On était à
We Love Green, le retour des jours heureux

Après les conditions post-apocalyptiques de l'année dernière dans le bois de Vincennes, la 6e édition de We Love Green était attendue au tournant. Avec une organisation plus soignée, un univers éco-responsable toujours engagé, trois scènes, une programmation très internationale et des interventions variées dans un Think Tank imposant, le festival semble avoir appris de ses erreurs et s'en sort avec les honneurs. Retour sur nos deux jours à Vincennes.

Jour 1. 15h45, on papillonne dans une ambiance hippie-chic éclectique

Les bottes de pluie au placard, c'est avec nos chapeaux et de la crème solaire qu'on se présente à l'entrée, impatients de se mettre au vert. On découvre un environnement champêtre, à la scénographie et aux animations travaillées. Les lieux grouillent déjà de monde, au sein d'une décoration travaillée et colorée réalisée à partir de matériaux récupérés et recyclés. Les festivaliers sont dans le thème et affichent sourires et looks printaniers. La programmation est prometteuse ; on saute d'un espace à l'autre, incapables de se prononcer pour un concert en particulier.

17h58, montée en puissance

Bien installés dans nos hamacs, on se décide à assister à la performance énervée d'Agar Agar (photo). La disposition de chaque espace ayant été repensée, avec notamment moins de distance pour aller d’une scène à l’autre, nous arrivons rapidement et obtenons une place avec une vue privilégiée. Grand bien nous en a pris : les connaisseurs du duo affluent en masse, le chapiteau de la scène La La Land est rapidement plein à craquer. Le groupe, à l'aise, débute doucement, perturbé par des balances pas tout à fait au point, puis monte en puissance pour finir complètement déchaîné.

21h15, un petit creux ?

La soirée se poursuit, avec les concerts d'un Damso au sommet et d'un Benjamin Clementine au style très léché. Mais c'est surtout Solange (photo), sur la grande scène, qui nous met une belle claque. La diva, entourée de ses danseuses, propose un show enflammé et fait valser sa crinière de lionne au rythme de ses titres. Retournés, nous nous accordons une pause à l’Espace Restaurants. Risotto, buddha bowl, burger, bo bun, repas vegan et végétarien... Tout comme la programmation, les menus proposés sont internationaux et il y en a pour tous les goûts.

22h55, retour 10 ans en arrière

Avec une pinte de Mort Subite en main, venue compléter le monopole d'Heineken sur le festival, on ne tient pas en place avant le live très attendu du duo Justice (photo), remplaçant de luxe de la tête d'affiche A Tribe Called Quest. On tente de se frayer un chemin parmi la foule électrisée. Le set s'avère d'une efficacité redoutable mais sans grande surprise : une petite douceur de nostalgie qui privilégie un enchaînement de tubes présents et passés sans audace mais qui fait du bien. La clôture se fait désirer, après un intermède de dix minutes pas bien compris d'un public déjà sur le chemin du départ, mais finit la journée en feu d'artifice sonore. Les plus éveillés enchaînent avec l'écoute de Richie Hawtin ; nous, nous préférons rentrer et affronter les 20 minutes de marche imposées : pas de navette cette année pour nous ramener.

Jour 2. 16h15, brassage d’idées et de réflexions

Retour au bois de Vincennes. Après avoir écouté les nouveautés rafraîchissantes de l'album protéiforme Solide Mirage de Frànçois & The Atlas Mountain, on fait une pause au soleil et on s'installe dans l'herbe devant le Think Tank. Cet espace d'expression ouvert à tous est la véritable valeur ajoutée du festival. Il permet d'échanger, de sensibiliser le public à différentes thématiques environnementales et se présente aussi comme un lieu d'expérimentations créatives graphiques et sonores. On reste longtemps captivés devant une conférence de Rob Hopkins et Swen Deral qui discutent autour des enjeux de la transition énergétique.

17h02, un torrent d’énergie

Les festivaliers s'agitent en direction du concert d'Amadou & Mariam, on suit le mouvement. Soleil, danses et bonne humeur accompagne la musique afro-moderniste du groupe. De quoi nous donner soif. Direction le bar, où il faut s'armer de patience, malgré un système pratique et fluide de cashless par carte sur un bracelet censé accélérer les transactions, et ne pas craindre les prix excessifs  : 30 minutes d'attente pour une bière à 7,5 €. Le nouveau credo du festival : « We love to wait » ! Avec un sentiment de victoire, on la savoure devant la grande scène où joue Camille (photo). Elle revient après un silence radio de quatre années, et ne déçoit pas son public, charmé par le décor chimérique et le jeu de scène envoûtant de la chanteuse.

21h30, l’envol

Du côté de La Clairière, le public est transcendé par Nicolas Jaar. Après une lente introduction toute en douceur de trente minutes, timide pour certains, hypnotique pour d'autres, le DJ chilien nous transporte avec un set puissant, nuancé et parfaitement maîtrisé, une véritable montée en apothéose. Le public, totalement happé, ne peut plus s'arrêter de bouger. En témoigne la vraie star du set : la personne, comme possédée, qui a escaladé un échafaudage pour offrir à tous une danse venue d'ailleurs, que même la sécurité a eu du mal à stopper. Nos respects.

22h30, on finit en beauté

L'heure tourne, le set de Nicolas Jaar n'est pas terminé et le choix est cornélien quand débute en parallèle Moderat (photo) sur la grande scène. Le groupe allemand, que nous avions déjà croisé à La Magnifique Society propose un grand live électro plus habité qu'il y a quelques semaines, mais toujours fidèle à ses titres cultes, avec une pointe de mélancolie accentuée par la recherche visuelle en arrière plan. Il clôture une édition lumineuse, intense en soleil et vibrations sonores, qui aura respecté ses promesses et lance de la meilleure des manières la saison des festivals.

Le Bilan

Côté concerts

Les défricheurs
Agar Agar, leur prestation reste un objet musical non identifié mais terriblement innovant et prometteur pour la suite

La sauvage
Solange, ses chorégraphies endiablées devant une foule brûlante

L’émotionnel
Benjamin Clémentine, une prestation sophistiquée et touchante

L'incontournable
Justice, un savoureux récital de tubes revigorant

L’expérimentateur
Nicolas Jaar, une montée en décibels vertigineuse

Côté festival 

On a aimé :
- Le soleil au rendez-vous et le cadre verdoyant
- Les précautions prises cette fois par l'organisation contre la chaleur : des espaces sous tentes ombragés et des brumisateurs salutaires
- Le respect des valeurs du festival : activités ludiques et éco-responsables, pas d’impressions de plans et de programmation, tri sélectif et toilettes sèches
- Le line-up, éclectique et très international
- Le think tank : cet espace de discussions et de réflexions réunissant conférences, ateliers et créations artistiques

On a moins aimé :
- Le manque d'informations : pas de « Points info » central dans le festival, et une application mobile pas assez mise en avant
- Les problèmes d’attente aux bars et restaurants
- Les prix excessifs des boissons
- La fin des navettes pour aller et venir au festival, qui nous donne des ampoules et nous oblige à partir avant la fin des derniers concerts pour attraper les derniers transports en commun

Conclusion

Après une succession de faux pas, il était indispensable pour We Love Green de rectifier le tir cette année. Et on peut dire que c'est une réussite. Cette édition aura planté les germes du renouveau, malgré quelques imperfections tenaces comme le manque d'informations, l'attente et les prix. Au-delà du soleil qui ne nous aura pas quitté du week-end, on retiendra surtout une programmation susceptible de faire le bonheur de chacun, la nature qui reste au cœur des débats et de quoi augurer de nouveautés et d’améliorations florissantes l’année prochaine.

Récit et photos : Orianne Bezert et Anna Cortese