On était à
Rock’n’Solex, la 48ème sans une ride

A l’approche de la cinquantaine, le plus ancien festival étudiant de France mise sur une formule éprouvée sans changer la donne, celle d’un événement devenu une institution rennaise à la programmation particulièrement festive. Avec ses réussites et ses coups dans l’eau, l’édition 2015 ancre le rock’n’solex dans une approche plébiscitée par un public toujours aussi jeune.

Jour 1. 21h, entrée dans la danse en mode trad'

Parmi les incontournables du Rock’n’Solex, outre les mythiques courses de deux roues plus ou moins trafiqués et rafistolés dans les allées du campus, il y a le fest-noz. Il ouvre les hostilités le mercredi dans le cadre très humble du foyer de l’INSA. Salle trop petite et surchauffée, inadaptée à la danse - un comble quand on pense que la grande scène des jours suivants est installée devant ... un gigantesque parquet. Mais l'ambiance est assurée et la programmation éclectique et réjouissante, à l’instar de la scène bretonne à danser d’aujourd’hui. Ce sont les sonneurs Martin et Josset (photo) qui ouvrent le bal. Représentant le volet traditionnel de bon goût de la soirée, les deux frangins enchantent par leur technique et leur phrasé, un très bon choix de thèmes, ainsi qu’un swing droit impeccable. Comme souvent en fest-noz, les formations font deux passages, donc les retardataires auront droit à une session de rattrapage...

21h32, la belle complicité de Blain/Leyzour

C'est ensuite à un autre duo, nantais celui-ci, de faire danser étudiants novices et danseurs acharnés. La formule guitare, chant et violon de Guillaume Blain et Claire Leyzour (photo) fait mouche, avec une complicité évidente, une simplicité et la joliesse des musiques ainsi que l’originalité d’un répertoire. Entre deux danses, on se rince le gosier au bar du “Foy’”, avec un joli choix de bières à des tarifs très raisonnables. Parce que la convivialité, au delà des clichés, fait partie intégrante du fest-noz. Même quand on ne danse pas, on participe à la fête en écoutant, bavardant, en braillant un coup.

22h20, dynamitage des clichés du genre

Parmi les belles réussites électrisantes de la soirée, Beat Bouët Trio (photo) enfonce le clou sévère avec son hip-hop old school en gallo, son beat boxer débonnaire et son accordéon aux basses obsédantes. Aussi à l'aise pour balancer un avant-deux avec style que pour bastonner un groove qui suinte, les trois locaux de l'étape ont développé un style bien en place, plein d'énergie et qui sait parler au public. Ce sont aussi eux qui clôtureront la soirée vers 3h du matin, devant une salle partagée entre partisans d'un mode concert hystérique et irréductibles danseurs.

Dernier élément du puzzle de la programmation fest-noz, décidément très réussie cette année, Kendirvi est la seule formation (privilège des anciens…) à ne faire qu'un seul passage, plus long de surcroît. Avec son univers empruntant à l'imaginaire circassien, au tango argentin comme aux réels québecois et aux musiques des Balkans, le groupe offre un set généreux et enjoué, qui charme danseurs et auditeurs et ne ressemble à rien d'autre. A la veille de leur départ pour le Mexique, les gars donnent un beau moment rêveur à l'assemblée.

Jour 2. 21h30, belle prestation de Lyricson

Bon, bien sûr, pour beaucoup le festival proprement dit ne commence que le lendemain, sur un site d'une toute ampleur en termes de moyens. Le premier soir est placé sous le signe d'une grosse programmation essentiellement estampillée reggae. Étant arrivés trop tard pour profiter de The Fat Badgers, gagnants du tremplin rock'n'solex, nous arrivons peu de temps avant le début du concert de Lyricson (photo). Déjà beaucoup de monde devant la grande scène, pour cette soirée qui pourtant était la seule à ne pas afficher complet.

Le show démarre bien musicalement, instrumentistes bien en place et une très belle voix à mettre au crédit du chanteur. On craint un temps que l'ensemble ne vire au gros cliché, avec un titre sur la légalisation de la marijuana, mais Lyricson livre finalement un concert généreux et très varié, porté par un bon contact avec le public et des compositions bien foutues.

22h32, la déception d’une ballade

A rock'n' solex, les horaires des lives ne sont pas affichés, on connait simplement l'ordre de passage des groupes. Avec un changement de plateau sur la grande scène qui prend environ 30 à 45 minutes, nous prenons le temps d'arpenter le site pour découvrir les nouveautés de l’année. Le constat est amer. Si la petite scène est désormais accueillie sous un beau chapiteau, le reste de l'espace du festival n'est ni personnalisé ni très accueillant. Fonctionnel, sans décoration particulière, il apparaît quelque peu sans caractère notable. Dommage. De même, les tarifs sont globalement à la hausse : 2 jetons soit 3 euros (un peu moins si on achetait les jetons en gros) pour de la kro en manque de houblon ... on regrette la Telenn Du à 2,50€ du foyer, la veille. Pareil pour l'offre restauration assez réduite, pour ne pas dire indigente : en gros, on ne peut manger que des frites et/ou, au choix, une galette saucisse ou ... un sandwich pain (type kebab) crudités saucisse. Quand au café à 1 jeton, il est imbuvable. Cela n’empêchera pas les festivaliers de se fournir abondamment en jetons échangeables dans les différents stands, notamment les buvettes.

23h50, fausse nonchalance et vraie efficacité pour Guts

Sensation manifestement attendue de la soirée, Guts (photo) arrive en terrain conquis et met le paquet pour emporter le morceau. Le groupe, impeccable et disponible, est emmené par un leader tantôt discret, voire apparemment pas vraiment indispensable au dispositif, mais plutôt périphérique à une formule qui fonctionne de façon autonome, il se montre finalement très impliqué, sous ses apparences débonnaires et faussement désinvoltes. Comme au Printemps de Bourges, le public adhère complètement aux compositions efficaces et protéiformes, surfant sur une formule très dansante au groove imparable. Chanteurs, rappeurs et musiciens contribuent au schéma d'ensemble, pour un show très rôdé. Belle performance.

01h23, Anthony B, un grand monsieur survolté

Mais le vrai performer de la soirée vient ensuite. Bien sûr, il faut attendre un peu, les 45 minutes de rigueur entre chaque artiste de la grande scène, et dans le froid cinglant de ce jeudi soir. Les gens déambulent d'un endroit à un autre ou se posent entre amis, sans jamais se départir d'une jovialité indéboulonnable. Quand arrive la troupe d'Anthony B, on fait monter la sauce tout de suite, avec une intro musicale et les performances de sidemen plus que convaincants, le maître entre en scène et d'emblée on sait que ça va être bien. Grosse implication physique, voix impériale, arrangements affutés, tout est là pour que, sans en faire de trop, on profite d'une identité à part entière, qui sort du lot des grosses machineries reggae ragga poussives. On en ressort convaincu, avec l'envie d'aller réécouter les morceaux pour se faire une idée indépendante de l''impact live. Et puis il est tard, il fait froid, et il reste des choses à voir dans les jours qui viennent. Enjambant les alignements de pneus qui bordent les allées du campus pour les courses de solex, nous regagnons la voiture en se délectant déjà du programme du lendemain.

Jour 4. 20h56, le funk surboosté des Noisy Freaks

Pas de jour 3 ? Pour raisons personnelles et fastidieuses, nous ne pourrons prendre part à la soirée marquée en rouge sur agenda de festivaliers. on nous parlera des performances de Salut C’est Cool !, Fakear et Thylacine. Dégoûtés, résignés, il nous reste la soirée du samedi pour se refaire.

Notre dernière soirée s'avère entièrement placée sous la thématique techno, avec une suite de DJ sets qui a au moins le mérite de permettre des enchaînements plus rapides entre artistes sur la grande scène. Pour nous, ça commence avec les Noisy Freaks, qui entre guitares funk et loops sauvages, remportent un beau succès. L'assistance a beau être nettement plus clairsemée que jeudi (ça se remplira plus tard dans la soirée), ça fonctionne impeccable. Il faut dire que le niveau des basses est déjà bien violent, ça aide. Et ça ne fait que commencer.

22h46, Coiffe indienne pour DJ set

C'est dans un registre différent qu'oeuvre l'italien officiant sous le nom de Dusty Kid. Ne renonçant en rien au gros son qui tabasse, il distille néanmoins une palette sonore étonnamment riche. Ambiances oniriques, parfois ornées de touches acoustiques, le bonhomme offre un voyage savamment construit, qui sait prendre son temps pour emmener et d'un coup enflammer le dancefloor sans retenue aucune. Presque trop court, finalement.

Alors que la soirée monte en puissance, qu'on n'en finit plus de croiser des coiffes indiennes et des costumes intégraux d'animaux accueillant de la viande soûle, que ça s'amuse à tout va comme de rigueur un samedi soir, le froid incline plus à s'acheter des frites que des bières. Sous le chapiteau où on avait retrouvé jeudi les gens du label I-Skankers déjà présents l'année passée, on entend ce soir ceux de l'association Midi Deux, et ça se déhanche sec près des enceintes.

01h25, Agoria pour la fin

Accompagné de Carl Craig, Sébastien Devaud, alias Agoria, entame un set long et puissant, qui bastonne sans se poser de questions, pour le plus grand plaisir d'un public désormais nombreux, qui se gorge de basses et de beats poussés au max. Pas de pause, tout s'enchaîne et ne redescend jamais vraiment beaucoup. D'où peut-être une lassitude que nous aurons possiblement été les seuls à ressentir en bout de course, un peu déçus de ne pas passer plus vite à autre chose. Restés jusqu'au bout, nous repartons ensuite sans attendre la fin de soirée.

Côté concert

La découverte
Dusty Kid, le sens du voyage.

La claque scénique
Anthony B, plus que convaincant d'implication et de pertinence.

La performance qui laisse dubitatif
Agoria, efficace mais on ne sait pas trop où on va.

L'artiste qui donne du fun
Guts, décontracté mais dans le bon sens du kif.

Côté  festival

Ce qu'on a aimé 
- l'organisation rôdée depuis des années
- la cohérence de la programmation 
- le fest-noz pour toujours bien commencer son festival 

Ce qu'on a moins aimé 
- le temps d'attente entre les « gros » concerts : quand on ne vient pas pour du dj set qui fait patienter, il y a de vrais temps morts et on ne peut pas toujours s'occuper en allant chercher des jetons pour acheter des bières 
- la variété, la qualité et les tarifs de l'offre boissons et nourriture : un peu cher, pas super bon et vraiment pas varié
- l'absence de décoration et d'aménagement du site qui aurait donné une identité sympa à l'ensemble

Conclusion

Difficile de faire un bilan honnête d'un festival dont on a raté la soirée centrale. Il y a sans doute eu vendredi des moments assez cool et, du reste, il y en a eu aussi les autres jours. Reste malgré tout l'impression d'une édition mitigée, avec une formule bien rodée mais qui vit sur ses acquis, avec plus ou moins de réussite. En tout cas le public aura répondu présent, avec la totalité du festival quasi-complet, et un vrai sens de la fête étudiante démultiplié par le contexte. Rock'n'Solex reste un rendez-vous inscrit dans l'agenda annuel rennais, et ce n'est pas près de changer.