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Didier Wampas : “Il faut jouer en festival pour les gens qui pogotent devant”

Lui il n’a pas peur des skinheads grecs. Didier Wampas est toujours le roi des festivals. Après 30 ans de carrière, la philosophie punk est toujours vif dans son esprit. Nous l’avons rencontré lors de son passage au Chien à Plumes avec un leitmotiv : j’en ai rien à foutre !

Tous les Festivals : Tu viens de reprendre une tournée avec les Wampas après une petite pause, avec des projets en solo, avec ta famille. Tu sens des changements ou tu as retrouvé un peu la même routine ?

Didier Wampas : On n’a jamais vraiment arrêté, on fait des dates de temps en temps. On a fait un nouvel album, on joue plein de chansons du nouvel album, il y a une nouvelle playlist. On a des nouvelles dates, de nouveaux concerts, ça change tous les jours !

On se demandait si après 30 ans de carrière, tu peux influencer ton tourneur et choisir certaines dates en festival ?

C’est le tourneur qui monte une tournée, et qui choisit les festivals. Et de l’autre côté les festivals qui font leur programmation. C’est pas dans ce sens là que ça marche, hélas, en disant tiens j’aimerais bien faire les Charrues cette année ! Le tourneur a déjà du mal à faire sa tournée, donc on ne peut pas commencer à en refuser ou à en choisir certaines.

Il y a des groupes qui pourraient se le permettre …

Oui voilà, si t’es Fauve ou Shaka Ponk, tu peux choisir où tu vas jouer.

Pourtant derrière toi, tu as 30 ans de carrière, tu as créé des liens avec certaines personnes …

Non, regarde cet été, on est programmé sur cinq festivals en juillet et en août. On n’a pas tant de dates que ça, c’est pas évident. On est content de pouvoir jouer.

Et toi depuis le début des Wampas, est-ce que t’as vu une évolution dans la manière des festivals de fonctionner ?

Au début, il n’y en avait pas de festivals. Petit à petit ça s’est créé, c’est devenu plus gros. Puis ils ont commencé à faire vu que tout le monde voulait en faire un, le moindre village a voulu faire son festival, c’est comme les salles ou les groupes, ça s’arrête, ça recommence. Je fais des concerts, après je m’en fous de ce qu’il y a autour. Enfin, je m’en fous, on vit, on existe, on vient jouer.

Il y a sans doute des festivals auxquels tu t’es attaché, ou tu es content de revenir jouer …

Oui, il y a des endroits où l’on est habitué, des salles comme le Bikini où l’on va depuis 30 ans. On est toujours content de revenir à un festival, environ tous les 4-5 ans. Je suis toujours content de jouer n’importe où, je m’en fous.

Il y en a peut-être un qui t’a marqué ces dernières années ?

Il y a le Hellfest qu’on a fait pour la première fois cette année. Vu ce qu’on fait c’était déjà bizarre qu’on y soit, c’est un festival de métal ! Il commence à s’ouvrir sur le punk c’est cool. On a joué entre les Ramoneurs et Exploited. C’était superbe de jouer là-bas, on est content de jouer dans des nouveaux endroits, comme on est content de revenir au Chien à Plumes. On a tellement de chance de pouvoir faire de la musique ou des chansons. Quand j’entends des groupes que disent que ça ne sert à rien de faire des disques, ça se vend pas… putain même si tu joues devant 100 personnes, c’est déjà tellement bien de faire un groupe, de faire des concerts. C’est tellement exceptionnel de monter sur scène, de jouer devant des gens, de faire de la musique. Je suis content de jouer tout le temps.

Tu as fait des festivals comme festivalier ?

Non je ne vais pas en festival, j’ai pas le temps d’y aller. Puis c’est chiant les festivals quand on est festivalier ! J’en ai fait il y a longtemps. Je me rappelle d’un festival avec les Clash… mais il y a longtemps que je n’en fais plus. Ca remonte à 84 !

En festival tu as le temps de voir quelques groupes qui t’intéressent ?

Oui de temps en temps, on voit les gens dans les loges, on discute. On était en Bretagne hier, on est parti à 3h du mat’, on a dormi à Melun... Forcément après c’est compliqué de profiter des concerts. Mais je ne me plains de rien ! On essaye d’aller voir un peu les autres groupes.

Dans une interview cette année dans Rock & Folk, tu parlais de Shaka Ponk et de Skip The Use comme “des groupes de Club Med”. Pourquoi ?

J’ai croisé Shaka Ponk à Fête du Bruit dans Landerneau d’ailleurs ! Ils sont sympas. Oui, c’est un peu la fête du camping avec eux. Ce n’est pas parce qu’on fait des festivals et qu’on passe à la radio qu’il faut aller dans le sens des gens et faire des musiques encore plus commerciales. C’est pour ça que j’essaye de ne pas rentrer là dedans.

Beaucoup d’artistes disent qu’en festival, tout va très vite, et qu’il faut satisfaire le public, car sinon il va aller en face ou au bar …

Non justement, c’est vraiment ce qu’il ne faut pas faire. Tous les groupes te font “allez, il faut taper dans les mains !” et tout. Je me rappelle d’un vieux truc, quand la Mano Negra a commencé à marcher dans les années 80, Manu Chao me disait qu’il fallait jouer pour la dernière personne qui est au fond du festival. Je me disais qu’il avait raison. Mais je me suis vite rendu compte que ce n’était pas vrai, plus c’est grand et plus il faut jouer en festival pour les personnes qui pogotent devant. Même s'ils sont 10 ! Il faut jouer en festival comme tu joues dans un club de 100 personnes. La dernière fois, je suis allé voir Green Day à Bercy, et il n’y a pas une chanson où ils ne font pas “oh oh oh oh”, pas une chanson ! Ils s’arrêtent, ils font taper dans les mains, sur toutes les chansons ! Non, c’est tout le contraire de ce qu’il faut faire.

La véritable info c’est que t’es allé pogoter devant Green Day !

Ah non ! Mais pour moi il ne faut pas rentrer dans ce jeu. Parce qu’après tu fais quoi ? La Star Ac' ?

C’est quoi le genre de groupes que tu vas voir en concert et que t’apprécies ?

Je suis allé voir ACDC avec mon fils, je me suis dit que ca allait être naze, le gros show américain bien réglé. Bien non ! Putain. Justement ils ne font pas ça, ils l’ont joué à fond, Angus il court sur la scène pendant 2 heures, il n’arrête pas, il se donne, le groupe joue comme ils devaient jouer en Australie en 75. Ils font le même show qu’en 75 même s’ils sont dans un stade, où à la fin t’as les canons à la dernière chanson.

C’est un peu ton esprit ça ?

Tu le fais à fond, tu fais le con, sinon c’est la fête du camping. Souvent les festivals, tu vois pas beaucoup de rock’n roll, souvent t’as pas de vrais groupes de rock en festival, t’as du reggae, de la chanson. Par contre des groupes comme Fauve ils font pas trop ça je trouve, ils font ce qu’ils ont envie de faire, un peu comme Louise Attaque à l’époque, ils jouent déjà ce que le public attend. C’est rare que cela arrive. Quand je vois Fauve en concert je ne me dis pas qu’ils font les putes. Quand tu vois les shows de Shaka Ponk et Skip The Use, ils sont travaillés pour plaire comme dirait TF1 à la ménagère de moins de 50 ans, c’est presque ça. Et ça j’aime pas.

Tu préfères jouer dans des festivals de niche, comme le Hellfest, ou t’as vraiment une ligne musicale ?

Pas forcément, j’aime bien venir dans un festival grand public, où le gars était devant Fauve et il se retrouve devant les Wampas. Au contraire, j’aimerais bien faire la première partie de gros trucs de variet’, comme quand on pouvait faire la première partie de Louise Attaque à l’époque, on jouait devant des familles, des enfants, le public de TF1, et j’en rajoutais ! En mode destroy. Je m’étais mis en rouge, le premier rang avait presque peur, tant mieux ! Tu fous le bordel. Faut pas oublier pourquoi au départ on fait du rock’n roll, on ne fait pas ça pour être consensuel ou plaire aux gens. C’est ça qui est compliqué à garder, car quand tu essayes de gagner de l’argent, de passer à la radio, il faut tout de suite être un peu consensuel. Tout le monde se formate d’une certaine manière, même des groupes de métal qui font du métal pour plaire aux métalleux, t’en vois tu te dis que c’est démago. Kurt Cobain c’est l‘exemple du mec qui voulait avoir du succès, et qui n’a pas eu le choix de rester consensuel s’il voulait plaire aux 100 000 personnes devant lui. J’ai eu la chance de ne pas avoir beaucoup de succès, ca me permet de pouvoir relavitiser. Les Wampas on a simplement un succès d’estime.

T’as quand même eu des titres qui sont passés à la radio ...

Oui il y a eu une fois un morceau qui est passé à la radio par accident …

Justement à ce moment cela aurait pu faire basculer les choses, là t’aurais pu toi aussi faire un album consensuel

Au contraire, après j’ai fait la chanson Chirac en Prison, comme ça c’était réglé on ne pouvait pas passer à la radio. Aucune emmerde !

On peut y prendre goût au succès ...

Cela faisait déjà 20 ans que je faisais de la musique, donc j’en avais rien à foutre. Je travaillais à la RATP, j’ai continué à le faire. C’est pas évident de gérer ça. J’ai ce recul d’avoir toujours travaillé à côté, d’avoir grandi avec des 45 tours qui sortaient à 100 exemplaires. On sortaient des 45 tours à 1000 exemplaires, on jouait dans des squats, et j’étais heureux comme ça. Les rares fois où on va à la télé j’y vais à reculons. J’ai pas envie, mais je me dis qu’il faut y aller. Tu sais pas si tu fais ton punk comme ils attendent, ou tu restes calme. Heureusement on ne me demande pas souvent ! Quand j’étais petit heureusement, il y avait des gens comme Gainsbourg ou Coluche qui étaient là à la télé.

Pourtant tu t’étais lancé dans l’aventure de l’Eurovision à un moment donné ?

Ca c’était tellement absurde, je me suis dit allons-y ! Par contre je refuse rien, quand on me demande un truc j’y vais. L’Eurovision, qu’est-ce que j’ai fait ? J’ai pris une chanson dont j’avais rien à foutre, j’ai écrit des paroles en 10 minutes, je n’ai pas essayé de faire une chanson pour gagner l’Eurovision. J’ai sorti une chanson dont je n’avais rien à branler, qui trainait là. J’ai regretté pour une chose de ne pas représenter la France à l’Eurovision, c’est que c’était une semaine après l’élection de Sarkozy comme président, et j’aurais chanté “fallait pas voter pour lui” devant toute l’Europe. Ca aurait été drôle ! Et classe. Peu importe l’Eurovision, je suis content de faire ce que je fais, de garder cet esprit, de jouer et partager avec les gens. C’était mon rêve quand j’avais 15 ans, et c’est tellement bien de faire ce qu’on fait.

Pour finir on voulait te présenter Julia, notre crocodile. On veut que tu l’emmènes avec toi pour slamer avec elle un moment dans le concert.

Vous me l’amenez, et je le fais avec plaisir ! (NDRL : Et il l’a fait !)

Propos recueillis par Morgan Canda, Quentin Thomé et Victoria Le Guern