On était à
Marsatac, la maturité d’un festival majeur

Marsatac  grandit, Marsatac vieillit et Marsatac se bonifie.  Pour son passage à la majorité, le festival a placé son édition sur le thème « entre chien et loup » : ça tombe plutôt bien puisqu’une meute de 20.000 festivaliers s’y sont donnés rendez-vous. Une programmation sans fausses notes, une organisation à la limite de la perfection : retour sur nos deux jours dans la friche du plaisir auditif.

Jour 1. 23h25, premiers pas dans la friche

L’arrivée à Marseille se fait tardivement. Le festival étant un vrai rendez-vous urbain, c’est à quelques minutes à pieds  que l’on pose nos valises dans notre location du week-end. Depuis plusieurs années,  Marsatac qui a beaucoup voyagé dans la cité phocéenne, s’est installée à la Friche Belle de Mai. Ce superbe lieu authentique aux allures underground fait partie intégrante du festival. Entre béton et déco électrique, on est vite mis dans l’ambiance. Mais pas le temps de faire du tourisme, Chinese Man électrise la Cartonnerie et on a déjà raté un bon morceau du concert. Comme d’habitude, le groupe emporte tout sur son passage, alors que Youthstar et Tumi au micro font sauter le public jusqu’au fond de la salle.

00h20, Gnucci ambiance le club

La Friche est assez étendue, mais le passage d’une scène à l’autre se fait tranquillement. Les allées sont parfaitement décorées, aussi bien avec des effets visuels que sonores. Ces bruits un peu psychés dans le couloir entre le Cabaret e le Club ont d’ailleurs de quoi en faire bader plus d’un ! C’est justement dans le Club, cette salle aux multiples poteaux en béton qu’on retrouve Gnucci (photo). La jeune Suedoise se fait attendre et son dj nous occupe comme il peut entre du Rihanna et du Kevin Little. Un bon quart d’heure plus tard elle débarque en foutant le feu avec un rap puissant appuyé par des gros beat électro. Entre Skip&Die et Mia, Gnucci fait partie de cette nouvelle génération qui bouscule tout et qui est prête à tout pour prendre le pouvoir. Une future grande ? On l’espère pour elle même si elle n’a pas vraiment rassemblé les foules à Marseille.

01h45, les Zombies mettent tout le monde d’accord

La pause bière s’impose avant de continuer cette première soirée. On va donc échanger nos euros contre des tickets pour jouir d’une pinte à 6 €. Correcte. On aurait aussi pu télécharger l’application mobile qui nous permet de payer avec notre téléphone, mais soyons honnête, on ne comprend pas bien l’intérêt de proposer plusieurs systèmes de paiement.  Surtout quand celui-ci ne fonctionne qu’au bar. Un bracelet ou une carte utilisable partout comme seul moyen de paiement aurait probablement été plus pertinent.

A peine le temps de se rafraichir qu’on prend en pleine face la tête d’affiche de la soirée : Flatbush Zombies (photo). Les grands noms du rap n’ont qu’à bien se tenir, la relève est assurée. On n’en a jamais douté à l’écoute de leurs morceaux, on est maintenant convaincu quand on les voit sur scène. Le trio balance ses titres et fait monter la Cartonnerie de 10 degrés. Ca lève les mains comme dans 8 Miles, ca grimpe aux structures et ça reprend Palm Trees en cœur dans le public. Le hip hop est à Marseille ce soir, et il a trouvé son public.

03h35, les filles ont pris le pouvoir

A peine remis de la claque des Flatbush Zombies, on enchaîne avec Flava D (photo). La jeune dj devenue incontournable dans la UK House nous balance un set dansant qui nous fait taper du pied pendant presque une heure. Même si elle reste le nez dans ses platines pendant l’intégralité de son set, Flava enchaîne les titres qui rebondissent et ricochent sur les murs de la Cartonnerie.  

Les femmes sont à l’honneur ce soir. Dans la petite et chaleureuse salle du Cabaret on retrouve Alo Wala. Entre dancehall, chant tribal et rap, le groupe emmené par la chanteuse Shivani Ahlowalia fait danser la salle dans une belle ambiance. Partageuse, elle va jusqu’à faire montrer une dizaine de mecs sur scène pour son titre phare City Boy. On aurait pu s’arrêter là et terminer la soirée la dessus,  mais la curiosité nous pousse à jeter un œil au set de Dj Fly et Dj Netik. Une session de scratch de haut vol à la Beat Torrent entre électro, techno et drum magnifiquement conclu par un remix de The Prodigy. On n’est pas déçu d’être resté jusqu’au bout !

Jour 2. 22h20, Thylacine a tout d’un grand

On arrive un peu plus tôt en ce samedi soir. Fini le hip hop et la bass music, place à l’électro et la techno. Dans la Cartonnerie, Thylacine (photo) est aux manettes d’une foule complètement acquise à sa cause. Avec deux ans de tournée des festivals et la sortie de son album Transsiberian, tout sourit au jeune Angevin qui enchaîne les dates. Tantôt aux machines, tantôt au saxo, le garçon prend un vrai plaisir à nous faire sauter avec lui. L’artiste et le public ne font plus qu’un et les frissons nous prennent quand la foule n’arrête pas de crier sur sa génialissime session batterie. Le garçon est généreux et talentueux. On en redemande !

Le début de soirée est un peu « speed », tout s’enchaîne. Dans le Cabaret, on retrouve Flavien Berger. Pleine à craquer, la salle est brulante. Seul sur scène avec ses machines et son micro, il nous transporte dans son univers retro. On chante avec lui sur la Fête Noire avant qu’il ne vienne s’installer avec le public au milieu de la salle. On en ressort transpirant et trempé, Marsatac est une fournaise ce soir.

23h45, la belle techno de Richie Hawtin

Vient le moment d’aller voir Mstrkrft. Soyons clairs, avant de les voir sur l’affiche on se demandait où ils étaient passé depuis 2008. Le duo n’a pas beaucoup changé, à l’écoute du set on repart 10 ans en arrière. Rien de nouveau donc, et on en profite pour aller faire un tour Place des Quais (photo). Cet espace en haut de la Cartonnerie, la seule scène en plein air, est un endroit où l’on peut chiller au calme en mangeant un burger. D-Mood Records s’occupe de pousser les disques, l’ambiance est tranquille avec des sons old school. Parfait pour prendre des forces avant le reste de la soirée.

Un des événements du soir et le live de Richie Hawtin. Non pas parce qu’il est particulièrement rare, mais parce qu’il présente un live visuel inédit. Eclairé par des lumières dans son dos pour n’apercevoir que sa silhouette, le dj anglais est diffusé en direct sur l’écran de la scène avec des images déformées et des visuels intégrés. Un superbe live où l'on prend autant de plaisir visuel qu'auditif. Malgré tout le son est vraiment monté d’un cran ce soir, dans la Cartonnerie et il est impossible d’apprécier les concerts sans protections. Dommage tout était presque parfait.

02h20, la friche toujours à fière allure

En naviguant d’une scène à l’autre on note l’accent mis sur la déco. La friche est grande et les passages sont nombreux mais rien n’est laissé au hasard. De la vidéo projection, le rappel de la charte un peu partout, des éclairages travaillés dans les espaces verts, on peut tirer un coup de chapeau aux collectifs qui gèrent la scèno du lieu, sur et en dehors des scènes. Après un rapide passage non convaincant sur George Fitzgerald, c’est devant Agoria et un b2b audacieux avec Louisahhh qu’on fait escale. Le duo franco-américain créé pour l’occasion nous sort un set déséquilibré où les passages d’Agoria sont bien plus entrainant que ceux de Louisahhh, trop mou à notre goût. 

03h55, dernières claques avant de partir

La fatigue se fait ressentir, mais Chris Liebing (photo) va vite nous la faire oublier. La scène parait d’ailleurs trop petite pour lui, la salle étant tellement remplie que la sécurité est obligée de la fermer. Dans le club le dj joue une techno puissante. Mais en termes de puissance c’est auprès de Comah qu’on trouvera notre bonheur. Le français fracasse littéralement tout sur son passage. De quoi nous achever comme il faut après 2 soirs de fête.

Le bilan

Coté concert

Ce mec a de l’avenir
Thylacine, un jour les programmateurs se battront pour l’avoir

Le hip hop made in USA
Flatbush Zombies, du vrai rap US qui claque

Les as du scratch
Dj Fly et Dj Netik, bravo

Bravo les filles
Flava D, Alo Wala, Gnucci, la femme est l'avenir de l'Homme. 

Rien n’a changé
Mstrkrft, bloqués en 2008

Côté festival

On a aimé

- La communication du festival : tout est charté et repris sur le festival, c’est beau
- La friche parfaitement décorée
- Un programme qu’on ne voit pas ailleurs avec une soirée hip-hop : merci !
- Un aménagement malin, étendu mais pas trop pour étirer le public et éviter les mouvements de foule. On s'y sent toujours à l'aise.

On a moins aimé

- Le service cashless proposé : pas pertinent si il n’est pas obligatoire et unique
- Le son bien trop fort le samedi soir
- Les "tu veux un truc" permanent

Conclusion

C’est un peu devenu une tradition. Chaque année, on va terminer notre été sous le soleil marseillais. Après 18 éditions, le festival arrive encore à nous surprendre et continue de nous proposer un événement différent qui nous fait oublier, le temps d’un week-end, que l’été est fini. L’an prochain Marsatac change de lieu mais surtout change de dates. On espère que ce passage en évènement estival ne lui fera pas perdre son identité et sa belle ambiance. Mais c’est aussi ça un événement en mouvement : il sait se mettre en danger pour ne pas s’endormir.

 

Récit de Quentin Thomé
Photos: Maxime Berard et Marsatac (Chris Liebing)