On était à
Tilliacum 2022, la découverte des musiques électroniques au néolithique

Fin août sonne la fin de l’insouciance, des vacances et de la saison des festivals. C’est pourtant sur le dernier week-end du mois que Tilliacum a fait le choix de positionner sa 5ème édition et de titiller la curiosité des 10 000 festivaliers attendus depuis 3 ans. Pour la première fois, celui-ci avait lieu dans un cadre incroyable : le Parc Monumental Teillé-Mouzeil entre Nantes et Angers, pas très loin d’Ancenis. Il s’inspire du nom de la commune de Teillé, avec pour signification "lieu planté de tilleuls". Son credo reste le même : les musiques électroniques sous toutes leurs formes sur quatre scènes différentes, dont deux sous chapiteaux. On a pris nos bobs, nos bouchons d’oreille, nos tentes et nos vestes scintillantes pour vivre l’aventure au mieux. Rendez-vous en terre inconnue !

Jour 1. Vendredi 26 août. 17h04, « ivres, ils découvrent 50 monolithes »

C’est parti les amis ! Direction Mouzeil pour découvrir ce festival dont on avait entendu parler il y a fort longtemps (en 2019 quoi). On passe par Ancenis, puis par les barrages excessifs de gendarmerie, et on suit le nuage de poussière qui indique le parking. À peine débarqués, on respire à pleins poumons les doux effluves d’un champ trop sec et les voitures se couvrent déjà d’un joli voile poussiéreux. On récupère nos bracelets et on rejoint la file d’attente à l’entrée du camping pour se voir fouiller les sacs à la recherche de verres, aérosols et autres couteaux à bout rond (ce n’est pas une blague...). Vu le chargement, il faut faire plusieurs tours et les trois points de contrôle sont vite débordés, on attend donc une petite demi-heure dans la bonne humeur.

Nous voilà sur le camping et quelle découverte archéologique que d’observer une lignée de 50 mégalithes en plein milieu du champ (photo) ! Il s’agit d'une œuvre du sculpteur Jean-Claude Lambert, la "Ligne de la Psyché", alignée avec le solstice d’été. On est déjà dépaysés et enclins à dégoupiller une canette à l’ombre des pierres.

19h36, Nojack b2b H.Mess fait rayonner la Solar Stage

Malheureusement on n’a pas le temps de faire connaissance avec nos voisins Homo Sapiens puisque Alaskam et son style trip-hop électronique nous attend déjà sur la grande scène. On court, on vole, on file à travers la fouille et nous voilà dans le champ de l’impossible. On découvre ce qu’est le Parc Monumentale avec ses œuvres aux quatre coins du site. Allons directement sous le chapiteau de la grande scène, appelé l’Equinoxe Stage. On arrive sur la fin, le temps de profiter d’un dernier morceau en guise de bienvenue.

Exploitant le répit, on se dirige vers les deux autres scènes : la première est la Lunar Stage qui est un théâtre de verdure, par lequel on accède via une longue voie creusée où joue Mr. Cornelius depuis un ponton qui surplombe l’accès face au théâtre. On file vers la seconde en passant à côté d’une sculpture de plusieurs troncs, nommée "Sequoia Gigantea". Le décor reste lunaire. Dans un coin du site, la Solar Stage fait plusieurs mètres de haut et est affublée de gros caissons, de gros projecteurs, de gros spots, d’une grosse boule à facette et de gros artistes, dont Nojack b2b H.Mess (photo) qui tapent déjà fort en ouverture. Les trois scènes semblent assez éloignées pour que le son ne se superpose pas.

21h19, « t’es trop hydraté toi, pour voir Tetra Hydro K »

On comprend vite que notre choix va surtout se porter sur l’Equinoxe Stage et sa programmation plus éclectique. Mais avant tout, allons prendre le temps d’étudier le programme au bar. Quatre choix de bières s’offrent à nous, dont trois artisanales et locales signées La Rombière ; avec une blonde à 2,9 € et une ambrée, une blanche ou une Cadette IPA à 3,6 €. Les prix restent cohérents au vu de la qualité. Point positif : le paiement se fait par carte bancaire, ou en espèces pour les irréductibles depuis des cartes cashless (1 € d’activation). Allez cul sec, Tetra Hydro K (photo) va commencer et on ne peut pas louper ça !

Notamment connus pour le titre "Exode" feat. Panda Dub (qui joue demain), le duo de THK propose un electro-dub expérimental avec un saxophone en guise d’accompagnement. Le résultat est ensorcelant et colle parfaitement avec l’énergie de ce début de festival. Ça fait du bien de se défouler ! On enchaîne avec le début de Skarra Mucci & Dub Akom qui ne nous convainquent pas totalement. Surtout connu pour ses featurings vocaux avec Dub inc., L'Entourloop, The Architect ou Yaniss Odua, ses titres ne sont pas assez percutants pour prendre la relève de THK. On file vers le camping pour manger un bout, la sortie n’étant pas définitive pendant tout le festival. C’est si rare...

00h51, l’homme-orchestre électronique

Si la sortie se fait facilement, on avait oublié la fouille à l’entrée du site. Rebelote, l’attente se fait avec des festivaliers heureux et passablement mauvais au chifoumi. Allez, allez, on a trop hâte de rejoindre Mezerg (photo) sous le chapiteau.

Celui qui devrait devenir un incontournable des festivals nous prouve qu’il sait mettre le feu. Avec son synthétiseur et son thérémine, il fait découvrir un set techno aux sonorités un poil funk, un brin folles et très électrisantes. Vraiment génial, c’est à voir sur scène pour comprendre ! On se cale quelque temps pour refaire le monde avec des inconnus, puis La P’tite Fumée nous ramène sur terre. Comme d’habitude, ils retournent littéralement le public et transmettent une énergie débordante. Ça saute, ça pogote, ça fout le bordel sur "Thunderbreizh" et le concert d’une heure passe bien trop vite.

On va ensuite jeter un œil à Nico Moreno sur la Solar Stage et pas de bol, le son est saccadé puis coupé à plusieurs reprises. Tant pis, on va se finir à l’Equinoxe Stage avec de la bière, Darzack puis Vortek’s. Entre techno-tribal, tribecore et bières, cette fin de soirée est très énervée ! 6h sonne, le froid est bien présent mais le soleil nous rappelle qu’il ne faut pas tarder à aller dormir si on veut éviter ses premiers rayons.

Jour 2. Samedi 27 août. 14h25, le camping fait son cirque

Il est tôt et pourtant la chaleur d’une rôtisserie nous cuit gentiment dans la tente. On se sent obligés de se lever, frais comme des goudrons. Le site n’ouvre qu’à 18h, il va donc falloir trouver des occupations entre les bières à l’ombre et se rafraîchir la nuque avec de l’eau. Pour se motiver et sans vouloir déclencher d’animosités, on explose les voisins aux palets bretons.

Heureusement Tilliacum a trouvé une autre activité pour nous divertir l’après-midi avec une quatrième scène sous chapiteau, la Solstice Stage, ouverte sur le camping (photo). La programmation est proposée par la SweatLodge, une association de production nantaise dédiée aux arts forains et aux sound systems, qui organisent souvent des soirées loufoques. Dans leur besace : Baz, Dirty Bambi et Krak in Dub, avec le Fantastiks Sound System. Les groupes alternent de 10h jusqu’à 18h pour animer les plus téméraires qui s’installent comme à domicile, certains amènent même des chaises et une TV qui fait office de table sous le chapiteau. À côté, il y a un bar avec des bières fraîches, de la restauration et de quoi se poser. Ce camping mérite amplement deux étoiles.

18h27, Hypnophone pose son ambiance calmement

Une très belle soirée nous attend encore. On s’installe devant la grande scène pour Oreste, qui propose de la musique ambient qui colle bien à l’atmosphère. On est une dizaine, le chapiteau est encore bien vide. De l’autre côté, sur la Solar Stage, DJ Steaw envoie déjà de la deep house pour réveiller les neurones meurtris par la chaleur. On prend le temps de s'asseoir dans un bosquet, à l’abri du soleil ; c’est aussi une œuvre, "Le Labyrinthe". En temps normal, le parc est composé d’environ 25 points à voir, on ne pourra pas tous vous les décrire et tous ne sont pas accessibles pendant le festival. On regrette d’ailleurs le manque de respect sur certaines œuvres : barrières en bois explosées devant nous, escalades, excréments dans une des lettres géantes "Tilliacum" (oui, oui)...

On se remotive et direction la Lunar Stage pour Hypnophone (photo), un artiste local avec un son ambient / downtempo / trance. On se cale dans le théâtre de verdure et on profite. Il est dommage que cette scène manque de décoration et de mise en valeur de son cadre excentrique, elle aurait pu être incroyable.

21h48, quand le dub rencontre le dub

Allons vite vers l’Equinoxe Stage pour le point culminant de notre week-end avec High Tone & Zenzile, dans le cadre du projet Zentone (photo) ! Cette rencontre a débuté en 2006 avec la sortie d’un premier album. C’est seulement 15 ans plus tard que sort le deuxième chapitre et que la tournée reprend. Quel plaisir de retrouver cette création avec neuf musiciens sur scène, un dub créatif, à l’ancienne, où chacun se rend la balle pour composer une vraie alchimie musicale. On n’oublie pas de rendre hommage à Nazamba, décédé récemment, à travers le titre "Dub revolution". 

Après l’effort, le réconfort, et le ventre commence à gargouiller, direction les food-trucks, voir ce qu’on nous propose parmi les cinq stands. Il y a un peu de tout et la cuisine sénégalaise attire l’œil avec un choix incommensurable de plats. On prend une assiette de riz blanc avec de la dinde au lait de coco pour 12€. Autant dire qu’avec 4 morceaux de volaille, on a la drôle sensation de s’être fait avoir. Les retours sont meilleurs sur le dahl de lentilles rouges et les rāmens, même si les prix restent démesurés. Dommage qu’il n’y ait pas un stand du festival qui permet généralement de faire baisser les tarifs.

02h32, punissez-vous dans les pogos !

La fête continue avec Panda Dub qui fait une sacré tournée cet été. On n’a pas la sonorisation du Dub Camp mais il arrive tout de même à faire claquer les basses du chapiteau. Entre les classiques des albums "Horizons" ou "The Lost Ship", on ne sait plus où donner des oreilles. Ça bombarde dans tous les sens pour notre plus grand plaisir et encore une fois le concert se termine bien trop tôt. Il faut dire que depuis hier, les sets sont tous étrangement raccourcis pour durer qu’une heure malgré la programmation.

On essaye d’enchaîner avec la tête d’affiche Ben Klock en mode house-techno, mais décidément on n’accroche pas au délire de la Solar Stage et on abandonne vite. On court donc vers Punish Yourself (photo) qui apparaît un peu comme l’ovni de ce festival. Que vient faire du métal industriel / cyberpunk au milieu de l’électronique ? Aucune idée, mais ça claque ! Leur scénographie est surprenante et amène une vraie teneur à leurs musiques. Entre le décor, les lumières, les tenues fluorescentes et les étincelles, tout est réuni pour marquer les esprits. Ça fait plaisir de les revoir.

On termine nos derniers points de vie sur Jawbreakers (JKS & Mayeul) puis Regal jusqu’à 5h30 pour dandiner quelque peu et profiter jusqu’au bout de la nuit. Stop ! Besoin de recharger les batteries... On suit notre radar tente et on se laisse tomber de fatigue. On va dormir jusqu’à l’année prochaine, bisous !

Le bilan

Côté scène

Donnez-moi de l’electro

Mezerg, une curiosité scénique et une singularité de sons grâce à son thérémine, incroyable

Donnez-moi du dub

High Tone & Zenzile (Zentone), depuis le temps qu’on rêvait de les voir réunis, quelle réussite

Donnez-moi du metal

Punish Yourself, enfin de vrais instruments qui saturent et un show accompli

Côté festival

On a aimé : 

- La possibilité de ressortir du site toute la soirée (même s’il fallait refaire la fouille à chaque fois)
- La programmation éclectique : de Ben Klock à Punish Yourself en passant par Zentone, il est vrai que le champ de l’électronique a bien été exploité
- La scénographie de la Solar Stage : elle avait de la gueule avec sa boule à facette, ses nombreux jeux de lumière et ses projections
- Le public bon enfant et joyeux : on n'a vu aucune embrouille, que ça soit sur le camping ou lors de l’attente aux fouilles, on a échangé des bières, des chifoumis et des sourires avec joie
- Le site : sacré délire de se retrouver au milieu de menhirs, des différentes sculptures, de se poser à l’ombre d’un bosquet ou d’avoir une scène avec un théâtre de verdure
- En vrac : des bénévoles en nombre et souriants, l’animation jonglage avec du feu, l’identité graphique créée par l’équipe, la possibilité de ramener son verre, les bières et vins locaux, les points d’eau...

On a moins aimé :

- La durée des sets qui n’a pas été respectée pour l’Equinoxe Stage : les artistes ont presque tous joué 1 heure contre 1 h 15 prévu au départ
- La violence de la sécurité : entre tabassages, réflexions sexistes... Elle a fait tout le contraire de son rôle.
- Le rapport qualité / prix de certains produits : 12 € pour une assiette de riz blanc et quatre petits morceaux de dinde, tout comme les 25cl de punch maison à 4,5€
- Le prix du festival : de 35,11 à 45 € la soirée, c’est exorbitant au vu des artistes proposés
- Les horaires des concerts : de 18h à 5h30, on aurait préféré des sets qui commencent plus tôt dans la journée, ça éviterait d’avoir des zombies en fin de nuit et ça ravirait les voisins incommodés
- En vrac : l’attente aux différentes fouilles (camping et site), la fermeture bien trop tôt du stand prévention, la qualité sonore inégale, les nuages de poussière sur le parking...

Infos pratiques

Prix des boissons : Le demi entre 2,9 et 3,6 € ; le vin entre 3 et 3,6 € (20 cl) ; le punch à 4,5 € ; le cocktail Scalinette Wizz à 3,2 € ; les softs à 2,2 € (+ 1,2 € de consigne non-remboursable)

Prix de la nourriture : Uniquement des food-trucks. Ex. : barquette de frites de patates douces à 3 €, curry de pois cassés vert à 8,5 €, dahl de lentilles rouge à 8,5 €, dinde au lait de coco + riz à 12 €, gyōza à 5 €, pizza à 10 €, rāmen à 11 ou 14 €, samoussa à 2,5 €...

Prix du festival : Pass 2 jours à 70,21 € (80 € sur place) ; la soirée à 37,98 € (45 € sur place)

Transports : En voiture : à 20 minutes d’Ancenis, 40 min. de Nantes, 50 min. d’Angers et 1 h 20 de Rennes. En train jusqu’à la gare d'Ancenis. En navette payante depuis la gare d’Ancenis (2,9 € par trajet).

Conclusion

Belle découverte que ce Tilliacum avec une quarantaine d’artistes de musiques électroniques sur deux jours et ses quatre scènes qui permettent de satisfaire tous les goûts. Bien sûr l’organisation n’est pas parfaite et l’évènement se relève de deux années blanches, tout en s’imprégnant d’un tout nouveau lieu. Ce n’est pas facile mais il y a peu à douter que celui-ci se fasse une belle place fin août, tout en exploitant au maximum le caractère atypique du Parc Monumental Teillé-Mouzeil. Au vu du prix, la programmation restera un facteur déterminant de sa réussite et on espère revenir l’année prochaine la fleur au fusil, la paille à la canette et les bouchons aux oreilles.

Récit et photos : Pierrot Navarrete