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Cascadeur: « un décolleté est souvent bien plus attirant qu’une poitrine dévoilée »

Il est mystérieux en concert mais aime parler avec son public. A la fois discret et accessible, Cascadeur nous a accordé un peu de temps pour discuter prix musicaux, masque et décoltés à l’occasion de sa date au festival des Giboulées.

Ton ressenti après le concert ? En tant que spectateur on a eu l’impression que le lieu n’était pas totalement adapté, on t’aurait plus vu dans une salle intimiste.

C’est vrai que le gymnase ne se prête pas énormément à mon live, mais c’est toujours la question qui se pose en festival. Il faut trouver le bon lieu. Là, et pas seulement pour nous, c’est quelque chose qui est hors de ce qu’on fait d’habitude.  Jouer dans un tel endroit pour le son c’est compliqué. Même si certains ont pu se sentir un peu moins portés, je pense que la majorité des gens était à l’intérieur du concert. De notre côté on est resté concentré, on a fait un bon concert. La semaine dernière on était au Printemps de Bourges à l’Auditorium c’était forcément différent !

L’inconfort n’est pas forcément une mauvaise situation non ?

Oui c’est effectivement très bien d’être dans une forme d’inconfort. Mais certaines salles peuvent nuire parfois à ce projet. Ce soir on n’en était pas là, ça nous pousse à nous perfectionner.

C’est typiquement le genre de show qui se prête parfaitement à des théâtres à l’italienne, à des opéras comme certains ont pu le faire…

Oui, suite au Printemps de Bourges on a des projets qui vont se monter dans des lieux un peu atypiques. Après on ne va pas s’interdire et interdire aux programmateurs qui aiment nos projets de nous programmer sous prétexte que la salle ne serait pas parfaite pour nous. 

Evidemment, mais ça doit amener quelques déconvenues sur scène non ?

J’ai peu de mauvaises expériences. Une date, on s’est retrouvé entouré de projets qui ne cadraient pas du tout. En fasse de moi il y avait un projet très connu qui faisait leur balance alors que je jouais… c’était très compliqué, d’autant plus que j’avais un problème technique. C’est pas si facile de jouer en festival avec mon projet qui est assez mélancolique. Les festivals demandent une espèce d’énergie première où tout le monde doit être à fond.

Et avec le casque, jamais de soucis ?

Au tout début ça m’est arrivé. Une fois en montant sur scène un mec un peu arrosé au premier rang m’a hurlé que c’était lui qui avait commandé la pizza. C’est drôle, ça m’a fait rire mais en même temps ça m’a donné un peu la rage. Ca genre de blague me chauffe, c’est motivant.

Tu agrémentes ton live avec des discussions, beaucoup d’humour même, c’est une façon de te rapprocher du public ?

Ça fait partie du show, on peut toucher une sorte de mysticisme, c’est un projet un peu contemplatif. Moi j’ai besoin de contrecarrer cette préciosité et cet aspect sacré. Je détruis l’icône qu’on pourrait croire cachée derrière le masque. Ça serait trop simple d’arriver tel un seigneur, adresser à peine un mot et repartir. J’aime m’amuser autour de Cascadeur, me moquer de moi-même, être second degré. La médiatisation du star-system fait qu’on peut vite se prendre au sérieux, ce qui ne veut pas dire que je ne suis pas à 100% à l’intérieur de mes morceaux.  J’ai aussi besoin de faire rire, et dès que ça prend je ne m’arrête plus.

Donc t’as des expériences de stand up !

Oui j’ai eu un concert à Liège dans une salle de cinéma où je me sentais bien, le gens rigolaient à mes blagues, je me marrais bien. Le concert a duré 2h30 ! Ça devenait n’importe quoi j’ai beaucoup plus parlé que joué mais c’était un vrai beau moment.

Tu fais ça depuis le début ?

Ça a commencé lors de mon premier concert à Paris dans une petite salle à Montmartre. C’était plein, normal j’avais invité tous mes potes. J’avais monté un long concert de 17 ou 18 morceaux agrémentés de blagues, ça m’a fait du bien j’ai continué.

On ne va pas comparer avec Daft Punk, mais contrairement à certains autres « masqués » tu fais justement ressortir ce côté humain par tes interventions

Daft punk j’ai quitté le groupe y’a quelques années ! Pour en revenir à ta question, je savais dès le début en faisant cela qu’on était dans une problématique liée à la distance, la froideur, la pause, le frime, la mégalomanie… J’essaye au mieux d’être accessible, c’est important.

Parlons de ton deuxième album, quand tu en parles tu n’utilises pas le terme produire, mais réaliser, comme un film…

En construisant le deuxième album je savais que je ne serais plus seul sur scène. Je l’ai orienté au niveau des arrangements de façon très orchestrale sachant qu’il y aurait d’autres voix et instrumentistes. J’ai composé dans ma tête assez vite le groupe que je pourrais emmener sans forcément leur en parler mais je savais avec qui je voulais faire ce projet.

On sent en écoutant l’album que tu voulais revenir à « l’objet » album musical qu’on a perdu ces dernières années avec des groupes qui font trois tubes et qui délaissent les 8 ou 10 autres chansons.

Il y’avait une sorte de construction narrative à la base. L’Odyssey est un morceau important pour moi, je ne voulais pas le mettre sur le premier album car c’est un morceau qui est la clé de voute du deuxième. Au départ l’album devait d’ailleurs s’appeler l’Odyssey. J’ai réfléchi et je me suis dit que c’était peut-être un peu pompeux, mégalo, galvaudé. C’est-à-dire que l’Odyssée on est à la fois dans la référence littéraire et dans le club de gym (rire). C’est le grand écart ! Donc de façon silencieuse est invisible j’ai construit l’album autour de l’Odyssée. J’ai retraité les thèmes avec des cyclopes, l’idée de découverte, la perte d’identité, la reconquête, l’errance. Ces thèmes ont liés les morceaux. Et ça me fait faire le rapprochement avec le fait que dans l’invisibilité où dans le fait de ne pas se montrer on devient marquant.

C’est très cinématographique en fait ?

Oui et c’est qui me plait dans le cinéma. Dans l’érotisme, c’est vrai qu’un décolleté est souvent bien plus attirant qu’une poitrine dévoilée. Ce qui ne veut pas dire que les poitrines ne sont pas attirantes ! Mais ce passage par le décolleté est très important. Cascadeur est un peu un décolleté (rire)

Un décolleté ok, mais là vous êtes uniquement un groupe de mec !

C’est dur on est un peu des marins ! Ça manque un peu de présence féminine.

Par contre elles ne manquent pas dans le public

C’est vrai que mes morceaux parlent peut-être plus au public féminin. C’est peut-être dû à ma voix un peu féminine, une certaine finesse, une délicatesse… je ne sais pas. Je voyais ce soir pas mal de femmes qui connaissaient les textes des morceaux.

D’ailleurs à ce sujet en 2011 tu t’es fait subtiliser le prix Constantin par une femme, belge qui plus est !

Flamande ! ça nous a fait mal (rire) ! Ca a d’ailleurs créé des soucis puisque c’est une belge, flamande qui ne parle pas français qui remporte le prix Constantin. Ca a créé quelques remous. A titre personnel je n’y vois pas énormément d’inconvénients.

Ce n’est pas un peu trop toutes ces victoires justement ?

Parfois tu as l’impression qu’on célèbre des groupes déjà célébrés. C’est ça qui est compliqué avec des prix. Rares sont les institutions qui jouent leur rôles à fond. Il y a probablement des enjeux autres. Mais après si tu es sélectionné dans ce genre de prix, tu ne vas pas dire non, dire non c’est être méprisant. Mais dans le fond je ne suis pas vraiment pour. Est-ce qu’on peut juger Tarantino meilleur que Scorsese ?

Mais il y a cette volonté médiatique de vouloir juger et classer en permanence

Oui c’est ça qui est terrible. Tout doit être classé, les meilleurs vendeurs, les meilleurs remplisseurs de salles. On est comme à l’école au mauvais temps des classements. Ça me fait un peu peur. Quand tu vois certaines fois « plus de 100000 spectateurs » qu’est-ce que ça veut dire ? Il faut y aller car 100000 personnes l’ont déjà vu ? Mais peut-être que ces 100000 l’ont vu pour des mauvaises raisons !

Il faut faire du chiffre…

Oui et pleins de projets n’ont aucun audimat et sont superbes. Mais l’audimat est décideur, si ça ne prend pas on supprime. Ça passe par l’information et surtout la désinformation

Pour toi ça marche tu as de la chance ?

Je n’ai pas toujours vécu de ça mais j’ai commencé très tôt. Ca a toujours été ma double vie, il y avait déjà une part de schizophrénie. J’ai toujours beaucoup joué, j’ai de la chance j’ai eu des parents hyper compréhensifs c’était génial. J’ai joué avec pleins de gens dont c’était le métier. Je jouais avec eux dans des bars et la journée j’étais étudiant. C’était un drôle de rythme de vie. J’ai beaucoup appris comme ça.

Tu t’es très vite tourné vers la voie électronique

Oui mais en même temps j’ai fait pas mal de jazz, pas mal de musique indé, j’ai découvert d’autres styles qui m’ont fait grandir.

Pour terminer une de tes chansons a été utilisée dans une pub de Nestlé. T’as eu ton poids en chocolat pour faire ça ?

(Rires) Je n’aurais pas gagné grand-chose ! Mais c’était une idée intriguante et aventureuse de la part de Nestlé de choisir cette musique. Et d’ailleurs, cette musique a aussi été utilisée pour un teaser pour HBO avec Julia Roberts. On m’a laissé choisir entre le chocolat et Julia Roberts j’ai pris Julia pendant 2 semaines !