On était à
Fiest’A Sète, festival avec vue


Un des plus beaux sites de France, le Théâtre de la Mer, un ancien fort à ciel ouvert avec vue plongeante dans la Méditerranée : cela faisait bien longtemps que le festival Fiest’A Sète nous faisait de l’oeil. Alors le temps d’un weekend découverte - parmi les sept soirées thématiques de musiques du monde proposées - on vous livre notre aperçu de la 21ème édition.

Jour 1. Vendredi 4 août. 12H00, un accueil par la bannière du festival

A la sortie de la gare de Sète où l’on arrive vendredi midi après 4 heures de train, la bannière de Fiest’A Sète est immanquable (photo). Le port de l’Hérault est écrasé par la canicule mais les 40° ressentis ne nous priveront pas d’une balade, vue la brièveté de notre weekend découverte. Sac posé, short et chapeau de paille enfilés, on marche jusqu’aux Halles où se concentrent vendeurs d'huîtres locales, restos de poissons et de tielles, les tourtes au poulpe et à la tomate, spécialités sétoises. La ville respire une ambiance accueillante, on trouve notre chemin grâce aux passants serviables.

13H30, une ville aux couleurs du festival

L’affiche de Fiest’A Sète est présente à chaque vitrine commerçante. Au fil de notre balade sur les quais, on tombe sur une boutique à l’enseigne du festival (photo). Le lieu fait office de billetterie, de vente de merchandising et de siège de Métisète, l’association organisatrice du festival. Métisète comme métissage, le fil directeur de la programmation. Des clients achètent des places pour la nuit Balkans du soir-même, une responsable leur raconte le succès des 3 soirées déjà passées : la nuit Afrobeat, la nuit Cubaine et la nuit des Divas africaines ont affiché complet. Complet à Sète signifie environ 1700 spectateurs, l’amphithéâtre restant à taille humaine. Par comparaison celui de Jazz à Vienne accueille 7500 personnes.

15H00, un festival dans une ville qui fête l’art

On poursuit notre balade jusqu’au centre régional d’art contemporain qui accueille une exposition exceptionnelle de Jean-Michel Othoniel. L’oeuvre principale qui occupe une salle de 20 mètres de long est une grande vague en mouvement (photo). Une déferlante faite de 10 000 briques de verre soufflé, pesant 25 tonnes. Une pièce monumentale, proche de l’architecture. Une vague de verre qui agit comme un appel à rejoindre le vaisseau minéral du Théâtre de la Mer où se tient le festival…

18H30, un festival desservi par le bateau-bus

Pour rejoindre ce Théâtre de pierre, un ancien fort militaire érigé à flanc de corniche sur ordre de Vauban, rien de mieux que les bateaux-bus (photo) qui assurent des rotations toutes les 30 minutes dès 18H30. On embarque gratuitement au niveau d’un parking à l’entrée nord de la ville, humour et tatouages du pilote en bonus. Bonne ambiance à l’intérieur : Luc un festivalier venant chaque soir de Béziers avec 2 heures aller retour de voiture tout de même, nous recommande déjà le thé à la menthe aux pignons de pin vendu à l’intérieur du festival. Après 10 minutes de marche une fois débarqués, la sécurité à l’entrée du Théâtre nous informe que notre bouteille ne passera pas (maximum 50 cl sans bouchon). Alors vite, on boit notre litre d’eau.

20H15, des stands de cuisines du monde

Le premier concert étant prévu à 21H, on prend le temps de faire le tour des stands de cuisines du monde situés au sommet du Théâtre. Tapas et bocadillos à 2,50 euros (photo), wraps de légumes, cuisine réunionnaise rougail saucisse tomate à 9 euros, tajines, pâtisseries orientales, glaces. On opte pour calamar riz à 8 euros, sans boisson vu le litre d’eau qu’on vient de siffler, mais côté boissons la variété est aussi de la partie dans des gobelets consignés : bière à 3 euros, vin, mojito, punch gingembre tamarin à 7 euros, jus de bissap, smoothies.

21H00, un festival dans un merveilleux écrin

Par rapport au théâtre de Jazz à Vienne, la pierre est ici équipée d’assises en plastique délimitant des places individuelles. Le placement est libre. Les toilettes “en dur” sont situées dans la galerie d’accès à l’intérieur du fort. La vue est à couper le souffle, inspirante, apaisante (photo). Aucun rocher n’accroche le regard. Face à nous l’immensité bleue, la mer à perte de vue puisque la scène n’est pas recouverte : seule une armature métallique supporte les projecteurs. A 21H la ligne d’horizon rosit, la lune apparaît, il fait 34°… Perfection. José Bel le directeur du festival, introduit la soirée en parlant de son attachement au premier groupe qui arrive le jour même d’Istanbul.

22H00, dans le dub oriental

6 minutes seulement, c’est ce qu’il faut au groupe turc Baba Zula pour faire se remplir de danseurs la fosse initialement vide. A la croisée du rock et de la musique orientale, le groupe joue des instruments traditionnels électrifiés : saz (luth turc à long manche), oud (guitare), derbouka (percussion). C’est lancinant, on tend vers l’hypnotique. Il ne nous manque qu’un typique apple tea turc au moment où un musicien lance une clameur façon appel du muezzin, alors à défaut on lorgne vers le stand de thé à la menthe (photo). Une danseuse orientale aux poses cambrées sensuelles rejoint le groupe qui jouera pas moins d’1H45. TeÅŸekkür !

23H20, bienvenue à Sèt-istan

A l’heure où la mer est aussi noire que le ciel, les 11 cuivres et la grosse caisse de la Fanfare Ciocarlia explosent de vélocité. Un brass band gipsy qui serait dopé aux amphétamines : leur surnom de fanfare la plus rapide de l’ouest roumain n’est pas usurpé. On n’est pas dans l’intellectuel, ils ne font pas dans la dentelle mais leur efficacité transforme la fosse en véritable défouloir collectif. Autant le public est dissipé et bavard en haut du Théâtre, autant il est bouillant en fosse avec des specimen déchaînés, et les femmes sont invitées sur scène pour le final (photo). Par contraste le retour dans un bateau-bus rempli à 1H du matin est féérique : tout le monde se tait et profite dans le noir … le Sèt-ième ciel !

Jour 2. Samedi 5 août. 11H50, un petit coin de paradis

La perspective d’aller frire sur la plage n’étant pas notre truc, notre sympathique hôte chez qui on a réservé un lit nous suggère de marcher jusqu’à la Pointe Courte à l'extrémité nord de Sète. Ce petit coin de paradis se mérite : on traverse un pont, on descend des escaliers jusqu’au niveau de l’eau et nous voici sur un bout de terre aux maisonnettes fleuries. Des fils pour tendre le linge, des tables en fer forgé donnant directement sur l’eau (photo), des chats noirs alanguis, quelques pêcheurs … une impression de bout du monde.

13H50, en hauteur pour le panorama

Déjà trempée de sueur par 36° mais continuant à arpenter la ville, on se laisse guider par une serviable Sétoise jusqu’à l’arrêt de bus L’Epi d’Or où l’on convoite le bus qui nous fera gravir le dénivelé jusqu’au Mont Saint-Clair, le point culminant de la ville. De là-haut, la croix blanche en ciment (photo) marque le plus beau panorama sur l’étang de Thau, les parcs à huîtres et la Méditerranée. La chapelle attenante nous offre quelques instants de répit dans l’obscurité.

21H10, un festival avec ciel zébré d’éclairs

Après le bateau-bus où l’on retrouve Luc notre Biterrois amateur de thé à la menthe, on s’accorde un falafel haricots riz à 8 euros en préambule de la nuit Orientale. Dhafer Youssef (photo), le maître tunisien de l’oud, commence par des vocalises aiguës tout en retenue, accompagné des nappes envoûtantes de son pianiste. “J’en ai la chair de poule” souffle une voisine. Notre décor ? Le ciel et la mer confondus dans une même couleur, déchirés par les éclairs d’un orage au large. Batteur et contrebassiste nous emmènent vers un jazz ultra rythmique autant que mélodieux. Dhafer groove avec son oud, yeux dans les yeux avec ses musiciens : un vrai partage à quatre. Un ballet d’oiseaux couronne ses mélopées spirituelles : il y a de la magie ce soir …

22H16, le début de l’apocalypse

… jusqu’à ce que la pluie battante stoppe le concert, nous obligeant à nous réfugier dans les galeries du fort. 30 minutes plus tard, on reprend nos places, José Bel annonce que Natacha Atlas jouera dès la scène prête et que Dhafer sera reprogrammé l’an prochain. La parole est donnée au responsable de SOS Méditerranée (photo), une ONG disposant d’un stand dans le festival : “Notre mer, frontière maritime de l’Europe, est la route migratoire la plus dangereuse du monde. 50 000 disparus depuis 2000. Nous refusons ce cimetière. Grâce aux dons nous affrétons l’Aquarius qui a ramené 23 000 migrants depuis 2016 : un navire de vie dans une mer de mort.” Applaudissements chaleureux...jusqu’à ce qu’un nouvel orage nous fasse nous replier à nouveau dans les galeries.

23H05, le déluge et la pagaille

Tonnerre, éclairs, pluie battante : on reste agglutinés dans les galeries du fort pendant plus d’une heure (photo). Ceux qui sont venus en voitures, forcément garées loin vue l’absence de parking, commencent à partir. Dans la foule ainsi dégrossie on retrouve Luc qui nous raconte que Natacha Atlas a improvisé une chanson dans un coin mais que sa voix était très fluette. A 00H10 la sécurité nous conseille de profiter d’une accalmie pour sortir. Personne n’est capable de nous dire si les bateaux-bus seront au rendez-vous. On attend avec un groupe de Toulousains au niveau de l’embarquement jusqu'à 00H30 une navette qui ne viendra pas. Ne reste plus qu’à marcher les kms vers le nord de la ville en compagnie de Luc, que l’on quitte en lui souhaitant un ciel clément pour les deux soirées restantes du festival, la nuit Blues et la nuit Boogaloo.

Le bilan

Côté concerts

La découverte-choc

Dhafer Youssef nous a émerveillés par l’amplitude de sa voix, son jazz croisant musique orientale, chants soufis et groove, sa façon de communier avec ses musiciens. Le même type de choc que celui provoqué par Bachar Mar-Khalifé. On a hâte de le revoir après ce concert abrégé.

Côté festival

On a aimé :

- La grande lisibilité de la programmation : deux artistes par thématique

- La ville de Sète permettant de multiples balades et décorée aux couleurs du festival

- L’offre de restauration dans l’enceinte du festival

On a moins aimé :

- Le manque de signalétique pour le trajet à suivre entre la Criée aux poissons (débarquement du bateau-bus) et l’entrée du Théâtre de la Mer

- Le manque de signalétique à l’entrée du fort s’agissant des horaires d’ouverture des portes et de retrait des billets

- L’absence de coordination entre l’organisation du festival et le service de bateaux-bus géré par le Ville : pourquoi pas de liaison téléphonique entre eux ?

Conclusion

Profitant d’un cadre enchanteur dans lequel se succèdent les festivals durant l’été, Fiest’A Sète trace sa route depuis 20 ans en proposant des co-plateaux chaque soir pendant une semaine. Ouvrir nos oreilles par les dialogues entre musiques du monde, nourrir nos corps de plats aux saveurs en adéquation : voilà les ingrédients d’un succès durable. Pensez toutefois à améliorer la communication lors des orages pour que la Fiesta ne soit pas gâchée.

Récit et photos Alice Leclercq