On était à
Le Chien à Plumes : un festival vraiment au poil

Depuis 19 ans, le Chien a Plumes trace sereinement sa route au coeur de la Haute-Marne. Un petit havre de paix vert et boisé pour festivaliers motivés, où l’ambiance amicale d’un après-midi ensoleillé devient grand et joyeux bordel une fois la nuit tombée.  

Jour 1. 19h35, Wahouf !

Pour une fois, pas de camping pour nous. Le hasard fait que des amis ont loué un chalet à deux pas du festival. Un très bon plan, les chalets proposent des tarifs spéciaux pendant le festival. Une fois nos affaires déposées, c’est sous un ciel bleu qu’on arrive sur la grande plaine verte accueillant le Chien à Plumes. Après une fouille, on se fait poser nos bracelets en plastique, style sortie scolaire à la piscine, et nous voilà au coeur de la niche. Un panneau indique que toute sortie est définitive après 20h. Pas de retour apéro au camping possible, donc, alors que celui ci est à deux pas du festival, comme le parking. Dommage.

20h03, Naâman et son double arc-en-ciel

Naâman (photo) est déjà en train d’animer la grande scène nommée Ernest. Pas beaucoup de monde n’est présent, mais une grande vague d’origan et de bonne humeur envahie un public sur les starkings block. Le ciel se noircit et quelques gouttes apparaissent, ce qui nous permet de trouver refuge au stand de la section locale d’Amnesty International. On signera quelques pétitions en contemplant un magnifique double arc-en-ciel. Signe d’un grand apocalypse festif à venir ?

20h46, Nonos dans les poches et bière dans la main

Deux espaces composent le festival. C’est plutôt spacieux proportionnellement au nombre de festivaliers présents. D’un côté la grande scène, avec une petite scène nommée Lupin sur un tracteur, plusieurs bars et des stands associatifs. De l’autre, la deuxième scène, Ponpon, entourée de stands de nourriture et de vêtements. Le groupe In the Canopy est en cours de concert, ce qui sera notre musique pop de fond pour déguster nos premières bières. Fidèle à son thème, le festival nous propose des Nonos en échange de nos euros. Un demi de Jenlain est disponible au bar pour 2 nonos soit 2,50€. Un des bars propose lui presque une dizaine de bières locales, ambrée, rousses, triple, à la mirabelle ou la framboise, pour un nonos de plus … une vraie diversité proposée pour des festivaliers heureux.

21h50, Et toi, t’as déjà pogoté sur Izia ?

Alors que la nuit tombe, c’est l’esprit bien échauffé que nous allons voir Izia (photo), pour la dernière date de sa tournée. Un début calme au son de son dernier album, mais très vite le concert s’emballe. Emmenés par l’énergie débordante de la fille Higelin, les festivaliers s’en donnent à coeur joie. On est petit à petit attiré vers le devant de la scène, pour pogoter comme des petits fous. Aux Artefacts, à Papillons de Nuits ou Art Rock, l’ambiance était belle, mais jamais folle comme ici. Ca promet ! En récompense de nos calories dépensées, c’est un magnifique Mafé qui fera le bonheur de nos papilles, pour 7€ au stand Africa Miam, bercé par Jungle Lions sur la scène Ponpon.

00h17, les partisans du disco

Vu l’ambiance pour Izia, on attendait d’être secouer comme jamais par Shantel (photo). L’allemand sait y faire avec les festivals, et son concert est une formule magique pour faire danser tout bon festivalier bien membré. Les airs balkaniques auront raison de nous, poussant nos jambes à sauter, nos épaules à se rencontrer, et nos esprits à s’ouvrir. Nous voilà de véritables Disko boy sur la planète Paprika. On sera par contre moins emballé par le final de Dancefloor Disaster, un groupe de métal reprenant des tubes style Macarena ou Lady Gaga. Un peu trop facile, dirons-nous. On rejoindra notre maison bien fatigué, mais avec la hâte d’etre à demain.

Jour 2. 14h02, la possibilité d’un lac

Le réveil est brumeux dans nos yeux comme dans le ciel. Un hypermarché est à quelques kilomètres du site, 20 minutes à pied, parfait pour faire le plein. Après un repas et un premier apéro, direction le lac de Villegusien, l’un des atouts charmes de ce festival. Même si le soleil n’est pas au maximum de ses UV, c’est l’endroit parfait pour commencer sa journée. On peut au choix se poser faire une sieste, jouer aux classiques jeux de plages, ou s’enivrer petit à petit. Du côté du camping du festival, on a le choix entre douche en cabine et douche en plein air. Une petite buvette, et un stand de restauration avec les classiques sont proposés aux festivaliers. Des barbecues sont même à disposition des festivaliers pour leur grillade. En voilà une bonne idée ! Et avec le parking à côté, on peut même laisser le superflu dans le coffre.

18h32, barbu belge et moustachu kadebostan

On arrive en fin d’aprem’ sur le site du festival, poncho dans le sac en sécu devant ce temps menaçant. C’est une belle découverte qui ouvrira notre journée : The Summer Rebellion, entre un chanteur-batteur-barbu drôle à la voix puissante, nous racontant ses histoires avec sa camionnette et un accordéoniste pétillant de talent, nous impressionnant de dextérité avec son instrument. Cela suffirait presque à nous faire oublier que le bar à Mine propose un Happy Hours de 20h à 21h sur les bières spéciales, passées à deux Nonos. C’est l’afflux des grands jours ! Au tour de Kadebostany (photo) de monter sur la grande scène, une retrouvaille lointaine nous ayant déjà séduit il y a deux ans. Leur concept s’est enraciné, une République musicale au nom de Kadebostany, avec président auto-proclamé et diva sur scène : entre ballades mélancoliques, beats balkaniques, salves hip-hop et coup de trompette, le show maîtrisé, intelligent, et nous emmène dans un univers déroutant que l’on ne saurait classer.

20h55, Odeurs de fauve et de poulet

C’est l’heure de se mettre à table, non loin du rock de Mademoiselle K. Lorsque certains iront chercher un poulet tandori ou un nan, d’autres opteront pour une pizza. Séduit par des volailles se faisant rôtir le derrière (photo), on se laissera nous tenter par un bagnat de poulets marinés. La grande scène fait alors place à la tête d’affiche du festival, Fauve. Ce n’est pas vraiment notre tasse de thé, mais avec rien en face, on ira se poser dans l’herbe pour se faire un avis en live. Même si les envolées lyriques et les textes du collectif ne séduisent pas nos oreilles, leur show, leur énergie, et leur sensibilité à la fois juvénile et conquérante sont étonnants. Musicalement, visuellement, pas de doute, ça envoie. Plus classique, Last Train suivra peut-être la même route du succès : un rock pur et adolescent rappelant que Mick Jagger a lui aussi commencé sa carrière avec de l’acnée. Vainqueur des Inouïes à Bourges, leur fougue inconsciente fait plaisir à entendre. Pourquoi pas une grande scène dans quelques années ?

23h30, une pyramide de bordel

Alors que l’on se dirigeait vers Ez3kiel, la pluie nous fait choisir une autre option. Les parasols Jenlain deviennent parapluie, et couvercle géant de protection pour nos bières. C’est pas le moment de les couper à l’eau ! On en profitera pour discuter avec les autres réfugiés climatiques, dans un mood à la festival où les rencontres se font en un claquement de doigt. En guise de défoulement final, c’est Salut C’est Cool (photo) qui a été désigné capitaine de soirée. Comme d’hab, c’est du n’importe quoi général, entre une pyramide de festivaliers sur scène et des distributions de fruits et de madeleines. On ne sait jamais trop où sont les membres du groupe, sauf quand ils brandissent leur dernier achat de chez Casto : deux magnifiques souffleuses à feuille. Après un rab' de dix minutes, on passera au camping tâter l’ambiance : un grand sound system, déployé vers le public, est installé, et balance de la transe en continu.

Jour 3. 18h31, du slam en continu

Après un passage au lac, notre journée au festival commencera avec le track Tour, après un concert sans doute apprécié du collectif 13. Cette scène baptisée Lupin est montée sur un tracteur, et l’on peut s’asseoir devant deux fois par jour pour écouter au calme un peu de musique. A l’autre bout du festival, ce sont les Ukrainiens de Dakhabrakha qui invitent au voyage. Mais c’est au tour des Wampas (photo) de prendre le contrôle des affaires : un punk inchangé depuis plus de 30 ans, avec un Didier au top de sa forme, slamant toutes les deux chansons, une fois sur un crocodile, une autre sur une chaise. Ca pogote encore pendant tout le concert, ce qui aura été clairement notre activité principale du week-end.

21h02, théâtre et spaghetti

Le concert terminé, il nous reste un quart d’heure pour profiter de l’happy hour du Bar des Mines. Sept personnes, deux bras, le compte est bon. On se posera à côté de la grande scène où une étrange compagnie nommée Sabordage est en pleine représentation (photo). Il est impossible de vous expliquer le sens de ce qu’il se passait devant nos yeux : on a strictement rien compris. C’était sans doute le but de la manoeuvre. Après un tour aux toilettes, dont les pissotières, rarement vidées en trois jours, commencent à sentir l’acide, on retourne à l’Africa Miam pour tester leur spaghetti à la togolaise. En mangeant, on se dira que ce Chien a Plumes est un festival extraordinairement propre, et que même sans éco cup, aucun déchet ne jouxte le sol.

23h17, Cap à l’est

Après un John Butler Trio fidèle à lui même, semblable à sa performance au Bout du Monde, c’est un vent de l’est qui soufflera sur la fin du festival. D’abord avec Soviet Suprem (photo), confirmant la force de leur projet : des textes made in URSS, drôle, avec notamment le flow et les textes extravagant de l’ex Java R-Wan. On danse entre le rideau de fer, le goulag, dénonçant ces social-traites ne participant pas à la fête. On rigole, on saute, on chavire pendant une heure sous ces envolées électriques et balkaniques. Ca sera plus violent avec les russes de Little Big, dernier groupe du festival à passer. Un Die Antwoord à la sauce Kremlin, du trash, du crad’, une musique à sortir des couteaux pendant les pogos. Le leader fera gouter au premier rang de la vodka, chantera Everyday i’m drinking, on coule sous les clichés. Mais pas grave, on s’ambiance à fond pour nos derniers instants de festivaliers.

Le Bilan

Côté scène

La folle surprise
Izia, un public déchainé pour un concert bourré d’énergie positive

La découverte
The Summer Rebellion, un duo qui dépote

La classe musicale
Kadebostany, un mélange savoureux et déroutant

Le slameur du dimanche
Les Wampas, il en faudra plus pour mettre Didier à la retraite

L’union commune
Soviet Suprem et Shantel, sans doute les plus belles ambiances du festival

Côté festival

On aimé :
- Camping et parking à proximité du festival
- Un festival ultra propre, aussi bien dans le comportement des festivaliers que dans l’action efficace des bénévoles
- La folie des festivaliers sur de nombreux concerts
- Des bières locales et différentes en nombre, avec un Happy Hours des plus ingénieux.

On a moins aimé :
- Aucun chien à plumes se promenant dans le festival. Un peu de cohérence !
Pourquoi proposer un verre éco-cup s’il n’est pas obligatoire ? Pratiquement personne dans le festival n’en avait ...
Toute sortie définitive après 20h. C’est pas sympa pour les bières qui se réchauffent au camping ou dans le coffre.

Conclusion

Nos trois jours auront été riches en émotion et en pogo. En voilà un vrai public déchaîné ! Le Chien a Plumes a su fédérer des fidèles festivaliers depuis des années, dans un endroit ni trop grand ni trop petit, et créer un festival où l’on trouve presque tout pour nous rendre heureux. Il se murmure que les 20 ans l'année prochaine seront mémorables … on sera là pour vérifier.

 

Un récit de Morgan Canda, Victoria Le Guern et Quentin Thomé
Photos de Morgan Canda