On était à
Vibrations sonores et électriques chez John Beauregard

Un festival normand haut en couleurs et en rencontres. Deux scènes, des concerts intenses, de la pluie, et même des hommes aquariums. On n’a pas chômé sur nos trois jours à Beauregard et on vous raconte tout.

Jour 1. 20h04, la France perd. On gagne la Normandie

Départ après le match de foot. La France a perdu mais nous on compte bien gagner le cœur du festival et ce, le plus rapidement possible. 2h30 de route et nous voilà enfin à Beauregard , enfin… quelque part en Normandie où toutes les sorties pour les festivals s’avèrent bouchées, sauf une bien cachée qu’on arrive finalement à trouver grâce à des amis présents sur place. Mais là, deuxième obstacle : la sécurité, peu conciliante  qui nous fera faire deux boucles et retourner sur l’autoroute avant de finalement nous laisser rentrer. Il est 00h45 et on entend Shaka Ponk en fond dès notre arrivée sur place. Au taquet et après un demi - et une consigne des gobelets à 2€ ! - on se dirige vers Kavinsky. Il n’est pas encore là mais déjà sur scène une installation : il jouera donc derrière une tribune rouge . Ok.

00h55, Where is Kavinsky ?

Kavinsky (photo) arrive sur scène sous une fumée violacée, encadré de 2 écrans qui donnent  en perspective vers lui . On attend le show du créateur de la BO de Drive … qui au final laissera un sacré vide dans nos esprits. Kavinsky se cache derrière son estrade : va savoir s’il joue sa musique live ou s’il appuie juste sur le bouton play. L’estrade, qui aurait pû rajouter un effet de lumière ne s’allume que trop peu, pour un set au final très décevant. On attendra le rappel – d’ailleurs beaucoup trop long – pour avoir Nightcall dans sa version d’origine. Autant passer le titre chez soi , la musique est la même, surtout qu’il commence à bien pleuvoir et qu’on a pas prévu le K-Way.

02h00, Disclosure réchauffe Beauregard

Les Disclosure sont là, à l’autre bout du parc. On les entend de loin et ils envoient du lourd. On se souviendra de ce début de concert avec le mythique When A Fire Start To Burn qui nous fait directement oublier qu’on rentrera trempé de partout à la fin de la nuit. On est fan de leur son ainsi que de leur jeu de lumières en HD et les images animées de leurs fameux dessins en train de chanter avec eux. Ils prennent du plaisir sur scène et ça se voit . On en ressortira satisfait , réconcilié avec l’électro et impatient de la journée de samedi.

Jour 2. 15h30, Ondulation du fessier pour SamBA De La MuERTE

Déjà vu à Paris pour le festival Chorus et le Winter Camp, on avait hâte de retrouver les Caennais de SamBA De La MuERTE (photo) en concert dans leur fief normand. Et encore une fois on n’a pas été déçu. Sur leurs épaules un challenge de taille : ouvrir un festival au temps menaçant, et d’ambiancer les premiers festivaliers. Chose réussie ? Ils avaient tout pour : Adrien, chanteur très charismatique, qui fait ce qu’il veut avec sa voix (une très, très belle voix), une énergie de groupe, un guitariste assez barré avec des mimiques très divertissantes, et du son. Du bon son. Ils alternent leurs ambiances, maîtrisent parfaitement leur jeu, bref, une bonne mise en bouche de chez eux qui leur donne l’occasion d’essayer un nouveau titre en exclu . Une chanson engagée autour des affaires Sarkozy. Pas trop mal.

16h15, la New Wave de Be Quiet

Direction la scène B pour les bordelais de Be Quiet. Calés autour d’accords très New Wave, ils sont les jeunots du festival mais ils ont l’air de grands. Grande prestance du chanteur, Benjamin, avec ses lunettes qui nous ferait presque le confondre avec le chanteur de Ghinzu. Un guitariste très chelevu nous cache son minois : impossible de ne pas penser à Jonny Greenwood de Radiohead.

17h00, Speech des intermittents et pluie diluvienne

Sous un soleil encore là on se dirige vers la deuxième scène, pour tester Zone Libre Extended. Pourtant, ce n’est pas la musique que l’on entend en premier mais un discours sur le régime des intermittents prononcé par l’un des chanteurs. Le festival préfère donner la parole aux intermittents plutôt que de risquer un blocage de l’évènement. En plus d’avoir vu un peu partout dans le parc des flyers sur le mouvement un rappel oral ne fait jamais de mal , surtout devant le public de Beauregard attentif et venu avec des pancartes pour certains. Néanmoins, la pluie aura raison de nous et on court se mettre à l’abri après leur discours.

19h10, le coup de fouet Foster The People

On les avait vu jouer à Rock en Seine il y a deux ans et les revoilà devant nous en festival, les Foster The People (photo) sont un groupe valeur-sûre pour donner la pêche. A coup de refrains sautillants, ils font bouger la foule qui est gentiment en train de se prendre la pluie. Des titres du premier album, qui ont fait leur succès, mélangés avec quelques uns du nouveau . On danse sur Houdini et le public se retrouve tous en choeur pour chanter le fameux refrain de Pumped Up Kids. A Rock en Seine on avait quand même eu droit à des confettis et bonhommes en pneumatiques. Tant pis , leur énergie est toujours là et c’est le principal.

21h20, Vanessa : le sourire de la journée

Que l’on aime ou pas, on ne résiste jamais longtemps à son charme. Déhanché sexy, lèvres rouges, cheveux courts et blonds, elle nous chante sans fausse note ses chansons, accompagnée de Benjamin Biolay comme aux Solidays. Le petit guest inattendu, avec un duo en prime. Les amoureux de « Vanessa » étaient bien au rendez-vous, pour chanter la plupart de ses singles, c’en était presque touchant. Mais pas de Joe le taxi pour cette fois, cette chanson qui lui colle à la peau depuis ses 15 ans. Le temps de trouver quelque chose à manger, on tombe sur des énergumènes surprenants (photo). La têtes enfermée dans des aquariums, ces deux « artistes » se balladent sur le festival avec des tuyaux pour respirer et des poissons rouges pour compagnies. On se demande comment ils font pour tenir comme ça pendant des heures mais force est de constater qu’ils n’entendent vraiment rien.

23h30, envoutante Portishead

Il est 23h30 et Portishead prend place sur la scène A, la principale. Ambiance spleen et grisante. Grosse claque, on ferme les yeux pendant le concert tellement ces titres nous envoutent. Le show est là mais tout est dans sa voix, le reste importe peu finalement. Ah si, les animations vidéo sur grand écran : des dessins animés en stop motion, des images de l’évolution de l’espèce humaine au fil du temps  jusqu’à l’explosion de l’univers, et les fondus très esthétiques de la chanteuse en live.

00h50, Les énigmatiques Fauve

Fauve nous attend sur la scène B, il est presque 1h .Sans doute l’un des groupes qui a réuni le plus de personnes, c’était assez incroyable. Le collectif ne se montre jamais vraiment le visage découvert. Alors pour kiffer le concert, il fallait plutôt être devant, parce que la réalisation a aussi joué le jeu : les visages étaient floutés. Non, les gens du fond, le réal n’était pas bourré! Textes débités avec précision, émotion, certains vous touchent, vous percutent, vous font un minimum tilter, dans votre cerveau. Une vraie authenticité entre joie et peine s’est émanée de la scène, et le public le recevait. On retiendra aussi ce moment où le groupe souhaite l’anniversaire d’un des membres du collectif en lui offrant des tripes – normandie oblige – et entraine le public dans sa torpeur avec un « tu nous entends le blizzard, tu nous entend ? si tu nous entend, va te faire enculer ! ». Et bizarrement de le crier plusieurs fois avec tout un public ça soulage. De quoi, on ne sait pas mais tout le monde a fini satisfait du concert.

02h00, Maître Gesa

Ce personnage énigmatique prend place sur son piédestal, il est 2h du matin. Et nous voilà emporté pour un moment de gros défoulement. Ça vide le cerveau. Ça vous fait tout lâcher. Jeu de lumière et son excellent, l’ambiance est dingue, on ne sait pas comment se défoncer encore plus les oreilles, c’est juste complètement exaltant. Un peu comme une drogue, on a aucune envie que ça s’arrête. Même après une journée de concert dans les pattes, ton corps est complètement présent et en redemande.

Jour 3. 16h15, Bain de soleil avec Portier Dean

Découverte de ce festival , le groupe de folk Portier Dean (photo) se marie bien avec le temps de ce dimanche aprèm. Plaisant. On comprend les festivaliers assis tranquillement sur l’herbe. C’est un bon groupe pour bronzer. C’est parfait pour commencer en douceur cette dernière journée de festival. En descendant le festival vers Seasick , on croise une fanfare. Pourquoi pas. Ça change de style de musique et fait un petit intermède « fun » entre deux groupes.


17h00, Seasick Steve au fondement du rock’n roll

Deux rockeurs dans les 70 balais, bouteilles de vin à la main, tatoués, lunettes de soleil, barbe énorme, salopettes et guitares complètement incongrues. Seasick Steve (photo) vient nous montrer de quoi ils sont capables. Il fait beau, tout est là pour passer un bon moment, mais un moment country/blues s’il vous plaît. Steve nous parle de son ami Jack White, de sa guitare qui est à l’origine d’un pot d’échappement des 70’s, invite une jolie fille sur scène pour lui jouer une chanson de lover. Coup de chance, la nana connaissait les paroles par cœur et était émue jusqu’aux larmes. Beau moment d’amour de la musique. Et puis y’a eu des bons gros riffs de guitare, une batterie bien bourrine et un super public, dansant, brandissant des poneys en peluche, hurlant comme des malades. Un pur moment rock’n’roll.

19h10, calme plat pour Agnes Obel

Agnes Obel (photo) est venue avec son piano, plus trois musiciens. Et le public l’écoute. Beaucoup plus réceptif que pour sur les autres concerts, un silence se fait du côté de la grande scène de Beauregard. Et c’est assez fascinant. Tout le monde est arrivé à une conclusion étrange de laisser, pour une fois, parler la musique. On aime cette ambiance et ça fait du bien. D’autant qu’Agnès Obel a une très belle voix, il faut l’avouer.

20h15, pop made in Breton

Breton (photo) faisait parti de notre tête d’affiche de ce festival, et on a pas été déçu . Fier de venir jouer ici, devant autant de public le chanteur nous fait plaisir en sortant quelques phrases dans un français approximatif mais compréhensible. Et forcément on est pas déçu . Ils rejouent même le titre qui les a fait connaitre du grand public, Edouard The Confessor. Sans oublier “Envy” de leur dernier album qui rallie tout le public . Et les bras en l’air s’il vous plait. Vers la moitié du concert, on entend le public chuchoter sur l’heure à laquelle partir pour voir Damon Albarn. Nous on a fait notre choix : on part vingt minutes avant. La foule est déjà là.

21h20, Le grand Damon Albarn

Avouons-le, on est venu à Beauregard pour lui. Sa musique, son sourire charmeur, sa façon d’ambiancer le public, les invités qu’il ramène toujours sur scène. Plus qu’une promo d’un seul album c’est presque toute sa carrière de musicien que Damon Albarn (photo) nous fait en live. Des titres de Gorillaz, en passant par Blur et The Good The Bad and The Queen. On les connait tous. D’ailleurs le public aussi. On pense aux récents Mr Tembo , Press Play et des moins récents tout droit sortis de l’album Demon Days. A coup d’arrosage des spectateurs, de descente dans la fosse ..il sait se faire acclamer. Et le public connait déjà quelques unes de ses habitudes, comme sortir le melodica pour entamer la fameuse intro de Clint Eastwood Et à côté de ça il n’est pas tout seul sur scène. Son batteur a une pêche incroyable et son guitariste autant de classe qu’un Pharrel Williams en costard. Bref , on a adoré , il nous a même fait coucou. Si , si je vous jure.

22h25, John Butler Trio et ses solos de guitares

Damon Albarn nous a émoustillé par sa prestance, John Butler (photo) lui brille à travers ses solos de guitare. On a checké : 10 min pour un solo. Et bien sûr on couronne le tout avec son tube Zebra et sa fameuse ligne de basse. On profite de cette ambiance reggae pour tester la saucisse - frite du festival et boire un cidre, histoire de se fondre chez les normands qu’on doit bientôt quitter.

23h30, la ders des ders, les légendes Pixies

Les Pixies (photo), une légende musicale, qui nous a montré qui ils étaient pour fermer le festival. Debaser pour commencer, on se plaint pas. Tout s’enchaîne, Frank Black assure complètement, la voix magnifique, tantôt raillée, tantôt douce. Une belle bassiste les accompagne : qu’est-ce que c’est classe une fille bassiste dans un groupe de rock ! Mouvements de foules impressionnants, le groupe nous met le feu à tous, c’est clair. Si vous vous demandez s’ls nous ont joué Where is my mind, je vous le dis : Oui. Difficile d’expliquer les sensations à ce moment là. Le morceau redonne un coup de fouet aux plus endormis. Le concert se termine comme il a commencé , tout en émotion. C’est la première fois qu’on voyait les Pixies, mais le dernier concert du festival. Un titre vient nous remonter le moral néanmoins , c’est Heroes de Bowie qui passe en fond sonore. Certains chantent, dansent encore, d’autres profitent des dernières minutes d’une atmosphère qui ne s’est pas encore envolée.

Côté scène

La claque
Portishead . Envoûtante jusqu’au bout de la nuit.

Les bêtes de scène
Fauve et Damon Albarn , ils savent se faire désirer, emmener un public déjà conquis à les adorer encore plus.

La découverte
Be Quiet, les petits jeunes orientés New Wave. 

Le retour gagnant
Pixies, il y en a toujours sous le capot

La déception
Kavinski . On voulait une ambiance à la Drive mais il manquait Ryan Gosling.

Côté festival

On a aimé :

- La bonne humeur des bénévoles, toujours souriants même à 3h du mat’.
- Les artistes comme Seasick Steeve ou les Fauve qui se balladent tranquilou dans le public en attendant leur concert. 
- La programmation qui réunit des légendes ( Pixies , Seasick Steve) et fait jouer des plus petites groupes sur les mêmes scènes

- L’adoration commune de tous les festivaliers à l’énigmatique John Beauregard

On a moins aimé :

- La consigne des gobelets à 2€ !

Conclusion

On se souviendra longtemps de cette édition du festival de Beauregard. Pour son cadre vraiment sympathique, ces artistes qui ont bercé notre adolescence et que l’on retrouve en live. Pour ceux qu’on écoute en boucle à la radio aussi. Et après tout la pluie n’était pas si gênante que ça , les K-Ways de différentes couleurs rendent la nuit encore plus festive.

Récit et photos : Cécile Nougier et Juliette Ortiz

Pour l'édition 2013 de Beauregard : Trois jours dans la cour d'un château