On était à
Festival Scopitone, Nantes n’a pas de limites

40000 festivaliers, 70 artistes ou projets artistiques et 18 lieux investis, cette 16ème édition de Scopitone marque un nouveau cap. Accueillant installations numériques, workshops, concerts, conférences…, l’offre proposée par les organisateurs se veut toujours plus vaste et s’adresse à un public hétéroclite : familles le jour, jeunes et branchés la nuit. Pas de jaloux, on a joué les gosses tout au long de ce weekend !    

Jour 1. Vendredi 22 septembre, 15h50, voyage en univers inconnus

C’est sous un soleil radieux que début l’expérience Scopitone. Nous entamons une marche dans les rues de Nantes afin de rejoindre le Château des ducs de Bretagne, cœur historique de la ville. Nous suivons les remparts avant de pénétrer dans une pièce de l’une des tours où est placé un maelström optique. MINNK, œuvre de Wilfried Della Rossa & Before Tigers qui invite le visiteur à s’allonger sur un coussin et à observer l’écran pour une immersion en apesanteur dans l’espace. L’expérience est enivrante, sorte de rencontre entre science-fiction et art. Nous poursuivons vers une autre salle où Flavien Théry nous dévoile quelques-uns de ses travaux autour de la relation entre l’art et la science, la réalité et la perception. L’artiste a recours aux lumières blanches et à la technologie 3D sur un tapis stéréoscopique. Le sol de la planète Mars ? Ah oui en effet ! Quelques marches plus bas, nous attend la production de Couch, Tracing Sites. Le japonais explore la thématique du mapping. En se rapprochant on découvre qu’il s’agit d’une technique de mapping sur rondins de bois, scènes préalablement filmées en traveling dans des villes. On apprécie grandement les explications des médiateurs souvent passionnés et présents dans les différentes salles.

17h30, choisis un bouquin, je te raconterai son histoire

A peine remis de nos premières émotions, on file en direction du Lieu Unique, plus communément appelé LU. Ces anciens locaux de la biscuiterie LU ont été réhabilités en un centre culturel début des années 2000. Dans l'un des nombreux espaces du site, Robert Lepage présente La Bibliothèque, la nuit, inspirée de l’ouvrage de l’écrivain Alberto Manguel. Contre 5 Kopecks, et chaussés de nos casques de réalité virtuelle, nous entrons véritablement dans dix bibliothèques du monde, réelles et fictives. On entame un voyage à travers le temps et l’espace, aquatique et aérien, du Japon aux Etats-Unis en passant par Alexandrie et Sarajevo. Bien que ballonnés et migrainés, on sort conquis ! S’en suit une petite promenade dans le jardin des plantes afin de profiter de la dernière exposition de la journée et des premières sonorités du weekend. Nonotak, studio de création composé de Noemi Schipfer et de Takami Nakamoto, présente sa dernière installation du nom de Narcisse V.2. Une série de miroirs carrés de petites tailles en mouvement reflètent une lumière d’intensité fluctuante sur le mur, le tout accompagné d’une musique intriguante. Côté musique, Abstrack, collectif nantais, organise chaque jour dans un lieu différent les Abstracktions électroniques, nous invitant à chiller autour d’un verre et des rayons de soleil de l’après-midi. L’ambiance est détendue. L’heure est venue de penser à rien, à soi.

22h40, pack to the future

On décale sur l’Ile de Nantes. Il nous suffira d’une petite quinzaine de minutes à pied depuis le centre-ville afin d’arriver aux abords des Neffs. Le lieu abrite notamment les fameuses machines de l’ile et pour l’occasion les Nuits Electroniques. Le temps pour nous de s’enfiler quelques canettes judicieusement sélectionnées à l’épicerie du coin, squattant les quais de la Loire. On entre dans le site sans attentes et (presque) sans être fouillé. Des bénévoles nous guident volontiers et nous tendent des flyers indiquant les horaires de passages des artistes. Pour obtenir une carte cashless sans encombres, il était conseillé de créer son compte en amont du festival. On a zappé. On opte finalement pour une carte à trois… Pratique ? Absolument pas. Nos ventres commençant à gargouiller, nous nous dirigeons vers l’un des trois foodtrucks. Une dizaine de minutes plus tard et neuf euros cinquantes en moins, nous voilà munis d’un hamburger et de ses frites maison. Bon et copieux, nous sommes parés pour la suite.  

23h30, le chant de la nuit

A l’affût de nouveautés, on file en direction du Stéréolux et sa salle Maxi. L’an passé l’organisation avait reçu des critiques suite à sa mauvaise gestion des flux de festivaliers, empêchant un bon nombre de voir Jacques. Cette année, des ganivelles étaient disposées à l’entrée nous obligeant à un léger contournement. A l’intérieur, on se faufile assez facilement et découvre Giorgia Angiuli, casquette Batman sur le crâne. Elle nous dévoile son live d’une techno mélodique sur laquelle elle ajoute ponctuellement sa voix. Un court passage par la salle Micro nous permet d’assister à l’introduction du live progressif de Not Waving mais l’envie est ailleurs. Au bar, l’attente est courte, tant mieux. Carte cashless en main et contre la « modique » somme de quatre euros cinquante, on commande nos p…  Quarante centilitres de bières. Original ! A coups de techniques d’esquives, on évite les gens et atteint le coin chill, nos verres consignés restent pleins.

00h35, les astres nocturnes

Le gong a sonné ! Il est l’heure de se bouger. L’objectif est clair, se frayer un chemin jusqu’à la salle Maxi. Cette fois, la mission s’annonce périlleuse tant la foule est compacte, tant pis on fonce quand même. Fjaak, acte III. Trois comme le nombre de fois qu’on les voit, trois comme le nombre qu’ils sont. Les berlinois distillent leur techno dont ils ont le secret, froide et conceptuelle. Déchainée, la foule ne s’y trompe pas, les artistes maitrisent leur partition. De l’autre côté du mur, Simo Cell se chauffe tranquillement. A l’intérieur le régional de l’étape répète ses gammes sur vinyles, un clin d’œil aux Djs nantais ? Toujours est-il que son set est hyper éclectique et ses transitions impeccablement exécutées.      

2h10, distorsion spatiale

Alors que l’heure tourne, les visages de certains se crispent, les mâchoires se serrent, les esprits sont ailleurs. Les festivaliers éméchés titubent ouvrant des espaces pour danser. Néanmoins, on interpelle les gens et tape la discut’ facilement. Jeunes, vieux jeunes, jeunes vieux et plus vieux se côtoient. Pour la majorité, ce sont des nantais. Sous les Neffs, Recondite, l’une des têtes d’affiche de ce weekend a entamé son live (élu meilleur live 2014 selon Resident Advisor). Le producteur joue uniquement ses propres sons lors de ses sorties. Les gens ont fait massivement le déplacement et profitent de la techno mélancolique de l’allemand. On termine la soirée avec les plus téméraires sous les coups de basses expéditifs de Dj AZF.   

Jour 2. Samedi 23 septembre, 16h10, un moment d’échange privilégié

Nous voilà rendu dans le manoir de Procé pour une conversation intimiste avec Maud Geffray. La célèbre marque de boisson énergisante et le festival ont pris l’habitude d’inviter un(e) artiste de la scène électronique dans le but d’échanger sur différentes thématiques. Pendant plus d’une heure, elle évoque son duo avec Sébastien Chenut sur leur projet Scratch Massive, ses influences dont la culture rave. Après un cocktail gracieusement offert par les organisateurs, on s’avachit sur l’herbe fraiche du parc de Procé pour assister à une performance de l’artiste. Les gens s’approchent, parfois par simple curiosité. On y croise des familles avec leurs enfants, des jeunes et des quadragénaires venus spécialement pour l’occasion. Il faut dire que le lieu et le temps se prêtent parfaitement bien au mélange electro-ambiant.

23h00, Un premier décollage

Notre arrivée sur le site est plus tardive. Ce soir et comme hier, le festival affiche complet. Nous dirigeant vers la salle maxi, on prend le risque de regarder le concert depuis les tribunes surplombant la scène. Weval a démarré son live depuis une quinzaine de minutes. Habituellement deux, les néerlandais se font accompagner d’un troisième protagoniste. A noter que les deux compères se sont notamment fait connaitre grâce au track « Detian » sorti sur une célèbre publicité de la marque… What did you expect ? La salle ne désemplit pas au fur et à mesure que la température augmente. Les festivaliers, quant à eux, se régalent et le font savoir. Dans la foulée, on se permet un détour par la salle micro pour écouter Demian Licht produire sa techno créative et intrigante. On se laisse entrainer par les sonorités puis on file en direction de la buvette. Le Picon bière, vendu cinq euros cinquante, semble alléchant… On remarque tout de même que les organisateurs ont pris le soin de changer l’affichage des quantités servies.

00h20, la technique avant toutes choses

On « déguste » rapidement notre bière trop amère pour ensuite partir vers la salle Maxi où nous attend Avalon Emerson. D’abord passée par le développement informatique, elle choisit de s’orienter vers la musique électronique. Devant un public en transe, l’américaine nous dévoile toute sa palette musicale, du funk à une techno dure, avec des passages plus groove et mélodique. L’émulation se fait sentir à chaque drop, amplifiée par une scénographie rétro-futuriste. L’artiste est acclamée lors de son closing. La transition sera de courte durée puisque Pantha du Prince nous invite à rejoindre son univers féérique à travers son electro expérimental. La température devenant quasi insoutenable, on va se désaltérer un peu plus loin.

02h40, Force est de sourire

Lors de cette seconde nuit électronique, on repère quelques têtes de la veille. L’ambiance est davantage décontractée, due peut-être à la moyenne d’âge plus élevée. On se fait moins bousculer et marcher sur les pieds. Quoi que… si on se fie à la couleur de nos chaussures, rien n’est plus sûr. On finit la nuit par le set de François X, en se positionnant stratégiquement dans le fond de la salle. D’ici on apprécie l’énorme mapping présent derrière et sur les côtés de l’artiste. Et pour cause, l’ingénieur, sur notre droite se démène ! Devant nous, la techno limpide comble le public dansant en ordre dispersé.     

Jour 3, Dimanche 24 septembre, 15h00, il y a école le dimanche ?  

On décide de retarder notre repas afin de se rendre sur l’Ile de Nantes, au programme : expositions et Goûtez électronique (sic). Le site Mediacampus, ouvert depuis la fin de l’été, héberge des étudiants d’école de commerce, des studios d’une chaine locale et des espaces de co-working. Dans le cadre de Scopitone, le hall accueille Semi-senseless Drawing Modules créé par SoKANNo et Yang02. Ces derniers ont allié la programmation et le design pour réaliser une installation de dessin automatisé. Les stylos, responsable des motifs, sont influencés par les facteurs environnementaux tels que les mouvements du public, la température ou encore l’humidité de la pièce.
On continue notre parcours du côté de Trempolino. Après quelques minutes d’attente, nous entrons dans une salle obscure guidé par les quelques néons et stroboscopes. L’œuvre de Nikki Hock, Why, Why, ohh why illustre les sentiments de peur et d’anxiété caractéristiques du monde dans lequel on vit aujourd’hui. La séance démarre avec cette étrange sensation de se retrouver au beau milieu d’une tempête. Les éclats de lumière s’accélèrent lorsque nous entrons dans une phase de chaos, le son devient strident, épileptiques s’abstenir !    

17h50, on a pensé à nos BN

Au jardin des berges situé sur les quais de Loire, les nantais ont fait le déplacement pour le dernier Goûtez Electronique de l’année. Nous décidons d’engager une percée afin de récupérer notre breuvage préféré. Le bar étant indépendant (pas de cashless), on doit donc faire nos fonds de poches. Peu avant 18h, on trouvera une petite place sur le peu de pelouse restant. Jenifa Mayanja laisse place à Gary Gritness qui est venu avec son synthétiseur. Pendant une heure, il assène son électro funk en y ajoutant parfois sa voix « vocoderisée » sur ces morceaux. Son live met un peu de temps à se lancer mais on finit par y prendre goût. Le multi-instrumentaliste met du cœur à l’ouvrage et joue, clavier en l’air, tel un guitariste. Même Combe apprécie, on l’aperçoit prendre des vidéos en back stage. A dix-neuf heures, ce dernier, co organisateur de l’évènement, prend le dernier relai pour un set sur platines vinyles orienté UK. Peu à peu les spectateurs se rapprochent et exécutent leurs derniers pas de danse du weekend. La performance est calibrée et efficace. Vingt heures et quelques minutes plus tard, le Goutez Electronique plie bagage, nous aussi.

LE BILAN

Concerts

Le jottling

Dès l’an prochain, Simo Cell apparaitra régulièrement du côté de Nantes, mais chut.

L’Oculus rift  

Non vous ne rêvez pas, la perf’ de Fjaak est bien réelle !

Le live A/V

François X allie techno et scéno

L’auto-tune

Déjanté, Gary Gritness en abuse… juste un peu

Les drones

Les Néerlandais de Weval survolent leur sujet

Côté Festival

On a aimé

- Le pont entre art numérique et musique électronique
- Les expositions (presque toutes gratuites) et la disponibilité des médiateurs
- L’acoustique de la salle maxi
- Le ravitaillement en sortant des nuits électroniques
- Les collaborations et partenariats avec les acteurs locaux et internationaux

On a moins aimé

- L’afflux massif de festivaliers lors des nuits électroniques
- La fin des sets avant 5h sur certaines scènes

Bilan

Scopitone a ce don de s’inscrire dans la mouvance actuelle et de s’en démarquer. Quel festival est capable de proposer musique électronique et art numérique le même weekend ? Qui plus est, d’en être aussi facilement accessible ? L’art, par sa splendeur et son aspect ludique; l’électro, de par son éclectisme. Le festival aura eu raison de nous. Certes éprouvant, ce voyage spatio-temporel donne le sentiment d’avoir accompli quelque chose de beau. On entend déjà les envieux dire « Mince, Nantes a l’air définitivement cool ! » Bien sûr que yes.

Récit : Florian Lebreton
Photos : Manon David