On était à
Paco Tyson 2ème round, un KO d’anthologie

Pour son retour aux affaires, Paco Tyson avait gardé la même recette, des petits beurres nantais et la crème de la crème nationale et internationale. Un résultat riche, consistant et surprenant à la Chantrerie de Nantes partagé entre les 17 000 festivaliers pour des trajettes, uppercuts et autres crochets durant tout le weekend.

Jour 1. 22h04, Noël au balcon, Pâques au tison

Temps maussade et crachin breton, le festival n’aura jamais aussi bien porté son nom. A mesure que l'événement se rapproche, la météo se dégrade. Munis de nos K-way et autres cirés, et fort d’un apéro en guise d’échauffement, nous filons récupérer le bus. Un premier plein, on prend le second : on s’y engouffre sans être contrôlés. Quelques bouteilles jonchent le sol collant, l’ambiance est festive et les premiers chants font leur apparition. Rien de mieux pour réviser la compile de la Compagnie Créole ! Aux alentours de 23h00, les chiens sont lâchés du côté de la Chantrerie. Le site est déjà investi par de nombreux festivaliers qui flânent sur les pelouses et parkings du campus universitaire. L’excitation est palpable.

23h22, l’entrée dans l’arène

On accède au site sans accroc, un peu plus pour ceux sans accred’. La première tente montre le bout de son nez et les installations lumineuses nous guide dans notre périple. Nous découvrons le lieu avec enthousiasme. Le terrain est bosselé et boueux, nos sneakers s’en souviendrons ! Comme (trop) souvent, on a omis de créer nos comptes cashless avant le jour J. Tant pis, ce soir on comptera sur nos potes prévoyants, repoussant l’effort au lendemain. Nous faufilant entre les groupes de festivaliers déjà nombreux, on se dirige en direction du Dôme. La pluie devenant intense, il faut se faire une place en intérieur. Le parisien et habitué des grands clubs de l’hexagone Jef K délaisse peu à peu sa house pour une fin de set plus rythmée avec en prime l’utilisation du reverse à bon escient. L’attente devient énorme au fur et à mesure que le temps passe.

00h02, Laurent coups pour coups

L’ovation est manifeste pour Laurent Garnier, l’un des pionniers de la musique électronique en France, et déjà cinquantenaire. Afin attirer de telles pointures, les organisateurs du Paco Tyson ont dû pousser les murs augmentant les capacités d’accueil, et relever légèrement le prix des billets. Retour sur le ring, l’artiste est très concentré. Main droite sur la table de mixage, main gauche à l’horizontal comme pour contrer les assauts et nous distiller des claques bien senties. En ce début de set, Garnier penche plutôt du côté des tracks étiquetés Tech House. Au bout d’une quarantaine de minutes, assoiffés, on esquive les bars assiégés. Il faut opter pour une autre stratégie : la Mutation stage, hébergeant les producteurs de musiques hard et transe. Changement d’atmosphère, cette fois la bâche couvre l’ensemble du chapiteau. L’humidité ne tombe pas et la température reste agréable. Une haute cage lumineuse renferme Svetec qui nous assomme à grands coups de basses dont il a le secret. Pinte de Heineken à la main au prix de 6€ (hors consigne), on restera une dizaine de minutes profitant de la performance live du cogneur.

00h55, une reprise avec fraîcheur

Pas simple d’avoir une discussion dans ces conditions, Svetec frappe fort et juste. Fin du round, on reprend nos esprits avec La Fraicheur, après un détour par les toilettes… ou plutôt les barrières délimitant le site. Quoi ? C’est les autres qui nous ont dit… La DJ désormais installée à Berlin, perchée sur la Velvet stage (scène à 360°) transcende les spectateurs venus nombreux. Sous sa casquette noire, elle gesticule et donne vie à sa musique. Sur la fin de son show, elle dévoile un panel éclectique, sons breakés, house avec vocale et même de la dub. La fringale nous sciant les jambes, on fait escale au niveau des bus installés à l’occasion. Au premier abord, l’option burger frites nous semble peu judicieuse. Finalement on se laisse tenter. Les 9€ valent le coup ! On engloutit notre dû fait maison, véritable plaisir pour les papilles.

01h51, les dés sont jetés

Retour sous le dôme, celui-ci laisse apparaître sa très belle scénographie composée notamment de dés géants et de spots très performants. Les festivaliers en prennent plein les mirettes, d’autant que Laurent Garnier assène ses derniers coups de boutoir. L’étau se resserre et il devient compliqué de se frayer un chemin pour se rapprocher. Les visages sont souriants ou grimaçants ou les deux. Spielberg tient là quelques rares spécimens de son prochain Jurassic Park. L’ovation finale laisse présager que le poids lourd a réussi son combat. Au micro, il nous gratifie même de quelques mots de remerciement. Pas de temps à perdre, on file descendre une « canette » sous la Velvet stage. L’attente est courte, fort heureusement. Ce chapiteau principalement dédiée à la house arbore un grand nombre de boules disco. L’occasion est belle puisque Shanti Celeste avait sorti son pantalon pattes d’eph’. Après des passages aux influences breakbeat, qu’elle tire d’outre-manche, le funk fait son apparition pour une fin de set époustouflante !

04h33, pugilat entre spectateurs

Alors que des groupes posent un cul sur le sol au graphisme psychédélique assez incroyable, un mouvement de foule se déplace tranquillement mais sûrement vers la main stage. Au loin, on aperçoit une bonne dizaine de personnes sur les planches, bouteilles à la main. Intrigués, on se rapproche et remarque Ricardo Villalobos entourés de ses potes. Pour sa première venue sur le sol nantais, suite à l’invitation de Jef K, le germano-chilien lâche quelques pépites de micro house. Probablement très concerné par le bien être de ses confrères, il convie le parisien ainsi que notre Lolo national qui tour à tour sortent leurs plus belles frappes. Ce dernier reprend les rênes et nous gratifie de Freak like me – Lee Walker vs DJ Deeon. Le combat se termine peu après 5h30, dommage on aurait bien repris du dessert ! A peine redescendu, la sortie est plus périlleuse. Il nous faudra attendre pratiquement une demi-heure pour monter dans un bus avant de se faire déposer à une station de tram et enfin arriver dans le centre-ville.

Jour 2. 19h50, premiers arrivés, premiers placés

En bons élèves que nous sommes, nous arrivons les premiers (ou presque) sur place. L’ouverture des grilles est à 20h pétante. Le site étant encore vide, on se permet une petite virée au coin chill pour profiter d’un plus large choix de bières. 8 sesterces et on s’envoie une pinte de Lagunitas IPA, un régal ! Le boom bus ainsi que des structures en bois en guise de bancs sont installés sur l’emplacement. L’espace plein air est situé à l’entrée du festival, à l’écart des sound system des différents chapiteaux. La population vient échanger, assis, debout ou bien même allongés sur les petits toboggans. L’ambiance est conviviale, on prend même le temps de répondre à un questionnaire sur les pratiques illicites en festivals.

21h53, les challengers assurent le warm up

Aujourd’hui, le temps est plus clément, et on ne s’en plaint pas. Des copeaux ont été judicieusement déposés sur les zones boueuses. En début de soirée, les petits beurres sont à l’honneur, une manière de découvrir les artistes de la scène locale. Moody, sous le Dôme et devant un public clairsemé, en est à la moitié de son set. Ses influences rock et post punk l’incitent à alterner les styles avant d’entrer dans une musique plus dure et énervée. Chose promise, chose due, on s’écarte afin de recharger notre comptes cashless. Véritable dilemme lorsqu’on vous demande « Tu veux mettre combien sur ta carte ? ». On se lance dans des opérations arithmétiques qui n’ont pas grande valeur passée une certaine heure. Un crochet par la Velvet où les gars sûrs MLC (2ème édition) et Clayton Guifford balancent leur house sur fond de percussions. On exécute quelques pas de danses chaloupés pour se mettre en jambes. A noter tout de même que la proximité de la scène renforce les échanges entre spectateurs et artistes. Chaleur oblige (bon ok il faut pas exagérer, il fait tout au plus 15°C), on ne refuse pas une Despé. Il faut tout de même débourser 7 balles…

23h41, coup de coude et apéro kick

Alors qu’on nous fait signe du bras de se rapprocher du dôme, toujours pas de signe de pluie. Tant mieux, on appréciera la performance d’In Aeternam Vale à ciel ouvert. Son live progressif teinté de synthés finit en beauté, le rythme est rapide et entraînant. Dommage qu’on ait débarqué sur le tard… Afin de continuer l’échauffement, nous décidons de retourner au bar du chill out faire quelques exercices. Une session de hip-hop old school nous accompagne dans notre effort. Elysse envoie du très lourd rap kainry et uniquement sur vinyles. L’atmosphère est davantage décontractée, on croise quelques potes dont on devine aux cernes qu’ils étaient présents la veille. Il est encore l’heure où l’on épargne nos fringues d’un accident de bière. Pour combien de temps ?

00h54, travail au corps

L’afflux massif de festivaliers devient désormais visible. Cela nous oblige à slalomer entre les groupes stationnés sur les coins d’herbes frais. Ce soir, les gens sont d’autant plus bruyants, moins guindés. L’occasion de sortir son plus beau déguisement du placard et de se maquiller le visage. Au pied de la grande scène, Ellen Allien jette toutes ses forces dans la bataille, à base de techno aux sonorités acides. Le tapage de souliers devient la norme pour un grand nombre. On observe également quelques pistoleros laissés en liberté. On opte finalement pour une petite macarena en famille.  Un détour par la Velvet stage quasi saturée, François X et Antigone s’affrontent lors d’un set exclusif house. La réalité est quelque peu différente à notre arrivée, bien que des séquences groovy font leur apparition au fil des minutes.

02h12, un jeu de jambes impeccable

A la suite d’un nouveau ravitaillement, nous prenons le temps de lire la timetable. La tactique choisie nous conduit jusqu’à Jayda G. Encore peu connue, la canadienne et résidente berlinoise dévoile un éventail de styles impressionnant : dance, house, disco… En prime un track de derrière les fagots Ain't no mountain high enough - Inner life. La DJ partage son énergie avec le public. Elle s’agite, danse et chante derrière les platines. Quelle claque ! Dans un registre semblable malgré une dominance de basses, l’ancien de la Motor City, Robert Hood révise ses classiques sous la grande tente. Baisse sa gauche et lève la droite. Tout ça est exécuté de manière irréprochable et d’une rapidité déconcertante. Belle technique, les faders s’en souviennent encore ! Pas tout à fait rassasiés, on fait escale sous la Mutation Stage. Notre entrée est assez périlleuse tant la foule est dense à l’intérieur. Il fait d’ailleurs chaud et l’air est humide. Toujours est-il qu’en ce weekend de teknival, le treillis est à la mode ! Vini Vici ne tergiverse pas. Leur transe assure des boucles courtes, répétitives et une cadence effrénée.   

04h34, en cas d’égalité, il n’y a que les poings qui comptent

A peine remis de nos émotions, les deux anglais Blawan et Pariah nous attendent sous le Dôme pour un final qui s’annoncent ultra bouillant. Ils présentent leur live techno analogique Karenn. Les mains sont synchronisées, les deux hommes connaissent leur partition sur le bout des doigts. La performance se déroulant, le volume augmente sensiblement.  Des espaces se forment entre les festivaliers ce qui nous permet d’atteindre le devant de la scène sans trop d’embuches. Le closing est incroyable, le public sent que la fin approche, puis… Les organisateurs et les artistes du soirs viennent tour à tour sur le devant de la scène, la joie des festivaliers est communicative. Personne n’a envie de repartir chez soi. Au sortir du festival, des afters s’organisent. KO technique.

Le Bilan

Côté concerts

Tony Yoka
Le passage dans la catégorie pro se précise pour Moody.

Cécilia Braekhus
Jayda G a une énergie hors du commun.

Marcel Cerdan
Seul un accident peut stopper Laurent Garnier.

Maïva Hamadouche
Shanti Celeste met les poings sur les i !

Anthony Joshua
Vini Vici tape jusqu’au KO, puis tape encore.

Côté festival

On a aimé :
- L’offre alternative aux festivals urbains de la région
- La qualité et l’exhaustivité de la scène musicale nantaise
- L’ambiance sous chapiteau, clairement quelque chose en plus

On a moins aimé :
- La nouvelle scène house, celle de l’an passé était juste somptueuse…
- La bière (Bière du Bouffay vs Heineken), et pour 1€ de plus
- L’absence de cashless dans les stands de bouffe

Infos Pratiques

Prix de la bière
3,5€ la Heineken, 4€ la Desperados

Prix du vin
3€ le verre

Prix de la nourriture
9€ le Burger frites maison

Prix du festival
Jusqu’à 37€/soir

Transports
Bus C6 - arrêt Chantrerie

Conclusion

Paco Tyson from L.A. sonne comme un événement de superstars avec un show à l’américaine. Détrompez-vous, c’est encore mieux que ça. Ça sent le foin et l’humidité sous les bâches, les températures sont fraîches et nos chaussures noires de boue. Le combat fut rude et acharné mais la victoire est là, au bout de l’effort ! Pas de superflu, juste des gens qui se battent pour exister et faire exister le festival malgré d’autres poids lourds. Urbains et ruraux spéculent déjà sur la prochaine édition. Ça tombe bien, nous aussi à croire que les coups reçus ne nous ont pas suffis ... 

Un article de Florian Lebreton. 
Photos de Manon David.