Interviews
Aazar : « mixer en club ou en festival c’est comme demander à un pilote si il préfère faire de la F1 ou du rallye »

Après plusieurs mois sans concerts, le Dj et producteur Parisien Aazar est remonté sur scène à l’occasion du Iode Summer Vibes mi-août à Noirmoutier. Juste avant son set on a eu l’occasion d’échanger avec lui sur cette période si particulière.

Pour commencer, qu’est ce que ça te fait de retrouver les festivals après toute cette période ? 

Aazar : Je suis super content ! Ca fait du bien, je ne m’attendais pas à ce qu’ils arrivent à maintenir le festival comme ça mais le résultat est là : tout le monde respecte les consignes, tout le monde porte le masque, et ça fait plaisir. Je suis comme un gosse, j’ai qu’une envie c’est d’y aller et de jouer, de voir les gens kiffer, ça faisait longtemps. La dernière fois que j'ai mixé pour un évènement officiel ça remonte à fin février alors ça fait 6 mois que j'attends ça !

Justement comment tu as vécu cette période de confinement, tu as composé des musiques ? Est-ce que ça a eu un impact sur ta création ?

Comme on ne savait pas combien de temps ça allait durer, j’étais un peu pro-actif au début du confinement à faire beaucoup de musiques, des lives, des trucs sur Tik-Tok et Insta, et au fur et à mesure quand j’ai réalisé qu’on en verrait pas le bout avant un bon moment j’en ai profité pour faire une pause et profiter de chaque instant. J’ai pu voir ma fille grandir, c’est un vrai plaisir, je suis un peu “homme au foyer” en ce moment. J’ai essayé de bien prendre la chose, j’ai réalisé que s’il n’y avait pas eu ce confinement j’aurais loupé les premiers pas de ma fille par exemple donc il y a du positif dans tout ça. Et comme je ne me mets pas la pression, j’arrive à faire pas mal de morceaux donc c’est plutôt cool. 

De quoi faire un album bientôt ? 

Là j’ai clairement de quoi faire un album. Mais en y réfléchissant, sortir un album maintenant, stratégiquement parlant ce ne serait pas très intéressant. Les gens ne consomment plus la musique comme avant, aujourd’hui quand tu sors un album les gens vont l’écouter et une semaine après ils vont te dire : “C’est quand que tu sors de la musique ?”. Un album c’est un processus qui dure un an et demie voire deux ans. Les gens vont l’écouter rapidement et directement te demander une suite. Alors je préfère sortir des singles. Le covid a pas mal changé ma stratégie parce que j’ai composé pas mal de sons “club” mais comme les clubs sont fermés je ne vois pas trop l’intérêt de les sortir pour le moment. 

Ici tu joues entouré de Bellecour, Koos etc. c’est un peu ta famille, on vous voit souvent ensemble sur les réseaux, raconte-nous comment s’est passée votre rencontre et quelle relation tu as avec les gars de Sans Merci, Pardon my french, etc ? 

Ca fait longtemps que je connais DJ Snake, j’avais 17 ans quand on s’est rencontrés. Je l’ai connu avant que ce soit le DJ Snake international qu’on connaît tous. Tony Romera c’est pareil, il faisait déjà partie du paysage de la musique électronique française et je l’ai toujours un peu suivi. On s’est écrit une première fois et on s’est très vite bien entendus. Il m’a fait rencontrer Keeld (de Bellecour) et c’est devenu la famille. Ce soir c’est la première fois que je rencontre Koos et Gaba physiquement donc c’est un vrai plaisir de mixer tous ensemble ici. 

On sent chez vous justement une certaine fierté à représenter la France électro devant le monde entier quand vous êtes en festival notamment, c’est important pour toi de faire valoir nos racines ? 

Je trouve qu’en France on a un énorme vivier d’excellents producteurs avec une palette de styles super large. Ce soir, ils ont programmé des mecs comme Bellecour, Boston Bun, The Avener, etc. Le line-up est 100% français et quand avec du recul tu vois tout ça, tu te dis qu’on a besoin de personne. On n’est pas pour autant sectaire, mais on a tellement d’artistes super puissants qu’on pourrait largement s’auto-suffire donc c’est très cool. C’est DJ Snake qui a ramené cette fierté et cette envie de rassembler avec “Pardon My French”. Avant, si tu faisais partie de tel ou tel label, on te disait “traine pas avec lui, c’est pas bon pour ton image” et DJ Snake s’est battu contre ça. Maintenant, peu importe ton origine ou ton style tu parles de Snake et il a imposé le respect avec sa réussite et ses chiffres. On peut ne pas aimer ce qu’il fait, mais on est obligé de respecter et de regarder le résultat. Si tu dénigres ça, c’est que t’es un rageux. Aujourd’hui, tout le monde est fier de trainer avec tout le monde et je suis super fier de représenter la France quand je joue à l’étranger. 

Tu t’es fait connaître grâce à des morceaux trap, aujourd’hui tu fais des morceaux pop, house ou bass, comment t’expliques cette diversité de styles et comment tu arrives à jongler de l’un à l’autre ? 

J’ai commencé à produire de la trap mais avant d’être Aazar, j’étais DJ dans des clubs résidents et je mixais tous les styles, je me suis toujours battu pour ça. A l’époque si tu étais un mec de la house et que tu jouais du rap, tu étais un vendu, et si tu étais un mec du rap et que tu jouais de la house, c’était super mal vu. Et quand j’ai vu DJ Snake qui liait tous les univers avec cohérence, en passant du reggae, de l’électro, du rap du rock, j’ai trouvé ça génial. Je n’ai pas envie de me cantonner à un style, quand tu grandis, ton style évolue. Quand j’avais 23 ans j’avais envie d’arracher la moquette tout le temps et c’est pour ça que je faisais de la trap, mais aujourd’hui j’ai aussi envie de jouer des sons cools et posés, donc je prends juste du plaisir sans me mettre de barrières entre les styles et sans trop réfléchir.

Tu dis que tu as commencé comme DJ dans un club, aujourd’hui tu fais pas mal de festivals, quelle différence tu fais entre jouer dans l’un et dans l’autre ? 

Ce sont deux choses assez différentes : un vrai bon DJ, il regarde la piste, il regarde les gens et selon les sons qu’il met, il voit si les gens kiffent ou si il vide la piste. Tout en essayant de représenter son vrai univers musical. Par exemple, si tu n’aimes pas le rap français et que tu en joues pour faire plaisir aux gens, tu sors de ton univers et ça colle pas forcément avec ton style mais le but c’est aussi de faire plaisir aux gens et de les voir danser alors c’est un travail assez difficile. C’est bien beau de jouer les sons que tu kiffes mais les gens sont là pour danser et quand tu vois que tu vides la piste avec des sons que tu adores ce n’est pas le but non plus. J’ai beaucoup plus de liberté à mixer dans un club qu’en festival : dans un festival, tu as une heure, où tu dois faire une intro et une outro, et tu as pas 1 heure et deux minutes ni 55 minutes. Donc ton set doit être travaillé, bien timé, avec des vagues dans ton rythme où ça descend, ça remonte etc. Me demander si je préfère mixer en club ou en festival c’est comme demander à un pilote “tu préfères faire de la F1 ou du rallye”, ça reste de la course automobile mais au final c’est très différent. Dans les clubs, j’aime la proximité avec les gens et ça me permet de jouer plein de choses que je ne peux pas jouer en festival. En festival, ton set est millimétré, tu sais ce que tu vas jouer, en club, tu joues, tu vois ce qui marche, si ça marche pas c’est pas grave tu vas chercher sur ta clé et tu trouves un truc qui va fonctionner, et c’est ça let taf de DJ au final. 

Enfin question traditionnelle qu’on aime bien poser, si tu devrais créer ton propre festival, quelle programmation et quelle spécificités on y trouverait ? 

Je resterais fidèle à moi même donc il n’y aurait pas un seul style : j’aimerais une programmation avec un groupe de rock, des artistes électro, rap etc. Un peu comme Coachella en fait, qui booke le meilleur de ce qui se fait dans chaque univers. J’aimerais avoir aussi des jeunes talents qui défoncent mais ne sont pas forcément connus. Je ferai de la bass music forcément mais j’aimerais un truc homogène. Je pense que c’est aussi le meilleur moyen d’éduquer les gens et de leur faire découvrir des sons qu’ils n’iraient pas forcément écouter d’eux-mêmes : j’aimerais que les gens soient curieux, aillent à une scène, restent une vingt minutes et se disent “Ah mais c’est pas mal ça”. C’est comme ça qu’on fait grandir la musique. selon moi. Je viens de voir un sondage qui disait que la musique électro représentait 8% de ce que les gens écoutent en france, et c’est dommage parce qu’il y a des trucs qui mériteraient une exposition beaucoup plus large.

Dernière petite question, tu peux nous révéler la vraie identité de Malaa ? 

Bah c'est Michel Delpech voyons ! 

 

Interview par Maxime Thué, Photo : Aazar officiel