On était à
MégaScène 2019, 30 ans et toujours dans le vent

30 ans de festivités à Saint-Colomban ! 30 ans... Quasiment aucun festival français ne peut se targuer d’une telle longévité. Fort d’une recette qui fonctionne avec une programmation très éclectique, un site spacieux de 2,3 hectares et une ambiance festive, MégaScène est un lieu de passage pour tous les jeunes adultes ou vieux enfants de la région. Pour ce week-end, son public fidèle rend la jauge de 14 000 personnes quasiment atteinte. Partez à l’aventure avec nous pour deux jours de musique au cœur de la campagne Ligérienne, près de Nantes.

Jour 1. 19h09, on est méga-chauds !

On a beau être au début de l’été, un festival : ça se mérite. Après une longue journée de travail sans pause pour partir plus tôt (on connaît les bails), on enfile la veille paire de Vans dédiée aux week-ends poussiéreux, on prend quelques vivres, un sac de couchage, une tente et en avant Guingamp. On s’enflamme toujours un peu vite avant d’arriver sur deux barrages de bénévoles, un barrage de gendarmes et un de vigiles. Rien à déclarer et sans bouchons à l’horizon, on arrive sans entrave sur le parking. On jette alors notre maison en toile, on décapsule une bi... bouteille d’eau (quoi ?!) et on se dépêche d’aller aux concerts. On est en retard. On arrive à l’entrée après Dïe Morg - ex- guitariste de Kiemsa - qu’on aura entendu de loin faire une reprise de Nirvana. Quel accueil (photo) !

20h12, c’est en festival qu’on apprend les bêtises

On découvre un site aussi grand que l’année dernière mais agencé différemment avec notamment deux scènes principales, contre une seule les années passées. Sur l'inventaire également un très grand bar central, un coin restauration, un coin chill-out avec des ballots de paille, un stand de prévention, la jolie statue de vache qui s’éclaire la nuit et un stand surprise pour les 30 ans sur lequel on reviendra. Pour tout vous dire, on est un peu déçu, on s’attendait à plus d’animations, plus de décorations, plus de dingueries pour la 30ème. Pas le temps de trop s’attarder, on court voir l’homme qui a étourdi notre enfance et pourri la vie de nos parents : Henri Dès Metal (on adore l’humour) & Ze Grands Gamins (photo). Âgé de 78 ans et accompagné d’un groupe orienté rock, il reprend ses tubes de façon pêchue devant un public chantant en cœur ses paroles comme si elles étaient ancrées dans leurs âmes à vie. C’est touchant et entêtant, notre nostalgie entonne sans rechigner : Les Bêtises à l'école, La Petite Charlotte, Le Beau Tambour... On passe sur le fait qu’Henri trouve notre reporter, Pierrot, pas beau. Ça donnerait presque envie d’aller au Motocultor (festival de metal en Bretagne) juste pour le voir chanter dans ce milieu.

20h51, règle n°1, penser à s’hydrater

La soirée continue et avec notre rythme, on en oublierait presque de déguster une bonne bière bien fraîche. On nous propose l’excellente Dahu en bière blonde "classique" ou deux bières artisanales locales en blanche et Pale Ale, et c'est cette dernière qu’on prend à l’ombre du chill-out (photo). Quel plaisir de retrouver ces choix de boissons audacieux et engagés dans un festival, avec des prix accessibles. Sur scène, l’italiano-jamaïcain Alborosie commence son set au cœur d’un nuage de chanvre et de poussière. Son reggae-roots est bienvenu en ce début de soirée ensoleillé et nous rêverions de faire tourner nos dreads au-dessus de notre tête en criant No cocaine ou en vantant les mérites de Kingston Town, mais nos chevelures ne le permettent pas. On se contente de bouger doucement au rythme de Zion. Sans considération matérielle, on n’a pas l’œil collé à nos montres mais il semblerait qu’il termine son concert plus tôt que prévu (il nous avait déjà fait le coup au festival Couvre Feu). S’en suit une transition de 15/20 minutes avant le concert suivant.

22 h 23, one love, one life !

Sincèrement on ne sait plus comment décrire les concerts de Jahneration (photo), on le fait à chaque report depuis deux ans et on vit toujours quelque chose de fort. Ça doit bien être la quinzième fois qu’on les croise et qu’on saute dans tous les sens. Fidèles parmi les fidèles, on est quand même au premier rang pour s’enjailler comme tout le monde. On est ravi de voir qu’ils proposent quelques Mic Sessions, de nouveaux morceaux puissants comme Energy et qu’ils préparent ainsi la sortie de leur futur album Stuck in the Middle prévu en septembre. Derrière c’est au tour des Balkans de débarquer sur la grande scène aux côtés de Goran Bregović et sa musique gipsy servant sur de nombreux films d’Emir Kusturica. On lève les jambes en essayant de suivre le rythme enivré des cuivres mais on fatigue assez rapidement. On loupera donc le son des Kalašnjikov pour un américain-frites - n’y voyez aucun positionnement politique.

00h58, tout le monde ne s’en fout pas

Après six ans d’absence, le groupe de rock-ska festif La Ruda (photo) originaire de l’ouest remonte sur scène pour la plus grande joie de nombreux fans. On n’imaginait pas une telle attente, on rencontre pourtant deux frères qui ont fait le déplacement juste pour eux, et ainsi retrouver les chansons de leur adolescence. C’est surtout l’album L'Art de la Joie qui est repris par les plus nostalgiques et qui fait bouger le public. Sur la deuxième scène, un petit amas de lycéens attend déjà Fianso ou Sofiane pour satisfaire leur amour du rap français. On a toujours un peu de mal à comprendre un tel engouement pour des paroles aussi naïves sur un son aussi pauvre, mais il en faut pour tous les goûts à MégaScène. Avec quelques verres dans le nez, on se surprend même à bouger les mains sur Toka pour faire comme tout le monde, mais sincèrement ce n’est pas notre tasse de grog. Pour terminer la soirée, direction la teuf du coin avec Darktek en mode frenchcore / tribecore. Quelle violence auditive, on prend une bonne dose de sale avant la nuit ! À 3 h, de nombreux coriaces bougent encore la tête devant les basses. On suit les survivants au camping pour une nuit de discussions au coin du pack.

Jour 2. 14h36, merguez party sous airs forains

Ce matin le soleil fait guise de réveil dans nos tentes où la chaleur avoisine celle d’une cuisson à feu vif. Avinés comme des coqs au vin, on reprend vaguement nos esprits au son des "apéros" qui fusent dès 10 h du mat’. Pour se fondre dans l’ambiance on prend une petite bière avec nos Miel Pops. Après avoir émergé des limbes, on profite de l’accalmie musicale pour faire un tour sur le marché de producteurs locaux à deux pas du camping. On y croise des festivaliers qui achètent des fruits & légumes, d’autres de la viande à faire cuire sur le précieux barbecue collectif géré par des bénévoles et présent tous les ans, tandis que d’autres attendent pour se faire tatouer au stand de Joe Tonté. Les derniers s’intéressent aux entre-sorts de La Foirade qui animent des jeux forains. Mais avouons que sous 33° C, on a plus d’appât pour l’ombre des arbres que pour le parking bitumé de la salle Yannick Noah (no joke). D’autres animations sont également proposées avec des déambulations sur échasses de La Famille Pénichilline, un spectacle aérien de Mamzelle Beattie (photo) qui danse au creux de cordes lisses, ou encore des petites transitions musicales par Balkanik Project... Pour résumer : on n’a pas le temps de s’ennuyer en ce début de journée, poil au nez !

20h27, on va plutôt prendre l’addition

Après quelques rencontres et de nombreuses capsules échangées dans une atmosphère de grande fête lycéenne post-Bac, qu’étrangement tout le monde a eu, on se décide à rejoindre le site des concerts. Malheureusement on zappe Emane - gagnante du tremplin - pour concentrer notre énergie sur le reste de la soirée. À l’entrée du site, l’attente est un peu longue, on arrive pendant Vanupié. Son reggae teinté soul avec sa voix suave adoucit les mœurs et apaise l’atmosphère du festival. Sur l’autre scène, de nombreux badauds attendent déjà la venue d’À nos Souvenirs, enfin de Trois Cafés Gourmands... c’est quasiment pareil. Comme tout le monde, on écoute la bande sonore dérouler pendant 1 heure en se demandant si on écoute un CD ou un concert, et sans prévenir, tout le public se réveille d’une seule voix pour chanter la beauté de la Corrèze à tue-tête. Ça sera sûrement le tube de l’été (133 M de vues sur YouTube) et ils auront eu la chance de faire une grosse tournée nationale. En attendant ça nous passe au-dessus et on préfère prendre 'Quatre Pintes Savoureuses'. Par la suite, Taïro vient nous chanter l’amour de la vie et de la bonne weed avec son reggae-love / dancehall. On écoute d’une oreille distraite assis dans l’herbe à discuter avec les gens et à déguster une galette-saucisse, faite à partir de produits issus de circuits courts.

22h40, ton nom n'a pas pris une ride

C’est au tour d'Antisocial de prendre place, enfin Trust, vous m’auriez compris... Le son étant relativement mauvais et l’énergie assez fade, on laisse Bernie Bonvoisin à la génération précédente et on reviendra pour les dix minutes de fin afin de chanter notre haine de la société. De notre côté, on part en direction de l’entrée. Car on vous a gardé la surprise mais en fait il y a trois scènes. Faut dire qu’on s’est bien demandé à quoi pouvait servir cette remorque de tracteur à l’entrée du site sur lequel il ne s’est rien passé hier. En s’approchant, on rencontre deux bénévoles de la première heure qui ont fait partie de l’aventure pendant ces 30 ans. Derrière eux un vidéoprojecteur diffuse un diaporama. Sur le stand de nombreuses affiches des anciennes éditions sont collées et on se remémore des souvenirs tandis qu’ils nous racontent comment une fête privée de quelques potes est devenue le MégaScène qu’on connaît. Aujourd’hui c’est une équipe renouvelée qui fait vivre cet évènement, accompagnée de 350 bénévoles sur le week-end. La remorque bancale (photo) est en fait la première scène de 1989 qui a servi pour le festival pendant quelques années... On n’est pas sûrs que la Préfecture aurait validé ça aujourd’hui.

23h34, ça va péter !

Puisqu’une surprise en cache toujours une autre. L’actuel Président de l’association monte sur scène pour remercier le public de sa présence et féliciter toutes les forces en œuvre qui travaillent ou ont travaillé sur le festival depuis sa création... Tout le monde s’apprête à applaudir quand résonnent déjà les premiers pétards dans le ciel. C’est un magnifique feu d’artifice d’une dizaine de minutes tiré par Stardust Pyrotechnie, et accompagné de musique qui vient faire briller nos pupilles et illuminer nos souvenirs. La fête se poursuit avec en transition de deux têtes d’affiche, le duo nantais de KO KO MO. Ils ne font pas dans la dentelle et viennent casser la baraque avec leur power-rock qui tabasse. Ça fout une bonne claque à tout le monde et on aura que des retours positifs à leur sujet. On entendra même dire que c’était le meilleur concert de la soirée. La voix synthétique du chanteur résonne encore dans notre tête avant de partir en direction de l’autre scène l’esprit embué.

01h25, la tête dans la Luna

Les amoureux de Fianso qui étaient là hier sont de retour pour Moha La Squale (photo), un de ces jeunes rappeurs qui sonne le renouveau de la scène française. Avec un premier album Bendero déjà nommé aux Victoires de la Musique cette année, 276 M de vues sur YouTube, le jeune homme de 24 ans n’a plus grand-chose à prouver si ce n’est sa capacité à dompter la scène. Et bien que peu perméables à ce genre de musique, on doit dire qu’il a mis le feu. Souvent aux crash barrières à croquer le public comme un jeune requin fougueux, ses fans en redemandent. Pour terminer, Rakoon débarque sur scène avec notamment l’incroyable Healing Dub. Seul sur scène avec ses pads, sa guitare et ses influences variées, il arrive à nous faire voyager à travers des sons dub électroniques étourdissants. On se sent pousser des ailes et on en oublierait que le festival se termine déjà. Sans l’accepter vraiment, on migre vers le camping et on troque notre tristesse pour quelques musiques reggae populaires diffusées sur une enceinte. La nuit ne fait que commencer pour fêter dignement les 30 ans !

Le bilan

Côté scène :

Contents de vous revoir

La Ruda, un retour sur les planches prometteur en attendant un nouvel album

On ne veut plus grandir

Henri Dès, des paroles ancrées dans nos âmes dynamitées par un esprit rock réjouissant

Raconte-moi une histoire

Rakoon, une ambiance transcendante parfaite en fin de festival

Road to Zion

Alborosie, une bouffée d’air chargé dans une atmosphère rafraîchissante

Côté festival :

On a aimé :

- L’ambiance générale qui règne sur le camping où plusieurs générations et styles musicaux se côtoient sans se marcher dessus

- La programmation toujours aussi variée et éclectique passant d’un rock de darons à un rap de lycéens, en finissant par un son de teuf

- Le choix de servir des boissons et de la nourriture issus de producteurs artisanaux et locaux pour des tarifs abordables en festival

- Le fait de pouvoir ressortir du site avant 21h30, ça se fait de plus en plus rare et c’est pourtant pratique

- En vrac : des bénévoles agréables et joyeux, des toilettes en nombre, le coin chill-out, les animations de l’après-midi, les douches sur le camping, un site idéal pour bien voir les scènes et se poser...

On n’a moins aimé :

- L’attente aux stands de cashless ou de nourriture qui était à certains moments un peu longue

- L’insuffisante implication écologique : quasiment aucune poubelle sur le site et le camping (uniquement verre), pas de points pour les sacs de tri, brigade verte invisible...

- Le manque de changements sur le site : on aurait aimé plus de décorations, d’animations et de surprises pour fêter les 30 ans et pour offrir une nouvelle expérience aux festivaliers

- Le son qui a parfois été un peu capricieux, notamment pendant Trust où le volume paraissait assez faible

- Le terrain trop caillouteux et poussiéreux devant les scènes, dès le premier concert nous avons enlevé une belle caillasse qui traînait à nos pieds

Infos pratiques :

Prix des boissons

Le demi entre 2€50 et 3€50
le cidre à 2€50
le vin à 1€30
les softs à 1€20 

Prix de la nourriture

Galette-saucisse, pâtes bolognaise / végétarienne ou sandwich merguez / saucisse / steak à 3€60 ou 3€80 € 
Américain à 4€60 ou 4€80
Croque-monsieur à 2€50 
Barquette de frites à 2€50

Prix du festival

Pass 2 jours à 44 €
La soirée à 26 € (+ possibilité de reverser 3 € à l’association Enfants Réfugiés du Monde Solidarité Sahraouie)

Transports

En voiture, à 30 minutes de Nantes.
En bus via des navettes Lila à partir de Pirmil (Nantes), pour 2€40/trajet

Conclusion 

Avec 30 ans d’existence, le festival a trouvé la formule qui lui correspond : un maillage local pour se fournir en boisson / nourriture, un site bien adapté aux concerts, un système cashless qui évite l’attente, un vaste camping agité, une équipe de 350 bénévoles et surtout une programmation variée pour tous les âges. On espère maintenant y retrouver des animations et des décorations différentes sur le site des concerts pour renouveler l’expérience festivalière et fêter les 40 ans ensemble. Au fait : bon anniversaire MégaScène !

Récit : Pierrot Navarrete 
Photos : Léo Mérand