On était à
Pelpass Festival, des riffs aux deux rives

Pelpass Festival n’était en 2016 qu’une unique soirée d’anniversaire. Pour sa deuxième édition officielle, il s’impose comme un rendez-vous annuel strasbourgeois en devenir. En effet, six mille participants lors de cette édition 2018, pour trois jours de java en bord de Rhin et une bonne trentaine d’artistes répartis sur trois scènes, de quoi contenter les goûts de chacun.

Vendredi 25 mai. Jour 1. 19h38, échauffement à l’orientale

Sur le chemin, quelques festivaliers installent leurs affaires en bord de route. A l’entrée, fouille et contrôle sont rapides et bienveillants. Nous sommes immédiatement projetés dans l’ambiance familiale et décontractée qu’offre un petit festival. A peine le temps de prendre nos repères que les sonorités orientales et le chant arabe du duo TootArd (photo) nous invitent au voyage, sur les hauteurs du Golan. Une guitare, une batterie et deux regards complices qui appellent la foule à échauffer ses hanches.

21h00, Forever Pavot conteur d’histoires et onirisme musical

Tout justes échappés de l’atmosphère barbaresque de la Petite scène, nous nous laissons tenter par un nouveau récit en chanson. Des histoires, l’artiste Forever Pavot (photo) en raconte à foison. Il s’introduit sur la Grosse scène : musique d’orgue, silence de la foule, instant religieux du commencement. Plus tard, les croassements de corbeaux samplés nous immergent dans une péripétie angoissante. Vite remplacée par la chaleur de rythme afro-rock, l’artiste multi-instrumentaliste nous prouve qu’il est le maître pour s’inventer des fables mélodiques.

22h30, voyager ouvre l’appétit

Arrive l’heure gourmande du dîner. Le site propose quatre stands pour se restaurer allant des falafels, au sandwich-choucroute, en passant par des crêpes sucrées. Néanmoins, personne ne vient en Alsace sans goûter une traditionnelle tarte flambée. Placée stratégiquement entre les deux scènes principales,  l’échoppe est prise d’assaut. L’attente est brève, mais suffisamment longue pour mettre en appétit. Flammekueche en main, nous nous mélangeons ensuite aux joyeux boustifailleurs environnants.

23h15, air glacial sous chapiteau

Connu pour avoir une véritable réflexion sur la relation entre paysage et musique, Molécule (photo) vient présenter son dernier EP, conçu intégralement en Arctique. Amateur de projet immersif dans leur conception, il s’applique à retranscrire lors de ses lives, les univers qui l’inspirent. Les spots bleus et blancs refroidissent visuellement la Grosse scène. Les basses, lourdes et violentes écrasent la foule. Les corps des uns se déchainent tandis que d’autres ferment leur yeux pour une rêverie toute personnelle.

00h26, match de rock en pleine fosse

A Pelpass, tout s’enchaine.  La programmation de ce vendredi laisse peu de temps au répit. Sur la Petite scène, une rangée de personnes dandinent et observent un point précis dans la fosse. Le trio de musiciens Grauss Boutique est installé en plein milieu du chapiteau, laissant la foule s’organiser circulairement autour. L’instant est magique. Il tient plus du rite instrumental que du simple concert de rock. Le batteur lance sa baguette et fige un instant l’agitation (photo). Le souffle est coupé. Apesanteur. Flottement. Chute. Le défouloir musical peut reprendre de plus belle.

03h00, camping hypersomniaque

Yuksek clôture la soirée, le site se vide lentement. A seulement une minute de l’entrée, accessible pour un euro symbolique, le camping se présente comme la meilleure option pour poursuivre la soirée. Premières tentes, un groupe d’allemands, dreadlocks blondes jusqu’au dos, joue de la guimbarde. Ils ont installés une colonie de hamacs dans le seul arbre du camping. Réchauds, caisses de bières, chaises pliables et rigueur germanique, ils sont de loin les plus organisés. Plus loin, David et Jonathan, assortis d’un même t-shirt Picon orange vont se coucher. Ils nous conseillent de repasser demain avec quelques bières pour un apéro. Il est encore tôt mais ici tout est déjà ensommeillé.

Samedi 26 mai. Jour 2. 19h00, kubb à l’iroquoise

La fin d’après-midi est plus fréquentée que la veille, notamment par de nombreuses familles. Aujourd’hui le festival est complet. Un stand de jeux est installé à proximité de la scène Militente. Nous nous joignons à une pétanque suédoise, supervisée par Juan l’homme à l’iroquoise. A côté, un groupe se querelle sur le score de leur partie de ping pong. Des enfants courent partout, pieds nus. Sur l’herbe, pas un transat de libre. Les premiers concerts démarrent. Pas de chance, nous avons perdu la partie de quilles. Il est temps d’aller au bar.

20h35, plongeon coloré dans mer de bières

Direction le « bar à thons » pour goûter les bières locales. Chaque nom de stand est pensé avec humour. Cette année, la thématique est celle de la mer. Grand phare de projecteur au centre, baleine suspendue aux dessus des festivaliers attablés, ou encore pieuvre lampadaire. La décoration est simple mais efficace. Elle vient superposer ses touches de couleurs à l’herbe verdoyante, aux chapiteaux bariolés et aux vêtements d’été des festivaliers.

22h30, Soviet Suprem fait rougir la planète bleue

C’est avec une scénographie digne d’un défilé bolchévique et un humour cosmique que le Soviet éponge. Après avoir lancé le mouvement « balance ton corps », John Lenine et Sylvester Staline alias Soviet Suprem (photo) nous font prendre conscience que nous sommes les pionniers de la révolution du dancefloor. Le petit doigt en l’air en guise de virilité, nous faisons le putsch sur une instru kalash. Staline prend un bain de foule pendant que Lénine choisit ses pussy riots. C’est à vingt sur scène et torse nu que se finit cette parade endiablée, marquée d’un panonceau « GOULAG ».

06h00, baignade dans le Rhin

Pelpass s’achève, mais certains n’ont pas encore sommeil. Un groupe se forme, piochant dans le camping les esprits insomniaques. Nous faisons la connaissance de Chèvre, bon alsacien à l’accent assumé. Il a tout un tas d’histoires rigolotes à partager. Ça clame ensuite des chants traditionnels en tapant collectivement des mains. Puis le cortège se lève, pour rejoindre les rives, dernières bières du week-end en main. Nous y resterons un long moment, pieds dans le fleuve, l’Allemagne en face et le soleil qui pointe. Certainement l’une des meilleures manières de finir un festival.

Le Bilan

Côté concert

L’embrasement rock
Grauss Boutique, la secte Math Rock qui vaut toutes les boissons énergisantes du monde.

La révolte facétieuse
Soviet Suprem, ou l’art de faire la révolution en dansant et avec humour.

Le regret
Nasser,  duo électro rock pour clôturer le festival. Un peu trop mou et innocent pour une fin de soirée.

Côté festival

On a aimé :
- La bonne humeur ambiante et décontractée aussi bien des festivaliers que des organisateurs.
- Le stand de jeux sur le festival (et le camping) qui vitalise efficacement un coin un peu en retrait des scènes principales.
- La diversité des festivaliers (familles, étudiants, couple, etc…)
- La propreté sans pareil. Une pelouse et des toilettes sèches régulièrement nettoyés.

On a moins aimé :
- Passées vingt-deux heures, les files des toilettes et des stands tickets qui font un peu peur.
- Le prix des assiettes de falafel, qui a l’avantage de nous orienter vers les spécialités alsaciennes.
- Un camping trop petit et sans douche. En espérant que le succès du festival lui fasse prendre de l’assurance pour les éditions à venir.

Infos pratiques

Prix des boissons
Verres de bière ou vin pour 2€50, café et thé pour 1€, soft pour 2€.

Prix de la nourriture
Crêpe pour 2€, tarte flambée pour 7€, assiette de falafel à 8€.

Prix du festival
Pass trois jours à partir de 36€, pass journée à partir de 14€.

Transport
Quinze minutes en vélo du centre de Strasbourg. Sinon une trentaine de minutes en transport en commun. Plutôt bien desservi.

Conclusion

Avec son atmosphère chaleureuse et son décor efficace, Pelpass prouve qu’il n’y a pas que les grands festivals qui savent faire la fête. Il nous offre trois beaux jours d’échauffements pour se lancer vers l’été. Son ampleur chaque année est grandissante, et nous ne pouvons que lui souhaiter pour le futur une longue vie.

Un récit de Marie Doucet
Crédits photo : Raphaël Julien Saint Amand