On était à
Chorus 2023, scènes musicales dans tous ses éclats

Une programmation alléchante et éclectique nous amène une nouvelle fois jusqu’aux méandres des quartiers chics de la capitale : le Chorus Festival repart pour une nouvelle salve de concerts en squattant la magnifique Seine Musicale. On vous raconte nos trois jours à s’en mettre plein les oreilles. 

Jour 1. 19h35, la saison des festivals est ouverte !

Dernier jour de Mars, les giboulées bercent la région parisienne : pluie diluvienne couvert d’un vent qui décoiffe, arrosage de lacrymogène face à un grand soleil d’espoir. On attendait avec impatience l'arc-en-ciel du week-end. Après une fouille sérieuse, on ouvre le compteur à festivals 2023. On fait un rapide tour de la Seine Musicale pour voir qu'il n'y avait pas grand chose qui avait changé : 6 scènes, 4 en intérieur, 2 en extérieur, et des couloirs occupés par quelques activités. Sauf le prix de la pinte, monté à 8€. On a soif, on prend quand même. Le choix s’opère entre des barnums installés dehors pour le Chorus, le bar Segun Sound, et plusieurs bars présents à l’intérieur de la Seine Musicale. 

20h41, l’appel du vendredi soir 

Le concert de Suzane étant déjà terminé, on s’installe devant la scène du parvis, à l’extérieur, où un DJ chauffe le public et prépare l’arrivée de Benjamin Epps (photo). En à peine une chanson, le rappeur gabonais est déjà au milieu du public. Avec son hip-hop à l’ancienne, il va chercher avec sa voix haute et ses textes tranchants chacun des spectateurs. À l’intérieur, la foule commence à s’agiter et s’enivrer. On (re)découvre avec plaisir la grande salle avec l'électro planante de N’TO, qui nous permet d’apprécier la qualité sonore de cette salle digne d’un Zénith. La bière très translucide nous permet également d’apprécier à de nombreuses reprises la propreté des toilettes en dur. Un vrai confort. 

22h05, comme un air de printemps 

À la sortie, on retrouve un groupe d’ami.e.s qui ont pleinement profité du stand à paillettes proposé dans le hall plus loin. Comme des bars, d’ailleurs. Une nouvelle bière en main, on discutera à l’extérieur autant des grosses basses que des mégas bassines, face aux tours illuminées de Boulogne. Juste à côté, des gens dansent dans un conteneur transformé en mini discothèque. L’atmosphère est douce, sur les bords de Seine. Les belles soirées de printemps et d’été ne font que commencer. On tentera d’aller voir Bagarre qu’on aime beaucoup, au Rodin 360, mais trop de monde avait la même idée. On se reporte sur Disco 2 chevo, avec sa vieille 2CV décapotable, ses dizaines de vieilles télés hertziennes, et son ambiance décontractée. 

22h39, réalité… ou cauchemar ?

Ce vendredi soir, c’est surtout l’envie de se défouler qui l’emporte. La grande scène sera notre terrain de jeu. D’abord avec Vladimir Cauchemar (photo), qui nous emmène tout droit dans les bas-fonds de l’EDM : avec un DJ set à base de remix des sons rap du moment, de drops calibrés sans les mains, avec (on croit) très peu de ses propres sons. Le producteur à la tête de squelette passe plus de temps à jouer avec son lance-flamme qu'à toucher sa platine. Il fait le show, le feu nous brûle les sourcils alors que ses animations géantes de squelettes nous absorbent les yeux. 

Kungs reprend la main vers minuit. Pour le coup, on n’attendait rien de particulier de lui et de ses sons formatés, mais après 5 pintes, on est toujours un peu moins exigeant. Ça danse, c’est simple, efficace, et ça nous va bien. 

Ce n'est qu'une fois les concerts terminés qu'on se rend compte qu'on a oublié de manger. Trop tard, tout est déjà fermé, et Boulogne-Billancourt n’est pas réputée pour ses propositions nocturnes. On ira passer une tête à l’after gratuit du Seguin Sound, boite de nuit au sous-sol de la Seine Musicale. 

Jour 2. 17h25, vol direct pour le Brésil

L’esprit est encore flou et on sort difficilement du lit. Le mérite de ce type de festival est de pouvoir dormir … dans son lit. Après une heure de métro pour 452 arrêts sur la ligne 9, et 10 minutes à pieds, on arrive sous une grosse averse. On réussit vite à se mettre à l’abri, pour se réchauffer grâce à la douceur brésilienne de Bianca Costa (photo). Musique hybride et singulière entre bossa nova et trap, elle arrive à nous emmener dans son univers, sa sensibilité et son histoire. Sans oublier de faire bouger nos petites fesses. Le public est jeune, à peine majeur, et chaud comme la braise. Il faut dire que la programmation sent bon la punchline aujourd’hui. Chilla, The Juice et Vicky R rejoignent Bianca pour un final musclé, et recomposer une partie des “Reines”, docu sur ces nouvelles pépites de la scène française.

18h36, un tour à 360 degrés

Il est enfin temps d’aller mieux découvrir les lieux. Entre les salles, quelques activités sont proposées : booth photo, enregistrer “sa bande son”, paillettes, recharger son portable en pédalant... Les restaurants du lieu sont restés ouverts et proposent aussi quelques trucs à grignoter. Pas d’application mobile, mais la programmation est affichée de toutes parts. L'un des bons plans se trouve au bar New Rose, et ses montagnes de bouteilles en guise de murs, où l’on se prend deux Moscow Mules bien servis. Ils proposent de la Pietra en pression, clairement la meilleure bière qu’on peut trouver sur ce festival. Avec nos verres, pas possible d’aller dans les petites salles et l’Auditorium. On en profite pour aller au bout du festival, à la pointe de l’île où se trouve la Seine Musicale pour découvrir le Rodin 360 : au pied de la boule de verre géante, une petite scène à 360 degrés est installée et permet aux artistes d’explorer. Alors que Tour-Maubourg commence tranquillement, on viendra une heure plus tard apprécier quelques morceaux de Yuksek (photo).

19h22, trois salles, trois ambiances

Au loin, on voit que l’attente pour entrer s’est multipliée par 3 ou 4, et s'allonge jusqu’au début du pont qui mène sur l’île du festival. Ce samedi affiche complet. On se faufile vers la petite scène, une salle assez intimiste : on pourra y apprécier l’énergie et la fougue d’Albi X face à une centaine de personnes. Leto & Guy2Bezbar se retrouvent sur la grande scène pour leur projet commun, jusqu’aux étoiles. Le duo parisien s’amuse, parle à la foule, motive les spectateurs qui répondent présents avec de multiples pogos. Une nuée de smartphones immortalisent ce moment, avec même plusieurs téléphones en visio. Autre ambiance, on montera ensuite quelques étages plus haut, au cœur de cette grosse boule de verre où se trouve l’Auditorium : une belle salle qui nous permet d’apprécier la précision et les captivantes de Superpoze, qui s’active devant deux grosses machines qui ressemblent à des radios géantes. 

21h44, au bal masqué, brrr, brrr 

Cagoule et foulard sur la tête, Ziak (photo) est prêt à braquer le Chorus. Grosse voix, grosse basse, le mystérieux rappeur dont on ne connaît pas l’identité envoie les sons et emmène avec lui et ses acolytes une salle pratiquement pleine, du sol jusqu’au gradin. Ça saute, ça filme, ça chante, ça se lance dans des pogos, alors que les parents présents se bouchent les oreilles.

Pour la suite, on garde les masques. Une salle plus bas, Makoto San, remettent le couvert : lampion japonais, masque d’escrime, et pleins d’instruments à percussions traditionnels sur scène mêlé. Encore un voyage frénétique et musical.

Pour empocher un cornet de frites et un hot-dog, il n’y a pas grand monde, mais on attend quand même 30 minutes avant de pouvoir remplir nos estomacs. Josman arrive tranquillou, et ne se prend pas la tête : en mode karaoké géant, dans une jungle de smartphone, compliqué de rentrer dedans sans trop connaître l’artiste. On peut néanmoins se réjouir que des rappeurs prennent enfin la place qu’ils méritent en tête d’affiche de nos festivals. 

Jour 3. 17h28, parlez nous d’amour

Dimanche. -2 degrés ressentis. A notre arrivée, une fine pluie vient nous glacer les neurones : il y a personne à l’entrée, on peut vite aller à l’intérieur. Dans la grande salle, les petites moustaches de la trentaine ont remplacé les duvets juvéniles. Face à un public arc-en-ciel, Kalika (photo) débarque pistolet à bulles en main : entre pop, rock et rnb, la jeune femme balance des textes d’amour et de sexe sans filtre qui découpent à la sulfateuse la gente masculine. Tenue extravagante, chorégraphies au milieu de deux torses nus, on se prend dans son jeu et on entre totalement dans son univers trash et coloré.

Il y a mille façons de parler d’amour, comme on le verra juste après grâce à Zaho de Sagazan. On partage avec elle ses névroses, ses tempêtes, ses quêtes intimes, parfois seule au piano, parfois accompagnée d’une grosse techno, dans un auditorium plongé dans le noir, plein à les craquer. Deux femmes singulières, deux propositions artistiques fortes, et de belles promesses pour la suite.

19h07, le début des retrouvailles 

Trop froid dehors, pas de boissons possibles sur les petites scènes, c’est avec Jeanne Added qu’on continue notre après-midi sur la grande scène. En costume deux pièces, cheveux gominés en arrière telle une crooneuse, sa voix est toujours aussi envoûtante.

On reste une vingtaine de minutes, avant d’aller croiser sur la petite scène les dernières chansons d’un garçon tout mim’s teinté de blond, Oscar et les Vacances. Notre zapping continue en passant une tête à l’auditorium pour écouter un orchestre reprenant du David Bowie. Sans façon. Mais demi de bière et sandwich vegan un peu mou en main, c’est avec Selah Sue que l’on est heureux de faire nos retrouvailles. Selah, c’est ta pote qui habite loin, que tu revois tous les 2-3 ans, et c’est comme si rien n’avait changé : elle en impose toujours. Elle nous captive autant par ses chants mêlant groove et ragga que par sa puissance scénique. On restera l’heure entière avec elle, en pensant déjà à la prochaine fois. 

22h00, ne pas s’arrêter de jouer

La nuit est tombée. Dehors, Kamaal Williams se les gèle : “Can someone give me a hot chocolate ?”. Il rend aussi hommage aux français mobilisés contre la réformes des retraites, “who fight for what they believe”. Un petit moment jazzy qui amène certains vers un gros dodo. On reste au début, mais pour se réchauffer, on va plutôt faire un tour de l’autre côté de la Seine Musicale, aux côtés de Meule. Récemment croisé en ouverture des Transmusicales, ce trio psyché et électrique, avec plein de synthés, deux batteries et une guitare, propose une forme musicale que l’on n’avait pas encore rencontrée ce week-end.

A l’intérieur, un karaoké géant est lancé pour une bonne soixante de frileux (dont nous) par le Disco 2 Chevo crew : Sweet Dreams ou Maniac résonnent dans les travées presque vides du Chorus. La veille, c’était un bingo qui était organisé. Une bonne idée que ce concept pour animer les interstices des salles !

23h01, comme la fin d’un bon film 

Hyphen Hyphen, on les a vu "grandir". Première interview pour Tous les Festivals en 2013. Au Chorus, ils ont la lourde tâche de conclure, devant un public plus que clairsemé. Même pas peur ! En deux chansons, tout le public est dans la poche. Ils bougent, sautent, dansent dans tous les sens sur la scène. Des écrans les uns sur les autres changent de couleurs au rythme des titres. On se prend à sauter avec eux et partager ce dernier moment de lâcher prise. Les titres en anglais sont feel-good, facile, parle d’amour, d’engagement, d’égalité. On a envie de prendre dans les bras son voisin et jeter des paillettes dans le ciel, comme à la fin d’une belle comédie romantique. Santa, la chanteuse finit par se jeter dans le public (photo), slamer, chanter du fond de la salle. Avant de partir, on rend nos verres consignés aux bénéfices de la Cloche, une association qui aide les personnes en situation de grande exclusion. Le début du film suivant ne tardera pas à commencer : un métro blindé de supporters du PSG de retour du stade. Et bon lundi...

Bilan

Côté concerts

Les Reines
Bianca Costa et Kalika, deux propositions musicales fortes, aux identités assumées. 

La patronne
Selah Sue, la scène lui appartient

La future révélation de l’année
Zaho de Sagazan, vous l’aurez entendu ici pour la 25ème fois. 

Les bêtes de scènes
Hyphen Hyphen, aucune panne de carburant à prévoir.

Côté festival 

On a aimé :
- Une programmation de grande qualité, multiples et créatives. 
- Les salles de la Seine Musicale avec une qualité sonore impeccable
- De bonnes animations entre les concerts, même si le Chorus peut sans doute aller plus loin encore
- Tous les snacks en option vegan

On a moins aimé : 
- Le prix des consos, ça chiffre vite à la fin du week-end 
- Pas ou peu de mises en avant de produits locaux au travers des boissons et plats proposés. Il pourrait également y avoir plus de diversité dans ce qu’on peut manger. 
- La fin des concerts à la limite du dernier métro

Infos pratiques

Prix du festival : 35€ la journée, 80€ le pass 3 jours (65€ en early bird)

Prix d’une bière : 8€ la pinte de blonde, 4,5€ le demi. 10€ le cocktail. 

Prix du vin : 4,5€ le verre de vin

Prix du soft : 4,5€ le 33 cl

Prix de la nourriture : 4,5€ le cornet de frites, 6,5€ le wrap, 9,50€ le burger 

Transports : Métro Ligne 9 - Pont de Sèvres, puis 10 minutes à pied. Il y a aussi plein de bus, vous irez voir sur le site de la RATP, bien à vous. 

Conclusion

Un vendredi enivrant, un samedi adolescent, un dimanche haut en couleurs, ces trois jours nous ont offert de jolies émotions pour lancer cette nouvelle année qu’on espère débordante de festivals. Sans avoir forcément la possibilité de pousser le curseur de “l’expérience” festival à fond, le Chorus mise sur sa programmation et la force du lieu, la Seine Musicale. Et ça marche. Il permet aux artistes - et cette année à plusieurs artistes féminines - d’exprimer talent, performance scénique, créativité, originalité. Des giboulées musicaux éclatants de vitalité, de bonne augure pour 2023. 

Récit et photos : Morgan Canda et Costa Canda