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Eddy de Pretto : «Je n'allais pas voir beaucoup de concerts plus jeune, j'étais trop jaloux»

Inutile de présenter Eddy de Pretto, c’est l'une des révélations de cette année 2018. Et qui dit succès dit forcément tournée avec pas mal de dates en festival de prévu, dont celle de la Magnifique Society à Reims au mois de juin, où nous avions répondu présents. Nous avons eu le privilège de discuter avec l’artiste qui débutait alors sa première vraie tournée de concerts et découvrait l’univers festivalier qu’il connaissait peu.

TLF : Alors tout d’abord, comment va le Kid ?

Ca va, je suis très content, la saison des festivals commence et j’apprends à connaître un peu ce public qui n’est pas tout à fait conquis comme dans les salles de concert. Il est parfois un peu déconcentré, il y a donc tout un challenge car il ne faut pas les lâcher même si la bière est très bonne à côté (rires).

TLF : Du coup tu n’es pas un amateur de festivals à la base ?

J’ai jamais trop fait de festivals en tant que public. Je ne suis pas fan de ça. Après, comme j’ai dit, j’apprends très vite à découvrir, là j’étais au SAKIFO à la Réunion, ça s’est hyper bien passé, c’était le feu mais tu sens quand même qu’au départ c’est pas une ferveur totale, il y a une sorte de curiosité, des gens qui se demandent “qui est ce mec chelou ?” C’est un public de passage, c’est le plus intéressant, c’est le plus difficile et le plus intéressant.

TLF : C’est un beau challenge !

Oui c’est un beau challenge. La scène je la vois un peu comme monter sur un ring et aller conquérir les âmes une à une avec des uppercuts, j’aime ça et là c’est encore plus un challenge car il y a des gens qui sont là en dilettante et il faut les happer le plus possible.

TLF : Et comment as-tu vécu cette notoriété si rapide ?

Je pense que si j’étais quelqu’un d’autre je péterais des câbles, je serais fou, je deviendrais dingue, mais quand tu le vis au quotidien, forcément tu mets un certain recul, tu te protèges énormément, et tu le prends à la légère. Je suis très heureux de faire ce que je fais en ce moment et ça me rend assez apaisé bizarrement.

TLF : Le rap fait partie de tes influences, pourtant certains rappeurs ont des textes limites, voire carrément homophobes. Comment as-tu vécu ça ?

J’ai entendu pas mal de rap, écouté un peu moins, ça faisait partie de mon contexte musical. Mais moi je ne me suis jamais senti ni dans la variété, ni dans le rap, ni dans le slam, ni dans le poème. J’évite au maximum de me cloisonner vis à vis d’un style, de me demander si on va m’écouter ou si on va m’accepter. Même si je parle de virilité ou d’homosexualité dans des chansons qui sont influencées rap, je ne me suis jamais demandé si j’allais être bien reçu ou pas du tout, je m’en foutais un peu, je n’avais pas ce carcan-là. Je n’ai pas envie de défendre dans mes textes ce côté macho, misogyne, sexiste de l’homme envers la femme, je ne suis pas “ça” clairement et on ne m’a pas appris à être comme ça. Après je pense que ce sont des postures, des restes des personnages du rap des années 80/90 qu’on garde encore aujourd’hui pour faire le gars, pour faire le mec, il y a toujours ce truc de se mesurer la bite, je pense. Ce sont des postures, des jeux et ils y jouent pleinement, mais moi, ce jeu ne m’excite pas.

Tu nous disais que c’étaient tes débuts en festival en tant qu’artiste, comment as-tu ressenti cela ?

J’étais au “SAKIFO” un festival sur l’île de la Réunion c’était le tout premier festival officiel que je faisais dans le sens où les gens savaient que je jouais. J’avais fait Fnac Live l’année dernière j’étais programmé à 16 ou 17h il y avait pas grand monde, personne ne me connaissait c’était difficile. Et au “SAKIFO” il y avait une attente du public et c’était hyper fou. Je ne savais pas qu’à 12 000 km il y avait des gens qui pouvaient m’écouter, m’attendre et me supporter autant, et ça m’a fait beaucoup d’émotions.

TLF : Et en tant que festivalier as-tu des souvenirs à nous faire partager ?

Je n’allais pas en festival, je détestais ça ! Mais je n’ai jamais été voir trop de concerts non plus, j’étais très jaloux quand j’étais jeune, et je rêvais tellement d’être à la place des chanteurs que ça me faisait une boule au ventre d’aller les voir et je n’en dormais pas de la nuit, donc j’évitais les concerts, ça me rendait malheureux. Aujourd'hui je l'ai moins, car j’y suis aussi avec eux, mais c’est vrai que j’avais ce truc là quand j’étais petit, ce truc qui me hantait, où je me disais “mais putain, moi aussi j’ai envie d’y être, j’ai envie d’être à leur place de chanter sur scène” et aujourd’hui ça va mieux j’ai calmé cette petite jalousie.

TLF : Et ce week end à “La Magnifique Society” tu vas profiter du breuvage rémois ?

Pourquoi tu penses que je vais m’éclater au champagne ? (rires) Nan, nan je joue demain, j’ai un emploi du temps, je ne peux plus rien boire, j’essaie de garder une hygiène de vie ! C’est chiant en fait, hein ? Plus de fêtes de trop (rires)...

Propos recueillis par Thomas Josselin lors de la conférence de Presse, La Magnifique Society (conjointement avec les médias : Les Musicovores et La Grappe)

Crédit photo : Joel Saget