On était à
Nördik Impakt, la nuit la plus longue

Chaque année, nous prenons la presque sage décision d’aller recharger nos batteries électroniques avant le passage à l’heure d’hiver au Nördik Impakt, festival des cultures numériques et indépendantes. La 17ème édition n’a pas dérogé à la règle pour une bonne claque de techno à Caen, et une prog’ qui ferait pâlir plus d’un gros mastodon européen.

Jour 1. 23h30, Nördik, Dead Incity

Notre débarquement sur les terres de Basse Normandie se fait le vendredi soir, au lendemain de la soirée d'ouverture. Nous sommes frais comme des gardons et prêts à attaquer le Nördik Incity, un before traditionnellement en ville le vendredi. Sauf que voilà, cette année, les choses ont un peu changé et le Nördik n'investit plus les petits bars du centre-ville. Il faudra donc attendre avec dépit une heure relativement avancée avant d'attaquer les boîtes de nuit du port pour profiter des concerts de la soirée, d'autant plus que celui de Samba de la Muerte au Dépôt est décalé pour problèmes de matériel. On est donc un peu contraint pour commencer d'aller découvrir l'Alhambra, bar-club glauquissimo-kitschissime aux lumières flashy avec supplément boule disco. Les lieux sont vides et l'ambiance avoisine les -20°C. Pourtant, le jeune Rod Roy (photo), dj caennais du collectif M.A.D Brains ne manque pas de nous faire tapoter du pied. Changeons d'air …

2h10, la boum revisitée

On décide de tenter notre chance du côté du Cosy Room, une centaine de mètres plus loin. Le programme vantait les mérites de Baadman, jeune producteur qui fait ses premiers pas chez Kitsuné. Prometteur sur papier, c'est une toute autre ambiance à laquelle nous sommes confrontés. Nous prenons en pleine face un coup de vieux sans précédent : du haut de nos 27 printemps, nous sommes sans aucun doute les plus âgés de la soirée ! Pendant que des jeunes filles strings apparents se roulent des galoches sur la piste de danse, au son d'une deep house de la playlist fitness de Spotify, nous tentons de notre côté d'expliquer à la barmaid que la pression n'est pas une marque de bière...

Un peu désemparés par ce début de soirée folklo, mais pas encore désespérés, nous donnons une dernière chance au Nördik Incity au Dépôt, petit bar à l'allure industrielle hissé sur la colline à côté du château. Bingo ! Voilà l'ambiance qu'on recherchait, intimiste mais torride, tamisée mais éclatante, exotique et ethnique. Samba de La Muerte aux platines mixe des sons tout droit venus d'une plage tropicale, les gens dansent et sourient collés-serrés, bien arrosés... Un parfait petit cocktail en main nous découvrirons Tito Candela, petit magicien chevelu des platines soul vénézuéliennes. Manque plus qu'un cocotier dans ce bar. Après tout, Caen n'est pas si loin de la plage...

Jour 2. 20h30, un début de soirée qui réchauffe

On regrette un peu cette année la disparition des activités en journée, expositions et autres conférences sur la culture numérique. Suite aux chaos et aux bousculades à l'entrée l'année dernière, on décide d'arriver avec les poules ce coup-ci. Ce n'est pas plus mal parce que la soirée s'annonce démente dès son envoi. On débute la nuit dans les bras des 4 tourangeaux d'Ez3kiel (photo), un peu mécontents de les découvrir sur la plus petite scène de la Halle des Expositions de Caen. Leurs jeux de lumière, qui nous avaient époustouflé au Chorus , ont du mal à se frayer un chemin faute d'espace. C'est pourtant devant cette scène Bass que se regroupe la quasi-totalité du public de lèves-tôt. On zappera la fin de ce set pour profiter des derniers mixs aux empreintes de techno industrielle de l'impressionnant Môme sur la scène Klub, où des festivaliers qui ont sans doute commencé l'apéro bien avant midi, sont déjà chauds comme la braise et nous mettent à l'amende avec des mouvements de bras et de bassins hypnotisants. La soif se faisant sentir, direction le stand Cashless pour récupérer notre carte de paiement chargée au préalable sur l'application du festival puis séance de rattrapage avec quelques pintes de Carlsberg à 6€. En avant SM Caen !

21h48, tu vas serrer

A peine le temps de faire un petit tour à l'extérieur de la Halle qu'on entend vibrer les bass du début du set de Superpoze (photo) sur la Grande Scène. Tout le long du live on planera sous des lumières aux couleurs pastel, nos ourlets de jean frémissant aux vagues des sonorités graves émanant des platines du normand. Le public semble un peu moins envoûté que nous, ça papote en petits groupes par-ci par-là gâchant la possibilité de totalement se laisser aller au voyage musical. La « bonne » nouvelle de la soirée nous arrive avec un notification de l'application du festival : les sets de la scène Bass ont tous été reportés de trente minutes. Après la désinformation la plus complète l'année dernière suite à l'annulation de dernière minute de Kaytranada, le Nördik est à la pointe de l'info cette année avec des notifs en push sur l'application dédiée. Cerise sur le gâteau, on ne loupera pas le début de Son Lux qui fera voler des papillons dans notre ventre avec un son doux bien que vibrant et sensuel. C'était l'instant parfait pour choper.

22h45, Caen, capitale underground ?

La soirée ne fait que commencer et pourtant les toilettes sont déjà blindées d'adolescents se gavant de pilules. Dehors des jeunes filles rendent les cacahuètes de l'apéro sur le bitume. Les équipes de secouristes sont aux aguets, ils ne s’arrêteront pas de la nuit, gambadant de toutes parts, civières à bout de bras. Des véritables fées de festival. C'est donc rassurés qu'on rejoint la grande scène pour l'une des claques berlinoises de l'année, modestement prodiguée par Recondite (photo). On sombre dans un univers dans lequel s'érigent les usines désaffectées de Berlin plongées dans une ambiance rouge tamisée, perfectos transpirants et techno sèche. Les connaisseurs sont là, devant la scène et leur maître trône en hauteur, masqué par les éclairs des stroboscopes. Dans la salle à côté, c'est un remplaçant d'envergure qui a pris la place de Skip & Die à la dernière minute. Vitalic enfume la petite scène Bass complètement blindée de festivaliers les uns plus saouls que les autres.

00h20, enlace-moi sur un son techno

De notre côté, on opte plutôt pour le set plus techno de Daniel Avery (photo) sur la grande scène. Bien que le jeu de lumières soit relativement cheapos et d'assez mauvais goût, on aimerait qu'il joue toute la nuit. Il a le don à travers ses sets sur mesure de rendre le public heureux, poli et amical. Les sourires ne tombent pas et on atteint une transe fraternelle qui réchauffe la pièce d'une puissance qu'EDF nous envie encore.

On essayera de se remettre de cette claque auprès de N'to dans la scène Klub mais le tout sera un peu trop « club » à notre goût, justement. On en profite pour se dégourdir les jambes à l'extérieur même si l'endroit manque encore cruellement d'aménagements pour se reposer.

2h38, la scène a pris un coup de vieux

Pendant ce temps-là, Boys Noize (photo), sur la grande scène, ça n'a pas trop changé : ça ressemble toujours autant au bruit de quelqu'un qui couperait sauvagement du bois. Ses grincements type tramway mal entretenu à répétition passe sûrement mieux dans l'état de notre voisin, qui finit par se faire embarquer par les secours. Pour changer d'heure dans de meilleures conditions, direction la scène Klub pour retrouver un autre symbole de la techno allemande, Michael Mayer. Décidément ce soir en Normandie, les teutons sont à l'honneur et c'est pas pour nous déplaire.

04h40, Drum for breakfast

Avant de quitter les lieux et en l'honneur de la Stand High Stage, scène dub qui a disparu cette année, nous faisons un dernier tour par la scène Bass pour secouer nos cheveux sur la drum'n'bass de Calyx & Teebee ft. LX One, histoire de bien s'achever avant de reprendre la route. Dernière étape, l'espace de foodtrucks où nous espérons remplir nos gosiers avant un sommeil amplement mérité : c'était sans compter sur les prix exorbitants pour des toutes petites portions proposées. On a déjà assez dépensé comme ça, ce sera dodo le ventre vide mais la tête pleine ce soir.

Côte concert :

La découverte
Môme, le caennais qui sait faire pogoter

La confirmation
Daniel Avery, la perfection techno, tout simplement.

La déception
Boys Noize, qui est désormais à l'électro ce que la musique de supermarché est à la culture.

Le baroudeur
Tito Candela, bouclez vos ceintures, on part pour l'Amérique du Sud !

Côte festival :

On a aimé :

- Un son parfait sur les trois scènes de la Halle des Expos, du pur plaisir pour les oreilles
Une programmation hyper pointilleuse et un remplacement de dernière minute de haut rang. Bluffant.     
Des bars très bien organisés où on ne fait jamais la queue plus de deux minutes
Plus de fluidité à l'entrée et aux toilettes cette année, ça coule tout seul.     
Une super appli qui permet de recharger sa carte Cashless à tout moment, avoir des infos de dernière minute en direct et consulter le programme en cours.

On a moins aimé :

- L'orga a pensé à prévoir un espace foodtrucks cette année, mais 7€ le hot-dog, vraiment ?
- Le Nördik Incity en détresse : pas de concerts gratuits dans les bars et des boîtes de nuit totalement désastreuses investies par des artistes qui en valaientt pourtant le coup.     
- La quantité de drogue sur le festival par rapport à la jeunesse des festivaliers. Un peu flippant.     

Conclusion :

Bien qu’on ne se sente pas toujours en phase avec nos camarades festivaliers un peu trop friands de produits illicites, c’est toujours un plaisir de vivre le Nördik Impakt. L’une des séances de fitness techno les plus intenses de l’année, organisée par un collectif attentif aux remarques de années précédentes, et aux petits soins avec son public. Nos muscles courbaturés vous remercient !


Récit et photos: Anja Dimitrijevic et Kilian Roy