Interviews
Yelle : «En festival, on retourne les gens comme des crêpes»

En avril, ce sera déjà son troisième passage à Coachella. Plus d’un groupe en rêverait ! Adorée en Amérique du Nord, la chanteuse Yelle - qui vient de sortir son troisième album Complètement Fou - a du mal à trouver sa place dans nos festivals français. On a discuté avec Julie qui nous a clamé sa folle envie de conquérir le cœur des festivaliers de son pays.  

Tous les Festivals : Salut Julie ! Depuis que nous allons en festival en France, on ne t'a jamais vu sur scène ! Pourquoi ?

Julie, chanteuse de Yelle : C’est aux organisateurs qu’il faut poser la question ! C’est vrai qu’avec notre deuxième album, Safari Disco Club, on n’en a pas fait beaucoup. En 2015, on va en faire un peu, mais surtout à l’étranger. Ce n'est pas pour nous déplaire, mais on aimerait bien en faire un peu plus en France. C’est compliqué de nous classifier, on n’est pas calibré pour rentrer dans des programmations spécifiques, sur des scènes particulières. Pourtant, j’ai l’impression qu’on a un live qui pourrait bien marcher en festival. Notre relation avec la France a toujours été bizarre alors qu'on est français ! On a le cul entre deux chaises.

Tu penses que tu es “cataloguée” dans un style depuis ton premier morceau, Je veux te voir, celui qui t’a fait connaître ?

Oui, à cette époque on avait fait Je veux te voir, puis la reprise d’A cause des Garçons, et un duo avec Mickaël Youn, Parle à ma Main. On a brouillé les pistes car on avait aussi réalisé un maxi avec le label Kitsuné. C’était le grand écart! Je pense qu’on a peut être perdu des gens en route, et sur Safari Disco Club qui était un album particulier, cela n’a pas forcément réuni le plus grand nombre. Avec le dernier, Complètement Fou, je pense qu'on reconquiert le public. On attend la suite, il y a plein de festivals d’été avec qui on discute.

Donc a priori tu as d’autres dates en festival français à part Art Rock ?

Il y en aura quelques unes. On a déjà des dates de calées, au Québec, à New York, à Miami, on en fait un peu partout ...  sauf en France !

Parlons d’Art Rock, festival breton qui se déroule tous les ans au mois de mai. Tu as une relation particulière avec ce festival ?

Le festival qui a lieu dans ma ville de Saint-Brieuc. C’est un festival qui nous a toujours soutenu, on y a fait notre premier concert en 2006, puis en 2011, et on revient cette année. On a une vraie amitié, une vraie fidélité, et j’aime beaucoup parler de lui.

Tu as été bénévole aussi là bas ? Tu étais quel style de bénévole ? A respecter tes créneaux horaires ou plutôt aller au bar et vider des fûts pour tes potes ?

J’étais plutôt sérieuse ! Et quand je ne travaillais pas, j’essayais d’en profiter à fond, d’aller voir le plus de concerts possible. C’est le but quand tu as 20 piges, de voir l’envers du décor. J’ai fait ça pendant quelques années, j’ai été à l’accueil artiste où je m’occupais d’un groupe de rock suédois dont je me souviens plus le nom et qui, d’ailleurs, n’existe plus. J'ai été à l’accueil multimédia, il y a toujours des expos sur l’art numérique. J’ai aussi fait l’accueil de la Fura del Baus, une troupe de spectacle Catalane, j’étais sur XXX, une pièce reprise du Marquis de Sade, et j’essayais d’empêcher les gens de sortir du spectacle tellement c'était bizarre! J'ai découvert énormément de groupes dans ce festival, j’ai fait de superbes rencontres et passé de super moments. Le festival est ancré dans la ville, qui explose pendant un week-end, et cela ne lui fait pas de mal !

Si toi tu avais un festival a créer, tu ferais quelque chose comme Art Rock ?

Oui je pense, un évènement qui mélangerait les disciplines, avec du cinéma, des expos, du cirque, de la danse, du théâtre. C’est important d’ouvrir les publics à autre chose, car il ne vont pas aller d’emblée vers ça. L’année passée il y avait des concerts de Robots par exemple. C’était assez cool de voir ça. Il y a aussi un coin bouffe ou des chefs du coin te font à manger pour 6€. 

Cette année c’est Jean-Charles de Castelbajac qui est à la baguette pour le visuel d'Art Rock. Tu le connais ?

J’ai eu l’occasion de travailler avec lui, il nous a fait des tenues. C’est quelqu’un qu’on aime beaucoup, et il va coller parfaitement avec le festival. Il apporte ce côté mode, artistique, il a toujours beaucoup travaillé avec la musique. Il va toucher à plein de choses, sur différents aspects, sur l’affiche, sur son DJ Set. C’est intéressant. Ce serait rigolo de faire quelque chose sur scène avec lui et Mr Nô, on joue avant, donc pourquoi pas !

Tu en a fait d’autres des festivals comme festivalière dans le public ?

J’ai été festivalière à la Route du Rock, à Coachella où je suis allée comme public une année, aux Charrues. Pour ma première année à la Route du Rock, il a fait très beau. Tout le monde m’a dit que c’était exceptionnel ! J’ai eu une Route du Rock formidable ! Il y a un ou deux ans on avait vu Hot Chip, et même s’il pleuvait à moitié tout le monde s’en foutait. Je me souviens aussi de 2H15 de concerts de The Cure aux Charrues, c'est pas un groupe que j'adore mais là j’avais été scotchée. Le Summer Sonic au Japon m’avait également impressioné, j’avais vu les Red Hot, étant une grosse fan c’était fou !

Justement, tu rempiles cette année pour faire une troisième fois Coachella après 2008 et 2011. Un tas d’artistes français rêveraient de le faire … une fois ! Comment t’expliques ça ?

C’est un mystère. On y a joué une première fois en 2008, cela s’est bien passé, on a surkiffé, les programmateurs aussi. Ils nous ont fait revenir, même s’ils ne sont pas friands de le faire trop souvent. Ils savent qu’en live on fait le job. Nous on est ravi de ça, en tant que groupe c’est une expérience à la fois unique et difficile. Techniquement, tu n’a pas le temps de faire de balance, tu as 20 minutes pour t’installer, et t’as pas le droit de te rater. Après on a toujours joué à des horaires cool, à la tombée de la nuit, sous une tente donc avec moins de vent. L’énergie est toujours dingue là-bas, on adore.

C’est l’occasion aussi d’y rencontrer des artistes ? De discuter de collaboration ? Avec … David Hasseloff ?

Ha ! (Rires) Avec David on n’a pas encore décidé de collaboration, on le croise chaque année, toujours présent à nos concerts, c’est assez étonnant ! On a vécu des moments un peu improbables, on avait nos chambres dans le même hôtel qu'Erlend Oye, le chanteur de The Whitest Boy Alive. Il avait besoin de crème solaire, on lui a prêté. Et on s’est retrouvé plus tard avec lui devant le concert de Prince, on a partagé un smoothie ! Il y a aussi Rosanna Arquette qui interview des gens avec sa petite caméra pendant le festival, de la voir c’est sympa. Tu vois des gens célèbres partout, mais les américains s’en foutent. Ils n’ont pas le même rapport à la célébrité. Il y a que les paparazzis qui leur courent après. Du coup, ils en profitent en tant que festivaliers.

En terme de public, entre Art Rock et Coachella, sur scène tu prends ton pied différemment ?

Oui, on a plus pris notre pied à Coachella, il y a une espèce d’énergie du tout ou rien, Art Rock on se met plus la pression car c’est à domicile, et on est peut-être dans la retenue.

Ca a l’air d’être plus naturel de voir Yelle programmé en Amérique du Nord plutôt qu’en France. On a l’impression que tu as besoin de conquérir le public français, et les programmateurs surtout. Tu as la pression à chaque fois que tu joues ?

Oui, j’ai plus la pression quand je joue en France. Aux Etats-Unis, j’ai bizarrement l’impression d’être plus à la maison. Je n’ai pas d’enjeux en tête. En France, c’est un combat ! C’est chiant parce que ce n’est la faute de personne, ni des programmateurs ni du public. Ce n’est pas très grave finalement. Avec l’expérience, je me dis que c’est une question de temps. Les choses se font, le public nous accueille plus facilement maintenant. Et si les Etats-Unis ont réagi avant, ce n'est pas grave. A la fin du deuxième album, j’étais un peu amère : on a fait cet album avec tellement de cœur avec tous ce qu’on est de franças, mais on était un peu boudé. Avec du recul, ce n’était pas le moment. Aujourd’hui, on est prêt. Et cela ne sert à rien de forcer les choses.

En écoutant ton dernier album, on t’imaginerait bien jouer sur la scène de la plage des Eurockéennes, qui ont l’habitude de donner leurs clés à un artiste pour qu’il fasse venir des groupes qu’il aime. Tu programmerais qui sur cette scène avec toi ?

Je ne suis jamais allée aux Eurock', on a manqué de temps une fois pour boucler notre venue. J’inviterais des groupes que j’aime et qui sont différents de ce que je fais. Totorro par exemple, c’est du math rock, c’est très beau à voir sur scène. Ils ont fait ma première partie à la Cigale, dans un vrai décalage avec ce que je fais. Je suis hyper fan de Mac DeMarco, et peut-être qu'on terminerait avec le label PC Music, c’est de la musique électronique assez expérimentale et le producteur Sophie. Et puis un dernier, pour finir Blood Orange !

On va finir sur une interview ultra-intelectuelle. Avec la sortie de ton dernier album, beaucoup de titres d'articles au sujet de Yelle te faisaient voyager "de Saint-Brieuc à Los Angeles", entre la ville où tu es née et celle où tu as travaillé Complètement Fou

Pour commencer, il faut faire un choix ... Coachella ou Art Rock ?

Ha ! Je vais choisir Art Rock, car c’est ma ville de cœur, et c’est un festival qui gagne à être connu.

Pour se baigner, plutôt la Manche ou le Pacifique ?

Je choisis la Manche. Le Pacifique c’est froid ! Je n’ai jamais réussi à m’y baigner. C’est moins glamour c’est sûr.

Plutôt une balade en Porsche à Beverly Hills ou une pêche à la moule à pied à Saint-Brieuc ?

(rires) Jean-François alias Grand Marnier (Ndlr : co-fondateur et compositeur de Yelle) choisirait la Porsche, mais j’irais plus vers la pêche à la moule!

Plutôt pull rayé bleu et blanc et ciré jaune ou mini-short en jean et string qui ressort ?

Le premier ! Bon, je suis très breton pour le moment ! (rires)

Plutôt chouchen ou Maï Taï ?

Je préfère le Maï Taï.

Plutôt galette complète œuf jambon fromage ou bacon cheeseburger ?

C’est dur là. Cela me touche en plein cœur. Je me lasse moins des galettes, mais je vais devoir dire les deux. Le choix est impossible !

Plutôt cheesecake ou kouign-amann  ?

La, kouign-amann, sans hésitation ! Je ne suis pas fan du cheesecake, et j’adore le kouign-amann, tout ce beurre ! Miam !

Plutôt Red Hot ou Alan Stivell et son Tri martolod ?

Red Hot, désolée la Bretagne, mais là je me dois de choisir les Red Hot.

Enfin, pour une Nuit de baise, la chaleur d’un désert californien ou la fraîcheur d’une falaise bretonne ?

Je choisis la chaleur du désert, même si cela peut être très froid. Mais s’il y avait un peu plus de soleil en Bretagne, ça le ferait. Mais peut-être qu’avec le réchauffement climatique, la Bretagne va devenir une presqu’île tropicale.

Quand tu n’es pas en tournée, tu es en Bretagne ?

Oui j’y suis resté, j’ai acheté une maison là-bas car je voulais avoir un pied à terre. J’aime bien Paris mais je m’y sens vite oppressée. J’ai du mal à y vivre. Même si j’aime bien, là cela fait deux jours et je commence à en avoir marre.

Dernière question : si tu avais un appel à lancer aux festivals français pour qu’ils te programment, quel serait ton message ?

Je leur dirais d’être curieux et de venir nous voir en concert, en festival, et qu’on arrive à retourner les gens comme des crêpes! On sait mener un live en festival et donner aux gens ce qu’ils attendent, passer un moment énergique, que le public s’amuse et danse. On adore faire ça, et franchement on est bon. Je leur dirais d’être curieux et de ne pas s’arrêter à notre histoire, notre passé et ce qu'ils peuvent entendre sur album. En live, on explose!

​Propos recueillis par Morgan Canda et Quentin Thomé / Photos : Morgan Canda