On était à
Chorus Festival 2022 : le bon son de Boulbi jusqu’au bout de la nuit

Pour sa 34e édition, le Chorus Festival a fait le choix d’une programmation pointue. Hip-Hop, rock, électro, classique ou chanson française, 45 artistes se sont succédés sur les six scènes intérieures et extérieures de la Seine Musicale à Boulogne, aux portes de Paris. Nous étions présents pour ce premier événement de la saison des festivals de musiques actuelles, les 8, 9 et 10 avril. Récit de trois jours de fête et de lâcher prise. 

Jour 1. Vendredi 8 avril. 19h08, balades sonores 

Une heure de transports en commun avant d'apercevoir le vaisseau de la Seine Musicale. Exit le contrôle du pass sanitaire, une simple fouille corporelle nous permet de rentrer nous mettre à l’abri d’une pluie qui arrose la région depuis plusieurs heures. Le premier concert ne débute que dans vingt minutes. Nous en profitons pour découvrir les diverses animations et allons à la rencontre de « Balades Sonores ». Ce disquaire de l’avenue Trudaine (Paris 9e) propose des sessions d’écoute/médiation, afin, par exemple, d’évoquer le « piano » néo-classique et ses liens avec la pop avec « Letter » de Sofiane Pamart en relation avec « Solo Piano III » de Chilly Gonzales. Grands amoureux du vinyle, on flâne entre les cartons à la recherche d’une pépite ou d’un artwork original (photo) en oubliant presque Irène Drésel qui inaugure les concerts du jour sur la Grande Seine. 

20h27, toutouyoutou

Le public commence à affluer et dans la grande rue de la Seine Musicale, un drôle de spectacle débute. Devant une 2CV rouge pailletée au sein de laquelle Dj Muscle trône fièrement derrière ses platines, deux coachs tout droit sortis de « Gym Tonic » distribuent des bonbons en forme de frites à toute une foule réunie devant des dizaines d’écrans à tube cathodiques diffusant des images de cours de fitness des années 80. 3, 2, 1 au rythme des chansons d’une soirée disco chez Boris, le cours de « cross-frites » se déroule dans la bonne humeur (photo). La coupure de courant qui survient ne décourage pas les participants à brûler des calories. 

21h04, changement de programme 

La pluie ne s’est toujours pas arrêtée et nous apprenons via une annonce sonore et une notification sur l’appli du festival que le concert de Lucie Antunes et le collectif Scale est déplacé à l’intérieur de l’Auditorium. Le concert a déjà débuté et tout de suite notre regard est happé par la scénographie (photo). Plusieurs bras articulés surmontés d’une barre à LED s’agitent et forment un cercle autour du collectif. Celui-ci évolue au fur et à mesure de la prestation et vient renforcer sa puissance. Plusieurs jours après ce concert on restera marqué par l’ingéniosité de ce live.

22h43, incompréhensions et voyage géopoétique 

Alors que nous redescendons les escaliers qui nous mènent à l’Auditorium pour nous restaurer, on remarque que la foule du festival a doublé de volume. Très vite, nous comprenons que le public du soir est venu prioritairement pour Sofiane Pamart. La restauration semble un peu débordée par cet afflux. Plus de baguettes, tant pis nous opterons pour un hot-dog / frites dans un pain viennois pour 8,5€. Malheureusement, interdiction de consommer notre repas du soir dans la Petite Seine. Le sandwich est difficile à avaler d’autant que sur la Grande Seine tout est permis (boissons et nourriture).  Finalement, on ne se défoulera que durant dix minutes de UZ où règne une grosse ambiance. Côté Auditorium, une file d’attente longue de plus d’une dizaine de mètres s’est formée à cause d'une capacité maximale de 1 150 personnes (réduite à moins de 1 000 pour des raisons de scénographie ce vendredi) alors que la Grande Seine peut accueillir plus de 4 000 personnes. In extremis nous arrivons à nous faufiler dans la salle mais plusieurs dizaines de personnes n’auront pas la chance d’assister au voyage géopoétique de Sofiane Pamart qui nous transporte de Louxor à la Havane en passant par Séoul. On salue tout de même l’artiste, qui, quelques heures après le show, décidera d’offrir des places pour son Bercy à quelques fans très déçus d'être restés aux portes de la salle. 

00h45, te quiero 

La pluie s’est enfin arrêtée pour nous permettre d’apprécier la fin du live de French 79 sur la scène du Parvis, mais la température extérieure a raison de nous on court se mettre au chaud. La Grande Seine est pleine en fosse comme dans les gradins. Pendant plus d’une heure, Paul Kalkbrenner enchaîne ses morceaux sous les acclamations de la foule. On exulte sur son remix de « Te Quiero » de Stromae, nos voisins font de même sur « Sky and Sand ». Avec cette programmation, le Chorus signe ici un gros coup tant les apparitions de Paul Kalkbrenner sont rares dans la capitale (photo). Nous serions bien restés jusqu’à la fin du show pour profiter de cette exclusivité mais nous devons quitter le festival pour attraper l’un des derniers métros. 

Jour 2. Samedi 9 avril. 18h02, petit bonhomme

La pluie est partie laissant place à un soleil radieux. On découvre le studio Riffx où le jeune clermontois The Doug nous raconte son histoire personnelle. Séduits par sa plume, nous rappelant celle de Lomepal et par sa voix Claudio Capéo et Kaky, on passe un très bon moment. Prix du public 2019 des iNOUïS du Printemps de Bourges, The Doug (photo) nous partage ses émotions et rend un vibrant hommage à un ami disparu prématurément. Une belle découverte rap/pop qu’on devrait retrouver prochainement dans d’autres festivals ou en première partie des concerts d’Eddy de Pretto. 

20h36, une prestation inédite

Contrairement à la veille, un message sur l’application nous préconise d’arriver en avance car la capacité d’accueil de l'Auditorium est limitée par rapport à la jauge globale du festival. En ce début de soirée, le Chorus propose une programmation pointue. A moins de 10 mètres se tient sur scène la légende Jeff Mills, père fondateur de la techno de Détroit (photo). Rejoint par Jean-Phil Dary, Divinity Roxx et Rasheeda Ali, le virtuose des machines électroniques nous présente son projet « Tomorrow Comes The Harvest » imaginé avec le regretté pionnier de l’afrobeat, Tony Allen. Confortablement installés, on assiste à une jam session mêlant basse, flûte traversière, piano, bongo et rythmes électro. A gauche de la scène, le public est debout, conquis par cette prestation. L’Auditorium se transforme en boîte de nuit et même ceux qui ne connaissaient pas Jeff Mills avant cette prestation, se lèvent pour participer à l’euphorie générale. 

22h18, versus

La foule est moins dense mais plus jeune en ce samedi soir. Nous arrivons à nous restaurer plus rapidement que la veille : sandwich (5€) et demi de bière (4€) viennent remplir notre estomac et épancher notre soif. Sur la Grande Seine, Caballero & JeanJass mettent en scène une fausse rivalité et se livrent à une battle de punchlines devant un public bouillant (photo). Les deux rappeurs interprètent des morceaux de leur répertoire personnel et les premiers pogos du festival se forment. Emportés par la foule, écrasés l'un contre l'autre, nous apprécions ces moments retrouvés dont nous avions perdu le goût à cause de la pandémie. C’est donc légèrement épuisés par ce turn-up que nous partons reposer notre corps dans le confort de l’Auditorium. 

23h21, partir un jour au Chorus…

« Il est venu le temps des cathédraaaaaaaaaales… », « What is love? Baby don’t hurt me, don’t hurt me, no more », ou encore « J'aime, j'aime tes yeux, J’aime ton odeur… » : si vous aussi en lisant ces lignes vous avez fredonné ces mélodies dans vos têtes, alors vous êtes touchés par le syndrome du plaisir coupable. Avec cette création originale d’Adrien Soleiman, le Chorus nous embarque dans cet univers un peu ringard mais 100% plaisir. Bonnie BananeSilly Boy Blue, Voyou, Malik Djoudi ou David Numwami se succèdent sur scène pour reprendre ces tubes dans des versions revisitées façon bossa nova, pop ou rock (photo). Le public rigole bien et on est heureux de découvrir certains artistes dans un registre très différent de celui dans lequel on a l’habitude de les voir. On aurait aimé une reprise des « Sardines » et une chenille géante. Peut-être l’année prochaine ?

00h57, direction planète Marseille

Depuis plus de trente ans, IAM, légende et pionnier du hip-hop français régale le public. Dans la salle, on sent une certaine attente de la part de plusieurs générations. On attend avec impatience « Je danse le MIA » et on souhaite reprendre en chœur les classiques de « L’école du Micro d’Argent ». Notre vœux est exaucé quand les paroles encore tellement d’actualité de « Petit Frère » résonnent dans la Grande Seine, à un jour du premier tour de l’élection présidentielle. IAM le chante, « quelque chose doit changer ». En 30 ans, Akhenaton ou Kheops n’ont rien perdu de leur verbe et de leur technicité. Après être passé du côté obscur (photo) on esquisse quelques pas de Mia et on quitte un peu à regret, le festival, comme la veille, pour s’engouffrer dans l’avant-dernier métro.  

Jour 3. Dimanche 10 avril. 16h43, bain de soleil 

En ce dernier jour de festival, alors qu’il y a foule à l’entrée, nous décidons de nous rendre au jardin Bellini qui surplombe la Seine Musicale. Avec un panorama à 360 degrés sur Paris et Boulogne-Billancourt (photo), nous prenons le soleil et découvrons l’œuvre architecturale majestueuse qu’est l’Auditorium où des panneaux photovoltaïques en forme de voile se déplacent suivant la course du soleil. On peut même apercevoir le début du concert de Laeti, héroïne de la deuxième saison de la série « Validé ». On a un peu de mal avec les thèmes développés pendant son concert qu'on trouve trop redondants. Il faut dire qu'on s’attendait à quelque chose de différent pour un premier album. 

17h22, euh c’est quoi les touches déjà ? 

La programmation de ce dimanche nous emballe moins que celle des jours précédents. On en profite donc pour nous reposer dans les coins chill du festival. C’est avec nostalgie qu’on redécouvre la GameCube et le jeu Super Smash Bros. Melee. On a un peu de mal avec les commandes mais on passe un bon moment (photo). Après quelques parties, on laisse les manettes pour nous adonner à une autre activité : la chasse d’extraterrestres. 

18h04, M. Yourtofrez, votre billet d’embarquement s’il vous plaît !

Nous avions déjà repéré ces Men & Women in black avec leur cravate orange, membres de l’agence de voyage Astravel, persuadés que la Seine Musicale est un spatiosport et que des extraterrestres se cachent parmi les festivaliers pour prendre un vol à destination de la planète Niilos. Nous avons comme mission de retrouver 3 passagers de ce vol pas comme les autres et de scanner leur ticket d’embarquement (photo). Au bout d’une trentaine de minutes, nous accomplissons la mission et pouvons participer à un tirage au sort pour gagner des places pour le Chorus 2023. 

18h55, une bonne surprise

Le public s’est rassemblé pour Youv Dee devant la scène du Parvis. Les festivaliers mettent l’ambiance, fin connaisseurs des titres du rappeur, qui est une véritable rockstar (photo) débordant d’énergie très communicative. Beaucoup de festivaliers nous disent avoir fait le déplacement aujourd'hui pour lui et Zola qui s'apprête à prendre les commandes de la Grande Seine, mais qui ne réussira pas à nous faire accrocher. Direction la restauration pour un burger montagnard et un cornet de frites (13€) avant d'enfiler nos manteaux et rejoindre la scène extérieure. 

21h33, on clôture avec un grand OUAI

Adeptes de musiques électroniques, nous attendions le live de Ouai Stéphane avec grande impatience comme quelques fans de la première heure. Son EP « Ouai Ouai » avait pas mal tourné dans notre playlist durant le confinement tout comme les morceaux de Roland Cristal. L'artiste détourne des objets du quotidien pour en faire des instruments de musique : horloge de bureau qui définit le tempo du morceau joué, étendoir à linge et voix qui se transforment en synthétiseur, le tout piloté via le logiciel Ableton. Il prouve ainsi que l’on peut faire de la musique avec tout, ou presque. Le public est conquis et en redemande à coup de « Ouais Stéphane, allez Stéphane ». Particulièrement heureux de recevoir un tel soutien, le producteur poursuit son concert et délivre finalement une heure de show au lieu des quarante-cinq minutes initialement prévues. Une façon idéale de conclure ces 3 jours de fête. 

Le Bilan

Côté concerts

Celui qui mérite une meilleure exposition

Ouai Stéphanequi souffle un vent de fraîcheur sur les lives électro et trouve une deuxième utilisation à des objets du quotidien. Génie !

La scénographie époustoufflante

Lucie Antunes et le collectif Scaledes bras robotiques avec des barres LED, l’idée semble simple mais le travail de programmation et l’évolution scénographique du concert nous ont bluffé.

Ceux qui n’ont plus besoin de se confirmer 

IAM, Paul Kalkbrenner et Jeff Mills, de Marseille, Leipzig ou Détroit, ces pionniers montrent qu’ils sont les patrons dans leur style musical, à chacune de leurs apparitions.  

Celui qui n’est pas prêt de s’arrêter 

Sofiane Pamart, plus grosse affluence du festival, il nous a livré un concert magique et sera le premier compositeur de musique classique à se produire en novembre, à l’Accor Arena (ex-Bercy) depuis André Rieu en 2007.

Côté festival 

On a aimé 

- Profiter de concerts dans le magnifique auditorium de la Seine Musicale avec une qualité sonore incroyable dans des sièges moelleux et confortables

- Les animations proposées (écoute de vinyles, friperies, Disco 2 Chevô, Astravel)

- La possibilité d’assister à des concerts intérieurs et extérieurs

- La facilité de circulation dans le festival et l’ambiance générale

- L’appli du festival 

On a moins aimé

- La mauvaise gestion du public pour le concert de Sofiane Pamart à l’Auditorium le vendredi soir. Avoir un pass pour un festival et ne pas pouvoir assister à un concert, c'est toujours frustrant

- A 10 minutes du terminus de la ligne 9, il est nécessaire de quitter le festival avant la fin des concerts pour attraper les derniers métros ou tramways pour rentrer. 

- L’impossibilité d’avoir son verre ou sa nourriture dans la Petite Seine et le studio Riffx

- Six scènes mais certaines sont sous-exploitées (1 à 2 concert maximum / jour) 

Infos pratiques

Prix des boissons : 4€ le demi de bière, 7€ la pinte, 4€ en moyenne pour les softs, 1€ de consigne pour l’éco-cup

Prix de la nourriture : 8€ en moyenne (panini, wrap, burgers, box tagliatelles, hot-dog, sandwich, frites)

Transports : Métro (ligne 9) : station Pont de Sèvres (terminus) / Bus : lignes 160, 169, 171, 179, 279, 291, 389, 426, 467, Noctilien 12 : station Pont de Sèvres Noctilien 145 : station Gare de Sèvres / Tramway (ligne T2) : stations Brimborion ou Musée de Sèvres / Parkings à proximité de la Seine Musicale

Prix du festival : 35€ le pass 1 jour, 80€ le pass 3 jours 

Conclusion

Un très bon week-end dans les Hauts-de-Seine. Après une première journée un peu compliquée entre météo capricieuse et gestion des flux de festivaliers, nous avons pris plaisir, sous un soleil radieux ou dans des salles intimistes, à découvrir de nouveaux artistes et à retrouver certaines légendes de l’électro ou de la scène hip-hop. Dans une ambiance décontractée, nous nous sommes amusés grâce aux nombreuses animations proposées, à rechercher des extraterrestres, redécouvrir les jeux de notre enfance ou préparer notre summer body. 

Récit : Alban Sauty

Photos : Sandrotod et Alban Sauty (Jour 3 - Vignette 1 et 3)