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No Logo Festival : " Le monde est fou, on a besoin de se mélanger, de se retrouver et de passer du bon temps ensemble"

Le No Logo Festival, c’est presque 10 ans de promotion d’un modèle de festival indépendant, de mise en avant d'artistes de reggae et de dub, d’animation du petit village de Fraisans, de fortes valeurs et d’engagement pour ses festivaliers. A l’occasion du retour de son format originel cet été, on retrace son parcours depuis sa création jusqu’à aujourd’hui. Rencontre avec son directeur, Florent Sanseigne. 

La première édition du No Logo a été construite en à peine quelques mois, quelle a été la source de cette impulsion ? 

Il est vrai que la conception du festival s’est faite très rapidement, on a lancé le projet le 1er juin 2013 pour un événement qui devait se tenir les 14 et 15 août, et c’est donc en à peine 2 mois et demi qu’on a dû monter le No Logo, à partir de zéro ! 

À l’époque, j’étais tourneur pour des artistes de reggae, et sur les dates du 14-15 août tous mes groupes étaient off. Au même moment, on m’avait présenté le site des Forges de Fraisans, situé du côté de Besançon dont je suis originaire. Une ancienne friche industrielle récemment réhabilitée en espace culturel avec une salle de concert de 500 places, pour laquelle j’ai instantanément eu un coup de foudre. Dès que je l’ai visité, je me suis dit que je voudrais monter le festival dans ce lieu. Il faut savoir que la Mairie qui gérait cet espace s’était battue pendant 20 ans pour pouvoir le reprendre et le rénover, et elle était tellement à fond pour le remettre en état, qu’une fois inauguré en juin 2013, elle se rendait compte des coûts de fonctionnement qu’un tel espace de vie engendrait. Je me suis empressé d’exposer le projet de petit festival qui leur a immédiatement parlé, sachant que c’était aussi un bon moyen de faire connaitre le lieu dans les alentours. C’est comme ça qu’en une soixantaine de jours, accompagné de plusieurs personnes du métier que je connaissais, est née la première édition du festival.

On avait prévu 3000-4000 personnes sur 2 jours, et on avaient fait une entrée à 25€ pour 2 soirées avec des têtes d’affiche comme Alpha Blondy et Max Romeo. Les gens pensaient que c’était une arnaque. A quelque jours du festival, on s'est rendu compte du grand engouement pour l’événement qui a fini par exploser les compteurs avec 9 500 personnes par soir. Victimes de notre succès, on a même dû refouler des personnes à l’entrée ! Les gens sautaient de partout, tout le monde voulait rentrer, c’était l’édition la plus libre. Et c’est ce qui nous a donné envie de transformer ce supposé one shot en un événement récurrent, le No Logo. 

D’où est venu le nom du festival, No Logo ?

Tout d’abord, c’est l’idée des couleurs, rouge, noir et blanc qui nous est venue pour faire référence aux événements de mai 68. Il fallait aussi faire un lien avec le lieu, Les Forges de Fraisans, qui avaient servi dans les années 1900 à construire les bouts de ferrailles des ponts, des viaducs, de la Gare du Nord, de la Tour Eiffel etc… on voulait rendre hommage au lieu qui avait vu passer des milliers d’employés et garder le côté lutte sociale et lutte des classes de l’époque. Montrer qu’on pouvait construire un événement indépendant dans ce lieu était donc logique. Le nom No Logo quant à lui est inspiré d’un livre de Naomi Klein, écrivaine anticapitaliste canadienne, qui explique comment sortir de la société capitaliste. 

Pourquoi est-ce que vous avez fait le parti pris d’être indépendant ? 

La première année, vu que le festival s’est monté dans un très court laps de temps, il n’était pas envisageable de demander des subventions. On devait aussi être opérationnels très vite, et on n’avaient pas le temps pour former des bénévoles et des équipes. Il fallait donc qu’on soit autonome, et c’est à ce moment là que les bases du No Logo ont été mises. Pour la deuxième édition, ces bases se sont traduites par une charte qui marquait l’envie de monter un festival dénué de partenariats, de sponsoring, de subventions publiques ou de mécénat, dans le but de développer une zone rurale par le biais d’un événement culturel, mais aussi pour assumer le fait de vouloir faire des choses sans dépendre des pouvoirs politico-économies et d’entreprises. C’est donc pour la deuxième édition que le concept d’indépendance du No Logo s’est développé vraiment. 

Comment est-ce que cette indépendance se transcrit dans le festival ? 

Le No Logo ne touche pas d’argent privé, ni public. Ce sont uniquement les festivaliers, considérés comme acteurs, qui le financent par leur fréquentation. C’est comme une SCOP (société coopérative et participative) géante. Pour que ce modèle soit possible, à la suite de la première édition du No Logo, je me suis tourné vers un chercheur universitaire pour faire des enquêtes auprès des festivaliers qui donnent leurs avis et soumettent leurs envies sur une partie de la programmation, comment est-ce qu’ils veulent faire évoluer le festival sur les courts et moyens termes... Ils nous jugent sur ce qui a fonctionné ou pas selon eux les années précédentes, les activités qu’ils veulent qu’on développe... Ce sont eux par exemple qui ont décidé la deuxième scène émergente, et ont réclamé la troisième scène au camping. 

Cette année, ils ont exprimé leur envie d’avoir un village associatif, et c’est ce qu’on a tâché de faire. Évidement, il faut que cette nouveauté ait du sens, on leur a donc demandé quels thèmes ils voudraient y retrouver. Sur les 2000 réponses, ce qui ressortait c’est le souhait de rencontrer des associations qui puissent éveiller les consciences, et sensibiliser les gens sur des sujets d’actualité. Les causes les plus relevées sont celles de l’écologie, l’environnement, la migration, la parité, les animaux, et les violences. C’est donc sur l’ensemble des réponses de l’enquête auprès de nos festivaliers que nous nous sommes basés pour la construction du nouveau village associatif qui accueillera une dizaine d’associations comme SOS Méditerranée, Amnesty International, La Pile (monnaie locale) et Zéro Déchet, qui feront aussi des animations de sensibilisation. 

Est-ce que le modèle indépendant du festival vous a porté préjudice durant la crise sanitaire ? 

En 2021, on demandait à nos festivaliers ce qu’ils voulaient faire pour 2021, sachant que c’était encore une période floue avec les différents protocoles sanitaires qui ne cessaient de changer, et qu’il n’y avait pas encore le pass vaccinal. Les festivaliers étaient clairs : ils suivraient le No Logo si l’événement se tenait sans distanciation, debout, avec bar, restauration et camping. Ils voulaient un vrai festival. On se lance donc dans la préparation du No Logo et on présente le dossier de sécurité à la préfecture à une période où les choses allaient un peu mieux. Ça aurait été plus facile pour nous à ce moment là de ne pas prendre de risques, mais on avait envie de retrouver nos festivaliers qui avaient besoin de s’exprimer, de donner aux artistes l’occasion de retrouver la scène, et de créer du travail à nos intermittents et prestataires. L’édition 2021 a pu se tenir dans un cadre bien précis, dont la restriction des jauges. Or, le modèle économique du No Logo repose sur les grosses manifestations avec au moins 15 000 personnes, donc sur notre budget prévisionnel cette année là, on étaient très déficitaires. Pendant la période de fermeture forcée, on a eu droit au chômage partiel, au fond d’indemnisation, et à des aides du CNM (Centre National de la Musique). Ces dernières sont ce qui a permis au No Logo de se tenir lors de son édition spéciale en 2021. A noter que lors du bilan de la dernière édition du No Logo, il s’est avéré que les bénéfices étaient plus importants que prévu, et on a donc rendu de notre propre chef au CNM l’argent en surplus, sachant qu’on avaient touché 60% de l’aide octroyée, et on en a parlé publiquement pour rester transparents. 

Quels sont les axes principaux sur lesquels se concentre aujourd’hui le No Logo ? 

Le No Logo est avant tout un festival de musique, sa programmation est donc primordiale. Les valeurs qu’il véhicule sont aussi importantes pour nous, comme le fait d’être indépendant et de pouvoir garder la liberté de faire sans entrer dans un volet marketing. On se concentre aussi sur le volet écologie, sachant qu’on a une conscience environnementale depuis un moment : on fait de la récupération de déchets organiques, on trie les déchets, on met en place des navettes de bus pour les transports, on réduit le plastique etc… et cette année on encourage les gens à venir au festival à vélo. On a remarqué 50% des personnes qui viennent se déplacent depuis la Franche-Comté. En provenance de Dijon, de Besançon, de Dole et de Belfort, il y a une vélo route qui amène jusqu’au lieu des festivités. On s’occupe de transporter les bagages des gens jusqu’au festival à l’aller tout comme au retour pour qu’ils puissent se déplacer à vélo librement. On leur fera des petits t-shirts de finishers comme dans les épreuves sportives, avec une petite bière et un mix de DJ en arrivant à Fraisans. Que tu sois sportif ou pas, petit ou grand, la route est plate et il y a 30 km à faire. C’est cool, c’est fun, ça crée des souvenirs et il n’y a ps de risque routier. On s’occupe de tout. 

La mixité sociale et l’accessibilité culturelle font aussi partie de nos préoccupations. On essaye pour cela d’être accessibles dans notre politique tarifaire avec des pass 3 jours à 79€ sans camping pour donner la possibilité aux gens de se rencontrer. On essaye d’être humains et simples. Nous on est là pour organiser le No Logo, mais ce sont ses 15 000 festivaliers/jour et 12 500 qui décident d’y rester les 3 jours qui le créent.

Quelle est la force du festival ?

Je dirais ses festivaliers, l’ambiance, la programmation, et les valeurs qu’on y retrouve. On ne trouvera pas dans son enceinte de bière industrielle par exemple, mais plutôt de la bière faite localement et du jus de pomme bio produit à 20km du site. On est fier de travailler avec des prestataires qui viennent à 95% de Franche-Comté. On essaye d’impliquer les acteurs locaux dans un village de 1 000 personnes comme le club de foot à qui on loue le terrain pour en faire un parking, et grâce à ça ils arrivent à développer des activités tout au long de l’année. Pareil pour le club de lutte, pour le foyer rural, tous les petits commerçants du village dans lequel se tiennent les festivités. En 3 jours, ils arrivent un faire à peu près un chiffre d’affaire d’un mois ou un mois et demi. On a fait des études, et économiquement, le No Logo c’est 1 million de retombées économiques sur le territoire. 

Est-ce que vous pouvez nous parler du lien que le festival a avec l’Afrique ?

Une partie de notre merchandising est fabriquée en partenariat avec l’association Africa avec qui on travaille depuis la première édition et qui est en lien avec des centres d’insertion professionnels au Sénégal. Dans un centre de formation à Mbao, ce sont les jeunes qui passent un CAP Couture qui fabriquent les produits, et une fois vendus pendant le festival, une partie des bénéfices leur est versée pour qu’ils puissent développer le centre de formation là-bas. 

Mais en vrai, pourquoi on vient ?

Venez faire la fête, on va s’éclater. Le monde est fou, on a besoin de se mélanger, de se retrouver et de passer du bon temps ensemble. On vous attend avec impatience ! 

Le festival No Logo se tiendra du 12 au 14 août 2022 à Fraisans (39). Le billet à la journée est au prix de 38€, et le pass 3 jours est affiché à 79€ sans camping, et à 89€ camping inclus. Pour choper tes places avant que ce ne soit trop tard, c’est par ici.

Crédit photo : No Logo Festival // Site WebÂ