On était à
Mama Festival & Convention, le festival-barathon parisien

Embarquement immédiat pour le centre de Paris au Mama Festival, un festival on ne peut plus urbain au travers duquel Paris devient un énorme terrain de jeux festifs. C'est donc dans le quartier de Blanche-Pigalle que nous avons vogué pendant 3 jours entre bars, salles de concert, conférences, lieux insolites et boites de nuit. Débrief de cette aventure touristique musicale. 

Jour 1. Mercredi 18 octobre. 19h57, la lumière dans la pénombre d'une salle parisienne

Premier arrêt de notre aventure parisienne, le Bus Palladium. Bien qu'étant un lieu emblématique de la nuit parisienne, la salle laisse toujours autant à désirer pour les concerts : de grands pilliers gâchent la vue de la scène et on s'entasse considérablement sous le plafond bas. Tant pis, on fera avec, mais sans consos l'accès au bar étant un parcours de coups de coudes d'une ligue supérieure à la nôtre. C'est donc parti pour la découverte de Clara Luciani (photo), la "petite lumière" de la nouvelle pop française : une frange à la Françoise Hardy, la classe à la française, une voix androgyne envoûtante autant que surprenante et... un public statique et observateur. C'est nous ou il y a plus de photographes que de festivaliers là-dedans ?

La prochaine étape se trouve à une centaine de mètres de là, au sein du club Folies Pigalle, qu'on n'aura jamais vu aussi vide et calme. La scène qui trône au milieu de la salle au rez-de-chaussée semble prendre la poussière dans la pénombre et les quelques égarés de service sont tous avachis sur les banquettes de part et d'autre de la fosse, pianotant sur leurs téléphones. On ne voudrait sutout pas déranger... Quelques âmes se lèvent, tout de même (!), à l'arrivée du groupe Mon Frère et Moi (photo de couverture), deux frères chanteurs et compositeurs, en l'apparence doppelgängers mais en fait franchement différents quand l'oeil s'habitue aux ténèbres de la scène. A deux ils prodiguent une musique terriblement apaisante et qui fait du bien. On se détend tellement qu'on aurait pu se croire sur une plage exotique en train de se faire masser par... Oula, on déraille là.  

20h35, il en faut peu pour faire de la musique engagée

On décolle des Folies un chouia avant la fin du live espérant être en avance pour le concert d'Eddy de Pretto au Backstage By The Mill. Malheureusement tout le monde a vraisemblablement eu la meme idée que nous. La queue à l'entrée se déplie jusqu'à l'entrée du Moulin Rouge et plus loin encore et on se demande bien si la petite salle réussira à accueillir tout ce petit monde. Le chanteur découvert par la France entière lors de son passage sur le plateau de l'émission Le Quotidien quelques jours avant suscite apparemment la curiosité. Le coup de foudre a donc été unanime et ne sera que confirmé lors d'une prestation on ne peut plus modeste en termes de matériel : un batteur et un smartphone, voilà la panoplie complète de ce soir. Quelques problèmes techniques ne réussiront pas à gâcher le plaisir de découvrir le chanteur à la voix transpercante, aux yeux presque intimidants et qui manie des paroles dans lesquelles on se retrouve si bien. A la fin du concert on se faufile vers la sortie qui s'avère être en fait l'avant du pub O'Sullivans où on retrouve une morose brigade de riverains qui... regardent du foot sur des écrans aux murs. Autant dire que ça fait redescendre l'ambiance en deux temps trois mouvements. 

22h20, Guts invite sa famille

A La Cigale, le label français Heavenly Sweetness fête ses 10 ans. Après Anthony Joseph et Sly Johnson, c’est Guts en Live Band qui monte sur scène pour conclure en beauté cette soirée. La salle est loin d’être pleine, le balcon n’est pas ouvert, mais une fois le beatmaker sur scène, la fosse devient compacte. Et pour cause, sur les derniers morceaux Guts est rejoint dans le désordre par Beat Assaillant, quelques membres du Saïan Supa Crew dont Féfé et Sly Johnson, et Patrice. Des invités surprises de grande classe, malgré un set réduit de plus de quinze minutes dû au retard accumulé tout au long de la soirée. Le feat final avec Patrice sur Want it Back restera dans nos têtes toute la soirée.

De retour au O'Sullivans après cinq minutes de marche dans la douceur de l'été indien, on découvre Theo Lawrence & The Hearts, les Black Keys chez qui on aurait remplacé le coef rock par du blues. On est projeté dans un film de Tarantino, au beau milieu de la route 66 dans un vieux bar crasseux avec des beaux gosses sur scène. Malheureusement, le public est toujours plus branché sur la discussion que l'écoute et on a du mal a se laisser emporter par la musique parasitée par les bavardages. On mettra ça sur le jour de semaine... 

Jour 2. Jeudi 19 octobre. 19h33, décollage vers la bonne humeur

La soirée commence pour nous dans la magnifique salle du Carmen à deux pas du Moulin Rouge dans le quartier très branché de Blanche. On y découvrira un groupe qui nous a clairement mis la puce à l'oreille de par son nom aux 1001 potentielles blagues, M.A BEAT!. Trois garçons un peu gauches, un peu geeks sur les bords, visiblement très humbles et qui kiffent leur délire musical électro acoustique entre potes. Le contraste est enorme entre la pompeuse décoration et leurs dégaines du dimanche mais l'algorithme fonctionne d'autant mieux et le public bien qu'épars est bienveillant face à leur courte prestation. 

On poursuit la soirée avec le show du turfu du duo ALB (photo) à La Cigale. Un spectacle visuel, interactif et haut en couleurs et en lumières concocté par Raphaël Jeanne, le batteur : karaoké géant sur Golden Chains (Wo-ho-ho), emojis coeurs et emojis cacas s'envolent sur l'écran fait de leds et un social wall avec nos selfies hashtagués #altlive est initié - mais capote en raison de manque de réseau dans la salle. Les mecs nous font rire, sourire, craquer, chanter... Le Mama bouge enfin et ALB lui fait du bien.

21h13, on va enfin pouvoir se déchaîner

Ce qui est  pratique, c'est que le prochain concert sur notre liste commence la porte juste à coté de La Cigale, dans le sous-sol de la Boule Noire. Pas long à faire donc pour se déhancher devant le rock industriel bien grinçant et bien sexy des belges du groupe Millionaire (photo). Le chanteur, Tim Vanhamel, n'attendra pas plus de 10 minutes avant de se jeter dans la (toute petite) fosse, se rouler par terre et sortir ses meilleurs pas de transe sur le dancefloor. Le show est explosif et on se prend tantôt des mèches de cheveux de notre voisine en pleine session cardio, tantôt le coude d'un curieux attiré par l'agréable boucan. Quota transpi intense au Mama, check !

Pour calmer les ardeurs, on tente un retour au Carmen pour une session méditation-lévitation musicale avec le londonien Chelou mais la toute petite salle est déjà duement prise d'assaut à notre arrivée et on n'y voit strictement rien. Tant pis, ce sera bière en terrasse dans le bar à coté à la place. Pauvre de nous... 

Il y a des queues considérables devant chaque salle ce soir. Jeudi soir, soirées étudiantes obligent, les changements de lieux sont moins fluides et on perd de plus en plus de temps essayant de nous frôler un chemin pour accéder aux concerts. 

23h45, la Meute fait le plein

Du côté de La Machine du Moulin Rouge c’est l’explosion. La fanfare Meute reprend les plus grand tubes électro, de Laurent Garnier à Flume en passant par N’To. Les cuivres résonnent dans la Machine et c’est sur la pointe des pieds qu’on essaie d’apercevoir le groupe dans une salle ultra blindée. Après quelques minutes de bousculade on se tourne vers la Chaufferie, au sous-sol ou se produit le lyonnais Seth XVI. Seul avec ses machines, sa guitare et sa voix, il nous propose un set électro planant plutôt bien foutu devant une centaine de personnes. Un final en toute tranquillité, loin du chahut du dessus ! 

Jour 3. Vendredi 20 octobre. 10h20, le Trianon en pleine innovation

© Gwendal Le Flem

Le Mama, c’est avant-tout le rendez-vous des professionnels de la culture. Et qui dit pros, dit entreprises prestataires présentes pour promouvoir leurs atouts et pitcher les dernières nouveautés qu’ils ont développé. Au coeur du Trianon, on y trouve d’ailleurs pendant 3 jours l’Innovation Corner à l’initiative de l’Irma, le centre de ressources sur les musiques actuelles. Pendant le festival, on y aura croisé des prestataires Cashless, Weezevent et Yuflow placés ironiquement l’un en face de l’autre, des prestataires applications mobiles, de solutions innovantes de logiciels de gestion ou des outils d’immersion vidéo. 
Du côté de l’Elysée Montmartre les conférences s'enchaînent : les fondateurs de Weezevent détaillent leur baromètre de la consommation en festival avant que le fédération De Concert propose une rencontre sur la mixité des publics en festival.

14h35, Derniers échanges à l’Elysée

© Thomas Saminada

Entre deux conférences dans le Foyer du Trianon, dans les “Room” du centre Barbara ou sur la scène de l’Elysée Montmartre, les 5600 professionnels accrédités profitent de la “meeting areas” installée dans la grande salle de l’Elysée pour échanger, se rencontrer et se donner rendez-vous. Ca discute programmation 2018 entre festivals et bookers, prestation billetterie, partenariat média ou financement. La force du Mama est de réunir des professionnels de toute la France et de tous horizons, ce qui facilite les rencontres et les échanges pendant ces trois jours. De notre côté, après quelques échanges avec des organisateurs croisés cet été, on quitte le Mama pour cette année. 

Le bilan

Côté concerts

- Le show épileptico-super-sympathique : Alb, les mecs qui pourraient être nos témoins de mariage
- Le mec open bar sur les invits : Guts, il a fêté dignement les 10 ans de son label
- Le gars connecté qui nous met la larme à l'oeil : Eddy de Pretto, une sacrée affaire à suivre

Côté festival

On a aimé 

- Voguer de salle en salle et découvrir les spots de la nuit parisienne, un vrai privilège !
- Un programme plein de découvertes, de confirmations et de surprises qui a prévu des amuse-gueule pour tous les goûts
- Un festival convivial, qui a la rencontre facile

On a moins aimé

- Une app pas toujours performante : aucun fonctionnement hors ligne par exemple 
Le manque d’unité des lieux, trop de différences d’une salle à l’autre, on n'a pas la sensation d’être dans un festival
- Le public très pro et donc plutot pas ambiancé musique mais davantage branché commérage autour des bars
- Les prix des bars parisiens et autres salles de concerts, adieu PEL...

Conclusion 

Si le Mama Festival ne surprend pas par sa mise en scène et ses dispositifs scéniques, il sait parfaitement bien dénicher les talents montants et prévoir les nouvelles tendances musicales. On se sera sentis touristes à Paris pendant trois soirs et franchement... Ce n'est pas déplaisant !

Récit : Quentin Thomé & Anja Dimitrijevic
Photos : Anja Dimitrijevic