On était à
MaMa Music & Convention 2022 : une salve de nouveautés musicales sur les pavés du 18e

En ce début d’automne le festival MaMa revient combattre la morosité ambiante dans la capitale et offrir aux parisiens mélomanes un petit réconfort anti-grisaille. Même s'il reste un festival destiné aux professionnels de la musique, la prog pointue et particulièrement inédite à nos yeux cette année est alléchante. On vous emmène déambuler entre 8 salles de spectacles du quartier de Pigalle à la découverte pêle-mêle d’artistes en devenir des scènes punk, métal, rap, électro, folk…

Jour 1. Mercredi 12 octobre. 19h45, navigation à vue sur le boulevard de Clichy

Devant la billetterie éphémère du MaMa, non loin de la Cigale et la Boule Noire, s'agglutine une foule de festivaliers bière à la main et badges “pro” autour du cou. Cette année le système des billets est plus simple qu'auparavant car le bracelet vaut pour les trois jours et l’atmosphère est aussi plus détendue devant les salles, les videurs fouillent les sacs sans trop de vigueur et nous laissent entrer avec des grands sourires. On est loin du pass sanitaire obligatoire et de la cohue.

On retrouve l’ambiance foutraque de Pigalle avec un retour en force des touristes en goguette entre les sexshops et le Moulin Rouge. Direction la Machine du Moulin Rouge pour tâter la soirée metal. La chanteuse du groupe SUN (photo) reprend dans une version hard, ponctuée de hurlements rauques, le tube “I Follow Rivers” de Lykke Li. Nous profitons d’être là pour voir distraitement quelques-unes des rappeuses qui passent à la Chaufferie, la salle en sous-sol. Deux ambiances à l’opposé, mais une mise en valeur commune d’artistes féminines.

20h30, un shot de choses sauvages

Déjà ruinés par les ginto de la Machine, nous décidons de faire un tour au Backstage By the Mill pour découvrir les Québécois de Choses Sauvages (photo) et on regrette un peu de ne pas avoir été là plus tôt. Le chanteur, torse nu, se tortille frénétiquement en passant de la scène à la fosse en un battement de cils. Les chansons s’enchaînent en français dans le texte sur des rythmes funk à la croisée entre la pop, le rock énervé et un beat qui nous pousse à nous trémousser le restant du concert. On prendra la même chose que le chanteur pour les prochains concerts, s’il-vous-plaît.

21h, trop de choix, trop loin et peu de temps

Nous arrivons trop tard au Phono Museum pour le concert de Guillaume Poncelet. On aurait probablement dû affronter une queue interminable de toute manière. C’est également le cas pour le concert sur-complet d’Animal Triste à la Boule Noire. Pourquoi ne pas aller dans une salle un peu excentrée pour éviter les queues interminables ? On part sur une nouvelle salle du MaMa, le bar NO.PI près de la place Clichy, où le concert d’Annabel Lee (photo) va commencer. Nous apprécions les canapés en cuir disposés un peu partout dans le bar parfait pour apprécier ce concert indie rock mélodieux. On se croirait dans les années 90, surtout avec l’ambiance briques aux murs et l'intérieur industriel.

22h20, le retour au repère du Backstage

Dès le début du concert de Serpent on est surpris de découvrir que le chanteur n’est autre que Lescop, initialement adepte d’une cold wave chantée en français. C’est en anglais qu’il revient hanter nos oreilles avec un style plus punk énervé mais efficace. Les musiciens qui l'accompagnent forment une petite troupe dépareillée mais magnifiquement coordonnée rythmiquement. Le show est impeccable et ne semble d’ailleurs jamais s’arrêter. Tout le monde en redemande dans la salle.

Jour 2. Jeudi 3 octobre. 20h45, la Machine dans tous ses états

Ce soir nous décidons de rester dans la même zone pour éviter les queues. A la Machine, le rappeur bordelais Joysad passe de ballades tristes à des sons très lourds où ses textes s’emballent au point où il a du mal à reprendre son souffle. Un petit noyau de fans est venu le soutenir avec beaucoup de ferveur.

À la Chaufferie de la Machine, c’est l’ovni américain Gus Englehorn qui a pris le micro et sa guitare pour un concert très minimaliste. L’ambiance est radicalement à l’opposé, mais là aussi un petit noyau de fidèles ne manque pas d'applaudir. Pourtant, on a du mal à comprendre pourquoi tant rien ne va rythmiquement, sans parler de la voix du chanteur qui part dans tous les sens.

On se réfugie, une fois encore, au Backstage By the Mill qui accueille la soirée Inouïs du Printemps de Bourges, où le français, repéré sur les réseaux sociaux, St Graal (photo) finit son concert. L’ambiance est joyeuse et le son pop sucré nous donne instantanément envie de danser. On reste jusqu’à la fin sans bouder notre découverte.

22h, “moi j’aime bien les mots valises”

Dans la salle des Trois Baudets, le concert d’Antoine Wielemans (photo) a déjà commencé. L’ancien leader belge de Girls in Hawaii a lancé sa carrière solo avec un album électro pop entièrement en français et il confie qu’il utilise souvent les métaphores et les “mots valises” pour parler de ses doutes sur le monde qui l’entoure. On retient le titre Samedikéa qu’il a du mal à nous expliquer lui-même: "ça ne parle pas du samedi, ni vraiment d’Ikéa”. Sur scène il est accompagné par deux claviéristes. Nous regrettons l’absence d’une batterie pour accompagner rythmiquement le trio même si l’ambiance est plutôt au vagabondage musical. 

Jour 3. Vendredi 14 octobre. 21h30, le garage rock à l’italienne

Le groupe Ada Oda (photo) est sur scène au Backstage at the Mill et le post-punk croisé de mélodies chantées en italien par Victoria Barracato nous ravissent les oreilles. Le public adhère dès le premier morceau au style années 80 du groupe de rockeurs bruxellois. Il fait très chaud et sur scène l’un des guitaristes sue à grosses gouttes alors que le bassiste casse deux cordes en moins de 20 minutes. L’attente, le temps de trouver et de changer la corde, ne fait pas faiblir l'énergie dans le public qui en redemande.

23h, la foule des grands soirs au Moulin Rouge

Nous visons ensuite la salle de la Machine pour continuer la soirée mais c’est sans compter le temps d’attente monstre pour rentrer dans le lieu. Nous finissons par rentrer après 25 minutes d’attente sans vraiment savoir ce qui nous attend. Les décors de la scène sont aussi impressionnants que le show de Makoto San (photo). L’univers est marqué géographiquement en Asie de l’Est à grand renfort de plantes luxuriantes et de lampions lumineux. Les 4 membres du groupe sont silencieux, cachés derrière des masques peints de gros cercles noirs ou blancs. Ils s'alternent aux platines ou sur leurs instruments et percussions en bambou mais la musique “techno nature” finit par nous ennuyer au bout de trois morceaux. 

Nous ne ferons pas la soirée jusqu'à 4h ce soir. Nous avons eu notre dose de Pigalle pour les mois à venir. Un dernier regret : ne pas avoir pu assister au dernier concert du Backstage By the Mill des Vulves Assassines dont le simple nom avait éveillé notre curiosité.

Le bilan

Côté concerts :

Retour à l’Hacienda : 
Serpent, le nouveau projet post punk du chanteur Lescop

Le concentré rock :
Ada Oda, des Belges en italien dans le texte 

Energie québécoise :
Choses Sauvages, la légèreté au service d’un chanteur à 200% sur scène

Côté festival :

On a aimé : 

- L’organisation toujours aussi soignée, avec même quelques améliorations à la billetterie, et l'enchaînement incroyable des groupes dans les salles.
- Le travail aux lumières au Trois Baudets et à la Machine.
- L’atmosphère toujours autant joviale et familière parmi cette foule de professionnels de la musique.
- Le joyeux bordel du boulevard de Clichy et les offres alternatives de bouffe.

On a moins aimé :

- Les prix des boissons (surtout à la Machine).
- Les queues interminables et les passes droits un peu trop nombreux 
- L’éloignement de plus en plus important entre les salles, en particulier le FGO Barbara et le NO.PI, qui nous font à présent sortir du quartier et nous obligent à faire des choix.

Infos pratiques 

Prix des boissons (très variable selon les lieux) :
entre 10 et 15 euros pour un cocktail 
entre 8 et 12 euros pour une pinte
entre 7 et 10 euros pour un verre de vin

Prix de la nourriture (aux Trois Baudets) :
Entre 7 et 10 euros pour des tempuras de légumes ou des oeufs mollets

Prix du festival : 
50 euros les trois jours et 22 euros la soirée en billet “regular”

Transports : 
Métro ligne 2, arrêts Anvers, Pigalle ou Blanche
Métro ligne 4, arrêt Barbès Rochechouart

Conclusion

On ne se lasse pas de venir découvrir les talents musicaux du moment, dans ce cadre insolite qu’est le quartier de Pigalle. L’organisation titanesque pour gérer les salles, la programmation musicale et les conférences dans la journée font de ces trois jours un moment intense de communion des différents acteurs du secteur de la musique, n'en déplaise aux touristes et aux amateurs d’autres formes de plaisirs qui ont dû se frayer un passage entre les festivaliers, bière à la main, faisant “déborder les trottoirs” du boulevard. Dans un mélange entre foutraque urbain et installations particulièrement méticuleuses et personnalisées pour chaque concert, le festival a une fois encore fait la démonstration de toute son originalité et de son professionnalisme. Nous regrettons toujours de ne pas pouvoir tout faire, tout voir, et cela devient de plus en plus vrai tant le périmètre des salles partenaires à tendance à s’agrandir alors que la liste des concerts ne tarit pas. On reviendra quand même volontiers l’an prochain se faufiler sur le boulevard avec l’espoir de découvrir toujours plus de nouvelles pépites pour affronter la grisaille parisienne.

Récit : Fanny Salmon
Photos : Anaïs Mastrorelli et Georges Ledoux-Lanvin