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Rock en Seine 2022 : après le silence, la musique retentit dans Paris

La première édition du monde d’après du festival Rock en Seine s’est tenu du 25 au 28 août au cœur des jardins historiques du domaine de Saint Cloud, aux portes de Paris. On vous conte le récit de la retentissante 18e édition, en trois jours bien garnis. Restez hydratés.

Jour 1. Jeudi 25 août. 20h01, coucou Saint-Cloud !

Paris, quai du métro 10, le calme, l'attente. Nos yeux, dans le vague, se perdent sur les grandes affiches colorées. Une scène de petit déjeuner illustrée dans les tons chauds : "orange arabella" "old yellow bricks" "suck it and see" "Alex Turner" etc. La surprise nous prend alors qu'on se rend compte qu'on fait face à une demi-douzaine d'affiches de l’édition 2022 de Rock en Seine. L'excitation monte d’un coup, la rame arrive, on saute. "Je crois que j'ai faim...". Nouvelle quête déverrouillée : tester un maximum de stands repas !

En traversant le pont de Saint Cloud, on aperçoit au loin les dômes des scènes qui dépassent. Une odeur de barbecue nous accueille. La mise en jambe est instantanée.

On prend nos marques sur ce site que nous découvrons. On est sur un beau plateau de sols : pelouse, terre, et hélas routes à trous jonchée de pierres. Nous avons pu assister à plusieurs belles chutes et rattrapages plus ou moins contrôlés. Tout en longueur, nous remarquons rapidement que la circulation dans le festival sera difficile. Bref, on est pas là pour parler pelouse, les Arctic Monkeys vont se produire à Paris pour la première fois depuis 2018. Nous arrivons près de la grande scène et trouvons une atmosphère… étonnante. A l’avant scène, antre de la furie des fans les plus déterminés et ivres de leur artiste, nous trouvons comme deux mondes distincts. L’un, fiévreux et intenable, le second plus assoupi. Nous réalisons rapidement que ce clivage des plus déstabilisant est dû au "Golden Pit" qui se dresse devant nous. Le fameux espace VIP sépare  le public en deux parties inégales, la plus petite remportant 70% de l’avant scène. 

21h45, Hot Arctic  

Premières notes de guitare, la foule hurle, un grand cercle s'illumine doucement, quelques flashs se font voir, et le voilà. Il est là, le grand, le nonchalant, le seul Alex Turner. Il entame sa première note de guitare, la foule hurle, un grand cercle s'illumine doucement, quelques flashs se font voir, et le voilà. Il entame sa première chanson sous un tonnerre de cris et d'applaudissements. Do I Wanna Know, Snap Out Of It, … Le public s'abandonne, danse, chante. Les groupes d’amis, les couples, les familles, les voyageurs solitaires, parfois venus de loin, partagent leur joie d’entendre en live un morceau qui leur est cher. La terre tremble et puis soudain, un son plus groovy : c'est un morceau de leur nouvel album qui est dévoilé, en avant première. Ça monte encore, on tape du pied, on balance nos corps, on chante avec lui. Concentré sur sa guitare main dans les cheveux, il a quelques mots pour la foule pour Paris, et s'accorde des moments a capella avec elle. On se dit que c’est dingue, on ne s’en lassera donc jamais de ce groupe ?  Malgré un réglage de son parfois maladroit, ils ont su nous transcender plus qu’aucune version studio ne le pourra jamais.

A 23h48 sonne le gros revers. On entame la longue et périlleuse marche jusqu'à la sortie. Nous passons devant de grandes statues d'anges appartenant au domaine Saint Cloud dans un étrange vrombissement sourd. La progression se complique rapidement avec la foule importante et tendue. L'accessibilité en est très réduite et les passages dans les escaliers sont devenus presque dangereux. Assis sur le trottoir, à la recherche d’un moyen de locomotion, les métros n'étant plus accessibles, on déplore l'absence de navettes et de communication ainsi que la rareté des bus, qui ne sont de toute façon pas adaptés au nombre que nous sommes. N’ayant aucune solution, nous entamons le très long trajet à pied, espérant trouver un moyen plus rapide. 

 

Jour 2. Vendredi 26 août. 19h05, new dome new day

Une ambiance bon enfant règne près des stands de tatouages éphémères ou de celui qui te propose de pédaler pour faire ton smoothie, mais nous revoilà déjà devant la grande scène, toujours un peu déçus de voir le Golden Pit presque vide alors que nous nous entassons toujours plus loin.

Lumières bleues, voix, images de fleurs séchées qui apparaissent sur les écrans et... Maestro ! Silhouette Blue jean et haut blanc, Hannah Reid (photo) attrape sa guitare sous les applaudissements de la foule. Son sourire quand elle chante, fait rayonner un Paris enchanté. La foule se balance doucement au rythme de ses paroles. A la suite London Grammar offre une véritable déclaration d'amour à Paris, à la France, pour leur dernier concert de cet album. La foule est sentimentale. 

 

21h15, des carrés, de la scéno à l’assiette

En plein bain de foule, direction la scène Cascade, nous tombons sur des personnes munies de cartons qui scandent "Lunettes 3D !". On a juste le temps d'en attraper une paire quand une voix robotique retentit : ça y est, Kraftwerk (photo) is loading. "Eins zwei drei vier funf six sieben acht neun" et c'est toute une matrice de chiffres verts qui nous apparaît. Le concert démarre, devant un public à l'allure rétro-futuriste et les écrans de part et d'autre de la scène affichent des décors 3D : vue d'autoroute, humanoïdes en costard... Le tout dans une électro très chill expérimentale. 

22h34, the chillin' zone

On a tenté de rentrer à deux dans des hamacs attachés ensemble. C’était comme essayer de s'allonger sur un string géant tendu : "Laisse plus de mou !", les sourires des festivaliers nous donnent un vague indice de ce à quoi on devait ressembler à ce moment. Mais on était pas les premiers à essayer, ni les derniers ! Tout l'espace est muni de différents hamacs, petits voiliers et gros sacs de sable pour s'installer confortablement.

On finit par trouver un grand hamac plus pratique, dans lequel on peut cocooner quelques instants, profitant de notre pinte d’IPA 8.6 à 7 euros 50. Nous profitons des mélodies rock, sombres, puissantes, teintées de blues de Nick Cave and The Bad Seeds pour clôturer notre seconde soirée. La ferveur du public est telle qu’on la ressent jusque dans notre cocon.

Jour 3. Samedi 27 août. 15h16, commencer en douceur

Toujours plus tôt, toujours plus deter' : petit maté à 4,50€ pour bien commencer la journée qui débute alors que nos pas nous mènent vers la grande scène. Guitares indie-rock, voix mélodieuse, c'est Lucy Dacus que nous découvrons aujourd'hui. Tout est bleu, le ciel, les guitares, nos jeans et les écrans de la scène. Un léger vent nous berce, nos yeux se ferment et Lucy entame Believe de Cher, une version douce qui nous saura nous charmer.

On empoigne un petit corn-dog (décevant) et ses bonnes frites de patates douces à 13€ en écoutant Going Forward depuis la scène Île de France avant de rencontrer Marine Bonamy qui prépare une fresque devant les statues d’anges qui nous avait hypnotisés deux jours plus tôt. Dans la zone de la scène Firestone, on trouve un stand de prévention #Noustoutes, un collectif féministe engagé contre les violences sexistes, sexuelles, psychologiques et physiques faites aux femmes, aux personnes LGBTQIA+ et aux enfants mais on regrette la présence juste à côté d'une mini scène marketing Dior, avec un son très puissant et Johnny Depp en boucle sur les écrans géants. On apprend également, à l'espace Rock'Art, que toutes les affiches Rock en Seine dans le métro ont été imaginées et créées par des étudiant.es de l'école Estienne. L'espace offre un petit coin d'ombre où mille et un rubans de couleurs volent dans le vent et où l'on peut profiter des sonorités douces et profondes de November Ultra. On en profite aussi pour découvrir l’espace Act et leur scène "Let’s Talk!", ses conférences engagées sur l’émergence artistique, sur l'importance de l'inclusivité ainsi que la sensibilisation aux violences sexistes et sexuelles sont organisées sur toute la durée du festival.

 

19h30, vagues sur scène

Boule disco ok. Batterie bleue à paillettes ok. Synthés rose ok. Guitares roses et bleu pailletées ok. Coupes Rock'n Roll et costumes blancs ok. La Femme est prête à déferler sur sa foule en délire ! Et c’est avec plaisir qu’on danse, surf sur cette vague électro, punk rock, en se demandant où va le monde.

C'est au tour d'Izia (photo) ensuite de nous livrer une performance incroyable. Elle réchauffe toute la foule de sa voix, nous rappelle sans nostalgie certaines chansons qui ont bercées 2009 et nous voilà tous.tes chantant  d’une voix !  

Devant la grande scène, la foule ressemble à un bloc et les basses grondent pour le disc jockey Jamie XX, connu tout principalement pour son appartenance au groupe The XX. Mille danses émergent de tous les corps aux alentours et c’est avec son titre Gosh que la fièvre atteint son apogée. 

23:00, on finit en beautame Impala 

Sur la scène Cascade, 3 grands panneaux bleus nous font face. Une mosaïque de vidéos apparaît progressivement au fil d'une mélodie familière. On les avait déjà vu aux Solidays 2019 et on ne s'en lasse pas... Une scénographie live toujours plus géniale, qui dévoile doucement nos deux protagonistes : The Blaze est prêt à nous envoûter encore et encore.

Et c’est avec Tame Impala (photo) que nous clôturons ce festival. Entre euphorie et nostalgie, le rock-pop-psychédélique de Kevin Parker nous transporte agréablement sous la nuit étoilée. La scénographie millimétrée crée un univers onirique dans lequel le groupe nous invite. Ce sont les sonorités hypnotisantes de titres comme “Elephant” ou encore “The Less I Know the Better” qui finiront par nous faire nous évader de la réalité vers un doux rêve euphorique. 

Le Bilan

Côté concerts

Le rêve devenu réalité

Arctic Monkeys, en chair et en os

L’agréable découverte

Lucy Dacus, qui donne envie de retrouver son walkman pour l’écouter lors de balades nostalgiques

Les retrouvailles douces et puissantes

The Blaze, et les coeurs fait avec leur mains pour le public

L’expérience du live

Jamie XX, dans la foule, avec des flashback de son clip ultraconstruit 

Côté festival

On a aimé : 

- Une superbe programmation
- La charte inclusive sur consentement, sexisme et transphobie présente dans pleins de spots du festival
- Beaucoup de toilettes, la queue avance vite
- Possibilité de bien manger végé et vegan

On a moins aimé :

- Le Golden Pit et le clivage ressenti
- Globalement la circulation était difficile surtout passée une certaine heure
- Un son très mal réglé sur la grande scène pour les Arctic Monkeys
- L’absence de navette

Infos pratiques

Prix du festival : Billet 1 (jeudi, vendredi, samedi et dimanche)  jour early : 59 euros/ regular : 69 euros/ réduit : 59 euros/ primary : 79 euros

Mardi : 89 euros/ primary : 99 euros/ réduit : 69 euros

Pass 2 jours : 119 euros

Pass 2 jours dont mardi 30 août + un autre : 158 euros

Pass 3 jours : 159 euros

Pass 4 jours : 199 euros

Golden pit + 20 euros

Golden pit et Garden +30 euros

Prix de la bière : entre 6,50 et 8 euros la pinte

Prix de la nourriture : menu 1 corn + frites : 13 euros / crêpes et gaufres 6 euros 

Conclusion

Avec une volonté d’un grand retour après deux ans de vide, certains choix, tels que le Golden Pit, la (non) organisation de sortie de festival, ou encore  la scène Dior, nous ont laissés perplexes. Pour 40 000 festivaliers, 1 500 étaient VIP et ce clivage s'est fait sentir. Une belle programmation cependant, et une honorable lancée de visibilisation d’artistes et groupes non exclusivement masculins ainsi que dans la sensibilisation du consentement et des violences. Rock en Seine aura donc tout de même su nous charmer avec sa prog intense, on attend maintenant de voir si le festival saura unifier à nouveau son public. 

Récit et photos : San Zagari et Sanam Aleboyeh