On était à
Les Nuits Courtes, on trouvera le sommeil plus tard

Souvenirs, souvenirs... Alors que nous avions couvert la première édition du festival Les Nuits Courtes, récompensée par le prix du "Meilleur Nouveau Festival" aux Festivals Awards 2017, nous revoilà à Fontenay-le-Comte en Vendée pour cette troisième édition. Avec 8400 personnes accueillies sur les trois jours, les organisateurs et les politiques locales peuvent se féliciter d’un beau succès. C'est le dernier festival avec camping de l'année et ce sont environ 1400 campeurs qui ont été accueillis malgré la fraîche température.

Jour 1. 19h43, quel accueil !

À l’aventure compagnons ! Nous sommes partis vers Fontenay-le-Comte, les bras chargés de victuailles, le cœur empli de nostalgie de cette fameuse première édition et l’esprit enjaillé par un week-end festivalier à moins de 2 heures de route. Arrivés sur le camping/parking pour camions aménagés - toujours payant (5€ pour 3 nuits) - on passe sans aucune difficulté le premier barrage. On gare tranquillement nos véhicules sur un terrain de basket-ball, calés comme des pères de famille à un concert de Trust. On salue les voisins, on trinque et on discute musique par respect pour la coutume. Le temps de regarder nos montres et il est déjà l’heure de prendre la navette qui lie le camping au festival pour apprécier les premiers concerts. Devant l’entrée du site, des gens se font contrôler par une horde de gendarmes avec chiens renifleurs (welcome to Vendée), d’autres se gavent de crêpes car la nourriture est interdite sur le site et d'autres boivent des bières juste pour le plaisir (photo). On ne va pas se mentir l’ambiance est refroidie par les contrôles qu’ils soient de la gendarmerie ou par les agents de sécurité déguisés en CRS. Mais on ne se laisse pas abattre, c’est la fête !

21h37, another dub in paradise

Dedans, on découvre que le site a un peu changé mais on retrouve vite nos repères. La grande salle de spectacles René Cassin est ouverte dans toute sa largeur et laisse entrevoir un magnifique espace. On s’engouffre à l’intérieur pour profiter du concert de KO KO MO, groupe qui nous avait fait forte impression au festival MégaScène (photo). Leur power-rock nous met une petite claque dans la tête histoire de nous réveiller dès notre arrivée : on n’est pas déçu du déplacement ! Les deux Nantais ont déjà une belle aura dans la région, le public est motivé et on se laisse avoir par quelques pogos endiablés. Ne niaisons pas trop longtemps, à l’extérieur, sous un immense chapiteau blanc immaculé, commence Weeding Dub. Maître du dub depuis 20 ans, il nous distille tout son savoir-faire avec de bonnes basses, des riddims stepper à souhait et des sons cultes comme Gypsy dub ! Gros kiff, mais pas le temps de se reposer, on nous attend déjà dans la salle pour la suite du festival.

23h22, "c'est de la bonne zic, well dem"

La foule s’amassant devant la grande scène, on sait déjà que le public n’attend qu’une étincelle pour exploser. Le feu arrive avec Dub inc. et leur capacité à retourner une salle grâce à leur énergie débordante. Le set est calibré comme du papier à rouler. Ils enchaînent les tubes et les musiques du dernier album Millions. Ça jump, ça slame, ça chante et on observe tels de vieux enfants le bonheur du public. Comme à chaque fois, l’heure et demie passe bien trop vite. Avant d’enchaîner, on va se poser dehors et profiter de l’air frais vivifiant pour reprendre nos esprits, tout en dégustant une excellente bière IPA. On jette un œil aux queues des food-trucks et on décide rapidement de passer notre tour. Direction le chapiteau pour Hilight Tribe (photo) qui nous sert une dose de natural trance endiablée. C’est du vu et revu mais on sent une sincérité et un vrai plaisir de jouer sur scène, c’est agréable et le public en redemande jusqu’à la dernière note de Free Tibet. 

01h15, on ne pouvait pas rêver mieux

Quoi de mieux pour terminer la journée que du n’importe quoi distillé par M. Vladimir Cauchemar (photo) du label Ed Banger Records. On est venus en néophytes et on ne comprend pas tout. Pour commencer, on retire notre cerveau, on perd 10 ans, on essaye de suivre en bougeant la tête et on se met à apprécier de la flûte à bec. L’homme aux 36 M de vues sur YouTube via son featuring avec 6ix9ine propose un set digne d’un DJ d’Ibiza. Les bras en l’air au-dessus de ses platines, les jeunes ont l’air de l’aduler. Il nous manque certainement une pièce du puzzle pour tout comprendre, comme ce fut le cas par le passé avec Lorenzo. On finira par regarder la prestation de loin. C’est déjà la fin de la journée et à la vu du monde qui patiente pour la navette, on préfère faire un petit tour dans Fontenay-le-Comte avant de rejoindre à pied le camping sous 10° C. Il n’y a pas de température pour les braves !

Jour 2. 15h08, camper fin octobre, ça vous tente ?

Ô doux réveil au goût des céréales plongées dans la bière, au bruit des voisins qui écoutent un rappeur vocodé et au Cap’s qui te met déjà dans l’ambiance. Après avoir fait un tour aux douches accessibles dans des vestiaires d’une salle de sport, on se dirige d’un pas certain vers le camping (photo). Précisons que celui-ci est payant mais qu’on y entre comme dans un moulin (jamais compris cette expression), que le verre est interdit mais que tous les camps ont des bouteilles en verre, et enfin que les chariots ne sont pas autorisés mais qu’il faut bien emmener les couettes pour la nuit. Bref rien de nouveau depuis deux ans sur le camping, il mériterait amplement d’être gratuit. Pour l’après-midi, les animations se passent dans le centre-bourg avec des concerts off proposés par un bar à bière, La Chopine. On y croise deux groupes : DJ Kevin Beat, puis EZPZ qui joue sur une scène de semi-remorque devant un public épars. L’intention est louable, c’est dommage que peu de festivaliers aient fait le déplacement.

20h51, plutôt Miel de Montagne ou crêpe Suzane ?

Malgré une attente de 10 minutes, on ne voit pas la navette arriver et on fait le choix de se rendre sur le site des concerts à pied. Il faut compter une vingtaine de minutes pour le faire sobrement, ce n’est pas négligeable. On arrive pendant Miel de Montagne qui joue un set d’electro-pop calme et reposant. La musique idéale pour débuter une soirée, accoudés au bar à déguster une bière en se disant que la vie est belle (photo). S’ensuit Suzane sur la grande-scène que vous avez peut-être croisée avec L'Insatisfait. Elle nous chante des fontaines de contes sur un fond d’electro, à la manière d’un Stromae féminin en plus posé. Ça se marie bien dans la programmation, le choix est original et c’est plaisant de découvrir ce type de musique sur scène qui a une toute autre saveur qu’en CD. Il est l’heure de se prendre un petit casse-dalle.

22h34, Les Rita : c’était comme ça, la la la la...

Au vu des prix pratiqués par les food-trucks, du type 10€ le burrito, on se rabat finalement sur deux barquettes de frites maison chacun pour 3 € la barquette. Bien sûr tous les échanges se font sur place grâce aux jetons du festival, remboursables - alléluia, le Dieu des festivals existe donc. Pour accompagner ce fameux repas, on optera pour une Mélusine Korlène Ambrée Bio à 3€ le demi. On est repus pour affronter le reggae français de Broussaï sous le chapiteau. Les paroles portées par des voix contrastées paraissent assez simplistes mais ça n’empêche pas une partie du public de les reprendre en chœur. On n’est pas franchement convaincu par la qualité musicale. On se dirige donc vers la star du week-end : Catherine Ringer chante Les Rita Mitsouko (photo) ! Le groupe emmené par la voix inaltérable de la diva et les riffs électriques de son fils Raoul Chichin fait clinquer des titres mythiques qui ambiancent la France depuis 35 ans. Entre autres : Marcia Baïla, Andy, C'est comme ça, Le petit train... Vous avez compris. C’est entêtant et entraînant même si la grand-messe se transforme parfois en une impression de fête de famille avec des oncles qu’on ne connaît pas trop mais qui chantent très faux et très fort.

00h26, pas d’arnaque avec L’Entourloop

Si hier on avait pris des cheveux blancs auprès d’un public d’adolescents, aujourd’hui on se sent rajeunir avec un public familial - c’est pour ne pas dire vieux. En tout cas, tous les âges et tous les goûts musicaux se retrouvent sous le chapiteau pour L'Entourloop feat. N’Zeng & Troy Berkley (photo) ! Quel plaisir d’écouter leur reggae-dub teinté de hip-hop à la sauce sound system. Pour notre plaisir, allez réécouter Dreader than dread et posez-vous sagement avec un bon whisky dans votre canapé, c’est le début du bonheur (feat. Panda Dub). Pour terminer cette journée, Popof nous distille sa techno minimale qu’il avait initiée avec le collectif Heretik System il y a déjà 23 ans. Au milieu du public, on croise même les musiciens de Catherine Ringer qui sont venus profiter des bonnes vibes. Son set passe par diverses sonorités mais reste globalement calme. On aurait apprécié un peu plus de dynamisme en ce samedi soir. Pas grave, on a le changement d’heure à fêter dans une heure sur le camping. Rentrons vite !

Jour 3. 14h19, on a des atomes crochus avec leur musique

Bon, ce matin, on a un peu la gueule de bois. Alors qu’on s’amusait bien à fêter l’heure gratuite de cette nuit, la gendarmerie et un chien (encore eux) sont venus clore la fête au deuxième 2h30 en plein milieu du camping alors que deux enceintes mettaient du son festif et jovial. Incompréhensible... Le camping est à 20 minutes du site à pied, et en plus on ne doit pas faire de bruit. Heureusement les jeunes fêtards ont attendu qu’ils partent pour remettre le son plus fort à leur départ. De quoi refroidir une nuit déjà bien froide. Aujourd’hui les concerts de groupes locaux orientés rock commencent à 12h30 avec une volonté plus intimiste et un prix réduit, 12 €/journée. Pour ces concerts, seul le chapiteau est ouvert, la salle reste fermée. Arrivés sur place, on peut dire qu’on est en comité réduit. Devant la scène, c’est une petite centaine de personnes qui assiste au concert d’At Ho(m)me (photo), et quel concert ! Le groupe de post-rock purement instrumental nous lance un petit chassé dont on a du mal à se relever. Un concert prenant aux tripes et malgré l’horaire, on se prend au jeu et on vibre à l’unisson des enceintes.

19h50, "et on fait tourner les serviettes"

Le problème de n’avoir qu’une scène c’est que les changements de plateau sont longs, très longs... Entre 45 minutes et 1 heure. Et pour ternir le décor, la pluie vient faire son apparition. Sur scène, c’est au tour de Von Pariahs, originaire de Fontenay-le-Comte, de faire vibrer les toiles du chapiteau avec leur post-punk/cold-wave qui amène une fraîcheur lunaire et une ambiance d’un bar de Liverpool. Le public a du répondant, le groupe semble heureux de jouer à domicile. On se rend ensuite au bar central, lui aussi sous chapiteau, et l’alcool aidant, les gens se mettent à chanter une chanson de leur propre cru disponible sur le comptoir appelée "Les macarons à la bite..." (ce n’est pas une blague). Pendant les interludes, l’ambiance est ainsi composée de bière et de variétés françaises tirant du Louise Attaque en passant par Vegedream ou La Peña Baiona de l’Aviron Bayonnais... Ça chante à toute berzingue, la plupart donnent leur dernière force dans cet ultime combat contre la raison. Pour dire vrai, c’est marrant à observer et tout le monde s’amuse.

20h42, la découverte qui vous claque un tympan

Ce n’est pas tout mais la musique continue. Sur scène c’est Inüit dont les titres We the people et Dodo Mafutsi représentent bien ce qu’ils savent faire : de la pop-électronique et énergique. La jeune chanteuse est entourée de cinq musiciens et tente de faire bouger au maximum le public malheureusement refroidi par l’attente, la pluie et le froid. Allez, on jette nos dernières billes dans l’ultime groupe à se présenter : Lysistrata (photo) ! Alors là... On n’a pas les mots, on a pris littéralement une claque, on s’est fait bouger dans tous les sens. Dans une configuration de ring de boxe, les trois compères ont balancé des sons rock loud à la limite de la saturation et de la violence musicale. Le public est resté époustouflé, hagard, sonné par la performance. Certainement la révélation du week-end. Ils ont explosé toutes nos attentes et on ne pouvait rêver mieux pour terminer ce festival. Cette troisième édition se termine donc à merveille et on trépigne d’impatience de revenir l’année prochaine.

Le bilan

Côté concert :

À ne pas looper

L’Entourloop, un mix de sons dub hip-hop enchanteur et épuré

La claque avec revers

Lysistrata, comment se relever d’un tel uppercut auditif ?

Reggae music we love

Dub inc., engagés, énergiques, explosifs pour finalement rester indétrônables

Côté festival :

On a aimé :

- La qualité globale des installations, notamment de la salle René Cassin, et le réaménagement du site qui offrait un espace agréable et accueillant à l’extérieur
- La variété et l’éclectisme de la programmation pouvant plaire à un large public tout en permettant de faire des découvertes
- Le choix de nourritures et de boissons locales, notamment via l’accueil de producteurs locaux. Des huîtres en festival, il fallait oser
- Le week-end choisi, fin octobre pendant les vacances scolaires, venant clore la saison des festivals avec camping et offrant un dernier moment pour s’amuser
- Un son et des lumières de qualité sur les deux scènes, il n’y avait rien à redire en termes de technique
- En vrac : des bénévoles accueillants et souriants, des jetons remboursables, des navettes bien organisées, l’après-midi avec des concerts off, le jeu de piste à travers la ville pour gagner des lots...

On a moins aimé :

- L’annonce très tardive de la programmation, deux semaines et demi avant le début du festival
- La gestion du camping toujours aussi aléatoire et décevante. C’est dommage de le faire payant quand on peut entrer n’importe où, qu’il est à peine surveillé et qu’il n’y a pas d’animation
- La présence beaucoup trop visible de la gendarmerie. Au vu des retombées d’un tel évènement sur un territoire rural, il faudrait peut-être laisser les jeunes s’amuser le temps d’un week-end
- La proposition des food-trucks un peu chère et avec beaucoup d’attente. L’idéal serait d’ajouter un stand nourritures géré par le festival en plus des camions
- Le manque global de toilettes. Où sont passés les pissotières d’il y a deux ans ? Pour les hommes, il y avait 0 toilette à l’extérieur. Et pour les femmes, il fallait prendre son mal en patience
- Les vols regrettables de smartphones le vendredi soir, mais c’est malheureusement la rançon du succès et les organisateurs n’y sont pour rien

Infos pratiques :

Prix des boissons

Le demi entre 2,5 et 3,5 € ; le vin entre 2 et 4 € ; les softs à 2 € (+ 1 ou 2 € de consigne remboursable)

Prix de la nourriture

Uniquement des food-trucks. Ex. : barquette de frites maison à 3 €, petit burger à 4 €, assiette de charcuterie locale à 4,5 €, burrito ou tacos à 10 €...

Prix du festival

Pass 3 jours de 42 à 68 € en fonction du moment de l’achat ; le vendredi et le samedi de 25 à 35 € ; le dimanche à 12 €. Prix du camping : 5 € / 3 jours ou 2 € / nuit.

Transports

En voiture : à 30 minutes de Niort, 50 min. de La Rochelle ou La Roche-sur-Yon, 1h15 de Nantes ou Poitiers et 1h50 d’Angers. En train TER via un tarif spécial Les Nuits Courtes de 5€ par trajet dans tous les Pays de la Loire. En bus du réseau Cap Vendée

Conclusion :

Ravis de faire notre retour à Fontenay-le-Comte pour cette troisième édition et profiter de concerts aussi magique que Dub inc., mystique que Hilight Tribe et mythique que Les Rita Mitsouko. La programmation et le public étaient au rendez-vous pour couronner de succès cet évènement même si des points restent à améliorer, notamment le camping. C’est en tout cas encourageant de voir un territoire rural se bouger autant pendant une période creuse et offrir un festival qui sort de l’ordinaire. On se donne rendez-vous du 23 au 25 octobre 2020 pour la suite de l’aventure !