On était à
Au Fil des Voix, le temps d'une balade sonore au cœur de la grisaille parisienne

Pour sa 13e édition, le festival parisien dédié aux voix renouvelle son offre musicale et inaugure un nouveau lieu dans le quartier de la Goutte d'Or : le 360 Paris Music Factory dans lequel se déroulera un grande majorité des concerts. 3 semaines de concerts, du 20 janvier au 7 février, 6 jours sur 7 dans 3 salles du 18ème arrondissement : la Cigale, le Trianon et le 360. La programmation hyper pointue exige des voix dans des formations musicales ayant sortis un album dans l'année. Sur les quelques dates que nous avons couvert au 360 et au Trianon, voici nos impressions sur l'ambiance et, surtout, nos coups de cœur musicaux.

Jeudi 30 janvier, 20h30, rendez-vous en terre inconnue : la Martinique à la Goutte d'Or

Jour 10 du festival mais premier jour pour nous. Nous découvrons pour la première fois la salle de concert du 360 rue Myrha. Le décor blanc épuré d'un intérieur qui sent encore la peinture est agréable à l'oeil. L'édifice possède une terrasse por les fumeurs à l'étage et deux balcons. La salle est petite mais agréable et l’acoustique est bonne pour les voix et les instruments traditionnels. Au rez-de-chaussée on trouve un restaurant et un bar. L'ambiance change tous les soirs : aux concerts de fado et de jazz se succèdent ceux d'afro gospel, de flamenco ou encore de blues du Sahara. Ce soir c'est Philo, le martiniquais, et son groupe, Les Voix du Tambour qui nous régalent. Philo vient nous présenter son nouvel album « Lanzdifou ». Dans le public, de véritables aficionados, amoureux de l'île et de la langue créole. Les sièges sont installés, pas de fosse ce soir ni de verres dans la salle. Nous sommes très concentrées, tout néophytes que nous sommes, initiées par la voix de Philo et de ses chanteuses à la tradition des Antilles. Il raconte ses souvenirs d'enfance, rend hommage aux marins pêcheurs du village de ses ancêtres, il jette un peu de rhum sur le sol comme le faisaient les habitants du village (ou de l'eau ? on ne saura jamais). Le concert s'achève dans l’allégresse : les spectateurs sont debout, devant la scène, une petite troupe se déhanche aux rythmes des tambours antillais et des voix (extraordinaires !) des chanteuses qui ont dansé sans relâche pendant l'heure et demie de concert. Nous quittons la salle le sourire aux lèvres dans la grisaille parisienne.

Lundi 3 février, 20h, un tour 360 des cultures berbères, celtes, languedociennes et gnawa.

Nous ne pouvons malheureusement pas couvrir tout le festival mais nous revenons la semaine du 3 février pour une série de 3 concerts, le temps de constater par nous-mêmes de sa diversité incroyable : sa programmation, ses publics si divers et tout cela dans ce nouveau lieu accueillant et convivial au cœur de la Goutte d'Or. Aujourd'hui, les sièges ont été rangés et l'espace de la fosse promet une chaude ambiance pleine d'ivresses musicales. Au programme Qalam et Adil Smaali qui présentent leur nouvel album « Rouh ». Le concert commence au son du fifre et du violon, les musiciens sont souriants de bout en bout. Le chanteur Adil Smaali et son grumbi nous transmet son amour du partage et de la fête. Il fait chaud dans la salle, nous allons nous chercher une bière histoire d'apprécier doublement ce mélange de sonorités et d'influences. Qalam, c'est peut être la plus belle découverte scénique de ce festival, l’énergie dégagée par le groupe est revigorante. Les solos du violoniste et du fifre en particulier nous transportent ailleurs. Après un long rappel, le concert s'achève et les musiciens proposent une dédicace de leur album à la sortie. Nous prenons le chemin du retour sous la pluie, mais qu'importe, notre âme a été nourrie de soleil du Languedoc et du Maroc.

Mercredi 5 février, 19h30, une soirée do Brasil tout en douceur

Pour commencer la soirée, on teste pour la première fois la cuisine du 360 et nous découvrons avec plaisir que le thème de la semaine est la cuisine brésilienne. Mélange des saveurs, les plats sont servis en petites portions dans une vaisselle bariolé. C'est simple mais excellent comme le gratin de butternut. Nous sommes déjà un peu dans l'ambiance balançao. Un peu en retard après un verre de Proseco, nous nous précipitons dans la salle de concert où Nicola Sòn a commencé son concert. Le Français immigré à Sao Paulo a rafraichi le répertoire d'Edith Piaf dans son nouvel album « Piaf do Brasil ». La salle est bondée, le concert fait partie d'une offre du festival pour découvrir 3 concerts au 360. Lumière tamisée et spectateurs attentifs, pas de fosse ce soir pour ce concert intimiste. L'organisation n'est pas optimale, pas de placement mais beaucoup de places réservées et on doit nous changer de place à deux reprises. Nous sommes moins emballées par la musique même s'il faut bien reconnaître à Nicola Sòn une maîtrise parfaite de la langue. Le concept de reprise est lui aussi original. Seulement on regrette le manque d'enthousiasme du public et les mélodies un peu similaires. On quitte la salle à peine le concert achevé un peu déçues.

Vendredi 7 février, 20h20, clou du spectacle au Trianon

Monter les marches imposantes du Trianon alors qu'une foule de spectateurs s'engouffre dans la salle, c'est pour nous l'impression que ce dernier jour de festival est une réussite. Aucune soirée n'a été la même. Les spectateurs sont de véritables fans qui ont vraiment choisi les artistes qu'ils allaient voir. Les voix d'hommes et de femmes s'illustrent dans toutes les langues et toutes les tessitures. Et les instruments furent magnifiques et variées. Un voyage que nous achevons avec Pongo, la chanteuse angolaise qui nous fait nous déhancher aux rythmes tribal, dancehall et pop. Son style c'est le kuduro, qu'elle sublime de son chant puissant en portugais. Elle arrive sur scène dans une combinaison argentée et nous offre un spectacle tout en danse et en couleur. Le public est en folie quand elle interprète le morceau le plus connu de son dernier album « Kuzola ». Sur scène, deux danseuses et deux musiciens l'accompagnent mais elle attire toute l'attention. Nous savions déjà que nous serions conquis par la musique, nous savons maintenant que Pongo est aussi une incroyable performeuse sur scène.

21h50, et l'Afrique nous enchanta une dernière fois

C'est le moment attendu par une grande partie du public, la Daara J Family avec la participation de Faada Freddy et de Ndongo D nous présente leur dernier album « Yaamatele », un extraordinaire mélange musical d'un morceau à l'autre : du reggae au rap en passant par le hip hop. Le Sénégal, pays natal des musiciens, est dans la salle en force. Ce dernier concert est lumineux. Les mots d'ordre sont l'amour et la tolérance. Les paroles résonnent dans la grande salle du Trianon. Nous nous plaçons tout en haut du dernier balcon pour apprécier la vue de la foule nombreuse face à la scène. Nous repartons du Trianon après un rappel interminable.

Le bilan

Côté concerts

La voix du kuduro angolais
Pongo, et sa combinaison à la hauteur de l’Afrique futuriste

La joie des hommes du Languedoc et le mélange des traditions

Qalam et Adil Smaali, la chaleur du violon, du fifre et des percussions berbères et celtiques

Côté festival :

On a aimé : 

- Le nouveau lieu du festival: le 360, sa terrasse et son restaurant-bar cosy !
- L’offre musicale riche et toujours aussi alléchante (on regrette tellement de ne pas avoir vu le chanteur flamenco Luis de la Carrasca et son fidèle public...)
- Le public de chacun des concerts: si pointu et à 100% derrière les artistes.

On a moins aimé : 

- Le fait qu’il n’y ait pas d’offres (pass) plus larges pour venir voir plusieurs concerts sans avoir à payer pour chacun. Le tarif pour un concert n'incite pas à aller voir des artistes et des genres musicaux qu’on ne connaissait pas.

Infos pratiques 

Prix des boissons (au bar du 360 et du Trianon)

- Entre 4 et 5€ le verre de vin

Prix de la nourriture (au restaurant du 360)

- De 4 à 8€ pour des tapas et entre 11 et 14€ pour un plat.

Prix du festival : 

- 19€ le concert au 360, 49€ le pass découverte (3 concerts au 360) et 25€ le concert au Trianon

Transports : 

- Pour le 360 Paris Music Factory : 32 rue Myrha, métro Château Rouge (4), métro Barbès-Rochechouart (2 & 4), bus Château Rouge (31 & 56)
- Le Trianon: 80 rue Boulevard Rochechouart, métro Anvers (2), bus Anvers Sacré-Coeur (30 & 54)

Conclusion

Le festival Au Fil des Voix est plein de surprises. Il devient au fil des années une institution du quartier du 18ème arrondissement. Le 360 Paris Music Factory, qui a ouvert ses portes à l'occasion du festival, offre de nouvelles perspectives à l'organisation et à la programmation toujours aussi pointue. L'objectif affiché cette année, inclure toujours et encore plus les habitants du quartier qui pouvaient bénéficier d'une réduction sur les concerts. Les voix du monde entier ont trouvé un espace d'expression en plein cœur de l'hiver, dans cette petite salle de concert chaleureuse. L'organisation était bien rodée et décontractée, les publics étaient divers, passionnées et particulièrement agréables. Beaucoup d’émotions et de découvertes, c'est à cela qu'on reconnaît un festival musical de qualité. On revient l'an prochain pour vous donner des nouvelles du 360 et du festival des voix les plus éclectiques de Paris.

Récit et photos : Fanny Salmon