On était à
Festival du Bout du Monde 2023 : bienveillant et convivial, ça gère dans le Finistère

Le Bout du Monde, plus communément appelé le Boudu, est devenu au fil du temps l’événement immanquable de notre été. Son cadre (presque) insulaire, sa programmation variée et son ambiance si singulière dans le paysage des festivals français font que nous n’hésitons pas un seul instant à traverser le territoire en mettant le cap à l’Ouest, tout au bout de la pointe du Finistère (29). En croisant les doigts pour que le soleil soit de la partie durant ce premier week-end d’août à Crozon.

Jour 1. 18h42, ouh la gadoue, la gadoue

On quitte la pluie et la grisaille de l’Est de la France pour un temps relativement clément en Bretagne. Comme quoi il ne faut pas trop se baser sur les clichés…même si les conditions météo désastreuses de ces derniers jours n’ont pas épargné le Finistère. Au vu des fortes rafales de vent, le Préfet a même mis le montage du festival à l’arrêt toute la journée du mercredi. Par conséquent, les bénévoles et les techniciens du Boudu ont mis les bouchées doubles pour rattraper ce retard et rendre le site le plus praticable possible. Malgré les copeaux de bois dispersés, la Prairie Landouadec n’est plus qu’un grand champ de boue, il faudrait des bottes en caoutchouc pour patauger dans la gadoue, comme le chantait Jane Birkin (RIP). Ceci-dit, ça ne gâche en rien la fête, au contraire, les gens autour de nous prennent plus ça à la rigolade et ne redoublent pas d’imagination dès lors qu’il s’agit de faire les mariolles dans la boue (photo).

22h33, flânerie et escale écossaise

On passe notre début de soirée à flâner au Bout du Monde. On observe les déguisements des festivaliers, les quelques changements de décoration, les différents stands (photo). Il n y a pas de grandes nouveautés en ce qui concerne l’aménagement global. Les trois scènes sont toujours présentes : le Cabaret de Seb (sous Chapiteau), la Scène Kermarrec pour les groupes “découvertes” et la scène Landaoudec pour les “Têtes d’Affiche”. D’ailleurs c’est sur cette dernière que se produit Franz Ferdinand, le premier “vrai” concert que l’on va voir en intégralité. Les écossais sont toujours aussi plaisants à écouter en live, le show est propre sans fioritures, on est pas transcendé non plus. En revanche énorme surprise, quand notre ami, la commère de service, nous apprend que le chanteur du groupe est marié à Clara Luciani, pourquoi on ne nous dit jamais rien ? 

23h58, l’incontournable Tiken Jah

Il est vraiment grand temps qu’on se mette à la “Presse People” pour ne pas passer à côté d’informations aussi essentielles à notre vie mais en attendant place à Tiken Jah Fakoly (photo) sur la Scène Landaoudec.Tiken Jah c’est toute notre jeunesse, c’est un des artistes que l’on a le plus vu et écouté, parfois jusqu’à l’overdose, un véritable squatteur de festivals. Et pourtant on se laisse encore tenter par l’artiste ivoirien, comme beaucoup d’autres festivaliers venus faire le pied de grue devant la grande scène. Le chanteur arrive enfin, la cinquantaine bien tassée, drapé d’un boubou, un bâton de Pèlerin dans la main. Il est toujours aussi charismatique, revendicatif et énergique sur scène. Contrairement à nous, vieux trentenaires affublés comme des sacs, baskets couvertes de boue, éco-cups vides à la main et complètement rincés de notre journée.

Jour 2, 19h01, la jolie cote d’Opal Ocean

Après une nuit sous la pluie, un réveil tardif, et une après-midi glandouille sur notre bivouac, on se décide enfin à aller au festival avec les copains. Être à plusieurs n’est pas toujours source de motivation, il faut le savoir ! Heureusement pour nous, nous ne manquons pas le concert d’Opal Ocean sur la Scène Kermarrec (photo). Si pour la plupart des personnes présentes c’est une découverte, ce n’est pas notre cas, car nous connaissons et apprécions beaucoup ce duo de rock acoustique composé d’un néo-zélandais et d’un néo-calédonien qui n’est pas sans rappeler Rodrigo y Gabriela (programmés au Bout du Monde l’année dernière). Preuve que nos goûts musicaux ne sont pas encore totalement dépassés, les deux guitaristes semblent faire l’unanimité. D’une manière générale, ici les festivaliers sont très bienveillants et enthousiastes face aux artistes plus confidentiels, c’est l’effet Boudu.

21h04, la famille, la famille

Quelques bières et discussions existentielles plus tard avec des bretons, notamment sur la supposée supériorité du Finistère sur le Morbihan, puis une épopée dans la bouillasse pour accéder au Cabaret de Seb et nous voici devant Barrut, groupe dont on n’arrive toujours pas à définir le style mais qui nous ambiance bien (photo). On remarque beaucoup de petits bouts en train de danser sur les épaules de leurs parents, le Bout du Monde est définitivement le festival le plus familial que l’on connaisse. Aussi bien sur le camping que sur le site même. En témoigne cet espace nommé la “Lolotte”, géré par des bénévoles et dédié à l’accueil des enfants et proposant tout plein d’activités. Pour nous, qui allons être de futurs parents d’ici quelques mois, c’est dur de rester insensible à ce genre de propositions.

00h37, un festival pour les yeux et les papilles

Les concerts, avec Deus et Wax Tailor en vedette ne nous emballent pas vraiment ce soir, trop mollasson pour nous, donc comme hier, nous déambulons, en voguant de stand en stand. L’occasion de faire le tour de l’offre culinaire du Boudu, inchangée mais toujours aussi fournie (nourriture antillaise, brésilienne, britannique, malgache, bretonne…) contrairement à celle des boissons qui reste décevante. Si l'on peut cette année payer en cashless à la buvette, toujours aucune goutte de bière artisanale, c’est un comble pour une région qui comte autant de micro-brasseries. Bon ça n’empêche pas les bretons de boire un coup, alors autant faire de même en commandant un petit cidre (on ne prend pas de Loïc Raison, nous ne sommes pas inconscients non plus) que l’on sirote tranquillement sous les nouvelles décorations lumineuses, situées près du grand chapiteau (photo).

Jour 3, 09h59, Boudu, Boudu masqué, ohé ohé

Contrairement aux éditions précédentes, nous nous réveillons à temps pour la distribution de lait chaud et de tartines de beurre (salé, ça va de soi) par les paysans locaux, qui en profitent pour ramener leurs bêtes sur le camping. Quel spectacle assez réjouissant de voir des vaches et des chèvres en contact direct avec les têtes enfarinées des festivaliers le dimanche matin, dire qu’on a loupé ça la dernière fois ! Nous espérons que ce petit déj’ puisse nous donner la force nécessaire pour remporter le concours de déguisements qui a lieu une heure plus tard. En effet, pour la première fois, l’un de notre binôme décide de participer à cette grande tradition du Bout du Monde (photo). Avec notre beau costume de marin, on s’en sort bien mais notre chorégraphie (inexistante) ne fait pas le poids à côté de celles de la Famille Addams, des sardines, des coccinelles, des flamands roses, de Tintin, des Leprechauns ou encore de Dalida, grande gagnante de cette année. 

15h39, Antti Paalanen, le retour

On peste contre le jury du concours, corrompu jusqu’à la moelle, nous méritons le podium à coup sûr ! En tout cas c’est ce qu’on se dit en tant qu’êtres les plus objectifs de l’univers. La pilule avalée, nous nous tenons prêts pour l’ouverture du festival, et pour cause : nous voulons revoir Antti Paalanen (photo) un de nos gros coups de cœur musicaux de l’édition 2022. Pour rappel, il s’agit d’un accordéoniste finlandais à la voix rauque et puissante, proposant un mix aux sonorités démoniaques, oscillant entre la musique folklorique de son pays, le metal et l’électro. Mais ce dimanche, il n’est pas seul, c’est une pure création à laquelle nous avons le droit, une collaboration avec le Conservatoire de Brest. Une vingtaine d’élèves musiciens viennent rejoindre l’artiste et nous assistons à un très joli moment de concert, le public (toujours au taquet, peu importe le concert) semble réceptif à ce qui ressemble à un pont entre les musiques traditionnelles bretonnes et finlandaises. Nous sommes nous aussi convaincus, même si l'on préfère l’univers solo du musicien, plus sombre et plus fou.

00h09, du rock du bout du monde 

Il faut attendre un moment avant de retrouver un brin de folie musical. S’il on assiste aux concerts plutôt plaisants mais très sages de Louise Attaque et de Meute, c’est les mongols de Uuhai qui viennent nous mettre une gifle et conquérir l’Europe, tel Gengis Khan en son temps. Blague à part la façon dont ils s’accaparent la scène est démente. Il faut dire que ce n’est pas tous les jours que l’on voit un groupe de folk metal mongol en Bretagne (photo). Ça excite les amateurs de rock et ça attise la curiosité des autres. Nous sommes ravis de découvrir le chant de gorge traditionnel mongol, le “khöömii” et surtout cet instrument particulier qu’est le "morin khuur" un violon à deux cordes dont le manche en bois est orné d’une tête de cheval. C’est original, ça défoule, ça puise dans nos réserves d’énergie, ça fait du bien et ça conclut parfaitement ce dimanche soir qui est également notre dernier jour au Bout du Monde.

Bilan

Côté concerts

La touche écossaise
Franz Ferdinand, Scottish Classic

La voix de l’Afrique
Tiken-Jah Fakoly, toute une époque de festivals

Les gratteux fantastiques
Opal Ocean, un duo de guitaristes aux sonorités exotiques

La (re)découverte nordique
Antti Paalanen, venu cette fois-ci accompagné par le Conservatoire de Brest, une création 100% Boudu

La claque
Uuhai, du metal mongol, atypique et défoulant à souhait

Côté festival

On a aimé :

- L’ambiance familiale,conviviale et bienveillante du Boudu
- Le cadre de la Presqu’île de Crozon, toujours aussi idyllique
- La proximité entre les parkings, le camping et le site du festival
- La programmation diversifiée qui fait la part belle aux Musiques du Monde
- Le petit déj offert par les paysans du coin le dimanche matin
- Le concours de déguisement toujours aussi drôle…

On a moins aimé :

- …même si on a perdu, il était beau pourtant notre costume de marin
- La qualité et la quantité de la nourriture inégale selon les stands et toujours le choix incompréhensible de ne pas mettre plus de bières de cidres artisanaux à l’honneur
- Une attente parfois longue pour les boissons malgré la mise en place du cashless

Infos pratiques

Prix des boissons :

- Bière, cidre, soft (de base) : 2 euros 60
Autres bières et cidre : 3 euros 90

Prix de la nourriture :

- Frites : 4 euros
- Galette Saucisse : 5 euros
- Rougail Saucisse : 10 euros
- Feijoada : 12,50 euros

Prix du festival : 

Pass 3 jours : 78€
Camping gratuit pour les détenteurs d’un billet

Transports :

- En bâteau : au départ de Brest, 9 euros et 30 minutes de trajet
En train : 18€ l’aller/retour pour les festivaliers, au départ des gares de toute la Bretagne (sous certaines conditions) jusqu’aux gares de Brest ou Quimper
- En voiture : 50 min de Brest et de Quimper (60 km environ) / 3h00 de Rennes / 6h30 de Paris
- Navette intra-presqu’île mise en place par Breizh Go : 2 euros par trajet

Conclusion 

Cette année encore, l’organisation du Boudu a dû faire preuve d’adaptation, notamment à cause du climat désastreux des jours précédents le festival. A en croire le sourire des bénévoles et des festivaliers croisés durant ces 3 jours, ça valait vraiment la peine de se démener. On rabâche peut-être mais le Bout du Monde est l'un de ces événements brassant beaucoup de monde, 60 000 personnes tout de même, et dans lequel on ne rechigne pas à venir en famille et amener son enfant. Ça devient rare dans ce genre de manifestations, en ce sens c’est complètement l’antithèse des Vieilles Charrues. Alors on ne dit pas non plus que tout est parfait, il y a toujours des points à améliorer, mais l’atmosphère est safe, l’ambiance tellement bienveillante, c’est un festival ouvert sur le monde et nous n’avons qu’une envie, c’est de partager ces émotions avec nos proches. De notre côté, en tant que futurs parents, on se projette d’ores et déjà là-bas, à Crozon, d’ici quelques mois avec notre petit bout, en espérant à notre tour, lui transmettre le sens de la fête

Récit de : Josselin Thomas et Fanny Fremy
Photos de : Josselin Thomas