelaise s’ébat de bon coeur. 

22h40, rap (très) conscient

S’il devait y avoir un artiste pour faire le pont entre les prise de parole de la journée et les prises de mic de la nuit, c’est bien Criolo (photo). Rappeur brésilien né à São Paulo, il clame son rage entre deux sons et invite des activistes à monter sur scène à ses côtés. Sous les cris “Feu au fascisme”, se dresse les banderoles OUR FIGHT, YOUR FIGHT et DECOLONIZE, apparues tant de fois sur scène pendant les débats. Il appelle au respect de la forêt amazonienne et à l’expulsion des multinationales qui l’exploitent et la colonisent. Dans le public, une festivalière s’enveloppe dans un drapeau du Brésil.

00h , french touch finale

Serait-ce la bière qui nous brouille la vue ? En lieu et place du concert de Blackalicious, programmé après Criolo, c’est Youthstar de Chinese Man qui s’avance. Trop occupés à consulter la programmation sur le site, on avait manqué l’annonce du changement affichée (seulement) sur la signalétique. Une surprise qui sera suivie d’une seconde puisque la scène Vortex s’allume soudain, laissant deviner un live imminent, non annoncé lui non plus. Un coup d’oeil sur le panneau adjacent nous apprend que c’est DJ Falcon (photo) qui fermera le Climax. Quelques minutes plus tard le set se lance en grande trombe, clôturant le festival sur une savoureuse french touch inespérée. 

Le bilan 

Coté concert

La tempête de fables :
Hervé

La rosée de satin :
Chien Noir

La variation charismatique :
David Walters 

Côté festival

On a aimé

- La pluie d’artistes locaux de talents
- Darwin, cocon élégant et militant du festival
- La variété de l’offre de ravitaillement 
- La nourriture pour l’esprit (confs, projections) en amont des concerts
- Les commodités... fort commodes

On a moins aimé 

- Le côté un peu trop “digital-détox” de la mise à jour du programme 
- La séparation nette entre conférences le jour et concerts le soir

Infos pratiques

Prix du festival :

- Pass 2 soirs : 60€ (45€ tarif réduit)
- Conférences à prix libre

Prix de la nourriture :

- Burger - frites : 11€
- Veggie Roll : 9€
- Tajine : 10€

Prix des boissons : 

- Pinte de bière artisanale : 6€
- Thé chaud ou glacé : 2,5€

Conclusion

Danser ne suffit pas à changer le monde, mais le Climax Festival sait infuser les préceptes de l’éco-mobilisation dans la fête. Nourri à l’énergie renouvelable, fourni en alimentation responsable et adossé à un riche programme de débats, l’événement bat le rappel des troupes et rassemble autour des combats qui comptent. Bref, un pur shot d’échauffement politique. 

Texte : Millie Servant
Photos : Millie Servant & Benjamin Pottier