On était à
Le Schmoul fout le bordel en Bretagne

Première virée festivalière de l’année dans la région rennaise pour le festival du Schmoul, qui en est déjà à sa 15 édition. Misant sur la simplicité d’une programmation bien foutue et d’une ambiance conviviale entretenue, il offre deux belles soirées fiévreuses qui n’ont rien à envier aux grosses machines.

Jour 1. 19h44, premières rafales soniques

Débarquement à Bain-de Bretagne, à une trentaine de bornes de Rennes. Le site du festival borde le terrain de foot municipal, et on découvre après s’être garé un cadre qui de prime abord ne paie pas de mine : une salle des fêtes, des barnums, pas de déco particulièrement présente, le festival mise sur le contenu, pas sur le contenant. Les concerts se déroulent dans la salle, où une deuxième scène est installée à l’opposé de la scène permanente, ce qui permet une alternance quasi immédiate des concerts. Notre arrivée se fait sur la fin du set des Roadies, qui laissent la place à Dominic Sonic (photo) et son gang. Figure mythique du rock rennais, le guitariste chanteur revient avec à ses côtés des membres affûtés de Bikini Machine et un sacré batteur. Un vrai plaisir de découvrir cette formule - certes à ses débuts - mais qui donne un sacré coup de frais au répertoire ancien et en propose un nouveau cohérent et enthousiasmant. On a hâte de voir ça se rôder sur les routes, la personnalité musicale du bonhomme n’a pas perdu de son attrait. Gros son, tous riffs dehors, la soirée s’annonce bien rock.

21h20, nos premières bières

Encore relativement peu de monde en cette première partie de soirée, mais déjà une chouette ambiance, avec un public tous âges et styles confondus, mais avec une dominante très rock’n’roll au diapason de la programmation de ce vendredi. L’offre de boissons est simple, suffisante et pas spécialement onéreuse, le paiement se fait en jetons non remboursables mais réutilisables d’une année sur l’autre. Les bénévoles sont souriants, disponibles, et le public semble pour la plupart constitué d’habitués de ce rendez-vous. Pour la nourriture, un seul prestataire proposant une gamme assez large de plats qui remplissent le bide entre deux bières (et bien sûr, on recommande les “schmoul frites”...). Ici et là, ça cause fort, ça se rencontre, ça se retrouve, ça rit ample et l’ambiance est simple et chaleureuse.

21h38, hurlements de chats morts

Mais l’heure est déjà revenue de retrouver une autre légende des scènes rock de l’Ouest, avec les rugissants Washington Dead Cats (photo). 30 ans de carrière et toujours la même banane, la même énergie estampillée wok’n woll vintage. Et pour ceux qui se poseraient la question : oui, ils lancent toujours des poireaux dans le public, et le chanteur porte avec une élégance improbable le caleçon léopard. Dommage que le son ait manqué de puissance, tant le set était impeccable d’équilibre entre répertoire rôdé et implication débridée. Un réel plaisir de retrouver ces gars là en tout cas. Profitant d’une pause houblonnée sous les chapiteaux extérieurs, au milieu d’une foule débonnaire désormais un peu plus fournie, nous baguenaudons entre le stand d’un disquaire garage/punk proposant vinyles, badges et décapsuleurs et un improbable trio de potes interprétant une reprise d’AC/DC au son de l’orgue de barbarie.

23h32, la furie s’empare des lieux

Et là, la venue manifestement très attendue des Mass Hystéria s’avère titanesque. La scène est d’emblée prise d’assaut et ne laisse aucune place au débat: quelle puissance, la vache! Comme avec d’autres désormais Grands Anciens, style No One Is Innocent et le Peuple de l’Herbe retrouvés cet été à Malestroit, on est surpris de voir à quel point ce groupe, loin de s’essouffler ou se répéter, n’a fait que mûrir et gagner en maîtrise et en efficacité. Un moment énorme, avec un vrai partage souriant avec le public, du wall of death aux slams d’un gamin d’une dizaine d’années ou des membres du groupes. Alors que tout aurait pu se résumer à une formule lassante de “tout à fond tout le temps”, on en sort au contraire galvanisé et défoulé. Wow. Du coup, pas facile de passer à autre chose ensuite.

00h15, tokyo sex destruction joue après la bataille

De fait, les Catalans de Tokyo Sex Destruction (photo) ont bien conscience de la difficulté de leur position. Après la démonstration de force qui vient de se produire, il va être compliqué de se faire une place dans la soirée. Remerciant le public d’être resté, les gars ne ménagent pas leurs efforts, mais aucune surenchère rock’n’ roll n’y fera, on reste un peu étranger au cirque déjanté et outrancier du groupe. Injuste sans doute, et on se dit qu’on les reverra avec plus de disponibilité une autre fois. Restant à profiter des effluves de cette première soirée très rock qui sent le sueur et le cuir tanné, on se demande comment se passera le lendemain, avec une programmation très différente.

Jour 2. 20h25, début de soirée avec Blaze

Ratant une fois de plus le premier groupe d’une soirée qui débute tôt, nous ouvrons notre samedi soir avec Blaze (photo), le projet surprenant du chanteur Nicolas Reggiani (oui, le fils de son père) et des membres de Ministère Magouille. D’abord dubitatifs quant à ce mélange de chanson très écrite et d’un rock bien arrangé, nous nous laissons progressivement convaincre et séduire par une identité musicale originale et bien troussée, des choses à dire et la manière de le faire, de l’énergie, de l’humour, et une approche finalement bien rentre dedans. Bonne découverte pour un propos qui ne demande qu’à mûrir.

21h36, Tallisker, respiration planante

C’est avec l’artiste suivante que l’on voit se confirmer le contraste avec la programmation de la veille. Autant hier ça griffait dur et sans tergiverser, autant le samedi s’ouvre à des ambiances plus atmosphériques, plus diverses aussi. Et le public est à l’avenant : plus jeune, connaisseur ou pas, plus varié aussi. Avec le “one woman band” de Tallisker (photo), on oscille entre l’impression d’un énième projet “je cultive ma sensibilité singulière à base de boucles multi instrumentistes” et une vraie personnalité en devenir porté par une belle voix et de beaux horizons désenclavés. Le petit bout de bonne femme porte des compositions personnelles, seule face à un public qui lui fait, du reste, bon accueil.

22h33, la métamorphose Jeanne Added

On avait découvert Jeanne Added (photo) à l’occasion des Trans 2014, dans une formule toute en sensibilité foudroyante. Force est de constater que la demoiselle a accompli une mue à la mesure des scènes qui l’attendent. Elle délivre ce soir un concert toujours aussi juste et beau, mais incroyablement plus punchy. Rentre dedans, dansant, cogneur, le répertoire a été retravaillé et ça fonctionne. Regrettant au début tout l’espace laissé jusque là à une interprétation faisant la part belle à l’intime, on se laisse gagner par le constat que rien de tout ça n’a été vraiment délaissé, et qu’il y a juste eu un virage visant très logiquement à une grosse efficacité scénique, à la sauce parternel des The Do. En tout cas, très attendue, la jolie Jeanne est acclamée par une foule dense et enthousiaste. Un très bon concert, indubitablement.

23h55, et si on se faisait faire un petit tatouage?

Pour qui douterait de l'ADN rock du Schmoul, il suffit d’aller faire un tour à l’échoppe du tatoueur qui officie les deux soirs. Avec patience et du gros son en fond, le joyeux festivalier aura ainsi parfois cédé à la tentation de marquer définitivement le souvenir d'un week-end. S’en suite une autre grosse découverte de l’an dernier, les petits jeunes de Last Train. Avec le même sens de la mise en tension et de l’explosion qui fait si souvent défaut au cracheur de riff, le groupe déchaîne un rock référencé, classe et rêche à la fois, simple et direct. Et ça fait mouche. On se demande un peu ce que deviendra cette approche et si elle parviendra à se renouveler sans se singer. Mais, en attendant, on savoure le savoir faire jouissif et impulsif de ces gars qui, pleins d’une juste hargne, se révèlent un vrai bon groupe de scène.

01h43, on joue les prolongations

Avec notre comptant de décibels et d’énergie déversés, nous prolongeons l’immersion dans la nuit festive qui s’ébat autour de la salle. La soirée continue, mais la musique ne sera plus pour nous l’essentiel de ce qui reste à vivre. Vrai festival, le Schmoul l’est aussi parce qu’il manifeste une identité, et les gens qui le fréquentent, la cultivent tranquillement. Ca rigole, ça picole, ça chambre des inconnus devenus les meilleurs copains, ça fume en regardant les étoiles et parfois même ça se déhanche, jusqu’à ce qu’il devienne évident qu’il commence à être temps de rentrer, faute de quoi il va falloir vraiment dormir dans la voiture.

Le Bilan

Côté concert

La découverte
Blaze, original et prometteur.

Les retrouvailles réussies
Washington Dead Cats, 30 ans au compteur et toujours aussi déchaînés, et Dominic Sonicsi bien entouré  pour un nouveau départ.

La claque
Mass Hysteria, en pleine forme.

La confirmation
Jeanne Added, aussi bête de scène que belle et touchante.

Côté festival

Ce qu'on a aimé :
- La grande qualité de la programmation, cohérente, variée, enthousiasmante;
- La disponibilité et la convivialité des bénévoles
- Le prix des places (30 euros les deux soirs) qui en fait un événement très abordable au regard de la qualité proposée
- Les tarifs raisonnables des boissons

Ce qu'on a moins aimé :
- L
e peu d’importance accordé à l’identité visuelle et à l’aménagement des lieux, ça reste très fonctionnel
- L
’offre en nourriture un peu restreinte, mais qui se justifie au regard de la fréquentation du festival

Conclusion

Que ça fait plaisir, un festival à l’essence vraiment rock, sous toutes ses formes mais avec à l’esprit ce qui fait l’âme rêche de cette musique. Le nombre de très bons groupes à y être passés est du reste assez impressionnant, au regard de la taille de l’événement. En toute simplicité, avec une programmation qui se démarque par son intelligence, le Schmoul est un rendez-vous à découvrir. A condition de ne pas s’y prendre au dernier moment, car cette année encore il affichait complet les deux soirs... Vous voila prévenus pour l’année prochaine ! Quant à l’origine et la signification du nom, il faudra venir poser la question vous même.

Un reportage de Matthieu Lebreton