On était à
Scopitone, techno et culture ne font qu’un à Nantes

C’est devenu l’un des rendez-vous incontournables pour les amateurs de techno : pour sa 17e édition, le festival Scopitone a encore une fois pris d’assaut la ville de Nantes. Au rythme effréné de la musique électronique, plus de 31 000 personnes se sont rassemblées dans les différents lieux investis par le festival 5 jours durant. Du jardin des plantes aux nefs, des expositions artistiques aux nuits électro, on vous raconte un week-end riche en émotions.

Jour 1. Jeudi 20 septembre. 15h35, première immersion dans l’univers Scopitone

Nous sommes jeudi c’est le milieu de l’après-midi, au coeur du jardin des plantes de Nantes : drôle d’horaire et de lieu pour débuter un festival. C’est pourtant ce qui fait toute la force et la richesse de Scopitone : bien avant les nuits électro qui vont animer le week-end, le festival a disséminé des évènements aux 4 coins de la ville pendant une semaine entière. Un seul thème commun : les arts numériques. Des conférences, des expositions ou des workshops, gratuits pour la plupart, qui sont l’occasion pour le public d’en apprendre plus sur les nouvelles technologies ou de s’émerveiller devant des oeuvres audiovisuelles, mêlant esthétique et technique. Exemple ici avec l’oeuvre de Thom Kubli, qui a fabriqué des instruments à vent dont les modulations produisent des bulles de savon au rythme du son. Bon ok, on ne comprend pas forcément le délire artistique mais on apprécie vraiment l’envergure que peut prendre un festival dans une métropole. Pendant 5 jours, c’est tout Nantes qui vit au rythme de Scopitone.

Jour 2. Vendredi 21 septembre. 23h48, les festivités commencent vraiment

C’est le grand jour, les Nuits Electro débutent ce soir. Sans aucun temps d’attente, on pénètre sous les Nefs, ces gigantesques halles industrielles qui servaient autrefois à la construction navale. Aujourd’hui équipées d’énormes rideaux acoustiques qui atténuent le bruit vers l’extérieur (festival urbain oblige), elles constituent la scène principale du festival. Juste à côté, deux salles plongées dans la pénombre accueillent les deux autres scènes : la scène maxi et la scène micro. Leur proximité et leur organisation permettent de circuler très rapidement d’un endroit à un autre et de changer d’ambiance en quelques secondes. On est déjà subjugué par la beauté du lieu : de grands lustres lumineux ont été suspendus au plafond, créant une atmosphère particulière tranchant avec la pénombre. Mais on n’a pas le temps de contempler trop longtemps les décors car rapidement les “boum boum” nous happent vers les scènes.

00h01, premiers boum boum dans les oreilles

On arrive sous les nefs pour le DJ set d’une légende de la techno anglaise, Luke Slater. Il y a déjà beaucoup de monde mais l’espace est tellement vaste que l’on ne se sent pas oppressé. Pendant ce temps en salle maxi, Madben distille sa techno en live avec une scénographie audiovisuelle très travaillée. Déjà venu ici en 2015, le petit protégé de Laurent Garnier a parcouru beaucoup de chemin et la foule est venue nombreuse pour l’applaudir. On en profite pour admirer le système son et lumière absolument parfait sur chacune des scènes. L’heure tourne et déjà certains festivaliers commencent à être possédés, dansant frénétiquement les yeux fermés, l’esprit ailleurs : l’ambiance est hypnotique et on sent déjà que l’aventure va être extraordinaire.

2h02, entre grosses basses et bonnes bières il faut choisir

Sous les Nefs, Paula Temple assomme la foule à coups de basses. Sa techno industrielle prend aux tripes et le public est déchaîné. Déjà invitée par le festival en 2016, elle fait un retour en grande forme et son set est de loin l’un des plus marquants de la soirée. On a soif et on en profite pour aller boire quelques bières aux différents bars installés par le festival. Quatre sortes de bières sont proposées, à des prix variant de 6 à 7€ la pinte, auxquels ils faut rajouter un euro de consigne pour le gobelet. C’est un peu cher mais on apprend qu’il est possible de reverser l’argent de la consigne à une association aidant les personnes sans domicile, et ça, ça fait plaisir.

2h57, déchaînement des corps

On est curieux d’aller découvrir ce qui se passe dans la salle Maxi et on ne regrette pas notre choix : on tombe sur Rebeka Warrior, membre du groupe français Sexy Sushi. Et le moins que l’on puisse dire c’est qu’elle n’est pas venue là pour faire dans la dentelle : elle pousse les bpm jusqu’à tendre vers la musique hardcore et les premiers pogos commencent à naître au milieu de la foule. Elle invite le public à monter sur scène et rapidement une vingtaine de personnes entourent la DJ, un danseur torse-nu fait même le show et s’empare des projecteurs pour éclairer le public : bref c’est un bordel monstrueux et on adore.

3h10, la reine de la techno prend les platines

Le petit matin commence à arriver et c’est au tour de Nina Kraviz, la tête d’affiche de la soirée, de prendre les platines pour clôturer la programmation des Nefs. La DJ russe, dont la réputation n’est plus à faire, continue sa grande tournée mondiale et est venue poser ses vinyles à Nantes pour une heure et demie tonitruante. On avait déjà pu la croiser sur d’autres festivals généralistes comme Garorock cet été mais cette fois elle sait qu’elle est face à des amateurs de techno et son set est autrement plus efficace et violent, avec ses fameuses sonorités acides. Ce soir, ce sont clairement les femmes qui ont mis le feu aux scènes de Scopitone.

4h49, il est où l’after ?

Un peu avant 5h, le son s’arrête sous les nefs et la foule commence à quitter le festival. A la sortie, des centaines de gens s’agglutinent dans le calme et la bonne humeur avec le même objectif : rechercher un after pour continuer à danser jusqu’à l’aube. Ca tombe bien, Scopitone organise aussi des fins de soirée dans un bar nantais jusqu’à 11h pour les plus motivés. Ce ne sera pas pour nous cette fois-ci, nos jambes ne tiennent plus et le réseau de transport en commun nantais nous permet de rentrer directement chez nous. En sortant des nefs, on a l’agréable surprise de voir des bénévoles offrir le petit déjeuner aux festivaliers : bananes, pommes et pains au lait gratuits pour tous ! Ca redonne le sourire à tout le monde, et nous, on a décidément du mal à trouver un point négatif à ce festival...

Jour 3. Samedi 22 septembre. 23h25, Vladimir, c’est loin d’être un cauchemar

On sent rapidement que l’affluence est plus importante que la veille. Contrairement à l’an dernier toutefois, l'événement n’affiche pas complet. Des petites files d’attente se créent pour accéder aux différentes scènes mais heureusement, des barrières ont été mises en places pour gérer au mieux les flux. On arrive dans la salle maxi pour le set de Vladimir Cauchemar, rendu célèbre pour son style improbable mêlant musique médiévale, techno et flûte. Caché par un masque de squelette, le mystérieux DJ propose un set en totale opposition avec le reste de la programmation : en remettant au goût du jour cet instrument dans des morceaux électro, il apporte un peu de fraîcheur et de peps au milieu de la froideur de la techno ambiante. Ca pogotte dans tous les sens et les barrières tremblent : même Thriller de Michael Jackson a le droit à son remix flûte à bec, il fallait oser !

1h05, le cashless c’est pratique quand c’est maîtrisé

Exténué par cette prestation de haute volée, on décide d’aller faire un tour à l’espace restauration du festival. Une zone entière lui est dévolue avec trois food-trucks entourant de grandes tables de pique-nique où les festivaliers peuvent se reposer et manger. En plus, les produits proposés sont plutôt bons et copieux, même si le temps d’attente est assez long. On aimerait bien reprendre quelques bières mais là, c’est le drame : on se rend compte que le système de paiement cashless mis en place est totalement défaillant. On doit attendre de nombreuses minutes avant d’être servi, le temps pour les bénévoles de réussir à valider le paiement. Au lieu d’avoir un bracelet comme dans de nombreux autres festivals, Scopitone a opté pour une petite carte, ce qui augmente grandement les risques de perte ou de vol. Pour couronner le tout, on se rend compte qu’une partie de notre argent a disparu sans raison de la carte ! On discute avec plusieurs personnes qui nous informent avoir connu la même mésaventure… Il va falloir trouver une autre solution pour la prochaine édition. On se console avec le très bon set de John Talabot sous les nefs, qu’on voit rarement en festival en France.

2h01, techno et poésie

Plus loin, dans la salle Maxi, Max Cooper paraît comme un poisson dans l’eau, lui qui vient tout juste de sortir un album mêlant l’électronique à l’audiovisuel, tout ce qui constitue l’essence même de Scopitone en fait. La scénographie est à couper le souffle : d’imposantes images de cellules en division, de neurones ou de forêts sont projetées sur un écran géant et semblent raconter une vraie histoire. On prend un peu de hauteur en montant au balcon du premier étage de la salle, où des sièges donnant directement sur la scène permettent d’avoir une vue plongeante sur le show : c’est hypnotisant et magnifique. Qui a dit que la techno, c’était toujours pareil ?

3h57, back to the 90’s 

Ils sont là. Enfin. La foule est hystérique, impatiente de replonger dans les années 90 : Miss Kittin et The Hacker viennent de débarquer sur scène pour un DJ set exceptionnel. Les deux acolytes, icônes de la techno française “old-school” proposent ici une date exclusive en France, une première depuis 12 ans. Le public est venu en nombre pour applaudir la tête d’affiche de la soirée et profiter de ce show rarissime. On croise des trentenaires et des adolescents, on parle même avec un homme qui se dit “fan de Laurent Voulzy et qui déteste ces boum-boums”. Et on ne s’y trompe pas : le show est rétro-électro comme on l’attendait, et absolument dantesque. Les nefs sont pleines à craquer et Scopitone a probablement réussi un gros coup en programmant ces deux là. Les étoiles plein les yeux, on quitte le festival et ce week-end techno hors du temps.

Le bilan

Côté concert

L’Objet Techno Non-Identifié 
Vladimir Cauchemar, un DJ avec un masque de squelette qui mixe de la flûte à bec... un WTF génial

Le girl power 
Nina Kraviz et Paula Temple, ce sont elles les patronnes de la techno

Le défouloir 
Rebeka Warrior, 20 personnes sur scène et 150 bpm

Les retrouvailles au sommet 
Miss Kittin & The Hacker, 12 ans qu’on attendait ça !

La techno, ça peut être poétique 
Max Cooper, un show audiovisuel hypnotisant

Côté festival 

On a aimé 

- la parité homme/femme dans la programmation, c’est assez rare pour être souligné !
- une programmation techno pointue et internationale, entre découvertes et valeurs sûres
- l’organisation et la proximité des scènes : on peut passer en deux minutes des têtes d’affiche sous les Nefs aux concerts intimistes de la salle micro
- la diversité des programmes disséminés aux 4 coins de la ville pendant une semaine : plus qu’un simple festival de musique, c’est un voyage à travers les arts numériques
- le système sons et lumières, impeccable sur chacune des scènes
- les décors lumineux, sobres mais efficaces, qui donnent une atmosphère fascinante
- l’espace restauration, où l’on peut s'asseoir et manger entre deux concerts

On a moins aimé 

- le prix des consommations, un peu élevé
- le système cashless : entre perte d’argent et soucis techniques, c’est à revoir absolument
- la musique qui s’arrête avant 5h du matin dans la salle micro et la salle maxi

Infos pratiques

Prix des boissons
La pinte de Carslberg à 6,10€ et celle de Grimbergen à 7,10€ (+ 1€ de consigne)

Prix de la nourriture 
Hamburger à 7€, barquette de frites à 2,50€

Prix du festival 
31,60€ la soirée, 54€ le pass 2 jours

Transports 
Festival situé sur l’île de Nantes : Tramway 1, arrêt Chantiers Naval

Conclusion 

En matière de techno, Nantes n’a décidément plus rien à envier à Londres, Paris ou Berlin. Avec une programmation de haute volée, Scopitone a encore une fois prouvé que la musique électronique avait sa place au coeur de la métropole atlantique. Le terme de “festival urbain” n’a jamais été aussi adapté que pour cet événement tant il s’empare des nuits, des espaces verts et même des musées de la ville pendant toute une semaine. Une scénographie magistrale, une organisation quasi-parfaite, des sets impressionnants, des expositions dans toute la ville, sans oublier un public au rendez-vous, ont fait de cette édition une totale réussite. Scopitone est déjà bien ancré dans l’ADN et la culture de Nantes, et ce n’est pas prêt de s’arrêter.

Récit : Maxime Thué et Karla Brégeon 
Photo : Maxime Thué