Interviews
Julien Sauvage : "On a réussi notre pari de dynamiser le territoire"

Indochine, Damian Marley, Louise Attaque, Nekfeu, Nas, Bloc Party ou encore Sum 41 font partie des artistes qui vont venir enflammer la pelouse du stade Bayard de Charleville-Mézières lors de la 12ème édition du Cabaret Vert les 25, 26, 27 et 28 août prochains. A quelques jours de l’ouverture, nous avons voulu savoir comment le Cabaret Vert est parvenu à faire sa place et à tirer son épingle du jeu parmi les grands festivals de France. On s’est donc adressé à Julien Sauvage, directeur du Cabaret Vert et Ardennais pure souche, pour nous raconter un peu l’évolution du festival.

Est-ce que tu peux nous raconter les origines du Cabaret Vert ?

En France, les Ardennes souffrent d’une image assez négative alors que du côté de la Belgique, les Ardennes c’est presque comme la Côte d’Azur. On est sur un territoire assez identitaire et on en avait marre de ce côté sinistré,  de cet image de département en train de mourir sans la possibilité de faire quelque chose. On était plusieurs à vouloir faire un projet d’ampleur, il y avait pas mal de zicos mais on n’était pas forcément parti sur un festival de rock on voulait juste redynamiser le territoire.

Tu étais festivalier toi-même ?

Pas tant que ça, en fait j’ai fait des études de commerce international et quand je me suis aperçu que ce n’était vraiment pas fait pour moi je me suis réorienté dans le milieu culturel et c’est seulement à ce moment là que j’ai un peu bougé, sinon avant des festivals, j’en avais fait assez peu finalement.

Il y a quand même des festivals qui t’ont inspiré pour la création du Cabaret Vert ?

En tant que spectateur, celui qui m’a un peu mis le pied à l’étrier c’est le Douzy’k Festival dans les Ardennes. Après je me suis beaucoup appuyé en termes d’idées et de concept sur le Chien à Plumes en Haute-Marne et les Eurockéennes de Belfort. Les Eurocks j’y ai travaillé deux ans, juste le temps du festival et les organisateurs du Chien à Plumes je les ai rencontrés aussi à Belfort. Par la suite, ils m’ont invité à voir un peu à quoi ressemblait leur festival et ça m’a permis d’avoir accès à pas mal d’informations.

J’ai vu que tu travaillais également avec le programmateur des Eurockéennes.

Tout à fait avec Christian Allex depuis 2010. D’ailleurs chez nous il n’est pas que programmateur, il est aussi directeur artistique depuis 2 ans.

C’est avec lui que tu as décidé d’annuler la venue d’Eagles of Death Metal cette année ?

Oui, mais ce n’est pas pour des raisons politiques. Ils sont déjà venus en 2012, on adore musicalement ce qu’ils font. On savait très bien que le chanteur avait des idées pro-Trump, pro armes à feux…c’est quand il a commencé à récupérer les attentats du Bataclan en les couplant à ses idées racistes qu’on a pris cette décision. L’incitation à la haine c’est au-delà de la politique, ça n’a pas sa place sur un festival de musique.

Le Cabaret Vert est depuis quelques années dans le top 10 des festivals français. Comment tu expliques ce succès et qu’est-ce ça veut réellement dire pour toi ?

On est dans le top 10 en termes de fréquentation, c’est très important au niveau de la crédibilité, ça veut dire que l’on a réussi notre pari de dynamiser le territoire. Au-delà de ça il y a pas trop d’intérêt c’est surtout la fierté ardennaise qui prime. Le succès vient beaucoup de la très grosse mobilisation locale avec les nombreuses entreprises partenaires et les bénévoles. Le festival est vraiment à l’image du territoire ardennais et incarne pas mal de valeurs qui nous sont chères.

D’ailleurs le fait de proposer des stands de nourritures et de boissons 100% locales ça se paye forcément quand on n’est pas sponsorisé par des grands groupes ?

C’est sûr que ça se paye. On est sur un budget de 4 millions d’euros, un des plus petits budgets des « gros » festivals. Du coup on est très peu de salariés, on bosse tous énormément et sans le bénévolat le festival ne tiendrait pas. Par exemple le directeur adjoint, présent depuis la première édition, est toujours bénévole, moi en tant que directeur du Cabaret Vert je suis salarié seulement depuis 2013. Le rythme de travail est très soutenu, on ne pourra pas tenir comme ça pendant 10 ans...

Cela veut dire qu’un jour le Cabaret cèdera à l’appel des sponsors ?

Non, on ne veut absolument pas abandonner le fond du projet sinon il est mort. Il faut juste trouver d’autres manières de travailler et diversifier nos activités. Cette année par exemple l’association FLAP* en amont du Cabaret Vert, a organisé un concert de Johnny Halliday au stade Dugauguez de Sedan. Mais à l’avenir on sera surement obligé de travailler sur des projets qui ne seront pas forcément culturels.

*(ndlr : association qui a pour objet la valorisation et le développement du département des Ardennes)

Quels groupes tu aimerais venir voir jouer au Cabaret Vert ? 

En tant que fan je ne te citerais qu’un seul groupe : Rage Against The Machine mais il y aurait un problème de coûts…et à priori, ils ne joueront plus ensemble. Alors indirectement je serais très intéressé de faire venir leur nouveau groupe Prophets of Rage. Après il y a d’autres artistes qui ne sont jamais venus au festival mais qui pourraient être plus facilement accessibles comme les Pixies ou Cypress Hill. Mais là en l’occurrence c’est plus un problème de planning que d’argent. On regrette aussi énormément de n’avoir jamais pu faire venir Motorhead.

Quel est ton meilleur souvenir de toutes ces années ?

L’un des plus beaux moments c’était le passage d’Iggy Pop et de Pete Doherty en 2011. Iggy Pop était venu le vendredi soir,  Pete Doherty le samedi et tous deux avaient eu droit à une visite guidée du Musée Rimbaud*. Pete Doherty est même allé sur sa tombe…donc tu vois ça dégage quand même quelque chose de particulier. Sinon à titre purement personnel mon meilleur souvenir c’était en 2008 avec Louis Bertignac dans les loges, où on a joué au babyfoot et il a fini par faire un bœuf avec les Fils de Teuhpu.

*(ndlr : Arthur Rimbaud est originaire de Charleville-Mézières, où a lieu le Cabaret Vert, le festival doit d’ailleurs son nom à l’un de ses poèmes)

Et ton pire souvenir ?

Je dirais en 2012. Le festival était bien rempli et il y avait un énorme problème de jauge sur le camping. On ne pouvait pas encore réserver, les gens achetaient leur pass camping directement sur place. C’était très compliqué à gérer on a dû agrandir le camping alors que les gens étaient déjà en train de s’installer…et en plus c’était sous la pluie.

Est-ce qu’on peut s’attendre à un retour de la danse du crabe* pour cette édition 2016 ? 

Ca c’est une bonne question ! (rires) Pour le coup ceux qui ont organisé ça sont vraiment indépendants, c’est plutôt à eux qu’il faut la poser !

*(ndlr : un grand crabmob avait été organisé lors de l’édition 2014 par le Cabaret Vert, page facebook parodique du Cabaret Vert)

Propos recueillis par Josselin Thomas
Crédit Photo : Louise Vayssié - Amnusique