On était à
MaMA Festival, le retour de la tournée des grands ducs de Pigalle

Retour en fanfare (et avec pass sanitaire) au MaMa Festival pour une édition qui s’annonçait pleine de promesses musicales. Le festival parisien des habitués du milieu, maisons de disques et autres pros, nous a encore une fois, offert une programmation riche en nouveautés. Déambulations dans pas moins de 8 salles de spectacles du quartier de Pigalle, journées de conférence et des soirées de concerts, nos découvertes, les bons plans du festival, l’ambiance de l’été indien parisien qui bat son plein, vous saurez tout... ou presque, de la douzième édition du MaMa.

Jour 1. Mercredi 13 octobre, 19h, d’abord les sésames à l’Élysée

Direction l’Élysée Montmartre pour récupérer nos places comme à la précédente édition ouverte aux festivaliers en 2019. L’organisation ne change pas, à part pour les videurs et les bénévoles qui doivent composer avec l’exigence du pass sanitaire. On tâte un peu l’ambiance du quartier. Rien n’a changé : les touristes qui prennent des photos devant le Moulin Rouge, le lot de sexshops et leurs gérants qui tiennent le trottoir, les fastfoods et autres crêpiers qui nous rendront bien service ces prochains jours. Partout, le long des trottoirs de Rochechouart côté 18 ème arrondissement, c’est l'effervescence et l'événement y est pour beaucoup. Nous croisons partout des gens avec le badges autour du cou, écocup à la main, en pleine conversation “musique”. À l’Élysée Montmartre, il y a des conférences et des tables rondes mais pas de concerts. C'est le centre névralgique du MaMA qui est avant tout un rendez-vous pour les professionnels de la musique venus se former, rencontrer des labels et découvrir des artistes émergents.

19h30, décollage imminent de la Machine

On ne décide pas trop de ce qui va nous arriver quand on s’embarque dans la fusée du MaMa. C’est le principe de la programmation qui propose des concerts variés et simultanés un peu partout dans le quartier. En marchant un peu, on décide de commencer par la salle qui nous semble au centre de la programmation des noms les plus connus du festival (s’il y en a) : la Machine du Moulin Rouge. L'identité visuelle du concert dApollo Noir et Thomas Pons est travaillée. Les deux français sur scène nous régalent les yeux et les oreilles. C’est une explosion electro-mélancolique qui électrise les happy few curieu.x.se.s, dans la salle. Entre les deux platines des DJs qui se font face, un écran blanc superposé nous offre une histoire en noir et blanc élaborée. On retiendra l’énergie musicale mais surtout ce motion design qui nous fait penser à la Planète Sauvage version désenchantée.

20h, “C’est obligé elle est capricorne Davinhor”

Le concert se termine et il n’y a pas trop de débats sur ce que nous allons voir après. Davinhor (photo) à la Cigale, c’est ce qui nous paraît le plus prometteur à cette heure. Déjà croisée cet été à la ZUT de la Villette, la rappeuse française sait faire le show et nous a déjà convaincu. Accompagnée du meilleur backeur de festival (il lui apporte son eau et la glorifie à tout va), elle déroule une prestation scénique et réussit à conquérir un public encore un peu engourdi. Les textes sont surtout une bonne leçon d’empowerment au feminin (et osons même de féministe). “On n’a pas d’ex que des erreurs de parcours”, répète-t-elle jusqu’au bout. Nous sortons ravies, enfin prêtes pour attaquer réellement les hostilités musicales.

20h45, combo gagnant à Pigalle : gin/crêpe

En passant à la Cigale nous avons retrouvé nos premiers amours de l'édition 2019 du MaMa : le Moscow Mule et le Gin Tonic. Chacune des salles a son propre fonctionnement, mais niveau bar, ça roule plutôt pas mal. On sent les habitués du service sur le pouce. Nous décidons d’une pause dans le quartier pour nous sustenter, et rien de mieux qu’un bout de trottoir au milieu des touristes une crêpe dans le gosier. C’est cliché, mais assumé. Dans la rue, nous avons le droit à une réaction à chaud sur la fréquentation du festival : “il y a plus de monde cette année, mais demain c’est vraiment “la journée du MaMa”, c’est déjà sold out”.

22h15, nouvelle étape du voyage intergalactique

A la Machine du Moulin Rouge,  nous attendons avec impatience la prestation de PPJ (pour Paula, Povoa et Jerge) que nous connaissons un peu mieux que les autres artistes. La chanteuse franco-brésilienne, un petit gabarit avec un sourire radieux, et les deux grands garçons qui l'encadrent, nous font une démonstration maîtrisée de pop electro, le tout illustré en brésilien dans le texte. La foule est connaisseuse et beaucoup plus dense qu’aux précédents concerts, mais c’est vraiment le dernier morceau (l’un de leur dernier titre) "Nao Se" qui fait décoller la Machine. Le titre tourne 10 minutes, l’audience danse sur un beat énervé. En sortant de la Machine, il faut presser le pas pour ne pas rater la fin du concert de Taxi Kebab au Backstage By the Mill. Nous sommes manifestement trop nombreux à avoir la même idée. La queue nous décourage. Ce ne sera pas la dernière fois durant ce festival.

Déambulant dans la rue, à la recherche d’une salle de concert sans une queue immense devant l’entrée, nous nous retrouvons devant le Théâtre de Dix Heures. Agréable surprise quand nous pénétrons dans la salle, on arrive au milieu du set de Joseph Schiamo Di Lombo. Changement d’ambiance, on passe à de "l’ambiant". Parfait avant d’aller se coucher, sans vouloir vexer Joseph, qui sait admirablement nous emmener dans une transhumance urbaine. Alors que l’esprit nous semblait plutôt sérieux, ça dérape un peu quand il entame une version très personnelle au clavier de la Marseillaise. Nous quittons les lieux vers 23h30 le sourire aux lèvres, c’était plutôt bien pour un mercredi soir parisien !

Jour 2. Jeudi 14 octobre, 21h, la journée de toutes les galères

C’est un faux départ. On voulait voir la rappeuse KT Gorique à la Boule Noire mais la queue nous décourage et la jauge semble déjà atteinte. On file à la Machine du Moulin Rouge pour le concert grunge de Gragäntua mais on se rend compte à l’entrée qu’il faut un nouveau bracelet pour le pass sanitaire, celui d'hier n'étant plus valable, et pour le récupérer il faut aller… en face de la Cigale à l'autre bout du boulevard... La particularité du MaMa, c’est que c’est un festival qui se déroule en semaine, qui commence tôt et qui se termine un peu tard. Sans parler du fait que le jeudi concentre beaucoup d’artistes qui commencent à se faire connaître et que c’est LE jour sold out. Après plusieurs déconvenues nous nous retrouvons à la Cigale pour le concert de Crystal Murray (photo), la chanteuse française arrive sur scène avec un ensemble en cuir rouge flamboyant assorti à la couleur de ses cheveux. Sa voix et ses musiciens ne nous font pas regretter d’avoir eu quelques galères, mais dès les notes finales, nous nous éclipsons pour ne pas risquer de rater d’autres concerts pour des histoires de jauges. Malheureusement, encore une fois, nous restons sur le carreau en face de la Boule Noire, sans pouvoir découvrir le concert de Mr Giscard

22h, des musiciens dans le vaisseau spatial

On arrive un peu plus tôt à la Machine du Moulin Rouge pour le Souleance Live Band et sa tripotée de musiciens, dont un DJ qui excelle dans la discipline du scratch (ça faisait longtemps !). L’expérience de ce soir, un savant mélange de mixes de bossa, de funk et de soul avec de la musique live au poil : un batteur survolté, une basse et un formidable claviériste. Le public est au rendez-vous. La musique est variée et particulièrement adaptée à l'énergie de la fosse de la Machine : ça danse et ça applaudit à tout rompre à chaque fin de morceau. La foule en redemande, mais les concerts sont limités à 45 minutes. Nous ravalons notre frustration et nous envolons à toute vitesse pour chercher ailleurs un lieu qui voudrait bien de nous en ce jeudi de festival bondé.

22h45, le bain de foule d’Annael

Nous n’avons pas à aller bien loin pour trouver notre bonheur. Au Backstage By the Mill, Annael (photo) a commencé son concert depuis 20 minutes. Nous ne savons pas ce que nous allons voir et quelle surprise quand nous entrons dans la salle. Nous entendons la voix du chanteur, la production house soignée, la foule en effervescence, mais personne en vue sur la scène. Nous descendons dans la fosse pour nous trouver nez à nez avec lui en train de faire la tournée du public. Il va jusqu’au bar puis fend à nouveau la foule pour revenir sur scène. Ce moment paraît incroyable, lui et son costume tout droit sorti des années 70 avec pattes d’eph' et col pelle à tarte, et ses pas de danse qui font penser aux jeux de jambes de "Djédjé l’épervier", le chanteur-danseur ivoirien à l’origine du ziglibithy, l’ancêtre du coupé décalé. Ses paroles sont très personnelles, il parle de lui, de sa famille, du temps qui passe. Son énergie est contagieuse et bien qu'il finisse en sueur, il reste toujours aussi classe. Nous terminons notre soirée à la Machine, dernier concert de la soirée et une foule compacte pour assister au final avec Structures, un groupe amiénois de post-punk qui donne tout en termes de décibels. L’ambiance est à la communion des âmes perdues. Nous ne sommes pas convaincues, il y a beaucoup de monde, beaucoup de bruit et il n’y a pas de réelle progression. Nous quittons la salle avant d’avoir la sensation de nous faire écraser par le monde et le son. Il est tard mais Pigalle est encore très animée. 

Le bilan

Côté concert

La force de caractère et la présence scénique
Davinhor, la rappeuse de toutes les galères de couple

Le trouple de rêve
PPJ, pour une musique pop électro travaillée et lumineuse

Des musiciens, des vrais
Souleance et le renouveau de la funk

Le jeune premier, autre héritier de Brel
Annael, échappé tout droit des années 70

Côté festival

On a aimé :

- Le retour des concerts dans les plus belles salles du quartier
- L’atmosphère décontractée, et le côté intimiste de ce festival d’initiés
- L’organisation au poil et l’accueil chaleureux dans toutes les salles

On a moins aimé :

- Le côté “entre-soi” professionnel et un peu trop business. Le festival ne cherche pas à développer l’offre festivalière mais c’est un choix
Le manque d’offres pour manger et aussi se “poser”. 
- Les jauges limitées dans les salles qui nous font louper de nombreux concerts. 

Infos pratiques

Prix boissons : Des prix élevés dans les clubs (comptez 10 euros et plus pour un cocktail ou une bière)

Transports : Métro ligne 2, arrêts Anvers ou Pigalle

Conclusion

Le monde du travail nous ayant happé le vendredi, nous n'avons pas pu clôturer le troisième jour de festival, mais on a vécu intensément les deux premiers car la force du MaMa réside dans les lieux qui créent des ambiances et mettent en valeur les artistes. Des lieux plus intimistes comme le théâtre de Dix Heures ou les Trois Baudets, des salles de concert plus classiques comme la Cigale ou des lieux de clubbing iconiques comme la Machine.
Nous gardons du MaMa l'image d'un festival abouti en termes d'organisation et de programmation musicale fraîche et inattendue. Mais, il faut bien quelques bémols, nous continuons à déplorer l'axe un peu trop "corporate" qui ne montre pas une image très ouverte sur le quartier d'une part, et en direction des curieux et mélomanes d'autre part. Pour le dire autrement, le festival ne s’adresse pas à nous réellement, et l'offre d'activités reste limitée à l'accueil des pros qui se retrouvent surtout pour le boulot. Sans rancune, les artistes nous ravissent et si l'on devait ne retenir qu'un mot ce serait "rafraîchissant".

Récit :  Fanny Salmon
Photographie : Anaïs Mastrorelli