On était à
Magnifique Society, une deuxième édition pétillante

Au-delà du Champagne et de sa célèbre Cathédrale, Reims possède depuis quelques années une scène musicale foisonnante dont la Magnifique Society est le nouvel étendard. Après une première édition prometteuse, le festival rempile avec un line-up alléchant faisant la part belle aux tendances et aux artistes locaux et internationaux. Retour sur nos trois jours verdoyants et ensoleillés dans la cité des sacres.

Jour 1. 18h32, détente au Parc de Champagne

Nous débarquons au Parc de Champagne sous un soleil radieux. A cette heure-ci c’est plutôt fluide il n y a aucun problème pour rentrer sur le site. Arrivé à la sécurité, un de nos camarades doit toutefois se séparer, à contre-coeur, de sa bouteille d’eau. Les adieux sont déchirants, nous faisons donc le plein de rubis, la monnaie du festival (1 euro = 1 rubis), et nous nous dirigeons vers un bar pour prendre une bonne pinte de bière. Il faut bien se consoler comme on peut et même si cette Mort Subite Blonde n’est pas très fraîche ça suffit à étancher notre soif. Il n' y a plus qu’à se poser dans l’herbe pour Cigarettes After Sex (photo). C’est loin d’être mauvais mais il vaut mieux ne pas être trop dépressif pour écouter ça, d’autant plus que le son de la Grande Scène laisse un peu à désirer, mais honnêtement, au vu du cadre bucolique qu’offrent le parc et le beau temps, on se dit que l’on a connu pire comme moment.

20h04, à la recherche d’un petit grain de folie

La suite est une déception. Kelala, qui se produit sur la Scène Central Parc et dont on attend beaucoup, ne nous emballe pas. La chanteuse de R’n’B affublée d’une robe blanche est accompagnée d’un simple DJ et propose un show trop minimaliste pour nous convaincre. Nous sommes en revanche beaucoup plus intrigués par la population présente sur le site : beaucoup trop sage et propre sur elle à notre goût. De mémoire, on avait encore jamais vu de mecs en costard et de filles en talons-aiguilles sur un festival. Bien sûr on aperçoit quelques déguisements par-ci par-là (photo) mais là encore l’excentricité semble être contenue. Heureusement nous arrivons pour le final bien barré des rockeurs californiens de Starcrawler sur la scène Club. Cela nous permet de voir la chanteuse du groupe, le visage maculé de sang, courir dans le public pour « embrasser » ses proies, le guitariste sauter dans la foule et d’avoir enfin la dose de trash qui nous manquait.

21h53, Charlotte for ever

Moins crade mais tout aussi bon, on apprécie la performance de Charlotte Gainsbourg sur la scène centrale (photo). L’électro mélancolique et la mise en scène lumineuse, tout comme la chanteuse que l’on connaissait surtout en tant qu’actrice, nous séduisent et font de ce concert notre premier coup de coeur du week-end. La nuit commence à tomber, on observe l’habillage et le site étonnamment assez peu éclairé puis nous partons quelques minutes avant la fin, accompagnés des notes de Lemon Incest, pour se prendre une petite binouze avant le prochain concert en pensant naïvement éviter la foule. Quelle erreur ! Tout est blindé partout ! Il y a de longues files d’attente devant chaque stand, certaines personnes ont attendu jusqu’à 1h30 avant de se faire servir. Tout comme l’année dernière, l’offre semble trop limitée pour satisfaire tout le monde. On abandonne donc l’idée de remplir nos gosiers et on se dirige, un peu contrariés, vers la Grande Scène pour Orelsan.

23h02, nostalgique Society

Nous voici devant la grosse tête d’affiche de ce vendredi, les festivaliers ne s’y sont pas trompés et sont venus en masse pour applaudir le rappeur caennais. Au vu du concert on va faire une analyse simple, où on va utiliser des mots simples : Orelsan est trop bon. Simple. Basique. Rien à ajouter. Ceci-dit la fête est loin d’être finie puisque deux groupes viennent clôturer cette première soirée. A commencer par la chorale House Gospel Choir (photo) sur la scène centrale. Une vingtaine de personnes qui reprennent des tubes house des années 90 façon Gospel, faut avouer qu’on ne voit pas ça tous les jours. On ne boude donc pas notre plaisir en se trémoussant sur ces musiques qui ont bercé notre enfance voire notre adolescence pour les plus vieux d’entre-nous. En même temps sur la Scène Club se produit le DJ allemand Motor City Drum Ensemble, qui, comme son nom de l’indique pas, mixe tout seul sur scène. Lui aussi est fortement influencé par la house des années 80-90,haaaa nostalgie quand tu nous tiens.

Jour 2. 17h01, La Petite Society victime de son succès

Comme la veille nous prenons la navette gratuite mise en place pour la Magnifique Society et, de la gare de Reims, nous rejoignons le site en quelques minutes sans encombres. Nous arrivons assez tôt pour profiter pleinement du Parc de Champagne. Direction donc la grande tente de La Petite Society (photo) pour découvrir les ateliers proposés : conception de couronnes de fleurs, réalisation de broches en bois, customisation de vêtements, tattoos express et animations numériques proposées par le centre culturel Saint-Exupéry de Reims...il y a quand même de quoi faire entre deux concerts mais les ateliers sont d’ores et déjà pratiquement tous complets. Pas grave on va privilégier une autre activité que l’on adore : l’apéro ! L’ambiance semble moins guindée qu’hier, on aperçoit plus de monde, plus de jeunes, plus de déguisements et aussi, coupe du monde oblige, quelques maillots de l’équipe de France.

18h30, tricks et tracks réussis pour Lomepal

Nous ne sommes peut-être pas allés écouter le rap de Sopico en tout début d’après-midi mais hors de question de manquer Lomepal sur la Grande Scène (photo). Le rappeur parisien, qui a déjà quelques années de rap et de skate dans les pattes, nous prouve qu’il maîtrise l’art du live à la perfection, il saute, hurle à s’en casser la voix et interagit avec le public, ce qui, d’après les cris qu’on entend, n’est pas pour déplaire aux demoiselles présentes dans la foule. On aperçoit par ailleurs les premiers slams du festival. A la fin du concert, nous croisons sur notre chemin le groupe japonais Wednesday Campanella qui vient de terminer son concert sur la Scène Club, se promenant avec trois gigantesques boules plastiques traversant tout le parc...On n'a pas vu ce que ça donne sur scène mais ça a l’air complètement What The Fuck ! Ce qui est confirmé par des amis ayant assisté au show. Notre estomac gronde, c’est l’heure d’aller squatter les stands de restauration, mais une nouvelle fois la longue file d’attente nous décourage et repousse à plus tard notre encas.

20h30, gastronomique Society

Le super concert des rockeurs suédois de The Hives et la performance de son leader Howlin' Pelle Almqvist nous aident à faire passer la pilule mais la faim reste toujours présente. On retente notre chance, et cette fois-ci c’est la bonne. Pour 8 rubis nous voici en possession d’un burger, copieux et surtout très bon. C’est l’oeuvre du food truck rémois The Mother Road, qui gère également un stand de poutines, spécialité québécoise que l’on a déjà dégustée la veille et même lors de la précédente édition du Cabaret Vert. Sur le festival on trouve également de la cuisine asiatique, des pâtes, des crêpes, des hot-dogs, des sandwichs américains, des spécialités végans ou des glaces artisanales (photo). Côté boissons on a, hormis l’inévitable champagne, un bon choix de bières notamment nos deux favorites : la Lagunitas IPA et la Niwa, bière aux arômes de thé japonais brassée spécialement pour la Magnifique Society. On adhère, même si d’une manière générale on pense que plus de stands et plus de diversité seraient les bienvenues.

21h41 un peu de rab ?

Le ventre bien rempli voici que le dessert arrive avec Petit Biscuit sur la Scène Central Parc. Le jeune artiste ne propose pas de gros bangers mais plutôt des morceaux transe assez doux et planants, le tout sublimé par une belle visu projetée sur l'écran derrière lui. C’est beau bien qu’assez convenu, ce qui n’est pas le cas de Faka. Quand on voit ces deux drag-queens sud-africaines (photo) débouler sur la Scène Club on se doute bien que l’on va assister à un des spectacles les plus improbables du festival. Electro/Dancehall psychédélique sur laquelle le duo chante et hurle, ça nous fait d’ailleurs penser à la fille dans The Grudge (les cinéphiles comprendront) ce qui est sûr, c’est que ce soit nous ou le peu de personnes présentes à ce concert, ça ne laisse pas indifférent. Une trentaine de minutes plus tard on s’en va voir Jain sur la Grande Scène qui vient jouer quelques nouveautés avec une énergie folle et communicative qui fait jumper le public nombreux à l’applaudir. Rendez-vous ensuite avec Vladimir Cauchemar pour terminer la soirée, qui nous prouve au passage que mixer des sons de flûte avec de l'électro ou du rap ce n’est pas une aberration .Et c’est vrai qu’à la fin on en reprendrait bien une petite séance.

Jour 3. 16h46, escale au pays du soleil levant

Troisième et dernier jour au Parc de Champagne, dernière occasion d’aller sous le chapiteau du Tokyo Space Odd, l’espace dédié à la culture japonaise. Avec des concerts, des expos, un bar et surtout des bornes d’arcade (photo). Il y a une vingtaine de jeux qui nous tendent les bras et c’est avec plaisir que l’on joue et rejoue à Mario, Pacman, Ninjas Assault, Virtua Fighter, Mario Kart et d’autres jeux plus originaux comme ce genre de Tetris où l’on dirige les briques avec une énorme boule ou encore ce jeu de Safari très fun dont on n'a toujours pas compris la façon de jouer. En tous cas c’est un lieu qui détonne par rapport au reste du festival, c’est une vraie carte postale du Japon. On regrette d’ailleurs que la décoration et l'ambiance ne soient pas retranscrites à l’extérieur du chapiteau, là le dépaysement aurait été total. De retour à la réalité on découvre qu’un nouveau bar a été mis en place afin de mieux gérer les files d’attente. Mieux vaut tard que jamais.

17h31, une cure de mélancolie avec Eddy de Pretto

Ce Dimanche, le public semble plus familial et moins foufou qu’hier, ce qui semble assez logique au vu de la programmation du festival très orientée vers la chanson francophone. On débute nos concerts par Angèle, la petite soeur de Roméo Elvis qui, malgré un petit souci technique de quelques minutes qui nous empêche de profiter pleinement de ses sonorités rap/electro saura nous séduire avec la fameuse combinaison piano/voix. On vous le conseille pour vous tirer d’une mauvaise passe, ça marche à chaque fois. S’ensuit Eddy de Pretto (photo), LA révélation de la chanson française pour beaucoup de médias, ce qui explique le grand nombre de personnes devant la Scène Central Parc. On trouve ça plutôt pas mal, les textes sont bien écrits, beaux, mélancoliques et crus, le show bien rodé mais on pense que le Kid peut encore s’améliorer sur scène, notamment en termes d'interaction avec le public. Dans tous les cas le contrat est rempli, le public semble conquis.

19h33, Jane au secours !

Place à du local sur la Grande Scène : Barcella, qui est un habitué de ce genre d’événements, a même créé le Charabia Festival en collaboration avec la Cartonnerie (la Scène de Musiques Actuelles Reims, également co-organisatrice de la Magnifique Society avec Césaré) un événement dédié à la chanson française et la poésie. Deux styles que le rémois affectionne particulièrement et qu’il mélange habilement avec une bonne humeur palpable, il parle, plaisante avec le public, on voit qu’il est content d’être là et ça, ça fait plaisir. Changement d’ambiance en revanche avec Jane Birkin Gainsbourg Symphonique S’il est plutôt classe de voir un orchestre symphonique s’installer sur la Scène Central Parc mais on ne sait pas si ce genre de concept à cet horaire et dans ce contexte soit des plus appropriés. De toutes manières, la fatigue se fait sentir et nous préférons nous poser dans l’herbe (photo) pour écouter tout ça au loin.

21h14, pour le final on sort les bicep !

Il est clair que notre flemme ne permet pas d’apprécier le spectacle de la chanteuse britannique à sa juste valeur mais ça nous permet de nous reposer et d’être en forme et de puiser nos dernières forces pour Bicep Live (photo) le duo nord-irlandais venu clôturer le festival sur la Scène Club. On aperçoit à cette occasion plusieurs bénévoles et artistes japonais programmés à la Tokyo Space Odd venus décompresser en dansant sur de la house. Une bien belle image pour conclure cette deuxième édition de la Magnifique Society. Tandis que la nuit tombe et que les arbres s’illuminent, d’ailleurs bien davantage que le vendredi soir, on se dirige vers la sortie, le coeur empreint de nostalgie mais le sourire aux lèvres en imaginant ceux qui ont préféré aller se déhancher sur les rythmes « endiablés » d’Etienne Daho jouant au même moment sur la Grande Scène.

Le Bilan

Côté concert 

La nouvelle paire du rap français
Orelsan et Lomepal, deux artistes talentueux dont on attend l’éventuelle collaboration

L'assurance
Charlotte Gainsbourg, lumineuse et attachante

Le showman
Le leader de The Hives, Howlin’ Pelle Almqvist, on ne peut pas dire qu’il ne mouille pas le maillot

L’ambianceur de fin de soirée
Vladimir Cauchemar, grâce à qui la flûte va redevenir tendance

L’OVNI
Faka, inclassables, on n'a pas de mots pour décrire ce qu’on a vu

La bulle de fraîcheur
Barcella, l’enfant du pays qui aime jouer avec la langue française

Côté festival

On a aimé :
- Le Parc de Champagne, un cadre bucolique et idéal, un peu excentré mais facilement accessible à pieds, en bus ou via les navettes gratuites (très ponctuelles en plus) mises en place tous les quarts d’heure par le festival
- La taille humaine du festival, pas de soucis majeurs pour se détendre, circuler ou pour voir les concerts c’est vraiment agréable
- La programmation musicale, variée et de qualité, tous les styles sont presque représentés, excepté le reggae, à noter pour l’année prochaine ?
- Le Tokyo Space Odd, l’espace dédié à la culture nipponne, franchement dépaysant
- La bière brassée spécialement pour la Magnifique Society, la Niwa, aux arômes de thé, faite par un brasseur local
- Une organisation qui a su être réactive face aux problèmes d’affluence du vendredi soir
- Les stands de restauration super bons mais...

On a moins aimé :
- ...un peu chers et pas assez nombreux de même qu’il n y avait pas assez de stands de boissons ou d’échange de monnaie ce qui explique souvent l’attente interminable
- Le peu de décoration et d’habillage des lieux alors qu’il y a un fort potentiel avec tous ces arbres
- Les toilettes : en 2018 on n'a plus le droit de proposer des toilettes chimiques ! Avec aussi seulement un point d’eau à l’entrée du festival pour se laver les mains ou se rafraîchir
- La programmation et le planning serré des horaires font que malheureusement beaucoup d’artistes (notamment ceux du Tokyo Space Odd) étaient programmés en même temps que les grosses têtes d’affiche, pourquoi ne pas commencer les concerts plus tôt et finir plus tard pour leur laisser une chance d’être vus ?
- Le manque de folie de certains festivaliers, on est à Reims mais tout de même parfois faut se lâcher

Infos pratiques

Prix des boissons
La pinte de bière à 7€50

Prix de la nourriture
Burger, américain, hot-dog ou poutine à 8 euros, entre 2 et 3 euros pour un cornet de frites

Prix du festival
Pass 3 jours : 84 euros, pas de camping donc compter l’hébergement en plus

Transport
1h45 de Paris, 2h de Metz et de Lille
Navette gratuite mise en place de la gare de Reims jusqu’au festival

Conclusion

Une programmation musicale éclectique et exigeante comme peut l’être le public rémois, un site champêtre à taille humaine sur lequel les 21 000 festivaliers ont aimé déambuler et chiller durant ces 3 jours, une organisation réactive...il ne faut vraiment pas grand chose pour que La Magnifique Society devienne un événement majeur dans le Grand Est dans les années à venir. Le potentiel est indéniable, il manque peut être une identité visuelle plus marquée et un grain de folie pour que ce festival devienne incontournable mais n’oublions pas qu’on en est seulement à la deuxième édition. Et pourquoi pas un camping ?

Récit de Thomas Josselin et Fremy Fanny
Photos de Thomas Josselin