On était à
Domaine Jazz, une première entre musique et dégustation

Pour sa première édition au Café de la Danse, dans le 11ème parisien, le Festival Domaine Jazz nous promettait 4 jours de jazz et de dégustation de vins naturels. Nous y étions durant trois jours et nous vous racontons.

Jour 1. 18h46, découverte des lieux

Nous avons un peu d’avance en cette première soirée de festival et nous nous rangeons donc sagement dans la queue qui longe le Café de la Danse, déjà bien longue. Le public détonne avec les (jeunes) habitants du quartier de Bastille à Paris. A 19h05, les premières gouttes de pluie surprenant le public, les portes s’ouvrent et nous pouvons enfin entrer. Accueil agréable, configuration « jazz à l’ancienne » avec des tables (à 50€) proches de la scène comprenant la dégustation de vin. Au second plan, un grand gradin, places assises également (à 35€ par soir).  Nous y prenons place. La salle se remplit rapidement, surtout pour un mardi soir. A peine installés, le sexagénaire du rang devant nous se retourne : « Je regarde vos genoux –incompréhension de notre part, doit-on rire ou pleurer ?– mon épouse me dit qu’elle a vos genoux dans le dos... », « Oh il n’y a pas de problème, s’excuse cette dernière, c’est juste un peu étroit » sourire gêné.

19h45, Nils Petter Molvær en ouverture

Le concert commence et immédiatement, c’est l’envoûtement : ce quartet dirigé par Nils Petter Molvær, pionnier du jazz électronique sait où il va et il nous y emmène ! Accompagné d'un trio guitare-basse-batterie, le trompettiste norvégien nous offre une véritable invitation au voyage. Aux traditionnels trompette, batterie et harmonica s’ajoutent xylophones, cloches de toutes tailles et banjo. Le public est conquis, et nous aussi. Voilà un festival qui commence bien !

20h26, l’heure de la dégustation a sonné

Cette première partie terminée, arrive aussitôt la sommelière du chef Iñaki Aizpitarte : elle vient nous présenter le vin du jour avec un accent espagnol qui nous enchante. Le principe du festival est simple : un vin naturel par jour de festival, deux français et deux étrangers. Aujourd’hui, un vin grec est à l’honneur, le Bucéphale (2007). Avant le début du second concert nous nous dirigeons vers le bar pour goûter ce fameux vin du nord de la Grèce – à 5€ le verre et au demeurant très bon – et déplorons que la configuration du bar frontale ne soit pas propice à la dégustation : ça se pousse, ça dépasse, s’impatiente, il manque de serveurs, et quand on arrive enfin au bar pour commander, on n’a plus du tout envie de discuter avec la sommelière : on veut juste être servis !

21h09, un Sun Ra à l’honneur, par les Supersonic

Six musiciens (dont trois cuivres, ce qui n’est jamais déplaisant !) issus de tous les horizons musicaux (du jazz à l’electro, en passant par la drum&bass) et qui semblent tout droit sortis de Reservoir Dog de Tarantino, commencent en fanfare. C’est parti pour 1h20 de joyeuse cacophonie pleine d’humour et d’énergie avec Supersonic, à l’image du saxophoniste Thomas de Pourquery. Nous retrouvons bien là les références cosmiques et les mélodies qui invitent à la transe, chères au maître américain.

Après quelques morceaux, la jolie voix féminine de Jeanne Added monte sur scène pour le plus grand plaisir des spectateurs, complémentaire à cette bande de mâles déjantés. Elle restera jusqu’à la fin du concert, jusqu’au dernier morceau Enlightenment, issu de leur dernier album. Le public en redemande ! Noir, applaudissements, traditionnel « merci Paris ! » et la salle se rallume. Concluons cette première journée de festival avec cette célèbre phrase de Herman Poole Blount dit Sun Ra, et citée par Thomas de Pourquery : « L’humanité est sur la bonne route… mais dans la mauvaise direction. » Allez, bonne nuit !

Jour 2. 19h02, les premières habitudes s’installent

Aujourd’hui, nous ne perdons pas de temps. Nous posons nos affaires dans les gradins et  allons immédiatement prendre un verre de vin. « Je vais prendre le vin du soir, s’il vous plaît, Monsieur » sourions-nous au serveur. Celui-ci, décontenancé nous répond, timide : « Mais… Je ne connais pas vos habitudes, Madame. » Nous essayons d’expliquer brièvement au barman le principe du festival pour lequel il travaille et repartons avec un vin français Anjou (2013). « Bel équilibre entre fraîcheur et puissance » pouvons-nous lire dans la carte des vins du festival. Effectivement, c’est une belle réussite olfactive et gustative.

19h41, Guillaume Perret & the Electric Epic, court et intense

De retour dans la salle, le saxophoniste, seul, entre sur une scène plongée dans le noir. A l’intérieur de l’instrument, une lumière rouge s’éclaire suivant l’intensité des sons. Le musicien joue, s’enregistre, superpose les sons grâce à une pédale d’effets à la manière de Dub FX, mais dans un style bien différent bien sûr. De même que la veille, après la présentation du vin du soir, le public conquis par la performance de Guillaume Perret, se dirige machinalement vers le bar.

20h45, les deux virtuoses Stefano Di Battista & Sylvain Luc

Nous attendions ce concert depuis le début du festival et n’avons pas été déçus ! Quatre musiciens en scène, bien plus d’instruments, et le spectacle commence. Stefano Di Battista nous a charmés par son authenticité.  L’ambiance est chaleureuse, intimiste, entre latin Jazz, blues et bandes originales revisitées, nous voilà transportés

Jour 3. 19h50, soirée de femmes au Café de la Danse

Incident de travail oblige, nous n’arrivons pas avant 19h50 au Café de la Danse. Nous avons raté les 5 premières minutes du premier concert, mais c’est avec un verre de vin italien – Casebianco (2013) Alberto Anguissola – que nous nous faufilons dans la salle où le concert a déjà commencé. Fait inhabituel et plaisant, le saxophoniste s’avère être une femme. Accompagnée d'un orgue et d'une batterie, Sophie Alour nous livre un premier set décliné en un mélange de compositions personnelles et des classiques de jazz revisités (notamment un Stars fell on Alabama très réussi !). Si l’ensemble du concert nous semblait manquer quelque peu de peps et d’énergie, nous ne pouvons nier la qualité des musiciens, et de l’ensemble de la sélection de Domaine Jazz.

20h47, Mina et sa bande et la tantine Christine

Mina Agossi est là, théâtrale, un brin moqueuse. Il faut avouer que ses musiciens sont excellents et qu’elle swingue avec aisance. On regrettera en revanche le manque de simplicité de la prestation, qui contraste avec la performance de Sophie Alour. Mina Agossi va jusqu’à appeler sa « tantine Christine » au Bénin pour la faire chanter par téléphone sur scène. C’est drôle au début, puis le numéro commence à s’essouffler et on aimerait revenir à l’essentiel : la musique ! « On aime ou on n’aime pas » disait un spectateur en sortant de la salle… effectivement, il ne semble pas y avoir d’entre-deux. En ce qui nous concerne, la mayonnaise n’a pas totalement pris. Nous attribuons tout de même une mention spéciale à  Alexei Aigui, special guest venu tout droit de Moscou, qui de son violon a enflammé le Café de la Danse. L’émotion était au rendez-vous.

On a aimé :

- La diversité de la sélection, il y en avait pour tous les goûts !
- Le principe jazz et vins naturels, un mariage sûr et réussi
- Nils Petter Molvaer et son quartet

On a moins aimé :

- Le bar qui ne se prête pas tellement au format « dégustation de vins »
- Le manque de confort des sièges des gradins

Conclusion

Une belle première édition donc pour Domaine Jazz, le tout jeune festival parisien du Café de la Danse. Nous avons apprécié le mariage vins naturels de qualité et concerts de jazz pour tous les goûts, même si le format dégustation est encore à travailler pour l'année prochaine.

Récit et photos : Amélie Verley ey Lou Lesko