On était à
Marsatac 2023 : pogos, paillettes et TN, bienvenue à Marseille

Entre deux plongeons dans les calanques marseillaises, on a passé une tête au festival Marsatac pour voir ce que le parc Borély et son line-up rap-électro avaient à nous proposer. Sold-out, la journée du samedi offrait pas moins de 19 artistes, dont Hamza, Josman, Trym, et un soleil de plomb. Le festival, désormais intégralement en plein air, se déploie majestueusement sur une petite dizaine d'hectares et se pare des plus belles boules à facettes de ta région. En passant les portes du parc on rentre dans une “ptite bulle” enchantée, et “y’a plus rien qu’tu calcules”. 

Jour 1. Samedi 17 juin. 19h11, bienvenue dans l'antre de la Gen-Z 

 Dans le bus en direction du parc Borély nous étions loin de penser qu’il y avait une porte cachée pour accéder au festival. Nous descendons à l’arrêt indiqué et comme une autre grosse dizaine de festivaliers nous nous dirigeons vers l’entrée du parc qui se trouve n’être malheureusement pas l’entrée du festival. Sauf qu’autour de nous, aucune signalétique, rien, pas un panneau. On décide alors de suivre notre instinct - très mauvais sur le coup - et on se retrouve à faire le tour du parc - de 18ha. 45 minutes plus tard et 35 degrés celsius dans la tête, on voit une petite foule dans une allée d’arbres et des festivaliers qui tentent de cacher des pochons de drogue dans leur chignon. Enfin arrivé.es. Après un passage sécurité plutôt très agréable, on pénètre sur le site du festival qui ressemble à une forêt magique. Il est tôt, les festivaliers sont encore timides à cette heure chaude et on a le temps et l’espace de circuler dans tous les espaces.

On commence par faire un arrêt « H2o » : des fontaines en libre service et des stands d’eco-cups d’eau qui se révéleront être "the place to be" au cours de la soirée. Une fois bien hydraté.es, on fait un deuxième arrêt liquide, mais cette fois pour une grande pinte de blonde. Le choix est assez limité, le festival est sponsorisé par 8.6. On trouvera plus tard un autre stand de bière artisanale locale, mais la pinte à 9€ c’était un peu trop pour nous. Équipés de nos 8.6 bientôt tièdes, on se glisse sous un arbre gigantesque décoré de spirales argentées. On profite de l’ombre sur des nattes jaunes et du concert de la "Marsatac School" sur la scène La Frappe. Ce dispositif en lien avec les collectifs Arbuste et Omakase permet de faire travailler des classes orchestres des lycées marseillais avec un rappeur local. Entre percussions, saxo, trompette, clarinette, le résultat faisait chaud au cœur.

On se balade ensuite entre les stands du festival : Twister, tir à la corde, stand de tatouages, merch, chaises longues en plein soleil, paillettes et strass dentaire, mais aussi Les Petits Frères des Pauvres, l’espace Risques et Plaisirs qui sauvera nos petits yeux de la poussière quelques heures plus tard et l’asso Safer qui colonise les festivals avec son dispositif anti-harcèlement et ses capotes de verre. Une autre bonne surprise au détour d’un stand : l’opération Sam, qui offre un soft à qui laisse ses clés de voiture en consigne ! On finit notre ronde en prenant le tempo de la soirée sur la grande scène : Kershak, cagoulé sous 35 degrés, dégaine le même set que celui qu’on a vu à We Love Green l’année dernière. On l’aime beaucoup et on sautille sur deux morceaux mais on préfère continuer notre exploration de la forêt magique. 

20h35, se jeter dans la fosse aux lions 

Après avoir arpenté le festival de long en large pour explorer ses recoins et ses trouvailles de déco et d’initiatives différentes, on décide de profiter un peu plus intensément de la musique en jetant notre dévolu sur Di-Meh, caché au fond d’une clairière sur la scène de La Prairie. Programmé à la dernière minute, le rappeur suisse remplace Prince Waly et arrive sur scène avec l’énergie qu’on lui connaît : débordante. Il met tellement d’effort à rassembler la foule dans un seul mouvement chaotique qu’on en perd presque la prestation musicale.

On se dirige tranquillement vers la grande scène, prêt.es à en découdre avec Ascendant Vierge qu’on attend avec grande impatience. On se visse en plein milieu de la place du château, plein soleil, pas de vent et on attend les deux stars de pied ferme. La foule s’accumule autour de nous, mais de manière assez aérée pour laisser la place de respirer et de danser. Les voilà tous les deux qui se placent, impassibles, semblables à des cybers-créatures plus qu’à des humains, et la voix lyrique de Mathilde Fernandez qui retentit. Toujours immobile, ses bras sont des ailes terminées par des ongles de presque 10cm de long, lunettes de vitesse, combi moulante effet psychédélique et collier dents de requin en métal. L'envoûtement commence, l’effet est immédiat. La cyberpop du membre de Casual Gabberz tabasse et le public ne demande que ça. Elle redemande même et le duo rejoue son morceau « Influenceur » et l’heure de set passe à la vitesse de la lumière. 

22h13, choc thermique

Après ce défouloir intense, la faim se fait ressentir. Il faut être vif pour dépasser la foule et se mettre dans la queue du camion qui a la meilleure DA. La proposition est riche mais il faut prévoir un minimum de 10€ pour avoir un plat qui rempli la panse. 30min d’attente, relou mais honnête, les brioches au boeuf mariné valaient bien la peine d’endurer les conversations de file d’attente : « Vous aussi vous attendez ? Ah super, nous aussi. Bon bah on attend alors ». Le froid tombe d’un coup, on se dit qu’il va falloir vite retourner danser. Le froid s’oublie aisément car la nuit se pare de décorations insoupçonnées, pleines de malice et de trouvailles originales. Ca faisait longtemps qu’on avait pas vu autant de boules à facettes ! Devant nous une batterie joue toute seule grâce à un système d’air comprimé, comme pour nous préserver du down de la digestion. 

Devant le concert de Hamza, le concert est amer : on peut ne s’attendre à rien et être quand même déçu. Pour ne rien arranger, l’espace de la grande scène n’est pas pensé pour accueillir une rock star. Trop de monde pour ne pas automatiquement déborder sur les allées principales du lieu et créer un embouteillage de gens les bras tendus vers le ciel en espérant ne pas renverser leur bière. Aparté technique, ça ne marche pas, et tu vas forcément en faire tomber sur les autres, et tu vises directement le visage. Néanmoins le VJing est super, la scéno est réfléchie, efficace, même si on a envie de vérifier son billet pour être sûr de ne pas avoir subitement atterri à l’Eurovision 2023.

23h04, which side are you on ?

Face à ce show clivant, on passe la tête du côté d’Airod, parisien musclé et euphorisant, sur la scène du Lac, celle qui assurait un son techno non-stop. Ça vous fait l’effet d’un voyage dans le temps, tout d’un coup on a 18 ans et c’est notre premier festival, les téléphones ont disparu, la lumière danse dans la foule, et il n’y a rien entre la musique et les spectateurs. C’est brut et sincère, pas le temps pour les apparences.

On fait un dernier saut sur la grande scène en espérant qu’elle se soit désengorgée pour accueillir le roi, le clou de la soirée, Josman. Dans la fosse quelqu’un à côté de nous crie dans l’oreille de son pote « Jos' c’est quand même autre chose qu’Hamza, non ? ». Il n'a pas tort, c’est plutôt impressionnant. L’aisance du type et sa capacité fédératrice sont énormes. À la fin du concert, fatigué.es d’avoir crié en chœur ses punch les plus trash avec des inconnus, l’heure est au questionnement. Pourquoi le rap est devenu l’attraction n°1 des festivals ? Pourquoi la scène techno est devenue une contre-soirée dans la cuisine ? Comment au fil des années ces deux genres ont échangés leurs sièges jusqu’à modifier intégralement la façon d’envisager un festival. Malheureusement on est trop lessivé.es pour répondre à tout ça, mais ça nous laisse l’impression que la techno devient utilitaire, un moyen de réguler la foule et désengorger les lieux stratégiques. Heureusement, elle fait semblant de ne rien savoir, le boum boum est certes présent mais jamais auto-suffisant, toujours un tantinet nouveau ou décalé. On a ENFIN enterré la house des mojitos à Ibiza. Ajoutez à cela les jeux de lumières ultra immersifs, on peut dire qu’elle s’est bien battue cette scène techno !

1h47, des éléphants dans une Twingo

Le lieu n’est pas si excentré mais après une soirée à rebondir contre son prochain sur un bel éventail de Bpm, 1h45 de marche, ce n’est pas négligeable. Personne ne croyait aux navettes, ou alors brièvement le temps d’une blague, mais le vrai humour c’est se demander comment a-t-on pu penser que 3 bus seraient suffisants pour tout ce monde ? Résigné.es et d’un seul pas, nous marchons sur un boulevard, fatigué.es du monde et des paillettes, entre les grosses voitures qui font la course aux feux rouges. Pour choper une trottinette, il faut trouver la tangente, c’est une rue perpendiculaire que tout le monde a préféré éviter vu son généreux dénivelé. C’est là qu’on nous apprend l’heureuse surprise : le festival a mis en place des codes promos, sur toutes les marques de trottinettes électriques, bien vu ! Grisé.es par la perspective d’embrasser l’oreiller, nous fonçons vers notre logement, reste à ne pas se faire écraser par une voiture de police.

Le bilan

Côté concert :

L’envoutement
Ascendant Vierge, peu importe combien de fois on les voit, le duo chant lyrique et gabberz, c’est toujours un strike. 

Ni roi ni duc
Josman reste sincère malgré le succès enfin mérité, sur scène comme un ballon bien distribué par Iniesta

La relève
Même si on y a passé peu de temps, la scène La Frappe nous rappelle que les festivals c’est aussi l’endroit où on découvre des nouveaux artistes, locaux au mieux et que la musique est un endroit pour partager quelque chose ensemble.

Côté festival :

On a aimé :

- Le safe dispositif, qu’on a pas eu à tester, heureusement. 
- La déco de nuit, riche en boules à facettes pour une ambiance bobo de jour et clip de Claude François de nuit. 
- Les fontaines H2O aux quatres coins du festival pour ne pas attendre plus de 3 minutes top chrono pour remplir son eco-cup ou sa gourde, autorisée sur le site.

On a moins aimé :

- Les téléphones, qui gangrènent le festival. On a l’impression des fois d’être dans un décor de photo Instagram. 
- L’ergonomie de la grande scène, pas possible d’avoir la tête dans les feuilles et de ne même pas pouvoir apercevoir un coin d’écrans géants. 
- Les 3 navettes pour rentrer. Comme essayer de faire rentrer un océan dans un verre d’eau.

Infos pratiques : 

- Prix des boissons : 8€ la pinte, 6€ le cocktail (mojito, sangria, etc), 4€ les soft.
- Prix de la nourriture : 10€ pour un plat (brioche, burger), 4€ la part de pizza, 5€ la glace, 6€ les six churros.
- Prix du festival : 1 journée 45€ , 2 jours 85€, 3 jours 110€
 

Transports :

- Bus ligne 19 et 83 : Arrêt parc Borély.
- Le meilleur plan pour les marseillais : venir en vélo : parking vélo prévu et sécurisé.

Conclusion : 

Cette année, au Parc Borély, un gros effort a été mis sur la mignonnerie, les stands, les jeux, les glaces... Malheureusement le lieu est beaucoup trop petit : 20 000 festivaliers, ressenti 1 million. Le safe dispositif contre tout abus qu’il s’agisse de substances illégales ou la sécurité pratique courante au sein des foules, est pris tout a fait au sérieux et assez conséquent, ça fait plaisir. Le public, en revache, est souvent un lutin en bas résille avec deux iPhones a la place des mains, une voix très perçante qui fait iiiiiii, et des TN. Ou c'est nous qui sommes devenus trop vieux ? 

Récit et photos : Manon Chapuis et Guillaume Lenoble