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Le Chien à Plumes, une bête de festival sous la chaleur haut-marnaise

C'est la 22ème année que le Chien déploie ses ailes dans le paysage des musiques actuelles du département haut-marnais. Nous avions hâte d’aller de nouveau dompter la bête à Villegusien, et ce malgré une programmation moins alléchante qu’à l’accoutumée et une chaleur suffocante à laquelle nous avons eu droit durant trois jours, et que l’on vous raconte en détails.

Jour 1. 17h36, la spirale infernale de l’apéro

Quand nous débarquons à Villegusien-le-Lac c’est déjà la fin d’après-midi, les concerts ont commencé. Pas d’inquiétude cependant nous sommes en terrain connu, nous savons que n’avons pas besoin de nous presser car tous les points stratégiques sont à proximité les uns des autres. Se garer, planter sa tente et se rendre sur le site en un minimum de temps devrait être un jeu d’enfant...c'est bien entendu sans compter sur les copains qui nous alpaguent pour prendre l’apéro alors que l’on vient à peine de sortir de notre bolide. Nous sommes pris dans ce qu’on appelle communément un “traquenard”, qui plus est, sous un soleil de plomb et sans avoir mis un pied sur le camping. Erreur de débutant qui a pour conséquence une arrivée un peu plus tardive que prévu sur le site sans regrets toutefois, car même si nous avons loupé les premiers concerts nous n’avons en revanche pas manqué notre entame de festival.

21h04, tous, tous, tous, tous réunis au gros zizi

Nous faisons le plein de nonoss, la monnaie locale (1 euro est égal à 1 nonoss et non 1,25 comme les années précédentes) avant d’arpenter le site. A première vue, l’aménagement est semblable à ce que l’on a déjà connu même si on note quelques relookings notamment autour de la scène Lupin, la plus petite des trois scènes du Chien à Plumes proposant des spectacles autour de la danse hip-hop et une scène ouverte bien connue des festivaliers : le Ringo’Star. Pour le reste, les stands habituels sont là et le site, très aéré, permet à chacun de circuler sans se marcher dessus. Peu importe où l’on se trouve on arrive facilement à rejoindre les scène et à s’avancer pour voir les artistes de près. Difficile de se perdre donc, mais par précaution, on décide quand même de trouver un point de ralliement. Le gros zizi rose à côté du stand de prévention fait l’unanimité. Il faut dire qu’on le remarque d’assez loin. 

23h08, réveil difficile

La chaleur (et l’apéro) nous ayant bien mis K-O, c’est assis dans l’herbe que l’on écoute Alpha Blondy sur la grande scène Ernest. On a déjà vu ce grand monsieur du reggae quelques mois auparavant au Watts A Bar, rien à redire de sa performance mais on a besoin d’un truc un peu énergique sur le moment. On se réveille un peu avec Moon Hooch sur la scène Ponpon. Le trio composé de deux saxophonistes et d’un batteur (photo) parvient à faire danser le public sans problèmes avec son savoureux mélange de jazz, de funk et d’électro même s'il manque un tout petit quelque chose nous faire rentrer complètement dans la soirée. Même constat pour le duo électro-pop de Synapson qui enchaîne sur la scène Ernest avec une superbe scénographie et des sons plutôt ambiançant. Ca ne nous convainc qu’à moitié mais on ne peut leur reprocher de faire le taff comme il faut.

02h05, un after au poil

Nous faisons un petit détour au bar pour prendre une bière et ainsi voir que le service de certains serveurs bénévoles est parfois limite, rien de grave ceci-dit et on se dit que c’est sûrement dû à la fatigue et à la consommation excessive de limonade. Pour conclure cette soirée un peu trop mollassonne on file écouter le son dancehall des germano-coréens de Symbiz mais pas convaincus, ce sera retour au camping pour (enfin) faire la fête comme il se doit. Direction le grand chapiteau appelé aussi Chienpito, où les festivaliers les plus fêtards peuvent se déhancher sur les sons d’un DJ qui officie jusque tard dans la nuit.

Jour 2. 9h33, s’aimer sur les bords du lac

Comme prévu le soleil tape très fort et beaucoup trop tôt sur nos caboches. Nous sortons de la tente en sueur, complètement trempé ou “gaugé” comme on dit en terres haut-marnaises, avec une seule envie : se rafraîchir. Pour le coup s’installer juste à côté des douches extérieures est sûrement une des meilleures idées que l’on ait eue depuis des lustres, avec celle d’aller se baquer dans le lac à 10 minutes à pieds d’ici. Après quelques minutes d’auto-congratulation nous voici prêts à nous aimer sur les bords du lac, amoureux de l’ombre des cimes. On comprend mieux pourquoi le camping semblait si vide ce matin, les trois-quarts des festivaliers sont ici. Que ce soit pour se baigner, manger un bout au resto de la plage ou faire une partie de Mölkky c’est le spot idéal, y compris pour glander à l’ombre et faire la sieste...la vie de festivalier est parfois tellement dure.

17h24, assoiffés !

On arrive sur le site du Chien à Plumes pile-poil pour le concert de Jahneration sur la scène Ernest. Si on adhère au style du duo, qui dépoussière un peu le reggae traditionnel, on trouve en revanche qu'il est programmé bien trop tôt. Beaucoup de personnes sont restées au camping ou au lac, il faut dire que ça cogne toujours autant et qu’il y a peu d’ombre sur le site du festival en revanche pour se désaltérer il y a le bar à Mines. Ici pas mal de bières locales à déguster comme la Der Blonde, la Der Blanche ou la Choue Triple que l’on connait bien et d’autres que l’on découvre comme La Louisette, la Derzognier, la Darou des vosges, l’Opercule triple au miel ou la Margoulette Cassis. Une bonne bière fraîche et du coin voilà la réelle définition du bonheur selon nous. A noter qu’il y a également un bar à vins, entièrement relooké cette année, pour les blasés du houblon.

19h07, Camille & The Inspector Cluzo : comme chat et chien (à plumes)

Quelques douceurs plus tard, voici Camille qui déboule sur la grande scène. On a peur que ça soit à la fois trop codifié “chanson française”, avec tout l’ennui qui peut en découler, et à la fois trop perché. Au bout du compte c’est plutôt une bonne surprise, c’est surprenant, amusant et interactif, l’artiste invitant plusieurs festivalières à danser avec elle. Nous quittons la chanteuse un peu avant la fin et nous filons devant l’autre scène où s’apprête à jouer The Inspector Cluzo. Connaissant la grande qualité des prestations live des rock farmers gascons nous pensons qu’ils avaient plus leur place sur la scène Ernest, bref on ne va pas chipoter, le spectacle est là. Le duo est fidèle à lui-même, militant, franc du collier et provocateur. Camille qui jouait juste avant en prend pour son grade et les vannes sur les DJ et l’auto-tune sont légions, bon c’est prévisible et gratuit mais ça reste très efficace sur nous et le public haut-marnais, par ailleurs complètement déchaîné au son du gros rock brut du groupe.

00h12, des betteraves rouges pour finir

Si Soja n'est pas tout à fait à notre goût, nous sommes en revanche à bloc pour l’avant-dernier concert de ce samedi soir, celui de The Bloody Beetroots. En effet, on attend depuis le début du festival une bonne dose d’électro bourrine pour se lâcher comme jamais. Notre patience est récompensée : le groupe envoie du steak malgré quelques moments plus calmes et oniriques venant ponctuer un show très énergique et déjanté. On est ravi, d’autant que contrairement à beaucoup de groupes d’électro, celui-ci utilise de vrais instruments sur scène et ça c’est un plus indéniable. Il faut cependant admettre que l’ambiance n’est pas aussi folle que la prestation des italiens et qu’il n’y a pas foule pour un samedi soir.

Jour 3. 11h09, vamos a la playa ho ho ho

Aujourd’hui dimanche c’est pratiquement le même schéma que la veille qui se présente à nous : chaleur d’enfer, douche, petit-déjeuner et une envie irrésistible de se baigner. A notre arrivée sur la plage bondée, on peut apercevoir que le Ringo’Star s’est délocalisé de la scène Lupin. C’est l’occasion pour toutes les personnes présentes de participer à cette scène ouverte en chantant ou jouant avec les musiciens, une chanson de leur choix. Inutile de préciser que la qualité des interprétations est assez variable, mais vu que c’est fait dans un bon esprit ça compense un peu la perte d’ouïe.

16h46, quand t’es dans le désert…

Au risque de se répéter : on crève de chaud ! En se dirigeant vers le site, nous pouvons entendre un son provenant d’un didgeridoo, probablement celui du groupe Saodaj’, s’ajoute à ça la soif, un chemin de terre poussiéreux et un paysage ressemblant au désert australien. On croit apercevoir un dromadaire à un moment, à moins que ce ne soit un festivalier ou notre vision qui nous joue des tours. Notre traversée nous amène sur la plaine en face de la scène Ernest où Gauvain Sers se produit devant très peu de monde. C’est toujours le même problème, pas beaucoup de zones d’ombre, il y a bien des points d’eau et quelques brumisateurs présents sur le site mais ça reste étouffant. Nous évitons donc de rester statique en nous baladant sur les divers stands associatifs, notamment ceux de Amnesty International ou du Cedra le comité contre l’enfouissement des déchets radioactifs...

20h31, Frédéric, ça fromet !

Nos estomacs gargouillent, on fait l’impasse sur Feu! Chatterton et on continue la promenade en allant vers les food-trucks pratiquement tous situés vers la scène Ponpon. Peu de changements dans l’offre culinaire par rapport à notre dernière visite, si ce n’est un ou deux stands comme celui des Queues de castor avec sa poutine et ses pâtisseries québécoises ou encore ceux proposant des Kebabs libanais et des Tacos. En se délectant de notre chasse, assis près de la scène Ponpon, on regarde Frédéric Fromet (photo) faire les balances et échanger avec le public en blaguant. C’est prometteur ! Et quelques minutes plus tard, le chansonnier de France Inter à la silhouette mince et l’air un peu timide rentre en scène avec sa guitare et son T-shirt AC/DC. Ne surtout pas se fier à la première impression, l’artiste utilise des airs populaires pour chanter des textes dépeignant l’actualité avec un humour très caustique. Il n’y va pas avec le dos de la cuillère et franchement ça fait du bien ! Les rires sont au rendez-vous. Rejoint après par deux musiciens, il propose à notre sens, un des meilleurs concerts du festival.

00h11, beau final chez le Chien à Plumes

Une des têtes d’affiches cette édition 2018 était la marseillaise Keny Arkana, qu’on a déjà pu voir au festival Du Bout Du Monde il y a un an presque jour pour jour. Et une fois n’est pas coutume, nous ne sommes pas déçus. La rappeuse, fidèle à elle-même, livre un concert exceptionnel, fait bouger les têtes tout en faisant réfléchir. Elle invite d’ailleurs sur scène des personnes militant contre l’enfouissement des déchets nucléaires à Bure, situé non loin du festival. Quelques minutes sur scène pour prendre la parole, c’est peut-être un détail pour vous mais pour eux ça veut dire beaucoup. Après un bref passage sur la scène Ponpon pour voir Bad Fat, brass band hip-hop sympathique, voici déjà l’heure du feu d’artifice ! Une première dans l’histoire du festival haut-marnais. Mais alors qu’on devait partir juste après un petit café nous voici complètement happés par Igorrr, derniers artistes à jouer sur la scène Ernest. C’est étonnant pour nous de rester scotchés par ce groupe mélangeant metal, chant lyrique/traditionnels et électro. C’est bizarre, impossible de dire si on apprécie ou pas mais ça ne nous laisse pas indifférents et on reste jusqu’au bout...ça va piquer au boulot demain !

Le Bilan

Côté concert

La valeur sûre
Keny Arkana, un petit bout de femme et une grande artiste

Les ambianceurs de fin de soirée
The Bloody Beetroots, de l'électro punk parfait pour conclure notre samedi soir

La dose d’humour bienvenue
Frédéric Fromet, le chansonnier nous a fait passer l’un des meilleurs concerts de cette édition

L’OVNI
Igorrr, mais qu’est-ce qu’il s’est passé ?

Ceux qu’on attendait
The Inspector Cluzo, ils cabotinent parfois mais leur prestation déchire !

Celle qu’on attendait pas
Camille, un beau moment, on s’excuse encore d’avoir douté d’elle

Ceux partis trop tôt
Jahneration, un autre style de reggae ! A la place de Soja ça aurait été parfait.

Côté festival

On a aimé 
-  La proximité de tout : parking, camping, lac et festival, franchement c’est royal !
- Le chienpiteau, chapiteau en plein coeur du camping, lieu pour jouer et se relaxer à l’ombre le jour et pour danser la nuit juste après les concerts
- Les baignades et la détente au lac de Villegusien
- Le choix toujours assez conséquent de bières locales
- Le site très aéré, ça évite qu’on se bouscule pour voir les concerts
- Quelques efforts sur la déco, notamment autour de la scène Lupin
- L’ambiance conviviale et bon enfant - au passage merci à la personne qui a récupéré notre appareil photo, laissé malencontreusement dans l’herbe, pour le déposer à un bénévole, comme quoi  les gens bien existent

On a moins aimé 
- La programmation pas toujours cohérente et un peu en deçà de ce que le festival nous a habitué, excepté le dimanche
- Pas assez de coins pour chiller à l’ombre
- Les toilettes chimiques, par cette chaleur ça pue vraiment la mort !
- Les nonos qui ne sont pas valables sur tout le festival. Pourquoi pas une monnaie unique ?
- Peut-être réfléchir à un aménagement encore plus conséquent autour du lac, malgré quelques efforts ça manque de stands et d’activités.

Infos pratiques

Prix des boissons
Le demi de bière : 4 euros la bière spéciale, 3 euros la Jeanlain, 2 euros le soft

Prix de la nourriture
Kebab, Tacos ou Poutine environ 7 euros 50, et entre 3 et 4 euros la barquette de frites

Prix du festival
Pass 3 jours : 72 euros en prévente, 77 euros sur place, Pass 1 jour : 33 euros, 37 sur place
Camping gratuit

Transport
40 min de Dijon, 1h45 de Nancy, 3h de Paris
Gare la plus proche : Langres à 20 min en voiture du festival


Conclusion

Le Chien à Plumes, c’est toujours un plaisir de s’y rendre et nous avons encore passé un super week-end à Villegusien. Toutefois après 22 ans d’ancienneté, ce qui est tout à fait honorable, on a l’impression que le festival stagne, d’ailleurs les festivaliers ne s’y sont pas trompés puisqu’ils étaient moins présents lors de cette édition 2018. La faute à qui ? La programmation, la chaleur, le prix ? Impossible de vraiment savoir. Ce qui est sûr c’est qu’actuellement le contexte est difficile pour les petits et moyens festivals et qu’on ne doute pas du fait que les organisateurs et les bénévoles vont redoubler d’efforts et d’inventivité pour se renouveler afin de faire en sorte que le Chien à Plumes reste dans le haut du panier.

Récit et photos : Thomas Josselin et Fanny Fremy