Interviews
Fauve: « on n'aime pas trop les trucs trop formels»

Certains parlent de phénomène de l'année. Eux n'aiment pas vraiment que l'on utilise ces termes, pas plus que le mot Buzz. Interviewés avant leur passage aux Eurockéennes, les membres de Fauve nous en disent plus sur leur projet, la communication autour du groupe et leur futur...

Pourquoi ne pas avoir souhaité faire une conférence de presse classique ?

En fait on n’aime pas trop les trucs trop formels, on préfère se partager par petite équipe, et on préfère faire l'interview au bord de l'eau plutôt que dans la salle de conférence de presse. 

Vous êtes venus à six, mais vous êtes combien au total ?

On est venu à six mais il y en a encore deux ou trois qui ne sont pas là. Sur scène on est cinq.

Et qu’apportent les autres membres ?

Alors c'est ce que l'on appelle le Fauve Corp, une structure avec un nombre illimité de personnes, ou du moins pas restreint, et qui varie régulièrement par rapport aux gens qui contribuent au projet. Par contre sur scène on est toujours cinq avec les quatre musiciens et le vidéaste, qui sont les membres permanents du groupe. Les gens qui nous accompagnent pour faire des photos, filmer ou juste passer du temps avec nous, c'est la famille, c'est le Corp.

Est-ce le Corp qui nourrit le groupe ou le groupe qui influence ce collectif artistique ?

C'est un mélange des deux. En fait le Corp englobe le groupe, de sorte que Fauve ne soit pas composé uniquement des musiciens. C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas de photos officielles avec nos gueules en gros plan, parce qu'on ne veut pas restreindre le Corp au groupe. Du moins c'est une des raisons, ce n’est pas la seule.

C'est pour cela que vous « contrôlez » votre communication ?

C'est une des raisons en effet, mais c'est avant tout une question de pudeur, tout simplement, pour se préserver parce que l’on n’est pas très à l'aise avec ça. Par la suite, c'est devenu assez logique de se dire qu'on allait rester dans cet esprit-là, parce que ça nous va et que l'on est pas tout seul, donc ce serait un peu salaud pour tous les gens qui participent. C’est aussi important que la musique pour nous.

On a vu le revers de la médaille d'une telle politique sur les réseaux sociaux, où certains pensent que vous avez le melon ...

Ouais. Pas que les fans, il y a beaucoup de médias aussi...Si je peux me permettre, la chose dont tu parles et qui a suscité ce genre de réactions vient d'un extrait d'un texte avec quelques lignes sur les prises de photos du groupe, et il y avait des raisons autour de cette décision qui n'ont pas du tout été communiquées. Il y a juste eu les phrases un peu strictes par rapport à ça qui ont été publiées, d'où ces réactions...

Du coup, cela crée une ambiguïté entre la proximité que vous recherchez avec le public et cet éloignement imposé non ?

En fait, dès que cela concerne les médias de masse etc, on essaye de s'éloigner et de garder vraiment notre intimité. Nos textes sont aussi vraiment personnels, on parle vraiment de nous, et on voulait éviter de se mettre totalement à nu avec des photos en plus de nos textes. Quand vous venez à un concert de Fauve, on a pas de masque, on n’est pas caché derrière quelque chose parce que c'est un moment que l'on privilégie et on veut vraiment partager ce moment avec les gens qui viennent nous voir. Après le concert, on ne se réfugie jamais rapidement dans les loges à boire des bières entre nous, on passe toujours une ou deux heures avec les gens qui sont venus nous écouter, soit au stand de merchandising, soit au bar pour boire une bière...Quand on explique vraiment la démarche derrière notre projet, les gens comprennent pourquoi on ne veut pas montrer nos visages.

Vous faisiez de la musique avant de monter ce projet ou vous vous y êtes mis sur le tas ?

Ça dépend des membres. En fait on est quatre amis d'enfance, ça fait 20 ans que l'on se connaît, et donc on était vraiment potes avant de faire de la musique. On a chacun commencé à faire de la musique vers 17/18 ans. On avait un autre groupe avant, on a sorti des trucs en autoproduction, on était 3 membres de Fauve dans ce groupe et on faisait de la pop anglaise, avec des paroles beaucoup plus légères.... A l'époque, on avait qu'une seule envie, c'était d'être des rocks stars, on écoutait que du Blink 182 et les Beatles et donc on avait ce rêve d'ado...après on a arrêté de faire de la musique ensemble pendant un an, puis on s'est remis ensemble avec des textes que l'on avait envie de mettre en musique. On a mis énormément de temps à savoir quel style de musique on voulait pour le projet Fauve car on est parti des textes. Au début, on a fait un peu de variété, de la chanson française, donc c'était chanté avec des accords tout simples. Et justement ce n'était pas très sincère, pas très honnête et on n’arrivait pas vraiment à faire passer le message des textes. Ensuite, on s'est dit qu'il fallait peut être faire un peu de rap, donc on a essayé aussi...

Justement vos textes ne sont pas chantés mais plutôt parlés, c'est un moyen de diffuser le message autrement ?

En fait, la façon de parler a été un peu comme une épiphanie, une révélation pour le chanteur, qui avait un peu de mal à faire passer le message en les chantant. Du coup il a pris sa gratte, et il a commencé à parler, à réciter tout seul un texte, et il a réalisé que c'était ça. C'est pas du rap, c'est pas du tout du chanté, c'est pas vraiment non plus du slam, c'est un espèce de parlé sans rime, sans vers ou alexandrin, ce n'est pas formaté, c'est le plus libre possible au contraire. C'est pour ça que ça donne un style de musique un peu hybride, qui se rapproche du spoken word et qu’énormément de groupes ont fait avant Fauve.

Le nom fauve vous a-t-il été inspiré par le film Les Nuits Fauves ?

Alors ce n'est pas une référence directe, mais ce n'est pas non plus un hasard. On ne l'avait pas vu quand on a lancé le projet, c'était plus par rapport à la sonorité du mot et l'image qu'il y avait derrière, qui revenait quand on cherchait à trouver un nom pour concrétiser le projet. Plusieurs fois on est tombé sur ce mot et on s'est dit qu'il y avait un truc avec ce mot, un grain qui nous plaisait, une couleur qui nous parlait à tous. Après on a regardé le film, on s'est renseigné sur tout ce qui tournait un peu autour de ce mot.

Comment vous expliquez cet engouement soudain pour Fauve ?

C'est plus la rapidité des événements que l'engouement en lui-même qui est perturbant. Les choses qui se passent, les choses que l'on nous propose, les gens que l'on rencontre, les messages que l'on reçoit, c'est plus ça qui nous surprend. Ça va très vite et c'est ça qui nous a déstabilisé pendant un moment, et qui nous déstabilise encore aujourd'hui. Ce qui nous faisait peur, c'était qu'on ne voulait surtout pas griller d'étapes mais faire le truc petit à petit, faire notre chemin comme tous les groupes. C'est quelque chose dont on parle énormément entre nous et qui nous a fait peur ; On a eu peur que les gens saturent par rapport à la surexposition et le mot assez insupportable de « buzz ». Et il y a toujours un revers négatif quand tu lis dans la presse «  le phénomène musical français de 2013 », car si après cet article tu écoutes deux ou trois de nos morceaux et que tu ne te retrouves pas dedans, tu vas encore penser « tiens, encore un groupe surestimé ». C'est ça qui est un peu dangereux aussi, et c'est pourquoi on a voulu freiner un peu les choses sans sortir un album ou signer dans une maison de disque tout de suite.

Et donc quelles sont les prochaines étapes ?

Et bien après l'EP on fait du live, là on a encore pas mal de trucs de prévu jusqu'à fin juillet, un petit peu au mois d’août et après on prend pas mal de temps à la rentrée pour écrire l'album, même si on a déjà un peu commencé. Dans nos têtes rien a changé, on reprend le process de l'EP et on se relance dans l'écriture, la conception des mélodies autour des textes. Puis on repart dans nos salons avec nos petits ordis, nos petits moyens et on ne se précipite pas.

Vous revendiquez donc le style fait maison ? Vous garderez ce style ?

Bien sûr, car c'est un truc qui nous correspond complètement, c'est là-dedans que l'on se sent à l'aise parce que l'on est entre nous et qu'il y a tout ce côté artisanal qui nous plaît énormément. Après on s'entoure quand même de gens qui nous conseillent dans le Corp ou ailleurs. On veut aussi progresser, apprendre de nouvelles choses, mais on veut garder tous les petits couacs qui s'entendent à l'enregistrement mais qui donnent le charme.

Fauve est-il un projet musical ou un concept destiné à évoluer vers quelque chose de plus ouvert artistiquement ?

Dans nos têtes, ce n’est pas un projet musical. C'est pour ça qu'on a voulu trouver un autre terme que groupe de musique, car rien que pour le vidéaste sur scène, ça n'aurait pas été très cool. Et aussi pour toute la partie visuelle, des images que l'on filme et que l'on réutilise dans nos clips qui sont toutes aussi importantes. On ne veut pas faire que de la musique, si quelqu'un veut nous proposer de développer quelque chose que l'on a pas encore fait, dans la photo ou un livre par exemple, la porte est ouverte. On peut s'attendre à plusieurs trucs, peut-être qu'on va faire une bagnole ou je sais pas...(Rires).

Petite question à part, vous chantez quoi sous la douche ?

Moi je ne chante pas sous la douche, je fais des percus avec les flacons de gel douche, et les clips d'ouverture qui font du bruit quand on les ouvre... (Rires). Selon comment le flacon est rempli, ça fait des sonorités différentes et ça rend pas mal...mais je ne chante pas.

Avant de faire des festivals en tant qu'artistes, vous avez déjà fait des festivals en tant que festivaliers ?

Ici non, mais je crois que j'ai fait un Solidays à Paris. Personnellement j'écoute beaucoup de musique et donc je vais à pas mal de concerts mais rarement en festival. Ah si, je suis allé à Arras aussi, au Main Square Festival. C'était cool, on avait vu des trucs sympas. Mais je pense qu'on est un peu plus concert.

Qu'est-ce que vous allez faire de toutes les photos qui vont être postées ce soir par les fans ? 

On va les supprimer une à une demain dans le van en rentrant (rires). Non mais on a des conditions qui sont considérées comme assez strictes pour les photos en concert, mais ce qui nous dérange c'est par rapport aux médias, les photos officielles etc... Tous les gens qui vont prendre une photo et la mettre sur Facebook, ça ne nous dérange pas, et de toute façon, on ne peut rien y faire. Et puis c'est à une échelle beaucoup plus réduite, ce n’est pas du média et donc l'intention n'est pas la même. Donc si les photos sont belles, on ira les liker ! Et pourquoi pas les réutiliser si on ne voit pas nos têtes !

L'interview s'est déroulée aux Eurockéennes de Belfort sous forme de "table ronde" avec plusieurs médias