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Møme : « Je ne suis pas un showman, ce que j’aime c’est faire de la musique et être en studio »

Il vient de souffler ses 30 bougies, sillonne le monde à la découverte de nouvelles sonorités pour créer ses morceaux, réinvente le concert-live d’une manière inédite et se produira à la Cigale en octobre prochain. A l’occasion de l’Imaginarium Festival, Jérémy Souillart aka Møme se dévoile dans une entrevue où il revient sur ses voyages, son nouveau live et ses expériences de festivalier.  

Tous Les Festivals : Salut Møme, bienvenue à Margny-Lès-Compiègne ! Tu viens ici présenter ton nouveau live inspiré en partie de ton périple aux Etats-Unis, peux-tu nous raconter l’histoire de ce show ?

L’année dernière j’ai voyagé dans le monde entier (Europe, Mexique, Canada, Nouvelle-Calédonie) j’ai pris mes inspirations de ces voyages pour faire de nouvelles musiques et pour faire un live qui retranscrit au maximum tout ce que j’ai vécu. L’idée était de ramener musicalement des influences d’ailleurs et visuellement d’apporter quelque chose qui n’a jamais été fait sous cette forme. 

TLF : C’est un concert qui demande beaucoup de moyens techniques au niveau scénographique. Qu’est ce qui t’as amené à opter pour ce choix scénique ? 

L’idée a déjà deux ans. A l’époque, je me suis dis : « je veux que mon prochain live soit un truc où je suis enfermé dans une boule, où il se passe des choses autour de moi et où il y a de la vidéo ». J’ai un complexe par rapport au public même si ça se voyais pas beaucoup avant durant mes premiers concerts. Je me forçais beaucoup à faire du show, à être interactif avec les gens alors qu’à la base ce n’est pas du tout moi, je ne suis pas un showman, ce que j’aime plutôt c’est faire de la musique, et être en studio. Aujourd’hui ma principale activité c’est chez moi, c’est de la compo pour moi et pour les autres. Le live avant, c’était vraiment ma vie quotidienne et maintenant cela devient plus un truc que je fais le week-end. J’avais envie d’essayer quelque chose de nouveau car aujourd’hui je trouve que les festivals sont dominés par la scène urbaine et les rappeurs sont super à l’aise avec le contact du public. Je me suis dit : « vu que c’est pas mon fort, je vais aller dans une autre direction, vers quelque chose de plus technique, plus beau à voir. » Après c’est sûr il n’y a pas la même interaction, le public ne vit pas la même chose, t’es pas à fond en train de sauter… Mon but c’est surtout de proposer quelque chose de différent qui aille avec la musique et qui soit intéressant. 

C’est assez étonnant puisque ton ancien live était très énergique, tu dansais sur scène, tu faisais de la guitare électrique…

Il y en a toujours dans le nouveau live, mais c’était un jeu d’acteur dans le sens où, je ne dis pas que je n’ai pas aimé ça car à certains moments c’est super, mais j’ai remarqué que sur le moyen terme ça devient trop souvent la même chose. Tu peux donner l’illusion d’être super énergique tout le temps, c’est ton engagement face au public pour que tout le monde s’éclate mais au final je ne m’y retrouvais pas. Je l’ai su à la fin de ma tournée 2017 où je l’ai un peu mal vécu parce que je ne me sentais plus à ma place, je faisais toujours des trucs scéniquement où on avait l’impression que j’étais à fond alors qu’au fond de moi, je le faisais par automatisme. C’est aussi comme ça qu’est venue l’idée du dôme. Je m’éclate surtout quand je crée de belles choses et que je vais réussir à porter ma musique avec des sonorités et des harmonies différentes qui vont faire que chaque concert sera unique et que ça ne sera pas uniquement de la gestuelle mais du son. Après j’ai toujours la guitare, j’ai toujours mon drumpad, j’ai toujours mon clavier, c’est juste que du coup y a une scénographie entre le public et moi.

 

TLF : Tu nous disais tout à l’heure avoir beaucoup tourné dans le monde entier, quel est ton plus beau souvenir de festival en tant qu’artiste ?

C’est chaud… Tout est différent à chaque fois. Il y a toujours un truc qui va te faire kiffer ! J’aime quand il y a une énergie positive, quand les gens sont dans le mouvement et qu'ils pensent à autre chose, c’est vraiment les moments où j’ai l’impression qu’il se passe quelque chose. Et il y a des festivals où c’est arrivé. En tête là, j’ai Beauregard où j’ai vraiment tout apprécié,  mais c’est un tout qui va me faire kiffer, les personnes qui sont avec moi, les amis, l’accueil…

TLF : Et en tant que festivalier, as-tu le temps de faire des évènements ? Par exemple, on t’a vu à Coachella avec Petit Biscuit, est-ce que tu en profites lors de tes dates pour aller voir les autres artistes programmés ?

J’ai été bénévole pendant quatre ans aux Plages électroniques à Cannes. Mis à part ça, je n’avais jamais payé un ticket pour aller en festival et le premier que j’ai fait, j’y jouais. C’était un festival sur la côte d’Azur qui s’appelait The Bay Festival et il y avait Flume qui venait pour la première fois en France. Pour moi, ça a été le déclic. C’est à ce moment là que Møme s’est lancé, parce que j’écoutais Flume et tout le label Future Classic. J’étais en première partie, c’était un rêve et c’est là que j’ai rencontré les premières personnes qui bossent aujourd’hui avec moi. Donc six ans après, c’est assez ouf et il arrive que j’aille écouter d’autres artistes dans les festoches. Je sais que sur Dour je vais y aller plus tôt car il y a pas mal d’artistes qui me plaisent et que j’ai envie d’aller voir. Après jamais festivalier : rester 2-3 jours, c’est pas que j’aime pas ça, mais j’ai pas trop le temps et maintenant je vois tout le temps des artistes jouer. Donc acheter des tickets, je vais plus le faire pour aller voir un concert d’un artiste en salle comme je l’avais fais pour Tom Misch qui est l’un de mes artistes préférés de tous les temps. 

TLF : Si tu devais créer ton propre festival, as-tu une idée de l’endroit, de la programmation et de la période à laquelle il se déroulerait ?

Où ? Je ne sais pas. J’adore quand même les festivals et je crois que mes lives préférés sont sur des festivals parce que t’es pas forcément attendu, les gens ne viennent pas uniquement pour toi et c’est un sentiment différent. Aujourd’hui, je trouve que les festivals se ressemblent un peu depuis Rock en Seine et PNL en tête d’affiche… Ça m’a choqué même si ça existe depuis très longtemps et qu'ils se reconvertissent pour amener plus de gens. Cette année c’est l’urbain, il y a que de l’urbain partout ! Je trouve qu’il y a des limites à ne pas dépasser, sur le fait de faire de l’argent. Il faut faire vivre le festival en gardant une éthique. Aujourd’hui, tout a évolué et le festival est un truc très lucratif pour les gens qui organisent, mais aussi pour les artistes et ça a tendance à perdre un peu des valeurs. Ce serait bien que ça revienne un peu, même s'il y en a toujours parmi les festivals, mais c’est ceux qui galèrent le plus pour s’en sortir je pense. 

TLF : Justement par rapport à tes expériences à l’étranger, observes-tu une réelle différence avec ce qui peut se faire en France ?

A l’étranger, c’est vraiment quadrillé. Tu vas dans un truc électro, tu auras que de l’électro, tu vas pas te manger un truc de rap au milieu parce que ça amène plus de monde. En tout cas aux Etats-Unis c’est comme ça car tu as tellement d’artistes que tu peux te le permettre. Tu sais pourquoi tu vas aller dans une soirée ou pas. Tu n’y vas pas juste parce que tu as entendu le nom du festival. En Angleterre c’est aussi pas mal comme ça. 

TLF : C’est donc une spécificité française ?

Peut-être, mais regarde les Plages Electroniques. Quand j’étais bénévole, c’était que des artistes électro et l’année dernière il y avait Bigflo & Oli. Cette année, ils font venir Orelsan. Après cette année, je trouve que la programmation est plutôt pas mal parce qu’ils ont redressé le tir sur de la musique électronique (Tchami, DJ Snake…), donc tu te dis s’il y a un artiste urbain ça fait aussi du bien. En fait, ça peut le faire, tant que ça devient pas un truc trop généraliste. 

TLF : Un dernier mot pour les festivaliers ?

Amusez-vous bien et ne buvez pas trop !

Propos recueillis par Alban Sauty
Crédits photos : Jules Duteil
​Crédits vidéos : Møme